La famille Ringier ouvre le capital de son groupe de médias pour se renforcer dans le digital

Le groupe de presse familial Ringier est à un tournant de son histoire presque bicentenaire. Basé en Suisse (à Zürich) et fondé en 1833 (à Zofingue) par Johann Rudolf Ringier, l’éditeur des quotidiens Le Temps et Blick, ou encore des hebdomadaires L’Illustré et Handelszeitung, fait sa mue numérique.

Le groupe de presse suisse Ringier a publié en juin son rapport d’activité 2019. Pour la première fois de son histoire, ses recettes du numérique pèsent plus de la moitié de son chiffre d’affaires global (51,2 %) qui a reculé de 2 % à 984,8 millions de francs suisses (l’équivalent de 921,7 millions d’euros). Familial – détenu à 75 % par la famille Ringier et le directeur général Marc Walder – et non coté en Bourse, le groupe Ringier – dont le président du conseil d’administration est Michael Ringier (photo) – publie partiellement ses résultats financiers et sans le bénéfice net.

Le quotidien Le Temps est-il à vendre ?
Cependant, le groupe Ringier indique son Ebitda, à savoir son bénéfice opérationnel (1), qui a légèrement progressé à 114,1 millions de francs suisses (106,7 millions d’euros). Or, le groupe de presse suisse presque bicentenaire voit le numérique peser pas moins de 72 % de cette Ebitda au titre de l’année 2019 ! « Une entreprise médias dont la part numérique au bénéfice opérationnel se situe aujourd’hui au-dessous de 50 % est en danger de mort. C’est dur mais c’est comme ça », a mis en garde Marc Walder dans son édito du rapport annuel publié le 10 juin dernier (2). Et de préciser : « Chez Ringier, en 2012, cette part était encore de 0 %. Au terme de l’exercice écoulé, nous en sommes à 72 %. Ainsi nous avons pu augmenter la part numérique au bénéfice opérationnel pour la septième fois de suite ». Pour la famille Ringier, cela change tout.
Ce grand saut dans le monde numérique, l’éditeur des quotidiens Le Temps et Blick, du magazine hebdomadaire d’actualité L’Illustré ou encore de l’hebdomadaire économique Handelszeitung a commencé à le faire il y a une douzaine d’années via des places de marché en ligne et des médias numériques (Blick.ch, Izzymag.ch, Jobcloud.ch, Applifly.ch, Ticketcorner.ch, …). D’éditeur helvétique, le groupe Ringier est devenu une multinationale diversifiée : 7.000 collaborateurs dans dix-neuf pays, dont l’Afrique (3). Mais si le digital s’est imposé, il ne suffit pas encore à compenser totalement le recul du marché publicitaire et la baisse des recettes de l’imprimerie. Et l’année 2020 s’annonce des plus critiques en raison des conséquences négatives de la crise sanitaire provoquée par le covid-19. « Partis d’un contexte en général local et national avec un modèle d’affaire établi à long terme, nous avons été catapultés dans un monde en perpétuel changement peuplé d’acteurs globaux. Pour des actionnaires familiaux dont l’ensemble du capital se situe dans l’entreprise, cela signifie un profil de risque entièrement différent », a écrit Michael Ringier dans son prologue du rapport annuel. C’est dans ce contexte que le 1er mai dernier, la Radio-Télévision Suisse (RTS) révélait que le quotidien de Lausanne Le Temps – codétenu depuis 2016 par Ringier et l’allemand Axel Springer (4) – faisait l’objet de négociations avec la fondation Aventinus, intéressée par son rachat. « Nous ne commentons pas les rumeurs », nous indique une porte-parole de Ringier, mais sans rien démentir. Deux événements ont en tout cas marqué le groupe familial en début d’année. Le premier a été le décès inattendu en janvier à 76 ans d’Annette Ringier, la « sœur merveilleuse » de Michael Ringier et d’Evelyne Lingg-Ringier. Tous les trois copropriétaires du groupe (avec Marc Walder). « Notre sœur, sans enfants, avait fixé il y a des décennies déjà le transfert de sa part d’actions aux autres membres de la famille », a indiqué son frère.
Le deuxième événement est l’entrée à hauteur de 25 % du capital du groupe familial d’un assureur suisse. Annoncée en février, l’opération est sur le point d’aboutir. « La décision d’ouvrir l’actionnariat à l’assureur La Mobilière pour un partenariat à long terme est, pour la famille, historique. La numérisation ne disrupte pas qu’une entreprise, elle place une firme comme la nôtre dans un contexte entièrement différent », a expliqué Michael Ringier. Les deux groupes, qui se connaissent bien, ont créé en 2016 une co-entreprise à 50/50, Scout24 Suisse, numéro un helvétique des places de marché, qui regroupe Autoscout24.ch, Motoscout24.ch, Immoscout24.ch, Anibis.ch (petites annonces) et Financescout24.ch. « Le destin financier de la famille ne tient plus à un seul fil », a confié Michael Ringier.

