Chaînes sur les boxes : Orange serait prêt à payer TF1 et M6 s’il y avait des services à valeur ajoutée

En quête de nouveaux revenus, TF1 et M6 exigent depuis près d’un an que les opérateurs télécoms les rémunèrent pour distribuer leurs chaînes gratuites. Mais les fournisseurs d’accès à Internet refusent. TF1 menace de se retirer des boxes. Cependant, Orange n’est pas totalement fermée à l’idée de payer…

C’est une petite phrase passée presque inaperçue en septembre 2016, formulée par le PDG d’Orange, Stéphane Richard (photo), qui montre que les opérateurs télécoms ne seraient pas si hostiles à l’idée de payer les chaînes pour continuer à les distribuer sur leurs boxes : « Je ne vois pas très bien pourquoi les opérateurs accepteraient de payer quelque chose qu’ils ne paient pas aujourd’hui. Mais s’ils ont des services intéressants à proposer
en plus, cela peut se regarder » (1).

Start-over, cloud, nPVR, 4K
Des services à proposer en plus… Ces nouveaux usages que les chaînes – TF1 et M6 en tête – souhaitent proposer à leurs téléspectateurs consistent par exemple à pouvoir revenir au début du programme (fonction start-over) ou bien à enregistrer des programmes dans un service de cloud (fonction nPVR, pour Network Personal Video Recorder). Pour justifier de faire payer la reprise de leurs chaînes, les chaînes mettent en avant le passage à la qualité d’image en 4K (ultra-haute définition). Chez Bouygues, c’est « TF1 Premium ». Le patron d’Orange n’est donc pas resté insensible aux arguments de « valeur ajoutée » des chaînes, lesquelles veulent ainsi proposer des services audiovisuels et des magnétoscopes numériques personnels en ligne, qu’elles maîtriseraient de bout en bout, aux 20 millions de foyers qui, en France, reçoivent la télévision sur leur « box » Internet. Ce serait aussi pour elles le moyen d’instaurer un contact direct avec leurs téléspectateurs dont les données gérées par les fournisseur d’accès à Internet (FAI) ne leur sont pas accessibles. C’est en outre une façon pour les chaînes, notamment les historiques, de se mettre à la page des nouvelles technologies audiovisuelles face aux innovations proposées dans le cloud par des agrégateurs de flux télévisés tels que Molotov positionnés comme OTT (Over-The-Top). Car derrière cette querelle du PAF, c’est bien la bataille pour le contrôle des « clients » téléspectateurs qui s’intensifie sous la pression des nouveaux entrants du Net.
La suprématie des boxes est de plus en plus contestée (2). Les négociations tendues vont bon train dans la mesure où les accords de distribution de TF1 avec les opérateurs télécoms, notamment sur le replay, sont arrivés à échéance et doivent être renouvelés, de même que ceux de M6 d’ici la fin de cette année. Car pour l’heure, les FAI paient seulement les chaînes pour leur service de TV de rattrapage.

Par exemple, TF1 encaisse chaque année environ 10 millions d’euros des distributeurs de son service MyTF1. C’est Gilles Pélisson, PDG du groupe TF1 depuis plus d’un an maintenant, qui a relancé l’idée de faire payer les opérateurs télécoms – Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free – s’ils veulent continuer à reprendre ses chaînes sur leurs boxes. Lui-même est un ancien dirigeant de Bouygues Telecom, autre filiale du groupe Bouygues. Il espère obtenir des différents FAI – opérateurs télécoms, câblo-opérateurs et opérateurs satellites – un paiement qui pourrait atteindre 100 millions d’euros à l’année. Les opérateurs télécoms concernés sont vent debout contre cette nouvelle exigence, estimant que les chaînes trouvent à travers eux un moyen puissant de diffusion auprès des 20 millions d’abonnés à un service de TV sur ADSL (IPTV) sans leur reverser une quote-part de leurs recettes publicitaires télévisées. De plus, les chaînes bénéficient gratuitement de fréquences de la TNT auprès du CSA (3).
A l’inverse, les chaînes mettent en avant le coût du signal de diffusion et l’investissement dans la production de programmes, tout en constatant que les FAI facturent à leurs abonnés des options TV sans reverser pour autant une part à elles
les chaînes. C’est le dialogue de sourds qui pourrait être arbitré par le CSA en cas de blocage des négociations (4). Le 16 février dernier, Régis Ravanas, directeur général adjoint de TF1 chargé de la publicité et de la diversification, est reparti à la charge lors de la présentation des résultats financiers du groupe. « Il y a vraiment un problème de partage de valeur à rééquilibrer. Nous sommes très déterminés. Les discussions ne sont pas simples naturellement parce que c’est un changement de modèle. Mais nous voulons aller jusqu’au bout et, si cela devenait nécessaire, aller jusqu’à se passer de diffusion du signal TF1 sur certaines plateformes. Ce que nous n’espérons pas », a-t-il prévenu.

