Yahoo reçoit le «Laurier Numérique» du Club de l’audiovisuel pour sa production « La Face Katché »

Six mois après l’acquisition des activités médias de Verizon par le fonds d’investissement newyorkais Apollo pour 5 milliards de dollars, Yahoo – partie du lot cédé – tutoie le milliard de visiteurs dans le monde. Sa filiale française, elle, remporte le « Laurier Numérique » du Club de l’audiovisuel.

Aux 27es Lauriers de l’Audiovisuel, qui se sont tenus le 21 février au théâtre Marigny à Paris pour récompenser les meilleurs programmes radio, télévision et web (1), la filiale française de Yahoo a été distinguée par l’organisateur, le Club de l’audiovisuel (2). Sa série d’interviews consacrée à la diversité – « La Face Katché » (3) – et diffusée sur sa plateforme média, a remporté le « Laurier Numérique » face aux deux autres nommés issus des plateformes France.tv (« Carrément Craignos ») et Arte.tv (« Libres »).

Partis pris éditoriaux et sujets de société
« La Face Katché » est un programme produit et diffusé par Yahoo depuis novembre 2020. « Il s’agit d’une série d’interview intimistes [menées par le batteur et auteurcompositeur français Manu Katché, ndlr], qui ont souvent lieu chez la personnalité qui nous reçoit dans son salon. C’est une particularité assez rare. Chaque épisode, après montage, dure une dizaine de minutes. Nous réalisons un épisode par mois environ, chacun totalisant en moyenne 1 million de vues », explique à Edition Multimédi@ Alexandre Delpérier (photo de droite), directeur des contenus et de l’information de Yahoo France. Ont ainsi joué le jeu de ce format intimiste des personnalités issues de la diversité telles qu’Amel Bent, Yannick Noah (4), Joey Starr, Marie-Jo Perec, Patrick Bruel, Harry Roselmack ou encore Akhenaton. Nouvelle interview : celle de Gad Elmaleh, mise en ligne le 23 février. « Nous proposons aussi une expérience différente : un article contenant quatre ou cinq extraits de la vidéo longue, un podcast de la quasi-intégralité de l’entretien. Tout est produit en interne avec le budget global éditorial », préciset- il. Ce programme avait déjà reçu en 2021 le Prix Argent dans la catégorie « Meilleures initiatives éditoriales » (meilleur programme, émission online) par le « Grand Prix Stratégies de l’innovation médias » (5).
Alexandre Delpérier revendique pour ces productions originales le « parti pris éditorial » et des « contenus engagés et différenciants », en mettant l’accent sur des « sujets de société » (« Président(e) 2022 », « Carnet de Santé », « Convictions », « Joyeux Anniversaire », …). Ce « virage stratégique » négocié par Yahoo France en 2018 lui permet d’atteindre aujourd’hui des audiences en « progression soutenue ». Rien qu’en décembre 2021, dont Médiamétrie a publié les résultats le 27 janvier dernier, l’ensemble des médias de la marque Yahoo affiche un total de plus de 27,7 millions de visiteurs uniques sur ce mois. Au sein de cette fréquentation globale (sur ordinateur et/ou smartphone et/ou tablette), Yahoo Actualités (6) a franchi depuis l’automne dernier la barre des 10 millions de visiteurs uniques par mois. « Ces choix éditoriaux rencontrent un large succès. Nous sommes à la fois créateurs mais aussi agrégateur de contenus. Ainsi, sur Yahoo, vous retrouvez les contenus de BFM, d’Europe 1, de L’Equipe, de Paris Matchparmi plus de 40 marques média », indique Alexandre Delpérier, lui-même journaliste sportif, animateur de radio et de télévision. Chaque pays produit ses propres contenus, l’objectif étant de proposer des formats capables d’intéresser des cibles locales. Le nerf de la guerre est en effet de monétiser cette audience par de la publicité programmatique et vidéo. « La France est, à l’international, l’un des pays où Yahoo réalise ses meilleures audiences, hors Etats-Unis. Grâce à nos résultats, nous avons la chance de disposer d’une oreille attentive auprès des dirigeants d’Apollo (7), même si nous venons de quitter nos locaux du boulevard Haussmann [à Paris, pour aller au 18 boulevard Malesherbes, ndlr]. Nous disposons toujours d’un outil interne de production. Nos budgets sont identiques pour la production de contenus », nous confie Alexandre Delpérier.
Depuis le 27 septembre, Jim Lanzone – ancien patron de Tinder – est le nouveau directeur général du groupe californien Yahoo au niveau mondial (8). Il chapeaute non seulement Yahoo mais aussi AOL, TechCrunch, Engadget ou encore Autoblog, soit une audience de près de 900 millions de visiteurs (9). Le miliard n’est pas loin.

