Le marché de l’occasion numérique reste à inventer

En fait. Le 9 juin, l’avocate Josée-Anne Bénazéraf nous a indiqué qu’elle ne savait pas quand la commission spécialisée du CSPLA sur « l’apparition éventuelle d’un marché secondaire des biens culturels numériques » achèvera ses travaux.
Elle et la professeure Joëlle Farchy sont censées les terminer en juillet.

Josée-Anne-BénazérafEn clair. La lettre de mission de Josée-Anne Bénazéraf (photo) et de Joëlle Farchy, chargées il y a près d’un an de mener à bien les travaux d’une « commission spécialisée sur les enjeux aussi bien juridiques qu’économiques de l’apparition éventuelle d’un marché secondaire des biens culturels numériques », fixe bien une échéance à juillet 2014.
Mais l’incertitude apparaît quant au respect de la période de remise au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) du rapport, lequel est supervisé par Alexandre Segretain, conseiller au tribunal administratif de Paris.

YouTube « Music Pass » sous la menace d’une plainte

En fait. Le 23 mai, l’ultimatum lancé contre YouTube par la Worldwide Independent Music Industry Network (WIN) est arrivé à échéance. Les producteurs de musique indépendants qu’elle représente au niveau mondial menacent de saisir la Commission européenne sur les « rémunérations inéquitables » imposées.

En clair. Selon différentes sources, YouTube, s’apprête à lancer cet été son service payant de streaming musical qui devrait être baptisé «Music Pass » et proposé moyennant 5 dollars par mois avec publicité ou 10 euros par mois sans. Mais pour se lancer à l’assaut du marché mondial de la musique en streaming en pleine croissance
et dominé par le suédois Spotify, le numéro un des plateformes de partage vidéo doit boucler d’ici l’été prochain des accords avec les producteurs de musique. Si les contrats avec les trois majors « du disque », Sony, Warner et Universal, sont négociés directement et séparément, il n’en va pas de même avec les producteurs indépendants. Il est en effet proposé à ces derniers un contrat type avec « la menace explicite que leurs contenus seront bloqués sur la plateforme [YouTube] si ce contrat n’est pas signé ». C’est du moins ce qu’a rapporté le 22 mai dernier la Worldwide Independent Music Industry Network (WIN), organisation mondiale des producteurs de musique indépendants.

Le manque de vision musicale coûte cher à Apple

En fait. Du 2 au 6 juin s’est déroulée la grand-messe des développeurs d’Apple,
la Worldwide Developers Conference (WWDC). Mais au-delà des nouveautés et du futur iOS 8, la marque à la pomme a dû aller chercher en dehors de son écosystème le relais de croissance potentiel qui lui fait défaut : Beats.

En clair. S’entourer de milliers de développeurs, en plus de ses équipes internes de R&D, n’a pas suffit à Apple pour trouver le chaînon manquant pour assurer l’avenir de son écosystème iTunes lancé il y a onze ans. Le groupe californien dirigé par Tim Cook a en effet dû faire le plus gros chèque de son histoire pour s’acheter une sorte d’« assurance vie ». Il s’agit de l’acquisition de la société Beats Electronics, cofondée par Jimmy Iovine et le rapper Dr. Dre, qui apporte à la marque à la pomme non seulement des casques stéréos branchés (dans tous les sens du terme !), mais surtout une service de streaming musical lancé le 21 janvier dernier.
Bien que « Beats Music » compte à peine plus de 250.000 abonnés payants, là où
Spotify en revendique 10 millions, il permet à Apple de monter dans le train en marche
du streaming pour laisser sur le quai le téléchargement dépassé. Mais le billet est hors de prix : 3 milliards de dollars, avec le recrutement des deux cofondateurs de Beats. Ironie de l’histoire, Jimmy Iovine – qui fut ingénieur du son de John Lennon ou de Bruce Springteen avant d’être producteur de Patti Smith, Dire Straits ou encore du groupe U2, et fondateur du label Interscope (1) – aurait convaincu Steve Jobs, le feu fondateur d’Apple, de lancer en 2002 la boutique en ligne iTunes, qui s’imposera comme le numéro un mondial du téléchargement de musique. On connaît la suite : Apple n’a pas su voir dans le streaming une nouvelle pratique de consommation de la musique en ligne, s’endormant sur ses lauriers du téléchargement et sa rente de situation. Aujourd’hui, ce manque de vision coûte très cher à la firme de Cuppertino. Le service de streaming iTunes Radio, bientôt
en Europe, fut lancé trop tardivement aux Etats-Unis.
Car c’est un fait acquis : le téléchargement de musique est en déclin au profit du streaming. Selon l’IFPI (2), le chiffre d’affaires mondial du streaming musical représente
27 % des revenus numériques en 2013, soit 642,8 millions d’euros. Ceux du téléchargement ont baissé l’an dernier de 2,1 %, pendant que ceux du streaming et
des abonnements faisaient un bond de 51,3 %. Spotify et Deezer, les deux pionniers
du streaming, ont franchi pour la première fois en 2013 le milliard de dollars de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, 450 services de streaming sont proposés dans le monde.
En attendant YouTube Music (lire ci-dessous), et, d’après BuzzFeed, Amazon
Music cet été. @