TF1 plus aux abois que M6
La chaîne de Bouygues a pris l’exemple de la Belgique où TF1 est rémunéré par les opérateurs Orange et Altice (SFR). En Allemagne, la chaîne ProSieben perçoit des opérateurs quelque 100 millions d’euros par an. Pour Régis Ravanas, il s’agit d’un
« mouvement de fond en Europe ». L’injonction – « Payez-moi sinon je boycotte votre box » – relève-t-il du chantage, du bluff ou d’une fuite en avant ? L’an dernier, le bénéfice net de TF1 a chuté de 50 %. M6, plus discret dans cette affaire, a vu le sien bondir de 33 %. @

Charles de Laubier

En France comme aux Etats-Unis, les « box» des FAI verrouillent-elles le marché Internet ?

Alors que la FCC aux Etats-Unis a adopté il y a huit mois une proposition visant à « ouvrir » les « box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), soulevant un âpre débat outre-Atlantique, la question pourrait se poser aussi en France où la quasi totalité des foyers en ont une pour accéder à Internet.

Aux Etats-Unis, le débat bat son plein sur l’opportunité
d’« ouvrir » à la concurrence les set-top-boxes des câblo-opérateurs ou des opérateurs par satellite. C’est ouvrir la boîte de Pandore pour les uns (les opérateurs télécoms et les industries culturelles) ; c’est ouvrir le marché de l’accès pour les autres (les acteurs du Net et les associations de consommateurs). Plusieurs dizaines d’organisations telles que Public Knowledge, Electronic Frontier Foundation ou encore New America’s Open Technology ont appelé le 17 octobre dernier le régulateur des télécoms américain – la FCC (1) – à poursuivre sa réforme des règles sur les « box ».