Nouvelle direction à Yahoo France
Avec ce Laurier Numérique, Yahoo renforce ainsi sa reconnaissance de la part du monde audiovisuel français (10). Cette consécration au sein du pays de « l’exception culturelle française » n’est pas anodine, surtout au moment où les géants du long-métrage vidéo (Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, …) se renforcent dans le financement du 7e Art français. Pour Claire Michel-Pfohl (photo de gauche), promue en janvier directrice générale de Yahoo France (après avoir été directrice des ventes médias et adtech en France et Allemagne), c’est comme un cadeau de bienvenue. @

Charles de Laubier

Le Club de l’audiovisuel numérise ses «Lauriers»

En fait. Le 4 février, le Club de l’audiovisuel – anciennement Club de l’audiovisuel de Paris (CAVP) et association de défense « l’exception culturelle française » dans l’audiovisuel depuis les années 1990 – a révélé les nommés à ses 26es Lauriers de l’audiovisuel, dont ceux pour le Laurier numérique.

En clair. C’est une révolution de velours pour le Club de l’audiovisuel (ex-CAVP), association née sous les ors du Palais du Luxembourg en 1993. Parangon de « l’exception culturelle française », l’ex-Comité français de l’audiovisuel (CFA) n’aurait jamais imaginé devoir composer, près de trente ans plus tard, avec de « nouveaux entrants qui bouleversent le PAF (1) tels que Molotov, Netflix, Salto ou encore Disney et Amazon ». Présidé depuis 12 ans par Patrick Bézier, le Club de l’audiovisuel entend – avec ces plateformes vidéo sans frontières dont aucune n’est partenaire, au contraire d’Orange qui l’est depuis dix ans – « dialoguer et fédérer pour défendre l’exception culturelle française ». Les plus conservateurs du PAF pourraient craindre l’entrée du loup dans la bergerie. D’autres se féliciteront que ce cénacle « marrainé » par la sénatrice Catherine Morin-Desailly emboîte le pas – d’un train de sénateur, diront les impatients – de cette « révolution numérique ». Avec ces 26es Lauriers de l’audiovisuel 2020, dont la cérémonie de remise des trophées aux lauréats se tiendra le 8 mars 2021 en « phygical », c’est la deuxième année qu’un Laurier numérique sera décerné. « Les Lauriers de l’audiovisuel accordent une place croissante aux programmes numériques. L’offre de biens culturels de qualité s’étant démultipliée via les réseaux sociaux, il était naturel que les Lauriers s’en fassent l’écho », nous confie Jacques-Marie Ponthiaux, secrétaire général du Club, en charge de la communication, des partenariats et du jury. Ainsi, sont nommés pour le Laurier numérique cette année : « La Face Katché », un format consacré à la diversité et produit par Yahoo France (2), filiale du groupe américain Verizon Media ; « La trilogie de l’Opéra National de Paris » diffusé sur sa chaîne YouTube (3) en hommage à la lutte contre le covid ; « Parlement », websérie sur France.tv (4) coproduite par Cinétévé, Artemis Productions et Cinecentrum. En outre, le Laurier jeunesse se numérique avec deux webséries nommées, « Amours solitaires » sur France.tv Slash (5) et « Askip, le collège se la raconte » sur France.tv Okoo (6). Pour l’année 2019, où apparaît pour la première fois le Laurier numérique, ce trophée est revenu au podcast « Dalida et moi » diffusé sur Arte Radio (7), tandis que le Laurier Jeunesse a été décerné à un autre podcast, « Oli » diffusé sur Franceinter.fr (8). Le Club du numérique est en marche. @

Avec sa filiale de production Newen, présidée par Fabrice Larue, TF1 cherche à se mesurer à Netflix et Amazon

Il y a plus de deux ans, TF1 s’emparait de 70 % du capital de la holding FLCP de Fabrice Larue – alors rebaptisée Newen Studios, chapeautant les filiales Newen (production audiovisuelle) et Neweb (activités digitales). Pour compenser les chaînes nationales stagnantes, l’international est un relais de croissance vital.