Des acquisitions numériques en vue
En échange du quart du capital de Ringier, l’apport financier de La Mobilière, non-dévoilé, servira à continuer à investir dans d’autres plateformes de marché. En 2019, Ringier a par exemple acheté DigitalCounsel et Hypoguide. Cette année, le groupe a lancé le site de streaming vidéo Blick TV et a repris la totalité du capital de la plateforme publicitaire Admeira en rachetant les 50 % que détenait l’opérateur Swisscom. Les ambitions du groupe de moins en moins familial est de consolider sa « position de leader parmi les entreprises de médias européennes ». @

Charles de Laubier

Le «Earned Media» dilue le papier dans le digital

En fait. Le 1er juillet, Kantar, société internationale d’études et de conseils médias et marketing, a publié un rapport sur le « Earned Media » qui démontre que les annonceurs peuvent pousser leurs marques dans les médias – notamment sur les réseaux sociaux – sans forcément investir dans de la publicité.

En clair. « Dans le monde des médias, la crise du covid-19 a révélé un incroyable paradoxe : alors que pour la première fois de l’histoire, l’information digitale a atteint des audiences record sur tous les continents, parallèlement les investissements publicitaires se sont effondrés touchant de plein fouet un secteur déjà fortement mis à mal, a relevé le 1er juillet Christophe Dickès, directeur des projets stratégiques à la division médias de Kantar. Pourtant, dès les premiers jours de la crise, les Etats ont placé la presse dans la liste des biens essentiels ». Ce paradoxe se retrouve aussi dans le fait que, pendant la crise sanitaire, 81 % des Français ont augmenté leur consommation d’au moins un média et 52 % de plus de quatre médias. « Alors que la confiance à l’égard des médias mais aussi l’intérêt porté à l’actualité s’effritaient avec le temps, la crise du covid-19 a littéralement redonné un nouvel élan aux médias mainstream», a-t-il ainsi constaté. Mais Kantar, qui n’est plus une filiale du géant publicitaire mondial WPP (1), démontre dans un rapport publié le 1er juillet que les annonceurs misent de plus en plus sur le « Earned Media ». Il s’agit de la visibilité et de la « réputation » qu’obtient une entreprise sur les réseaux sociaux, les chaînes vidéo, les blogs, les influenceurs en ligne ou encore les commentaires des internautes, ainsi qu’en étant cité dans des articles des journalistes. C’est l’effet de halo que favorisent notamment le buzz et la viralité sur Internet. En creux, le paradoxe que démontre ce rapport instructif d’une quarantaine de pages (2) est que les annonceurs peuvent obtenir gratuitement ou à peu de frais une publicité indirectes en ligne sans acquérir d’espaces publicitaires payants dans les médias en général et les journaux en particulier selon le modèle opposé du « Paid Media ».
« Le Earned Media renforce la confiance et permet aux marques ou organisations de bénéficier du crédit des médias qu’elles utilisent », résume Kantar. Les médias traditionnels et surtout la presse en crise veulent s’inscrire dans cette tendance multi-canaux. Le papier n’est plus le coeur de la presse. Ce n’est pas un hasard si, le 24 juin, Kantar, Médiamétrie et le CESP (3) ont aidé l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) à lancer OneNext en France, une nouvelle mesure d’audience « sur tous les supports et en plaçant le digital au centre » (4) – présentée comme « une première mondiale ». @

