Guéguerre entre TF1 et Canal+ : la diffusion en ligne des chaînes gratuites devant la justice

C’est une manie de Maxime Saada, président du groupe Canal+ (Vivendi/Vincent Bolloré) : arrêter la distribution des chaînes du groupe TF1 lorsqu’il ne trouve pas d’accord commercial de diffusion avec ce dernier. C’était arrivé en 2018 ; c’est à nouveau le cas depuis début septembre.

Le groupe Canal+, non seulement éditeur de la chaîne cryptée éponyme mais aussi diffuseur de 150 autres chaînes en France via son service en ligne MyCanal (par ADSL, fibre, câble, …) ou via son TNT Sat (par satellite), n’y va pas par quatre chemins lorsqu’il ne trouve pas d’accord commercial avec les éditeurs de chaînes qu’il distribue : il les coupe. En somme, ce sont les téléspectateurs de ces chaînes-là – TF1, TMC, TFX, TF1 Séries films et LCI en l’occurrence – et qui plus est abonnés aux plateformes MyCanal et TNT Sat, qui sont pris en otage. C’est en tout cas un moyen de pression de Canal+ sur TF1 pour acculer à ce dernier à négocier un accord raisonnable.

« Les chaînes gratuites doivent le rester » (Saada)
Maxime Saada (photo de gauche), le président du directoire du groupe Canal+, a justifié dans le JDD du 3 septembre dernier la décision annoncée la veille de « renoncer à la diffusion » des chaînes du groupe TF1 en France. « En 2018, nous avions été contraints de trouver un accord et de rémunérer les chaînes gratuites et les services du groupe TF1. Ce n’est pas faute d’avoir alerté alors sur le risque de voir augmenter sensiblement les demandes à l’échéance suivante, une fois acté le principe de paiement de ces chaînes. C’est exactement ce qui se passe : TF1 souhaite nous imposer une augmentation de 50 % de sa rémunération. Notre contrat étant arrivé à son terme le 31 août [2022], nous n’avions d’autre choix que de couper », at- il expliqué. Ce que reproche aussi Maxime Saada à la filiale audiovisuelle de Bouygues dirigée par Gilles Pelisson (photo de droite), c’est d’exiger que les contenus de TF1 soient visualisés dans sa propre application et non pas dans celle de Canal+. « Or nos abonnés ne souhaitent pas être contraints de multiplier les applications pour visionner leurs contenus », assure Maxime Saada.
Le groupe TF1 ne l’entend pas de cette oreille et a annoncé vouloir porter plainte. « Nous réfléchissons sérieusement aux suites à donner compte tenu du préjudice subi », avait indiqué le 5 septembre à Edition Multimédi@ une porteparole du groupe TF1. Deux jours après, la filiale audiovisuelle du groupe Bouygues confirmait avoir assigné en référé Canal+ devant le tribunal de commerce de Paris. Dans cette procédure d’urgence, la « Une » demande que soit rétablie sans tarder la diffusion de ses chaînes sur le service satellitaire TNT Sat de Canal+. Tandis que de son côté, l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, assure une médiation entre les deux parties pour que les chaînes de TF1 soient à nouveau disponibles auprès de millions d’abonnés de Canal+, dont ceux de MyCanal.
Qu’est-ce qui bloque ? Le 2 septembre, la filiale audiovisuelle du groupe Bouygues avait pris acte, tout en le « déplor[ant] fortement », de la décision du groupe Canal+ de « cesser la diffusion de ses chaînes et services ». Et de fustiger : « Canal + n’a pas souhaité conclure un nouvel accord de distribution des chaînes et services du groupe TF1 malgré des semaines de discussions et de négociations, faisant le choix de priver ses abonnés des chaînes et des services qu’ils payent dans leur abonnement » (1). Ce sont donc des millions de téléspectateurs qui reçoivent les chaînes du groupe TF1 via les plateformes de diffusion de Canal+. Cela représenterait pour la filiale télé de Bouygues jusqu’à 15% d’audience en moins. «Nos abonnés ont l’impression d’être pris en otage. Nous les comprenons », compatit Maxime Saada. Les chaînes TF1, TMC, TFX, TF1 Séries films et LCI sont cependant diffusées – en plus de la TNT (numérique hertzien) – sur les « box » par Bouygues Telecom (la société sœur de TF1 au sein de Bouygues), SFR (Altice), Free (Iliad), Orange, mais aussi par les plateformes Molotov et Salto. Elles sont également accessibles, avec leur service de télévision de rattrapage (replay), sur le site web MyTF1.fr et via l’application MyTF1 pour smartphones et tablettes. Autre argument utilisé par le patron du groupe Canal+ pour justifier le fait d’avoir coupé le signal des chaînes du groupe TF1 : le risque d’être attaqué devant la justice pour diffusion sans autorisation des chaînes de ce dernier. « Notre contrat étant arrivé à son terme le 31 août, nous n’avions d’autre choix que de couper. Nous avons vu ce qui s’est passé avec Molotov, attaqué en contrefaçon par TF1, et nous ne souhaitions pas nous retrouver dans cette situation », a expliqué Maxime Saada.