Eric Walter, Hadopi : « On ne peut plus légiférer en 2014 contre le piratage comme on l’a fait en 2009 »

La Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) aura 5 ans le 12 juin. « Si c’était à refaire aujourd’hui, le texte serait sans doute différent » nous dit son secrétaire général, qui dresse un bilan
« largement positif » avec le piratage « stabilisé ». Le nombre de 100 dossiers transmis à la justice est atteint.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Eric WalterEdition Multimédi@ : La loi Hadopi du 12 juin 2009, instaurant
la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, a 5 ans dans quelques jours. Quel bilan faites-vous de ce texte de loi très controversé ? Si c’était à refaire, faudrait-il l’adopter en l’état ?
Eric Walter :
Je n’ai pas à faire le bilan du texte. C’est une responsabilité qui appartient au législateur.
En revanche, nous pouvons dresser un bilan de la mise en oeuvre.
Il est largement positif, au delà des controverses qui, pour beaucoup, se nourrissent d’approximations voire souvent d’erreurs.
Le téléchargement illicite est désormais stabilisé. Nous ne nous en attribuons pas tout
le mérite, mais que l’existence même d’Hadopi et les débats qui l’ont entourée y aient contribué me semble une évidence difficile à contredire.

Musique : le streaming dépasse le téléchargement

En fait. Le 30 avril, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a présenté les chiffres du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2014 : – 7,1 % à 100,3 millions d’euros, dont 32,9 millions pour les ventes numériques (+ 6,6 %). Mais le streaming inquiète quand même.

En clair. Les revenus du streaming sur le marché de la musique en ligne bondit (+ 40 % à 16,5 millions d’euros) pour devenir – pour la première fois en France – le premier moyen d’écoute musicale sur Internet : un peu plus de la moitié (50,08 %) des revenus numériques proviennent en effet de ce mode d’écoute de flux audio, bien qu’il représente encore seulement 16,5 % du marché global. « Le streaming est à lui seul le moteur de la croissance des ventes de musique numérique », a souligné Guillaume Leblanc, DG du Snep. L’année 2013 avait amorcé le « fléchissement du téléchargement » (1). Cependant, cette migration des usages du téléchargement vers le streaming préoccupe les producteurs de musique du Snep (2) car la croissance se fait plus en faveur du streaming gratuit financé par la publicité (+ 43,8 %), mais moins rémunérateur pour l’industrie musicale, qu’au profit du streaming par abonnement (+ 38,3 %) aux revenus plus élevés. Bien que la France compte « entre 1,5 et 2 millions d’abonnés » à un service de streaming musical (y compris les abonnements inclus dans un forfait comme Deezer avec Orange), ce segment a de plus en plus de mal à attirer un public habitué à la gratuité.