Au Web Citoyens ! Le confinement a boosté les activités à distance, accélérant la révolution digitale

Télétravail, visioconférences, téléconsultations, téléadministration, votes ou signatures électroniques, … Les outils numériques ont permis de sauver la face durant le confinement. Il faut maintenant accélérer dans le déploiement du très haut débit et établir une charte des droits numériques.

Par Mahasti Razavi et Vincent Brenot, avocats associés, August Debouzy

Alors que nous vivons les premières semaines de déconfinement, une grande partie de la France gardera le souvenir d’une période au cours de laquelle une nouvelle forme de vie s’est développée et dont le cœur est technologique, digital. Cette bascule numérique a été renforcée par les positions gouvernementales reflétées dans les ordonnances des mois de mars et d’avril 2020 prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 dite « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » (1) pour permettre la poursuite minimale des activités essentielles de la société française.

Accélérer notre mue vers le numérique
Ainsi, des tribunaux ont pu organiser des audiences par télé ou visio-conférence. Des procédures administratives, comme des enquêtes publiques, ont pu être diligentées par voie dématérialisée. Des assemblées générales d’actionnaires ont pu se tenir par voie électronique, permettant d’éviter la paralysie de la vie des sociétés. Les signatures électroniques ont pu continuer à se généraliser ; les facturations ont pu se faire en ligne, et l’on a vu même naître un dialogue social virtuel. Même si chacun a certainement conscience du mal qu’un enfermement digital extrême pourrait entraîner pour les individus, force est de constater que cette expérimentation en taille réelle d’une accélération de la dématérialisation de certaines de nos activités a sans doute permis de limiter, un peu, les conséquences économiques, sociales et sociétales de la crise sanitaire. Cela permet aussi la mise en œuvre d’un déconfinement par étape. S’il n’est évidemment pas question de pérenniser de façon systématique la digitalisation de tout ce qui nous entoure, et de réduire le lien humain et social à une forme d’exception, à l’inverse, ne pas tirer les leçons de cette expérience reviendrait à gâcher l’un des rares effets collatéraux positifs qui résulteront de la crise sanitaire. Les personnes éprouvant des difficultés à se déplacer devront pouvoir, une fois l’état d’urgence sanitaire disparu – bien au-delà d’une phase transitoire de déconfinement – continuer à ester en justice, faire valoir leurs observations auprès de l’administration ou interroger les administrateurs des sociétés dont ils détiennent des actions. Il n’existe aucune raison valable pour revenir en arrière et ne pas profiter de cette opportunité historique d’accélérer notre mue collective vers le numérique. Le seul obstacle qui demeure pour une généralisation de ces systèmes serait l’éventuelle atteinte à l’égalité entre les citoyens qu’elle pourrait générer. En effet, il existe encore de trop nombreuses régions où l’accès à Internet est d’une qualité très faible, voire inexistant, qui ne permet pas à l’ensemble des usagers de bénéficier des facilités que la généralisation des digitalisations expérimentées pendant la pandémie permettrait. La fracture numérique – héritière de la fracture sociale – se résorbe quantitativement mais condamne chaque jour un peu plus le nombre résiduel de ses victimes. A cet égard, en France, le Premier ministre soulignait, lors de sa conférence de presse du 26 avril 2020, que l’existence de ces inégalités technologiques et territoriales présente un grand danger pour la France d’aujourd’hui mais également pour celle de demain.
La crise sanitaire que nous traversons a donc mis en lumière l’importance vitale des réseaux numériques pour le fonctionnement de notre économie, ainsi que la nécessité de faire de l’aménagement numérique du territoire (2) une de nos vraies priorités. Bien avant cette crise sanitaire, le gouvernement français avait pris la mesure de l’urgence de cette tâche en adoptant, en 2013, le plan « France Très haut débit » (plan France THD), dont l’objectif est de couvrir l’intégralité du territoire français en très haut débit d’ici 2022. Dans la continuité de cette initiative, le président de la République (dont le portefeuille à Bercy incluait le numérique sous le précédent quinquennat) a ajouté en 2017 un objectif de cohésion numérique des territoires visant à garantir à un accès au « bon » haut débit à tous d’ici 2020.