La jurisprudence « Molotov » (contrefaçon)
La plateforme numérique de télévision Molotov, rachetée en novembre 2021 par l’américain FuboTV, avait en effet perdu deux procès contre respectivement TF1 et M6 pour avoir poursuivi la diffusion de leurs chaînes alors que les accords avec les deux éditeurs de télévision étaient arrivés à échéance – le 1er juillet 2019 pour TF1 et le 31 mars 2018 pour M6. Molotov n’avait conclu en 2015 que des contrats de distribution expérimentaux avec M6 et avec TF1. Faute d’accord pour renouveler ces accords, la plateforme de télévision avait continué à diffuser les chaînes en question, en estimant qu’elle n’avait pas besoin d’autorisation de TF1 et de M6 du fait de l’obligation légale de reprise dite « must carry » dont bénéficient déjà l’hertzien, le câble et satellite (2) – alors pourquoi pas Internet. TF1 et M6 avaient chacun saisi le tribunal judicaire d’une action en contrefaçon. Les juges ont rejeté l’argument de Molotov en rappelant qu’en dehors de la diffusion par voie hertzienne – via la TNT depuis 2011 –, il n’y a aucune obligation légale de mise à disposition du signal à un distributeur, que ce soit par satellite ou par Internet.

Play Media : pas de « must carry » en ligne
Par un jugement du 2 décembre 2021 pour M6 (3) et du 7 janvier 2022 pour TF1 (4), la société Molotov a été reconnue coupable d’actes de contrefaçon de droits voisins et des marques des sociétés du groupe M6 et du groupe TF1. De plus, la même société Molotov a été condamnée à payer à 7millions d’euros de dommages et intérêts à M6 et 8,5 millions d’euros à TF1 (5) (*) (**).
Auparavant, en 2014, ce fut la plateforme Play Media, pionnier de la diffusion de chaînes en ligne, qui avait essuyé les plâtres de la diffusion de chaînes gratuite sur Internet, en l’occurrence celles de France Télévisions qui avait porté l’affaire devant la justice. Le groupe public, qui offrait à l’époque ses chaînes sur son propre service en ligne, Pluzz, avait assigné en concurrence déloyale Play Media pour avoir proposé un visionnage en direct et un accès à la télévision de rattrapage de ses chaînes sur la plateforme Playtv.fr. Et ce, sans son autorisation. France Télévisions avait obtenu, dans un jugement du 9 octobre 2014, 1 million d’euros de réparation de la part de Play Media pour avoir repris ses chaînes sans son accord. Cette première affaire s’était soldée par le rejet du « must carry » en ligne, après cinq années de procédure et de nombreuses décisions – jusqu’en cassation en juillet 2019 (6). La plateforme Myskreen.com, pourtant épaulée le groupe Figaro et Habert Dassault Finance via la société The Skreenhouse Factory créée par Frédéric Sitterlé (7), avait aussi eu maille à partir avec les chaînes de télévision, qui l’on amené à cesser ses activités et à être liquidée en 2015.
C’est face à cette jurisprudence générée par les France Télévisions, TF1 et autres M6 que le groupe Canal+ n’a pas pris le risque de reprendre les chaînes de TF1 sans autorisation. Pas plus qu’il ne l’avait fait en 2018. Cette année-là, la filiale télé de Vivendi avait coupé le signal de TF1 et porté plainte devant le tribunal de commerce de Paris sur le différend commercial qui les opposait sur la diffusion des chaînes sur MyCanal et sur CanalSat. « Nous saisissons le tribunal de commerce plutôt que le CSA [Conseil supérieur de l’audiovisuel, à l’époque, devenu l’Arcom, ndlr] car c’est une question de principe, étant donné que ces chaînes sont déjà disponibles gratuitement partout », nous avait répondu une porte-parole de Canal+ (8). Pour compenser en partie la baisse de ses recettes publicitaires dans un contexte de concurrence grandissante des services de SVOD Comme Netflix, TF1 veut faire payer la diffusion de ses chaînes assorties de services associés, ou premium, tels que replay, vidéo à la demande (VOD) ou encore programmes en avant-première. En 2019, le groupe Altice s’était lui aussi engouffré dans la brèche en demandant à Free de le rémunérer pour la diffusion de ses chaînes. Ce que l’opérateur de la Freebox s’était refusé à faire. Le TGI de Paris a estimé le 26 juillet de la même année que « Free n’a[vait] pas le droit de diffuser sans autorisation BFMTV, RMC Découverte et RMC Story sur ses réseaux » et lui a ordonné « de cesser cette diffusion, sous astreinte de 100.000 euros par jour de retard et par chaîne ». Ce jour-là, Free a cessé de diffuser les chaînes gratuites d’Altice, mais en prévoyant de les proposer en option payante. Saisi, le CSA avait considéré que Free n’avait aucune obligation de diffuser les chaînes pour lesquelles Altice est néanmoins en droit de se faire rémunérer (9) (*) (**).
Tout comme TF1 aujourd’hui. A condition que la filiale TV de Bouygues n’abuse pas de sa position dominante – qui serait renforcée si la fusion TF1-M6 en cours d’examen à l’ADLC obtenait un feu vert. « Le groupe TF1 a un sentiment de toute-puissance du fait de sa position dominante, et ce avant même une possible fusion », a dénoncé Maxime Saada dans le JDD. A défaut de pouvoir étendre le « must carry » des chaînes gratuites de la TNT à tous les moyens de diffusion – alors que l’on aurait pu penser le contraire au regard de la neutralité technologique –, TF1 et Canal+ sont condamnés à s’entendre. Soit dans le cadre d’une médiation organisée par l’Arcom, soit devant le tribunal de commerce. A moins que l’ADLC ne se saisisse de cette problématique des chaînes gratuite. N’étant ni la justice ni le régulateur, le gouvernement semble démuni face à ces bras de fer qui se font sur le dos des téléspectateurs.