Le « monopole des set-top-boxes »
La FCC, dont le président Tom Wheeler(photo) espère mener à bien sa réforme d’ici
la fin de cette année, a en effet adopté le 28 février dernier une proposition ayant pour objectif de rendre le marché des « box » d’accès à Internet et aux services en ligne plus concurrentiel. Et ce, au moment où les offres de contenus vidéo (VOD, SVOD, OTT (2) vidéo, …) se multiplient avec le très haut débit. Objectif : permettre aux consommateurs américains de pouvoir choisir le boîtier multimédia qui leur convient le mieux et à des prix moins élevés que ceux pratiqués. Les Américains paient en moyenne 231 dollars par an une telle set-top-box, soit 20 dollars par mois. Cela représente outre-Atlantique un marché annuel d’environ 20 milliards de dollars, préempté par quelques câblo-opérateurs – au premier rang desquels Comcast et Verizon –, lorsque ce ne sont pas des opérateurs par satellite tels que DirecTV (appartenant AT&T prêt à s’emparer de Time Warner) ou Dish Network.
Les organisations de consommateurs dénoncent ce « monopole des set-top-boxes ». La FCC, qui constate en outre que le coût de location d’un tel boîtier a fait un bond de 185 % depuis 1994, pense qu’« ouvrir » le marché de l’accès à Internet à d’autres appareils que les seules « box » permettrait d’animer un marché pour l’instant oligopolistique et coûteux pour les consommateurs victimes de « strangulation » (CQFD). Pourquoi ne pas permettre en effet un accès au réseau à partir de tablettes, de téléviseurs connectés ou d’autres appareils multimédias de type magnétoscope numérique ? C’est commercialement impossible, en raison du blocage des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) américains. De leur côté, Google, Apple, Amazon, Tivo, Roku ou encore des fabricants de smart TV plaident pour ce déverrouillage du marché des
« box ». Par exemple, Google a lancé le 3 octobre aux Etats-Unis une set-top-box (ou streaming media player) basée sur Android TV version 6.0 et baptisée « Mi box » (3). La bataille de l’accès est en fait celle du contrôle media center ou de la video gateway dans les foyers. C’est aussi un vaste changement complet d’écosystème qui s’annonce, si la réforme proposée par la FCC aboutie malgré un lobbying intense des FAI et des ayants droits (The Copyright Office, MPAA, …). Les consommateurs ne seraient alors plus obliger de s’abonner à une set-top-box mais pourront choisir leur appareil de connexion, et avoir le droit de changer facilement de FAI comme bon leur semble. Switcher d’un câblo-opérateur vers un OTT, ou vice versa, se fera sans contraintes. Cette ouverture du marché devrait accélérer la tentation du cordcutting (4), où le consommateur décide de s’affranchir de tout FAI pour accéder aux offre vidéo et
TV sur Internet. Ce que propose la FCC est une régulation disruptive sur un marché encore captif de la « box ». Les fabricants de settop- boxes traditionnels pour le marché américain – comme l’américain Arris International et le français Technicolor – verraient alors leur chiffre d’affaires sérieusement impacté. Le débat en cours aux Etats-Unis
sur les set-top-boxes porte aussi sur la protection de la vie privée, d’une part, et sur la neutralité du Net, d’autre part (5), avec des considérations sur la pratique du zero-rating (6).
Qu’en est-il en France ? L’Hexagone compte plus de 27,2 millions d’abonnements (dont 80 % ADSL) à une « box » Orange, SFR, Bouygues Telecom ou encore Free, lesquels FAI détiennent à eux quatre la quasi totalité du marché d’accès fixe à Internet – tout comme de l’accès mobile d’ailleurs.

Suprématie des FAI en France
Récemment, des chaînes de télévision locales se sont plaintes auprès du CSA du changement non concerté de leur canal sur la « box » des FAI. Des hausses tarifaires sont également injustifiées aux yeux des abonnés, comme chez SFR cet été. Videofutur s’est résolu à lancer sa propre « box » faute d’avoir eu accès aux « box » des FAI. Autre inconvénient : à l’heure du direct, les décalages numériques des « box » sont de plus en plus mal vécus. De là à remettre en cause la suprématie des FAI de l’Hexagone, il n’y a qu’un pas. @

Charles de Laubier

Molotov.tv : Pierre Lescure lance son bouquet de TV en ligne sans Canal+, dont il fut cofondateur

Un comble : Pierre Lescure, cofondateur de Canal+ (sous la direction d’André Rousselet il y a trente ans), n’a pas encore réussi à convaincre la chaîne cryptée de faire partie de son bouquet de télévision sur Internet, Molotov.tv. L’explication est à aller chercher du côté de CanalSat et de la chaîne cryptée.

« Canal+ est une chaîne premium, mais ce n’est pas la raison pour laquelle elle ne veut pas travailler avec Molotov.tv, contrairement à OCS et à beIN Sports qui seront, eux, bientôt disponibles sur Molotov.fr. La raison serait plutôt que Canal+ opère aussi CanalSat, un service par abonnement d’accès à une vaste offre de chaînes destinées à l’écran de télévision, aux set-top-box, aux tablettes, aux ordinateurs portables, etc. », explique Steve Rosenblum (1), membre du conseil d’administration de la société Molotov. Cette startup est présidée par Pierre Lescure (photo), en charge de la stratégie et du développement. Il fut cofondateur de Canal+ il
y a trente ans et actuellement président du Festival de Cannes.