Objectifs incertains du plan France THD
Destiné à concrétiser la stratégie française de croissance en matière numérique, le plan France THD s’était fixé des objectifs très clairs. En effet, il a pour ambition de garantir à tous un accès au bon haut débit (à savoir supérieur à 8Mbits/s) ou au très haut débit, de généraliser la couverture mobile de qualité, permettant ainsi l’ensemble des usages de la 4G et, dès cette année 2020, de doter tous les territoires d’infrastructures numériques de pointe en donnant accès à tous au très haut débit (supérieur à 30 Mbits/s). Enfin, le plan France THD prévoit, d’ici 2025, la généralisation de la fibre optique jusqu’à l’abonné sur l’ensemble du territoire national (3). De manière plus concrète, le plan France THD implique opérateurs télécoms privés et collectivités territoriales, et prévoit la signature d’une convention nationale type dont l’objectif est de garantir les engagements pris par les opérateurs de réseaux, de manière homogène sur tout le territoire français. Pour atteindre ses objectifs et assurer une bonne articulation entre investissements publics et investissements privés, le plan France THD divise le territoire en deux zones et mobilise un investissement de 20 milliards d’euros sur dix ans, dont 3,3 milliards d’euros de l’Etat.

Engagements des opérateurs télécoms
S’agissant des territoires urbains, les opérateurs télécoms privés – au premier rang desquels Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free – se sont engagés à réaliser ces déploiements avant la fin de cette année dans le cadre de conventions signées avec les collectivités territoriales concernées et l’Etat. Ces zones dites « conventionnées » concernent 3.600 communes et plus de la moitié de la population française (57 %). Les opérateurs télécoms privés, qui investissent entre 6 et 7 milliards d’euros, assurent le déploiement de réseaux FTTH sur l’ensemble des communes concernées. Le réseau « Fiber-To-The-Home » correspond au déploiement de la fibre optique jusque dans les logements ou locaux à usage professionnel.
Selon l’Arcep, le régulateur des télécoms, le FTTH se distingue d’autres types de déploiement qui combinent l’utilisation de la fibre optique avec des réseaux en câble ou en cuivre (VDSL2). En dehors des zones d’agglomérations, les collectivités territoriales ont la responsabilité d’apporter du très haut débit dans les territoires ruraux, lesquels couvrent 45 % des logements et locaux professionnels. Et ce, dans le cadre de réseaux d’initiative publique – les « RIP » – soutenus financièrement par l’Etat à hauteur de 3,3 milliards d’euros et par la Banque européenne d’Investissement (BEI). En effet, ces zones rurales sont isolées, moins rentables pour les fournisseurs d’accès privés et souffrent d’une carence d’investissement.
C’est pour cette raison que dans le cadre du plan France THD, les collectivités territoriales ont pour mission de proposer des RIP destinés à développer l’Internet à très haut débit. Ce plan France THD apparaît comme un moyen pour le gouvernement de renforcer la compétitivité de l’économie française, de moderniser les services publics sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales et de montagnes, tout en donnant accès au numérique à tous les citoyens. Néanmoins, alors que le plan France THD prévoyait que 94 % des foyers français pourraient percevoir un « bon » haut début d’ici 2020 et que pour les 6 % restants le gouvernement s’engageait à soutenir financièrement et