Le futur code européen des télécoms fait débat

En fait. Le 24 octobre, s’est tenu à Luxembourg le Conseil européen des ministres des télécoms. Le 10 octobre, la présidence estonienne de l’UE a
obtenu le mandat de négocier avec le Parlement européen le nouveau code
des communications électroniques « à l’ère de la 5G ». Les opérateurs mobile s’inquiètent.

En clair. Le Conseil de l’Union européenne (UE) table toujours sur l’objectif d’achever
« au plus tard en 2018 » la mise en place du marché unique numérique afin de
« stimuler l’innovation et la croissance ». C’est dire que le temps presse pour que le projet de « code européen des communications électroniques » (1) soit enfin débattu par le Parlement européen. D’autant que cette prochaine règlementation des télécoms et du numérique prépare l’Europe à l’ère de la 5G « en encourageant les investissements, la concurrence, la protection des consommateurs et le développement de nouveaux services ». C’est sur les licences des fréquences 5G que se cristallisent le rapport de force entre les opérateurs mobile représentés par la puissante association mondiale GSMA et les Etats membres de l’UE propriétaires souverains des ressources spectrales.
« Chers ministres [des télécoms européens], je dois exprimer mes profondes préoccupations quant à l’état actuel des discussions », leur a fait savoir le 23 octobre Mats Granryd, directeur général de la GSMA, dans une lettre ouverte adressée la veille de leur réunion à Luxembourg. Les opérateurs mobile veulent : « une durée de licence minimum de 25 ans [comme l’a proposée la Commission européenne dans ses propositions de septembre 2016 en vue d’harmoniser la gestion du spectre dans l’UE, ndlr], avec une forte présomption de renouvellement » pour invertir à long terme,
« des redevances structurées de manière à s’éloigner d’une création de revenu à court terme » pour plus investir dans les réseaux « Gigabit » que dans les fréquences des Etats. Or cette durée de 25 ans a été rayée du projet de texte (2) du mandat confié à la présidence estonienne de l’UE, car cette disposition continue d’être contestée par une dizaine d’Etats membres, tels que le l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne la Finlande, la Pologne, ou encore le Royaume-Uni, lesquels veulent garder leur pouvoir régalien de gérer et monnayer leur spectre (durée et prix).
En France, qui ne conteste pas les 25 ans, les prix des licences mobile ont rapporté 240 millions d’euros en 2009 pour le 4e réseau 3G (Free), 600 millions d’euros pour les fréquences 3G résiduelles en 2010, 3,6 milliards d’euros en 2012 pour les fréquences 4G dans les bandes 800 Mhz et 2.6 Ghz, et 2,98 milliards en 2015 pour les 700 Mhz (lire p. 8 et 9). C’est maintenant tout l’avenir de la 5G qui est en jeux. @

Rani Assaf, le très discret directeur technique et deuxième actionnaire de Free, gagnerait à être connu

général délégué d’Iliad comme Xavier Niel, rémunéré 183.000 euros en 2015 comme Xavier Niel, deuxième actionnaire individuel du groupe derrière Xavier Niel, Rani Assaf est le directeur technique historique de Free à qui son fondateur doit tout. Avec le foot, la 400e fortune de France se fait moins discrète.

Rani Assaf (photo) vient d’achever son sixième mois à
la tête du club de football de Nîmes, dont il était déjà un actionnaire de l’ombre depuis deux ans et demi. Maintenant qu’il a été « élu à l’unanimité » PDG du Nîmes Olympique, le 1er juin dernier, le très discret directeur technique et directeur général délégué du groupe Iliad, ne peut plus échapper aux médias qu’il a obsessionnellement évités jusqu’alors. Rani Assaf est non seulement la cheville ouvrière d’Iliad – c’est lui le vrai inventeur de Free, de la Freebox et de Free Mobile – mais surtout le bras droit inséparable de Xavier Niel. Jeune transfuge d’Easynet, entré comme stagiaire en 1999 au moment de la création de l’entreprise par ce dernier, le virtuose du fer à souder et bidouilleur en chef est devenu irremplaçable au sein d’Iliad, où il est le deuxième actionnaire physique du groupe avec 1,3 % du capital (1) aux côtés du fondateur qui détient encore 54,5 %. Rani Assaf, qui possède en outre des actions des sociétés Freebox (filiale R&D du groupe) et Free Mobile, est la 400e fortune de France avec un patrimoine personnel
de 150 millions d’euros (voir graphique page suivante), certes bien loin de la 11e place détenue par Xavier Niel et ses 7,23 milliards.

Devant l’urgence du tout connecté à très haut débit, la Commission européenne change de paradigme

Le retard de la France dans le déploiement du très haut débit fixe et mobile
est emblématique d’une Europe qui se rend compte du relativement faible investissement de ses opérateurs télécoms. La faute à une réglementation
trop « consumériste » ? Jean-Claude Juncker veut corriger le tir.

Rémy Fekete, associé Jones Day

L’Europe n’est pas prête. Elle n’est pas prête à s’inscrire dans une économie numérique où le très haut débit est la règle et la condition du fonctionnement des nouveaux outils, des services, des contenus, bre f , d e l’activité des entreprises et de la vie
des citoyens.
« France Numérique 2012 », « Plan de relance numérique »,
« Plan national très haut débit » (PNTHD), « Plan France très haut débit » (France THD) : depuis six ans, les politiques n’ont
eu de cesse d’annoncer pour l’Hexagone des jours meilleurs et, en particulier, l’accession de la totalité de la population au très haut débit.