Molotov va concurrencer CanalSat…
Préparé dans le plus grand secret depuis deux ans, le projet Molotov.tv a été présenté le 4 novembre dernier au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – après avoir été déclaré auprès de ce dernier en juin – comme étant un bouquet d’accès gratuit ou payant à plus de 80 chaînes de télévision – soit en flux direct (live), soit en mode rattrapage (replay). Ce qui correspond à 90 % de l’audience consolidée des chaînes
en France, d’après Médiamétrie. Alors que Molotov.tv est encore en version bêta, testée depuis son annonce en juin dernier par un petit nombre d’utilisateurs sélectionnés sur invitations « envoyées dans un quota d’abord très limité » (parmi plusieurs dizaines d’inscrits en ligne), l’ouverture « très progressive » du service auprès d’un large public est prévue pour cet automne, sur le Web dans un premier temps, en attendant son déploiement par la suite sur les smartphones, tablettes et téléviseurs connectés.
Contactée par Edition Multimédi@, une porte-parole du groupe Canal+ nous a indiqué qu’aucune présentation de Molotov.tv et de son modèle économique n’avait été faite
au groupe, pas plus à Jean-Marc Juramie, vice-président exécutif des contenus et de
la programmation de Canal+, qu’à Maxime Saada, le nouveau directeur général du groupe. Et de préciser que pour se prononcer ou « négocier », encore fallait-il que Canal+ puisse connaître dans le détail le projet qui prévoit du gratuit et du payant (freemium). De son côté, Molotov dit pourtant les avoir sollicités dès juin. « Canal+ nous a répondu très tardivement, mais maintenant nous discutons avec eux. Si diffuser les chaînes gratuites D8, D17 et iTélé ne devrait pas poser de problème, il reste à se mettre d’accord sur la chaîne cryptée », nous indique Jean- Marc Denoual, un des cofondateurs de la start-up et ancien directeur de la distribution des chaînes thématiques payantes du groupe TF1. Combien le groupe Canal+ acceptera- t-il de payer Molotov pour de nouveaux abonnés ? Sous le secret des sources, un proche de Pierre Lescure nous a expliqué que « Canal+ veut promouvoir sa box OTT avec sa navigation propre et surtout n’entend pas payer de commission (fee) à Molotov sur ses abonnés, estimant que l’apport réel de Molotov – qui n’est pas un fournisseur d’accès
à Internet (FAI) – ne vaut pas cette rémunération ». TF1, France Télévisions, M6, Arte, Gulli (Lagardère Active), Disney Channel, France 24, BFM TV (NextRadioTV/Altice Media) et bien d’autres chaînes (2) feront partie de ce bouquet audiovisuel qui sera gratuit pour les chaînes en clair et payant pour les chaînes cryptées. Molotov étudie également avec l’INA (3) l’intégration de son nouveau service « INA Premium ». Mais
si l’absence du groupe Canal+ – et de ses chaînes Canal+, D8, D17 et iTélé – persiste, cela pourrait contrarier le lancement du bouquet final. « Nous avons la conviction que Molotov fait entrer la télévision dans une nouvelle ère », a déclaré Pierre Lescure.

Ce qui ne semble pas convaincre pour l’instant la filiale télévision du groupe Vivendi qui opère aussi CanalSat, un bouquet payant de plus de 150 chaînes – dont beaucoup de thématiques, parmi lesquelles une cinquantaine sont en exclusivité. C’est là que le bât blesse. Outre le fait qu’il s’agit de la seconde plus forte marque du groupe Canal+, CanalSat est disponible sur le satellite, l’ADSL et la TNT via un nouveau décodeur connecté à Internet (le Cube permettant de recevoir l’intégralité de l’offre CanalSat, grâce à une réception hybride TNT/Internet, et tous les services connectés associés).