Au moment où les géants mondialisés Netflix et Amazon vont investir cette année respectivement plus de 7,5 milliards de dollars et 4,5 milliards de dollars dans la production de séries
et de films, le groupe TF1 se sent de plus en plus à l’étroit dans ses frontières nationales. Si les chaînes locales ne sont pas exportables, la production l’est. Et c’est une aubaine pour la filiale du groupe Bouygues, confrontée à la stagnation voire à l’érosion de ses audiences à l’antenne, et donc condamnée à aller chercher des relais de croissance à l’international en (co)produisant des contenus. Quitte à pactiser avec ses deux plus gros concurrents : Netflix et Amazon. « Nous produisons la série “Osmosis”pour Netflix. C’est eux qui sont venus nous chercher,
via notre bureau de Londres et ils voulaient que cela soit fait par les producteurs de
la série “Versailles”, donc Capa [une des filiales de Newen, ndlr]. C’est prévu pour fin 2018-début 2019. Le tournage, en français, devrait commencer l’été prochain – en Île-de-France », a confié le 15 mars Fabrice Larue (photo), président de Newen Studios. Filiale depuis deux ans du groupe TF1, qui détient 70 % de son capital (1), cette holding – présente à la fois dans la production audiovisuelle (Newen) et dans des activités Internet (Neweb (2)) – produit aussi pour Amazon.

Le risque assumé de produire pour Netflix et Amazon
« Nous faisons pour Amazon en France la coproduction de la série “Deutsch-Les-Landes”, tandis que notre partenaire allemand Bavaria le fait pour Amazon en Allemagne », a-t-il indiqué. Diffusion sur Amazon Prime Video : fin 2018. Plutôt discret depuis qu’il est passé sous la coupe du groupe TF1 début 2016, Fabrice Larue s’est exprimé ainsi devant l’Association des journalistes médias (AJM). A la question de savoir s’il y avait d’autres projets avec Netflix et Amazon, sa réponse fut « Non ». Edition Multimédi@ lui a demandé si travailler avec des GAFAN, dont les investissements dans la production sont colossaux, ne présentait pas tout de même
un risque pour TF1. Autrement dit, estce bien raisonnable dans la mesure où une fois qu’ils se seront inspirés des méthodes de production française, Netflix et Amazon pourraient très bien continuer à faire sans Newen qui se retrouverait alors devant d’énormes concurrents ?

