La radio numérique terrestre (RNT) est lancée malgré le tir de barrage des grandes radios privées nationales

Le Bureau de la radio, qui représente Lagardère, RTL Group, NRJ Group et NextRadioTV, aura tout tenté pour discréditer – voire annuler avec le recours
de NRJ devant le Conseil d’Etat – la RNT lancée le 20 juin. Le Sirti, syndicat
des radios indépendantes, en appelle aux pouvoirs publics.

Par charles de Laubier

Malgré l’hostilité des groupes de radios privées nationaux que sont Lagardère (Europe 1/RFM/ Virgin Radio), RTL Group (RTL/RTL2/Fun Radio) NRJ Group (NRJ/Chérie FM/Nostalgie/Rire & Chansons) et NextRadioTV (RMC/BFM Business).
Malgré l’absence de Radio France pour laquelle le gouvernement n’avait pas préempté de fréquences.
Malgré les tergiversations des pouvoirs publics qui, depuis cinq ans maintenant, promettaient la radio numérique terrestre (RNT) prévue par la loi depuis… dix-huit
ans (1).

Recours de NRJ devant le Conseil d’Etat
Malgré les valses hésitations du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pourtant commanditaire de trois rapports sur la radio numérique (rapport Kessler de mars 2011, rapport Tessier de novembre 2009 et rapport Hamelin d’octobre 2009), sans oublier une consultation de la DGMIC (ministère de la Culture et de la Communication) en octobre 2012 sur la norme technique à utiliser.
Malgré tous ces freins et obstacles, la RNT prend enfin son envol en France (2) le
20 juin 2014 à Paris, Marseille et Nice. Mais ce coup d’envoi historique ressemble
plus à un ball-trap, dont les plateaux en argile sont les 107 nouvelles radios, qu’à un lancement orchestré comme pour la TNT.
« Les groupes nationaux, le CSA et le gouvernement semblent s’être entendus pour briser ce lancement », a dénoncé le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) le 28 mai dernier, après avoir appris ce que Edition Multimédi@ révélait dès le 12 mai (3). A savoir que le groupe NRJ avait déposé le
19 juin 2013 devant le Conseil d’Etat un recours pour « excès de pouvoir » à l’encontre du CSA, lequel avait finalement délivré le 15 janvier de la même année 107 autorisations d’exploiter un service de RNT. Pour le groupe de Jean-Paul Baudecroux, « ces autorisations sont illégales en raison notamment des fortes incertitudes entourant ce projet ». Pourtant, NRJ fut par le passé candidat à la RNT ! Mais la première radio de France (en terme d’audience, selon Médiamétrie) avait retiré sa candidature en mai 2012, là aussi « face aux très importantes incertitudes économiques et techniques entourant le projet ». Ce recours devant la Haute cour administrative, le groupe NRJ
– coté en Bourse – en a fait état pour la première fois dans son document de référence 2013 publié le 28 mars par l’AMF. Et dans la section « Risques liés à l’environnement économique et à la position concurrentielle » de ce même rapport annuel, la RNT y est en fait redoutée comme pouvant « éventuellement modifier les équilibres concurrentiels actuels ». Le Bureau de la radio, qui représente Lagardère, RTL Group, NRJ Group et NextRadioTV, aura tout tenté pour jeter le doute sur la viabilité économique de la RNT. Son président, Michel Cacouault, a envoyé à la presse le 16 juin dernier une « note relative à l’absence de perspective pour la radio numérique terrestre », en Europe comme en France. Les grandes radios privées craignent en réalité que le gâteau publicitaire, déjà en diminution, ne soit à partager avec un plus grand nombre de radios – les historiques et les nouvelles entrantes. « Sans subventions publiques conséquentes, la RNT, dans son schéma actuel, n’a aucun avenir », affirme Le Bureau de la radio pour discréditer l’appel au gouvernement en faveur de la RNT lancé par le Sirti, lequel compte plus de 150 membres (essentiellement des radios indépendante, locales, régionales ou thématiques). L’absence de Radio France serait pour les grandes radios privées une preuve supplémentaire que « les doutes » qui pèsent sur l’avenir
de la RNT, de même que « les échecs » à l’étranger (Etats- Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Belgique et Autriche), ne plaident pas en faveur de la RNT. Quelques
jours plus tôt, Le Bureau de la radio diffusait un artiche du quotidien britannique
The Telegraph considérant la technologie DAB+ «mort-née » (4). Mais les 107 radios retenues pour Paris, Marseille et Nice ne l’entendent pas de cette oreille. Le Sirti, estimant que « le silence assourdissant du gouvernement et incompréhensible »,
a réussi à partager son désarroi le 17 juin en présence de trois membres du CSA (5)
et du député PS Marcel Rogemont.

Paris, Marseille et Nice : expérimental ?
Le Syndicat des entreprises de commerce international de matériel audio, vidéo
et informatique (Secimavi) et TDF ont aussi été appelés en renfort pour rassurer sur
la réalité respectivement des récepteurs et de la diffusion des multiplexes. Quoi qu’il
en soit, le CSA –qui considère encore le lancement à Paris, Marseille et Nice comme
« une phase expérimentale » – rendra « à l’automne » (avec près d’un an de retard) son rapport « RNT » au Parlement, en attendant de lancer des appels à candidatures dans d’autres villes de France. @