… et les « box » des FAI
Tous les écrans peuvent ainsi accéder aux chaînes proposées en direct ou à la demande, via le site web Canalsat.fr et la nouvelle interface « myCanal » : chaque mois, plus de 7 millions de contenus sont ainsi visionnés par les abonnés. Autant dire que la nouvelle direction du groupe Canal+ – dont le bras droit de Vincent Bolloré, Jean-Christophe Thiery (4), président du directoire – refuse qu’un cocktail « Molotov » vienne détruire un si jolie bouquet. Ce nouveau concurrent serait d’autant plus malvenu que Canal+ est déjà sous pression d’un Netflix commençant à lui tailler des croupières en France. Selon Arthur Kanengieser, chercheur à l’école des Mines ParisTech et auteur de l’étude « Après Netflix » publiée en septembre 2014, CanalSat est le premier impacté : « Le nombre d’abonnements à Canal+ est resté stable, au prix d’un coût
de grille en hausse (+ 9,2 % entre 2008 et 2012), alors que CanalSat perd 300.000 abonnements entre 2012 et 2013 » (5). Les causes sont multiples : concurrence des chaînes de la TNT, des bouquets proposés par les FAI, de BeIN Sports du groupe de médias qatari Al-Jazeera, de Netflix présent en France depuis plus d’un an, ou encore de nouvelles offres vidéo sur Internet – bientôt rejointes par l’ambitieux Molotov.tv.

Une sorte de « Netflix » de la TV
Ce service dit OTT (Over-The-Top), c’est-à-dire sans dépendre d’un réseau d’opérateur télécoms ni d’une box d’un FAI, ne nécessite aucun boîtier ni aucune clé à brancher. Ce n’en est pas moins une pierre lancée dans le walled garden des FAI, lesquels sont de ce fait de plus en plus concurrencés par ces services audiovisuels par Internet : non seulement Netflix, mais aussi Apple TV, Android TV, la box Videofutur ou Roku (voir encadré ci-contre). Reste à savoir si le bouquet payant OCS (Orange Cinéma Séries), détenu à 66,66 % par Orange (via Orange TV participations) et à 33,33 % par Canal + (via Multi-thématiques), fera alliance avec Molotov.tv. Quoi qu’il en soit, Molotov.tv est en quelque sorte un « Netflix » de la télévision à la française, s’appuyant non pas sur des algorithmes de recommandation mais sur la grille de programmation des chaînes renouvelée en permanence, permettant aux téléspectateurs et/ou vidéonautes de trouver à l’aide d’un moteur de recherche instantané des programmes et de les regarder de façon linéaire ou en mode délinéarisé en fonction de leurs préférences, leur programmation et leurs bookmarks. « Fini le zapping à l’ancienne, terminé les heures passées à chercher quelque chose à regarder, ou manquer un programme ! », promet l’équipe de Molotov.tv qui veut changer le monde de la télévision. La recommandation apparaît plutôt sous forme de « suggestion » en bas de la page d’accueil « afin de créer une sorte de sérendipité (6) complémentaire pour ajouter encore à la découverte ». L’utilisateur peut aussi enregistrer dans son espace de stockage virtuel afin de se faire une programmation ultérieure personnalisée, ou de regarder plus tard un programme commencé plus tôt. En outre, les programmes diffusés en live peuvent être revus au début. « Lorsqu’un programme est “bookmarké” par un utilisateur, Molotov notifie ce dernier, par e-mail ou sur son smartphone (même si vous n’êtes pas connecté au service), juste avant qu’il ne passe à l’antenne ou dès qu’il a été enregistré. Des fonctionnalités sociales intégrées de manière “organique” : les utilisateurs peuvent aussi partager entre eux leur expérience télévisuelle. D’autres fonctionnalités, basées sur les réactions en temps réel ou la diffusion d’informations plus précises au sein même du programme, seront déployées au fur et à mesure », estil expliqué. Cette start-up, créée il y a un an maintenant (en octobre 2014) par Jean-David Blanc, fondateur d’AlloCiné et président de sa propre holding JDH, avec Pierre Lescure, Jean-Marc Denoual (ex-TF1) et Kevin Kuipers (ex-AlloCiné, SensCritique, GameKult), compte dans son tour de table le fonds d’investissement Idinvest Partners (alimenté notamment par Lagardère et le groupe Allianz). Quelque 11,2 millions d’euros au total ont déjà été levés auprès de ce dernier et de quelques business angels. Ses effectifs dépassent aujourd’hui plus d’une trentaine de personnes, mais Molotov continue de recruter graphistes, data-scientists, informaticiens, community managers, financiers, gestionnaires, … « Chez Molotov, chacun est libre de travailler comme il veut, pourvu qu’il apporte sa pierre à l’édifice ». On a l’impression d’entendre Pierre Lescure parler à son équipe une fois qu’il fut recruté par André Rousselet en 1983 pour lancer Canal+… @