directement les foyers dans l’obtention de technologie sans fil grâce à une aide pouvant aller jusqu’à 150 euros, il n’y a actuellement que 56 % du territoire national couvert en très haut débit et 25 % du territoire français qui ne l’est pas par ce « bon » haut débit. Au-delà de la couverture géographique, c’est également un plan d’accès à la culture digitale qui devra être mis en œuvre, afin que l’ensemble des administrés disposent d’un accès aux outils numériques et à Internet. Dès 2012, l’Organisation des Nations Unies (ONU) reconnaissait qu’accéder à Internet est un droit fondamental, au même titre que d’autres droits de l’homme. Dans la même ligne de pensée, un groupe de parlementaires a ouvert en 2018 un débat visant à adjoindre à la Constitution, une « Charte des droits et libertés numériques » (4), sur le modèle de la Charte de l’environ-nement de 2004 qui imposerait notamment que « la loi [garantisse] à toute personne un droit d’accès aux réseaux numériques libre, égal et sans discrimination » (5). L’objectif de cette charte du numérique était d’insérer dans le bloc de constitutionnalité des droits fondamentaux inspirés par des directives européennes en matière de libertés numériques et de protection des données personnelles. En particulier, telle qu’elle a été proposée, cette charte se penchait sur cinq thématiques : la protection des données personnelles ; la neutralité des réseaux ; le droit d’accès aux réseaux numériques, libre, égal et sans discrimination ; le droit à l’information ; le droit à l’éducation et à la formation au numérique. On peut cependant regretter que le texte (6) ait été rejeté à l’Assemblée nationale en juin 2018 au motif que ses conséquences et implications étaient trop hasardeuses et qu’il pourrait être dangereux de « multiplier les chartes adossées à notre Constitution », selon les termes du Garde des Sceaux. Celui-ci, en l’occurrence Nicole Belloubet (actuelle ministre de la Justice), avait pourtant bien accueilli cette initiative lors des débats parlementaires : « Vous proposez différents amendements pour instituer une charte des droits numériques. D’emblée, je tiens à saluer les travaux réalisés en ce sens parce qu’ils ont le mérite de poser une question essentielle. Ce sujet renvoie à des enjeux contemporains très déterminants » (7).

Relancer le projet « Charte du numérique »
Mais la Garde des Sceaux, s’exprimant pour donner l’avis du gouvernement, a aussitôt douché les espoirs des porteurs du projet, la députée Paula Forteza (ex-LREM) et le sénateur (LR) Christophe-André Frassa : « Il faut être conscients que nous ne sommes pas aujourd’hui en mesure d’évaluer parfaitement les conséquences qu’entraînerait l’introduction dans la Constitution de principes relatifs aux droits numériques. Or, on ne révise pas la Constitution sans évaluer précisément les conséquences d’une telle révision ». Aujourd’hui, il nous semble urgent, au titre de la cohésion des territoires et de l’égalité entre les citoyens de relancer ce sujet, plus que nécessaire. Nous tenons là une ressource de la compétitivité française. @

La SD Association (SDA), l’alliance industrielle des fameuses cartes SD, fête ses vingt ans… avec Huawei

En deux décennies d’existence, les cartes SD se sont vendues à plus de 5 milliards d’unités à travers le monde. La SD Association (SDA), qui en a fait un standard mondial lucratif pour ses industriels fondateurs (dont SanDisk et Panasonic), fête ses vingt ans. Leur puissance continue d’augmenter.