Contrat privé versus pouvoir public
La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak (RAM), a fait parvenir le 2 septembre un courrier au patron de Canal+ qu’elle exhorte : « J’en appelle à votre sens des responsabilités et de l’intérêt général pour éviter de priver des centaines de milliers de foyers de la réception de l’intégralité des chaînes de la TNT ». De plus, ajoute RAM, « cette situation n’est pas conforme à l’intention du législateur qui était de garantir une couverture intégrale du territoire par la TNT en obligeant les chaînes de la TNT à mettre leur signal gratuitement à disposition d’un distributeur satellite qui en fait la demande ». La missive n’a pas produit l’effet escompté. @

Charles de Laubier

Streaming musical : Believe fait face aux majors sur le marché de la distribution numérique d’artistes

Denis Ladegaillerie, PDG fondateur de Believe (acquéreur de TuneCore en 2015), veut lever 500 millions d’euros en Bourse. Il défie les majors (Universal Music, Sony Music et Warner Music) dans la distribution numérique des artistes musiciens, voire en les détournant d’eux par l’autoproduction.

« Le groupe [Believe] fait en particulier face à un accroissement de la concurrence sur le marché de la musique numérique et des services aux artistes de la part des majors de l’industrie musicale », est-il écrit dans le document d’enregistrement approuvé le 7mai 2021 par l’Autorité des marchés financiers (AMF), en vue de l’introduction en Bourse de cette mini-major française cofondée par Denis Ladegaillerie (photo) et spécialisée dans la distribution mondiale d’artistes.