Charles de Laubier

ZOOM

Android TV, Apple TV, Roku, Videofutur, … La fin des box ?
Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui, en France, tiennent le haut du pavé avec leur box respective (Livebox, box SFR, Bbox, Freebox, …), se font chahuter par de nouveaux entrants venus proposer de regarder la télévision et des vidéo directement sur Internet.
Avec (Roku par exemple) ou sans (Molotov par exemple) boîtier, ces nouveaux services audiovisuels en ligne ne dépendent d’aucun opérateur télécoms et/oui FAI. L’américain Roku vient de lancer en France son boîtier qui se branche au téléviseur via le câble HDMI et se connecte en Wifi. Il concurrence aussi la clé Chromecast de Google ou le Fire TV Stick d’Amazon. @

Fortune faite en vingt-cinq ans d’Iliad, Xavier Niel poursuit son odyssée à la conquête du monde

Alors que le groupe Iliad a tenu son assemblée générale le 20 mai, Xavier Niel – premier actionnaire à hauteur de 55 % du capital – s’enrichit encore un peu plus grâce aux performances de son groupe et à ses récentes acquisitions internationales. Le milliardaire autodidacte est aussi copropriétaire du Monde
et de L’Obs. Et après ?

Xavier NielIl y a près de vingt-cinq ans, Xavier Niel (photo) rachetait la société Fermic Multimédia, un éditeur de services de Minitel rose créé dans les années 1980, et la rebaptisait Iliad. Il y a quinze ans, il développait un accès à Internet gratuit : Free. Et c’est en novembre 2002 qu’il introduisait en France le concept de triple play – où le téléphonie, l’Internet et la télévision devenaient accessibles à partir d’un boîtier unique, la « box ». La Freebox était née.
Puis, il y a dix ans, Free se mettait à proposer – en partenariat avec Canal+ – la première offre de vidéo à la demande (VOD) en France. Free Mobile, lancé il y a plus de trois ans et atteignant aujourd’hui 15 % de parts de marché, est venu compléter les actifs de Xavier Niel, qui est resté depuis le début de l’odyssée d’Iliad l’actionnaire majoritaire – 54,7 % du capital et 69,19 % des droits de vote.

Vers un patrimoine de 10 milliards d’euros
Free compte, au 31 mars, 16,5 millions d’abonnés, dont 10,5 millions dans le mobile
et plus de 5,9 millions dans le haut débit fixe. Aujourd’hui, son groupe pèse autant en Bourse que le groupe Bouygues (incluant les activités BTP, TF1 et son grand rival Bouygues Telecom) : soit plus de 12,5 milliards d’euros !
Sa valorisation boursière a même dépassé un temps celle de Bouygues après la publication, mi-mai, de bons résultats au premier trimestre et d’un objectif confirmé de croissance (1) de 10 % en 2015. L’action a été multipliée par 13 depuis son introduction en 2004. Bien qu’il soit rémunéré seulement 180.000 euros sans aucune partie variable, l’autodidacte milliardaire tire de cette part du lion au capital du groupe qu’il a fondé l’essentiel de sa fortune personnelle.
L’assemblée générale des actionnaires du groupe Iliad a décidé, le 20 mai dernier, de verser aux actionnaires du groupe Iliad a décidé, le 20 mai dernier, de verser aux actionnaires 0,39 euro par action, soit 22,9 millions d’euros après avoir approuvé les comptes de l’année 2014 : pour la première fois, le chiffre d’affaires a dépassé les 4 milliards d’euros (+ 11,2 % sur un an), tandis que le bénéfice net s’est amélioré à 278,4 millions (+ 4,9 %). Selon nos calculs, Xavier Niel devrait empocher en juin la coquette somme de 12,5 millions d’euros en tant que principal actionnaire (détenteur de 32 010 913 actions au 31 décembre 2014). Il est la neuvième fortune de France en 2014 avec un patrimoine de 8,5 milliards d’euros – en progression de 44,5 % en un an (2). Sa fortune personnelle pourrait atteindre les 10 milliards d’euros cette année. Si Free en constitue la grosse partie, Monaco Telecom – racheté l’an dernier à hauteur de 55 % du capital (3) pour 322 millions d’euros via sa holding personnelle NJJ Capital – est venu grossir les avoirs du milliardaire.