« Les GAFAN peuvent nous piquer nos créatifs »
« C’est toujours le problème. Vous avez raison. Nous, nous sommes des producteurs qui vendons des productions à des clients ; on est content de les avoir. Ce qu’il faut effectivement, c’est une relation commerciale qui s’installe et où il y ait une juste répartition de la création de valeur. Elle se fait à notre niveau mais il faut qu’elle se fasse aussi au niveau de la profession », a-t-il répondu. Celui qui est entré dans la production audiovisuelle il y a dix ans – en rachetant en 2008 Telfrance, producteur de la série télévisée « Plus belle la vie », puis en 2009 Be Aware, et en 2010 Capa, pour former alors le groupe Newen (3) – se dit confiant : « J’ai la faiblesse de croire quand même que Newen s’est mis au bon endroit de la création de valeur, c’est-à-dire la création de contenu de qualité : il y a toujours quelqu’un qui vient vous les acheter. Car on est bon en France dans la création ; on a de bons auteurs et de bons réalisateurs ; on n’a pas à rougir en fictions ». Amazon vient d’ailleurs de mettre à son catalogue la série « Demain nous appartient », produite par la filiale Telfrance de Newen et disponible en SVOD 48 heures après sa diffusion sur TF1. Et Fabrice Larue de tenter de rassurer : « Alors les GAFAN peuvent nous piquer nos créatifs… A nous de trouver un système dans lequel ils (les créatifs) s’épanouissent. Si demain, les GAFAN voulaient prendre la création en imposant des choses à leur producteur, ils perdraient en création. Mais vous avez raison, il y a ce risque. Mais si on conserve ce savoir-faire-là, c’est bien ». Le patron de Newen table sur l’indépendance qu’il garantit à tous ses producteurs et se félicite que « TF1 a[it] l’intelligence de laisser l’indépendance à Newen pour la création ».
Newen, qui n’a voulu céder la marque Osmosis à Netflix et qui l’avait déjà exploitée
il y a trois ans avec la première websérie de fiction créée spécifiquement pour Arte Creative, est producteur exécutif d’« Osmosis ». L’histoire racontée par cette série
part d’une application algorithmique qui garantit avec certitude de trouver l’âme sœur. Fabrice Larue, lui, a-t-il trouvé les partenaires idéals avec Netflix et Amazon ?
« C’est une licence de marque, louée à Netflix tant qu’il l’exploite et produise “Osmosis”. Comme il achète la série pour le monde entier, avec des fenêtres de droits sur quelques années, nous n’avons pas à le distribuer. Alors que pour “Deutsch-Les-Landes” avec Amazon, nous avons les droits de distribution mondiale en dehors des pays francophones et germanophones », a-t-il précisé, tout en indiquant que « le coût de production d’”Osmosis” se situe plutôt dans la moyenne supérieure des prix du marché ». Un 52 minutes produit en France coûte en moyenne de 600.000 à 1 million d’euros, sachant que cela peut aller jusqu’à 2,9 millions l’épisode comme pour la série
« Versailles » produite par Capa/Newen (4) et diffusée depuis fin 2015 sur Canal+.
« Aujourd’hui, on est obligé d’avoir des ventes à l’étranger pour pouvoir amortir des budgets comme celui de “Versailles”. Il faut que l’on sorte de la France notre chiffre d’affaires, qui devrait faire en 2018 entre 20 % et 25 % à l’international. France Télévisions n’en représente plus aujourd’hui que 50 % à 55 %, contre 70 % avant
notre rachat par le groupe TF1, lequel génère maintenant 12 % à 15 % de nos revenus, et les10 %-15 % restants sont répartis entre Arte, M6 et Canal+ », a détaillé Fabrice Larue (5).
En rachetant Newen, TF1 s’est en fait offert une planche de salut pour se développer à l’international et y trouver de nouveaux relais de croissance. « TF1 a besoin de trouver des relais de croissance. En dehors de la publicité, il y a deux axes stratégiques : Newen et le digital (Aufeminin acquis fin 2017). Newen doit être un des relais de croissance, notamment à l’international, de TF1 ». Cela passe par des acquisitions : après avoir pris en septembre 2017 le contrôle de Blue Spirit, société française de production d’animations (85 % du capital), les cibles sont maintenant hors de France comme la société de production Tuvalu Media Group aux Pays-Bas rachetée en février 2017 (71 % de son capital). « Si l’on est fort dans la fiction, il faut se développer dans le flux [émissions de jeux, de divertissement, …, ndlr], l’objectif étant d’être présent plutôt en Europe du Nord, nous regardons (d’autres acquisitions possibles) en Grande-Bretagne et dans les pays scandinaves ». Le document de référence de TF1 sur l’exercice 2017, publié le 8 mars dernier, mentionne qu’une « prise de contrôle [est] envisagée par Newen Studios dans Monday Media, 1er producteur indépendant [danois] de programmes de flux, de sport et de fictions, présent dans l’ensemble des territoires scandinaves ».

Newen Network, un réseau international
Le producteur allemand Bavaria, qui pourrait reprendre les licences « Demain nous appartient » et « Plus belle la vie » pour l’Allemagne, serait aussi une cible potentielle de Newen. « Nous avons créé en mai 2011 un réseau international appelé Newen Network, qui compte comme partenaires Bavaria Film en Allemagne, Globomedia en Espagne et Zone 3 au Canada. C’est plus facile de faire des partenariats commerciaux et de coproduire ensemble, avant de prendre des participations capitalistiques », a expliqué Fabrice Larue. @

Charles de Laubier

EuropaCorp boit le bouillon en Bourse à cause de pertes record, mais les recettes de VOD décollent

La diffusion des films de la major française du cinéma EuropaCorp sur les plateformes de VOD (à l’acte ou par abonnement) a bondi de 114 % en un an
à plus de 17 millions d’euros, d’après ses résultats annuels 2016/2017 publiés
cet été. La consommation de films en ligne dépasse 10 % de ses revenus.