Yves Gassot, Idate : « Face aux acteurs du Net, les opérateurs télécoms ne vont pas disparaître »

Alors que l’Idate – institut d’études sur les télécoms, l’Internet et l’audiovisuel – publie le 14 juin son DigiWorld Yearbook 2016, son directeur général Yves Gassot répond aux questions de Edition Multimédi@ sur les défis que doivent plus que jamais relever les opérateurs télécoms face aux acteurs du numérique.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le marché mondial du numérique devrait, selon l’Idate, franchir les 4.000 milliards d’euros l’an prochain. Vos prévisions antérieures ne le prévoyaient-elles pas dès cette année ? En outre, pourquoi la valeur des TIC (1) a tendance à croître moins vite que le PIB ?
Yves Gassot :
En fait, nous révisons nos chiffres tous les ans avec deux types d’ajustement que sont la prise en compte des taux de change et la rectification des taux de croissance constatés au regard de nos anticipations. Par exemple, la chute de la croissance des revenus mobiles aux Etats-Unis a été plus prononcée qu’on ne l’avait anticipée. Par ailleurs, la croissance moins rapide en valeur des secteurs TIC au regard de celle du PIB est effectivement contre-intuitive. Pourtant la croissance de certains secteurs du numérique – les services Internet – est très rapide. Des économistes montrent que c’est dans les secteurs des TIC que les gains de productivité sont les
plus importants. Cela a pour conséquence de faire baisser les prix unitaires. En principe, cette baisse des prix s’accompagne d’un effet positif sur les volumes. Ce que l’on peut observer sur un marché comme celui des smartphones qui peut ainsi s’élargir aujourd’hui aux consommateurs des économies émergentes. Mais on peut aussi avoir des phénomènes de déflation liés à l’intensité de la concurrence, comme on l’observe en Europe dans les services télécoms. Enfin, il est probable que les cadres statistiques ont du mal à suivre la déformation des frontières des secteurs sous l’effet de la transformation numérique.
Reste une question fondamentale : pourquoi les gains de productivité dans nos économies, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, ont nettement décru depuis 2006, donc avant la crise des subprimes, comme si l’économie avait absorbé dans la décennie précédente les bénéfices de l’Internet ? Sans parler de la fin du cycle de transformation du numérique, il est possible qu’il y ait un palier en attendant que le puzzle de l’Internet des objets (IoT), du Big Data et de l’intelligence artificielle se mette en ordre.

La 4G peine à décoller et ne change pas les usages

En fait. Le 3 octobre, l’Arcep a publié les chiffres du marché des services mobiles pour le second trimestre 2014. Pour la première fois, la 4G en France a dépassé
le cap des 5 millions d’abonnés. Mais une étude de Deloitte, publiée le 30 septembre dernier, montre que la 4G n’influe pas sur les usages.

En clair. Près de deux ans après le lancement du mobile très haut débit en France,
à peine 7 % des 78,4 millions de cartes SIM actives sont en 4G. Ils sont ainsi près
de 5,5 millions d’abonnés concernés au 30 juin (1). Ce chiffre 4G, que fournit l’Arcep depuis le début de l’année dans son observatoire trimestriel, reste cependant en deçà de ce qu’affirment les opérateurs mobile, qui, eux, comptabilisent toutes les offres 4G commercialisées. Or, un client peut souscrire à une offre 4G mais ne pas disposer pour autant du terminal adapté au très haut débit mobile ! Alors que le régulateur, lui, comptabilise uniquement les clients 4G actifs qui disposent à la fois d’une offre 4G
et d’un terminal compatible 4G.
Résultat : le très haut débit mobile reste encore un marché de niche et devrait encore
le rester un certain temps. D’autant qu’en avril dernier, Médiamétrie indiquait que seulement un Français sur cinq avait l’intention de s’abonner à la 4G. D’après l’étude du cabinet Deloitte, seul « un Français sur dix dispose d’un full package 4G (téléphone + forfait) » et « un sur dix est équipé malgré lui (téléphone ou forfait 4G seulement) ». Résultat : « Seuls 11 % des consommateurs détiennent un forfait et un téléphone compatibles 4G ». Le « principal frein » à l’adoption de la 4G est financier : le prix du forfait (36 %) et du téléphone 4G (23 %). Sinon, la 3G en déplacement et les réseaux Wi-Fi (à domicile, en hotspot ou au bureau) leur suffisent, à moins qu’ils n’aient pas
de couverture 4G…
Et encore, lorsqu’ils sont en 4G, les abonnés n’exploitent pas son potentiel et ne l’utilisent pas pour des activités réellement dépendantes de la vitesse de connexion :
« Ils ne sont que 28 % à regarder des vidéos, 21 % à écouter de la musique en streaming, 17 % à faire des transferts volumineux de photos, 13 % à jouer en ligne
et 10 % à faire des transferts volumineux de films », constate Deloitte, dont l’étude
ne parle absolument pas de télévision sur mobile.
Pourtant, dans leur 12e édition du Guide des chaînes numériques publié en avril dernier, le CSA, le CNC, la DGMIC, le SNPTV et l’ACCeS (chaînes conventionnées) table sur la 4G : « Le développement des réseaux 4G devrait accélérer l’essor de la télévision sur mobile grâce à l’accroissement des débits de connexion par rapport à ceux existant aujourd’hui » (2). Ce qui ne saute toujours pas aux yeux aujourd’hui. @