Défier les « Big Three » (majors)
Believe, dont la date de première cotation et la fixation du prix de l’action ne sont pas encore arrêtées, surfe plus que jamais sur la vague du streaming musical. Ce segment du marché mondial de la musique enregistrée a généré 13,4 milliards de dollars en 2020, soit 62 % du total d’après l’Ifpi (1), la fédération internationale de cette industrie culturelle. Si Believe est encore une mini-major tendance « petit poucet » (441 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier) face aux « Big Three » que sont Universal Music (7,4 milliards d’euros) , Sony Music (3,7 milliards d’euros) et Warner Music (3,6 milliards d’euros), l’entreprise créée il y a une quinzaine d’années pourrait bousculer l’ordre établi. Or l’introduction envisagée à la Bourse de Paris, pour tenter de lever autour de 500 millions d’euros, ne sera pas de trop pour rivaliser avec le trio dominant.
Car, bien que cela soit leur fonds de commerce historique, les majors ne sont pas cantonnés aux seuls grands artistes, vedettes et stars de renommée internationale. De même que Believe n’a pas vocation à rester circonscrit à la recherche et à l’accompagnement de nouveaux talents et d’artistes locaux qui passeraient sous les radars des majors. Les majors ont eux aussi développé des offres de distribution numérique voire d’autoédition par l’intermédiaire de filiales : Universal Music opère Ingrooves et Virgin Music Label & Artist Services ainsi que Spinnup ; Sony Music dispose des plateformes numériques The Orchard et Awal ; Warner Music est présent sur le segment de marché avec ADA (Alternative Distribution Alliance). Believe n’est donc pas le seul distributeur numérique à proposer aux artistes musicaux indépendants de se prendre en main eux-mêmes en s’autoéditant, via notamment la plateforme américaine de self-releasing TuneCore acquise en avril 2015 et/ou en les accompagnant par un de ses labels. Believe a vocation à se différencier des majors avec ses « solutions automatisées pour les artistes » (TuneCore, Backstage, SoundsGood, Musicast, …). Ainsi, sur tunecore.com, un artiste peut distribuer de manière automatisée ses contenus audio auprès des plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Apple Music, Amazon Music ou YouTube) et des médias sociaux (TikTok, Instagram, …), en contrepartie du paiement d’un abonnement et de crédits. « L’accès à cette plateforme peut, au choix de l’artiste, être complété notamment par des solutions d’édition musicale et de synchronisation », précise le groupe Believe. La tentation est de plus en plus forte pour les artistes de s’autoéditer pour se lancer ou pour s’affranchir des producteurs de « disques » (2). Sans parler de la désintermédiation par les plateformes de streaming elles-mêmes (3).
La bataille mondiale dans la recherche de nouveaux talents a engendré une hyper concurrence jusque dans les plateformes d’autoproduction. Même les majors s’y sont mises. Par exemple, Universal Music (groupe Vivendi) avait fait l’acquisition en 2012 de la start-up suédoise Spinnup, concurrent direct de TuneCore. Après la Suède, le reste de la Scandinavie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, la plateforme spinnup.com avait été lancée sur l’Hexagone en octobre 2016. Aujourd’hui encore Vivendi mise sur Spinnup pour attirer des artistes indépendants en autoproduction ou/puis en labellisation. « Dans le but d’abaisser les barrières potentielles, d’élargir le champ de recrutement des nouveaux talents et d’adapter les pratiques au monde digital, les entités du groupe multiplient les initiatives et les plateformes de recrutement hors circuits traditionnels. C’est notamment la mission première de la plateforme de distribution d’UMG [Universal Music Group, ndlr], Spinnup », explique le groupe de Vincent Bolloré dans son rapport d’activité 2020 publié par l’AMF le 14 avril dernier.

Spinnup, sérieux rival de TuneCore
Il s’agit pour la plus grande major mondiale, dont l’introduction à la Bourse de Paris est prévue « d’ici à la fin de l’année », d’« offrir un lieu d’expression et de visibilité aux artistes indépendants ». Et Vivendi, la maison mère d’UMG, de se féliciter : « La plateforme a rencontré un franc succès en 2020 avec 24 artistes Spinnup signés par le groupe dans plusieurs pays (…). C’est, à date, le plus grand nombre d’artistes signés via la plateforme en une année ». Un rival pour TuneCore. @

Charles de Laubier

Viacom(Paramount, MTV, Nickelodeon, Comedy Central, …) va au contact direct avec les Millennials

Le géant américain des médias Viacom ne peut plus se contenter de diffuser ses contenus audiovisuels — aussi « premiums » soient-ils — en mode linéaire à la télé, car la jeune génération est présente sur les médias sociaux et consomment plus court : vidéos, stories, sliders, carrousels, …

Six mois après avoir créé Viacom Digital Studios (VDS) aux Etats-Unis et trois mois après avoir racheté AwesomenessTV pour l’y intégrer, voici que la maison mère de Paramount, de MTV, de Nickelodeon ou encore de Comedy Central a choisi la France comme premier pays pour lancer VDS à l’international. Le coup d’envoi officiel de ce « studio de création et de production de formats mobiles et de contenus digitaux dédié aux marques » a été donné le 11 octobre dernier.