Qui ne connaît pas les cartes SD ? Ces petites cartes mémoire à grandes capacités devenues si familières à tous au fil de deux décennies. La SD Association (SDA), qui en fait la promotion mondiale, depuis l’invention en 1999 par SanDisk, Matsushita, et Toshiba de ce support de stockage dit Secure Digital (SD), fête ses vingt ans d’existence. La SDA, aujourd’hui présidée par Hiroyuki Sakamoto au côté de Yosi Pinto (photo), son président du conseil d’administration (1), fut créée en janvier 2000 et annoncée lors du CES de Las Vegas.

Huawei, brièvement évincé des membres
La carte SD, elle, a été conçue à partir de la MultiMediaCard (MMC) et a fourni la gestion des droits numériques basée sur la norme Secure Digital Music Initiative (SDMI). A l’origine, cette petite mémoire était destinée à concurrencer la Memory Stick qu’avait lancée Sony fin 1998 pour répondre aux exigences de DRM (Digital Rights Management) des professionnels de la musique pour se protéger du piratage numérique. Il y a dix ans, Sony a commencé à adopter le format SD sans pour autant laisser tomber sa « MS », qui disparaît cependant peu à peu. Composées des trois industriels fondateurs d’il y a vingt ans – Matsushita ayant été rebaptisé Panasonic, Sandisk étant devenu une filiale de Western Digital, et Toshiba s’étant séparé de sa division mémoire devenue Kioxia –, l’association SDA compte aujourd’hui 850 entreprises membres.
L’an dernier, Huawei a failli être définitivement chassé de l’organisation américaine basée en Californie à San Ramon (2). En prenant un décret le 15 mai 2019 interdisant aux opérateurs télécoms et aux entreprises de technologies américains de se fournir en équipements auprès de sociétés étrangères « à risque », Donald Trump a mis d’office le chinois sur liste noire. A l’instar de Google (licence Android) et d’autres Big Tech des Etats-Unis, la SDA avait exclu la firme de Shenzhen de ses membres. Mais, très rapidement l’association est revenue sur sa décision : « Huawei est membre de la SDA. Son accès à certains renseignements réservés à certains membres, comme les spécifications et les réunions techniques, a récemment été suspendu pour s’assurer de la conformité avec le règlement administratif des exportations des Etats-Unis. Le nom de Huawei était temporairement absent de notre liste de membres en raison d’un problème technique, qui a maintenant été corrigé », avait dû clarifier la SDA le 31 mai 2019 pour se justifier (3). Huawei est donc de la partie pour fêter les vingt ans de l’association de la carte SD. Cet anniversaire correspond aussi au franchissement de la barre des 5 milliards de ces petites cartes mémoire – SD, microSD et ultra-compact microSD (4) – vendues à ce jour à travers le monde. En sont dotés : smartphones, ordinateurs, consoles de jeux, appareils photo, caméras vidéo, tablettes, drones, téléviseurs, lecteurs audio, systèmes automobiles, ou encore de nombreux appareils de l’Internet des objets. « La norme SD est le choix numéro un des consommateurs ; elle a gagné plus de 90% du marché des cartes mémoire grâce à son interopérabilité fiable et à son format facile à utiliser », se félicite Hiroyuki Sakamoto. En deux décennie, la carte SD s’est imposée comme une norme quasi universelle aux performances étonnantes (5). La première carte SD vendue il y a vingt ans offrait une capacité de stockage de seulement 8 mégaoctets (Mo). Aujourd’hui, des cartes SDXC ou microSDXC sont disponibles à 1 téraoctet (To) (6).
Les récentes cartes ultra puissantes telles que la SD Express (juin 2018), la microSD Express (février 2019) ou encore la SDUC (pour Ultra Capacity) montrent que le filon de la carte SD n’est pas prêt de se tarir. Les spécifications SDUC, mais aussi SDHC et SDXC, permettent d’atteindre jusqu’à 128 To de capacité de stockage ! L’arrivée prochaine de la 5G devrait booster les ventes de la microSD Express. La rapidité du traitement des données (bus speed) a aussi augmenté, passant de 12 Mbits/s en 2000 à 985 Mbits/s en 2019. « Les données générées par les consommateurs et les entreprises dépendent des cartes mémoire SD pour garder leurs musiques, films, émissions télévisées, jeux et photos en sécurité et toujours à portée de main », souligne la SDA. En France, ces supports sont taxés « copie privée », avec un nouveau barème depuis le 1er février (7).