Business angel : start-up et médias
Mais c’était sans compter une autre acquisition intervenue en toute fin de l’an dernier : Orange Suisse, racheté en décembre 2,6 milliards d’euros – toujours par NJJ Capital – et rebaptisé Salt. Xavier Niel était même prêt à mettre 15 milliards de dollars sur la table – via cette fois son groupe Iliad – pour s’emparer de T-Mobile aux Etats- Unis auprès de Deutsche Telekom, mais cette tentative de prise de contrôle a échoué l’été dernier. Son appétit pour les télécoms à l’international s’est affirmé dès 2011, lorsqu’il lance avec Michaël Golan – alias Michaël Boukobza, ancien directeur général d’Iliad (jusqu’en 2007) – le 5e opérateur mobile en Israël : Golan Telecom.
Sur le marché français des télécoms en pleine consolidation, le patron de Free se verrait bien acquéreur de son rival Bouygues Telecom, mais ses relations exécrables avec Martin Bouygues n’ont pas facilité les discussions il y a un an – après que Vivendi ait préféré vendre SFR au groupe Altice-Numericable du Franco-Israëlien Patrick Drahi. Et le patron du groupe Bouygues, Martin Bouygues, a très vite fait savoir qu’il ne comptait pas se défaire de son activité télécoms (4). Ironie de l’histoire, Michaël Boukobza a la double nationalité franco-israélienne comme Patrick Drahi, aux côtés duquel il a travaillé pour ses débuts en Israël après avoir quitté la direction d’Iliad… Parallèlement, Xavier Niel investit dans des start-up Internet. En mars 2010, il a créé Kima Ventures, son propre fonds d’investissements via lequel il investit dans 50 à 100 start-up par an dans différents pays (à raison de 125.000 à 250.000 euros par dossier). En outre, il a annoncé en septembre 2013 la création du « plus grand incubateur de start-up au monde », baptisé « 1000 start-up @la Halle Freyssinet », qui ouvrira ses portes fin 2016 à Paris (5). Xavier Niel a obtenu le soutien total de la mairie de Paris grâce à Jean-Louis Missika qui fut administrateur d’Iliad à partir de 2004, puis vice-président de la maison mère de Free en janvier 2007, avant de démissionner en avril 2008 lorsqu’il devint conseiller de Paris et adjoint au Maire de Paris (6) – pour éviter tout conflit d’intérêt…
Quelque 200 millions d’euros y sont investis, dont 5 % à 10 % pris en charge par la Caisse des dépôts. « Moi, d’abord j’adore ce pays [la France]. Je pense que c’est le plus merveilleux pour créer une entreprise. C’est parce que j’ai investi dans des entreprises du monde entier que je le sais, pas parce que c’est là où j’ai réussi. Bien sûr, le système français n’est pas parfait », avait déclaré Xavier Niel le 22 octobre dernier (7), le jour où François Hollande a posé la première pierre de ce projet sans précédent. Par ailleurs, en mars 2013, le patron de Free a créé une école informatique baptisée 42 – qu’il a souhaitée pour former « en grand nombre » les informaticiens
dont les entreprises innovantes ont besoin. Gratuite et ouverte à tous (de 18 à 30 ans), la formation repose sur le concept du « peer-to-peer learning » qui est une sorte d’apprentissage collaboratif entre élèves.
Xavier Niel, qui a toujours été dans des relations de « Je t’aime, moi non plus » avec les médias, s’est par ailleurs personnellement investi dans la presse française en manque de capitaux. En novembre 2010, il est devenu coactionnaire du journal Le Monde avec Pierre Bergé et Matthieu Pigasse – via leur holding Le Monde Libre (LML) qui a pris le contrôle de la Société éditrice du Monde, dont Xavier Niel est un des membres du conseil de surveillance. Ensemble, les trois propriétaires du journal ont apporté 100 millions d’euros. Actuellement, le trio « BNP » – Bergé-Niel-Pigasse – est confronté à une crise avec la rédaction du quotidien qui a écarté leur candidat Jérôme Fenoglio – ex-rédacteur en chef de LeMonde.fr – pour devenir directeur du « Monde » (il n’a pas obtenu les 60 % des votants le 13 mai). Les actionnaires rencontrent à nouveau la rédaction le 27 mai prochain.
En fait, depuis leur arrivée à la tête du groupe Le Monde, la défiance s’est installée entre eux et la rédaction, non seulement sur la réorganisation entre le papier et le numérique mais aussi sur l’indépendance éditoriale de la rédaction (8). Il y a un an,
la directrice du Monde Natalie Nougayrède – qui avait succédée à Erik Izraelewicz – démissionnait pour être remplacée par Gilles van Kote en tant que directeur par intérim.