MTV Networks et Game One : moins rentables
« Viacom Digital Studios France est la première manifestation à l’international d’une stratégie de Viacom aux Etats-Unis qui a créé Viacom Digital Studios comme producteur-maison de contenus mobiles, verticaux et formats courts à l’adresse de toutes les plateformes sociales – que cela Facebook, Instagram, Twitter, Snapchat,
etc. », s’était félicité, avant le jour-J, Thierry Cammas (photo), président de « Viacom International Media Networks France » (VIMN France) sur le « Buzz Media » du Figaro fin septembre. En réalité, VIMN France n’a pas d’existence juridique. « Viacom International Media Networks France est le nom “corporate” de l’ensemble MTV Networks SARL et Game One SAS. Pour l’instant, toute la gouvernance de VDS s’opèrera à partir de MTV Networks SARL », précise à Edition Multimédi@ Thierry Cammas, depuis 2005 gérant de MTV Networks et président de Game One. Ces deux filiales françaises du groupe Viacom, basées à Neuilly-sur-Seine et opérant depuis 2011 sous le nom commercial de « VIMN France », ont réalisé en 2017 un chiffre d’affaires cumulé de 51,5 millions d’euros – dont 34,5 millions par MTV Networks et 17 millions par Game One – pour un bénéfice net respectif de 1,3 million d’euros (effectif de 117 personnes) et 3,7 millions (23 personnes). Bref, le bouquet des dix chaînes diffusées
en France – MTV, MTV Hits, Bet, Nickelodeon, Nickelodeon Junior, Nickelodeon 4Teen, Game One, J One, Paramount Channel et, la toute dernière lancée le 4 octobre, Comedy Central – est encore une affaire rentable pour « VIMN France » qui est aussi
la régie publicitaire de ces marques. Mais cette profitabilité s’érode : – 11 % pour MTV Networks et – 4,5 % pour Game One SAS en 2017. Le jeune public, en particulier la nouvelle génération des « Millennials », sont moins enclins à aller regarder des chaînes linéaires comme la musicale MTV (1) ou la vidéoludique Game One, qui plus est payantes. L’effet cord-cutting (2) (*) (**) a aussi rattrapé la filiale française, mais elle n’a pas attendu sa maison mère pour délinéariser.« En France, on a plutôt une bonne expertise de construction ciselées de stratégie sociale, de narrations digitales : vidéo, stories, sliders, carrousels d’images… Sur YouTube, la première chaîne jeunesse est Nickelodeon Junior avec plus de 20 millions de streams par mois. Sur Snapchat, nous sommes au “Top” du Discover avec MTV et plus de 1 million de visiteurs uniques par jour. C’est pour cela que Viacom Digital Studios est lancé en France, Sa fonction sera, au-delà de nos propres contenus digitaux verticaux, d’en produire pour les annonceurs, les marques et les agences média », a expliqué Thierry Cammas, parlant aussi de
« brand content digital plus ou moins élaboré ». Comme Viacom l’a fait dans le domaine du cinéma en 1994 avec l’acquisition de Paramount à Hollywood, cette fois le conglomérat des médias et du divertissement piloté de Manhattan (New York) s’est emparé cet été de AwesomenessTV. Il s’agit d’une startup californienne qui était contrôlée par DreamWorks Animation depuis 2013. L’une de ses spécialités, en tant que Multi- Channel Network (MCN) dont elle fut l’une des pionnières (3) : éditer des chaînes diffusées sur YouTube, aujourd’hui au nombre de 90.000 créées à travers le monde.
Qu’il est loin le temps où le groupe Viacom, alors dirigé par le Français Philippe Dauman (4), ferraillait en justice (de 2007 à 2013) contre YouTube qu’il accusait de piratage, allant jusqu’à réclamer 1 milliard de dollars à la filiale de Google – avant d’échouer et d’enterrer la hache de guerre en 2014… Viacom veut maintenant démontrer avec VDS qu’il peut monétiser par l’audience ou par la transaction des programmes, mais aussi par la production pour le compte de tiers – annonceurs
et publicitaires – sur les médias sociaux. En France, « ce n’est pas une incursion opportune vers la monétisation digitale ; c’est plutôt le résultat d’une expertise et
d’une audience construites depuis plusieurs décennies », a assuré Thierry Cammas.

Distribution holistique et brand content
L’avenir dira s’il s’agit de relais de croissance viables et pérennes, par rapport au fonds de commerce – tel que Bob l’éponge ou Pat’Patrouille ! – diffusé en exclusivité sur Nickelodeon, mais aussi via TF1, iTunes, Google Play, TFou Max, CanalPlay, SFR Play, Amazon Prime (Video), Netflix, ainsi qu’en produits dérivés déclinés en textiles, jeux vidéo, magazines, livres, produits de maison, de décoration, jeux, jouets, etc. @

Charles de Laubier