Standard mondial breveté et payant
Il y a vingt ans, l’utilisateur était confronté à environ une demi-douzaine de types de cartes mémoire, la plupart propriétaires et incompatibles entre elles et non-interopérables entre les différents appareils. La carte SD est devenue un standard du marché. Mais cette technologie est protégée par des brevets commerciaux et ses licences sont payantes (8). Elle est donc très éloignée d’un système ouvert (open source) comme la CompactFlash ou la mémoire flash USB, lesquelles n’imposent pas de royalties aux fabricants. @

Charles de Laubier

Quid au juste du Brexit numérique et audiovisuel ?

En fait. Le 31 janvier, à minuit, le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne (UE) et ne fait donc plus partie des Etats membres, lesquels sont désormais vingt-sept. Une période transitoire s’est ouverte jusqu’au 31 décembre 2020, durant laquelle le droit de l’UE continuera de s’appliquer au Royaume-Uni. Et après ?

En clair. La date historique du 31 janvier 2020 est purement symbolique car rien ne change d’ici le 31 décembre prochain. L’Union européenne et le Royaume-Uni ont encore un peu plus de dix mois pour se mettre d’accord sur un nouveau partenariat. La Commission européenne, elle, adoptera le 3 février un projet de « directives de négociation complètes ». Rien ne change donc d’ici la fin de l’année. Mais que se passera-t-il à partir du 1er janvier 2021, si la période transitoire n’est pas prolongée pour une durée maximale d’un à deux ans ?
• Données personnelles : le Royaume-Uni continuera d’appliquer les règles européennes en matière de protection des données, dont le RGPD (1) avec le consentement sur les cookies, au « stock de données à caractère personnel » collectées lorsqu’il était encore un Etat membre. Et ce, jusqu’à ce que la Commission européenne constate formellement que les conditions de protection des données au Royaume-Uni sont « essentiellement équivalentes » à celles de l’UE.
• Frais d’itinérance (roaming) : les opérateurs mobiles des Vingt-sept seront en droit de réinstaurer avec le Royaume-Uni des frais d’itinérance pour les appels téléphoniques et les
communications SMS/MMS/Internet. Ces surcoûts pour les Européens avaient été supprimés en 2017 par la Commission européenne. A moins qu’un accord entre Londres et Bruxelles ne soit trouvé pour maintenir la gratuité du roaming.
• Droit d’auteur et droit voisin : les Etats membres de l’UE ont jusqu’au 7 juin 2021 pour transposer la directive de 2019 sur le droit d’auteur et le droit voisin « dans le marché unique numérique ». Or la Grande-Bretagne a fait savoir le 21 janvier dernier, par la voix de son secrétaire d’Etat Chris Skidmore (2), qu’elle n’a pas l’intention de le faire et donc de l’appliquer (3).
• Services de médias audiovisuel (SMA) : la directive européenne SMA, actualisée en 2018 pour prendre en compte les services à la demande (SMAd) tels que Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+, ne sera plus appliquée outre-Manche. Disparaîtra aussi le principe du pays d’origine, sauf accord.
• Portabilité transfrontalière des services audiovisuels : le règlement européen de 2017 sur « la portabilité transfrontalière des services de contenu en ligne », applicable depuis le 20 mars 2018, sera lui aussi inopérant pour les Européens en Grande-Bretagne, sauf accord là aussi. @