Le Monde et L’Obs « libres »
Outre le groupe Le Monde (Le Monde, Télérama, Courrier International, La Vie Catholique), la holding LML a aussi jeté son dévolu il y a un an sur le groupe Nouvel Observateur (L’Obs, Rue 89) en s’emparant de 65 % du capital pour 13,4 millions d’euros (son fondateur Claude Perdriel gardant 35 %). Le nouveau groupe de presse
« Le Monde Libre » ainsi constitué du Monde et de L’Obs aura son futur siège près de la Gare d’Austerlitz à Paris. Déménagements prévus au cours de l’été 2017. Xavier Niel n’est pas prêt de s’arrêter en si bon chemin. @

Charles de Laubier

La copie privée n’est pas du piratage mais un droit

En fait. Le 17 septembre, l’Hadopi a publié un avis après avoir été saisie deux fois – en mai 2013 et en février 2014 – contre les restrictions techniques imposées par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ou par satellite empêchant les plaignants d’exercer leur droit de copie privée de programmes télé.

En clair. L’Hadopi « invite donc les opérateurs de télévision par ADSL ou satellite
à proposer aux téléspectateurs, dans un délai raisonnable, une faculté de copie privée des programmes télévisés qui leur permette de réaliser des copies durablement conservables et disposant d’une interopérabilité suffisante pour l’usage privé du
copiste ». Cet avis (1) est un sérieux avertissement lancé aux fournisseurs de box que sont Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free ou encore Numericable. D’autant que les
« box à disque dur ou à mémoire de stockage multimédia » sont taxées jusqu’à plus de 20 euros en fonction de leurs capacités de stockage.

Cette « rémunération pour copie privée » est payée (sans qu’il le sache vraiment)
par l’abonné, lequel obtient ainsi le droit de procéder à des copies – sans limitation de nombre d’exemplaires, ni de durée de conservation, ni de nombre d’écrans, ni encore d’interopérabilité – pour peu qu’elles soient « strictement réservées à l’usage privé du copiste » (2). Or sur une box ADSL, qui représente encore aujourd’hui en France 98 % des accès haut débit, l’abonné téléspectateur ne peut généralement enregistrer le programme audiovisuel qu’à partir de l’enregistreur numérique (3) intégré à la box.
De plus, les copies numériques ne peuvent être lues qu’à partir de ce même matériel. Résultats : ces enregistrement ne peuvent pas être lus par un autre appareil que la box qui les a enregistrés, celle du FAI. Pire : « Le changement de fournisseur, voire parfois le simple remplacement du récepteur, implique la perte de tous les enregistrements réalisés », déplore l’Hadopi, qui dénonce ainsi d’importantes restrictions d’usage qui limitent l’interopérabilité et la conservation des fichiers. Dans son avis, la présidente Marie- Françoise Marais estiment que ces mesures de protection excessives sont le plus souvent motivées par la crainte du piratage : « Les artistes, producteurs et diffuseurs soutiennent que le partage illicite de copies de ces programmes détourne une partie de l’audience, à la fois en direct et pour la télévision de rattrapage, privant d’autant de ressources d’abonnement ou de publicité les bénéficiaires de l’exploitation de l’oeuvre ».
Mais la copie privée n’est pas du piratage. Quoi qu’il en soit, l’Hadopi demande aux FAI qu’« une information précise soit donnée sur les possibilités d’usage des copies réalisables avec chaque matériel ». @