« Actuellement, les films EuropaCorp sont toujours exploités
en France par l’ensemble des acteurs de la VOD (fournisseurs d’accès à Internet et autres opérateurs majeurs comme CanalPlay ou Netflix). Cependant, dans le but de maximiser
la valeur de ses programmes, le groupe étudie l’opportunité économique de réorienter sa stratégie vers des collaborations exclusives avec un nombre réduit de partenaires », a indiqué le groupe de Luc Besson (photo) dans son document de référence annuel publié le 28 juillet dernier, alors que s’organise l’assemblée générale des actionnaires prévue le 27 septembre.

Valoriser en ligne et en exclusivité
C’est ainsi que EuropaCorp avait signé en novembre 2015 un accord-cadre avec Amazon pour l’exploitation en SVOD de ses films sur les Etats-Unis, afin notamment de s’assurer de la visibilité de ses films. L’accord avec le géant mondial du e-commerce, lequel a élargi en décembre dernier la disponibilité de sa plateforme Amazon Prime Video (y compris en France) au-delà de cinq pays initiaux (1), porte aussi sur la diffusion en Pay TV. Cette stratégie de valorisation des films en ligne semble payer puisque le chiffre d’affaires total du groupe en VOD (à l’acte) et en SVOD (par abonnement) dépasse les 17 millions d’euros, en progression de 114 % sur un an (au titre de l’exercice 2016/2017 clos le 31 mars). Le bond de ce mode de consommation des films est très significatif depuis deux ans, avec pas moins de 330 % de hausse cumulée sur cette période par rapport à l’année 2014/2015 où la VOD/SVOD ne dépassait pas les 4 millions d’euros de chiffre d’affaires (2). Cette fois, et pour la première fois, le cinéma à la demande a franchi la barre des 10 % des revenus globaux de la major française – pour peser précisément 11,2 % du chiffre d’affaires. Cette performance est une maigre consolation pour EuropaCorp qui a fait état d’une perte record sur le dernier exercice, à hauteur de près de 120 millions d’euros (3), alors que le chiffre d’affaires a progressé de seulement 2,9 % à 151,7 millions d’euros. Coté à la Bourse de Paris depuis dix ans maintenant, la société de production et de distribution de films cofondée en 1999 par Luc Besson (actuel président du conseil d’administration et premier actionnaire à 31,58 % du capital via notamment Front Line) et Pierre-Ange Le Pogam (parti de l’entreprise depuis plus de six ans mais resté actionnaire minoritaire via Equitis Gestion), boit le bouillon. Le méga-succès du film « Lucy » et son demi-milliard de dollars de recettes dans les salles de cinéma du monde entier – le plus gros succès historique du cinéma français à l’international – avait contribué à limiter les pertes 2015/2016 à 27, 7 millions d’euros. Mais l’année suivante a déçu, faute de blockbusters d’action et de science-fiction qui ont pu faire le succès d’EuropaCorp : « Ma vie de chat », « Oppression » ou encore « Miss Sloane » n’ont pas été à la hauteur.
En ayant produit le film le plus cher de l’histoire du cinéma français, « Valérian et la
cité des mille planètes » qui a coûté 197,5 millions d’euros (125 millions après crédits d’impôts obtenus en France et ailleurs), Luc Besson joue gros à 58 ans. Sortie en juillet, et cofinancée par Orange et TF1, cette méga-production de science-fiction
a rencontré un succès mitigé : bonnes performances en France, bien moindres aux EtatsUnis, et décevantes en Chine malgré son partenariat avec le chinois chinoise Fundamental Films (entré au capital d’EuropaCorp fin 2016). Selon Variety, le seuil de rentabilité du film est à 400 millions de dollars, contre moins de 250 millions de recettes à ce stade.

Mediawan intéressé par EuropaCorp ?
Payant ces échecs successifs, Edouard de Vésinne a été démis le 4 septembre de ses fonctions de directeur général adjoint d’EuropaCorp. L’Américain Marc Shmuger (4), directeur général du groupe, a désormais les coudées franches pour recentrer la stratégie sur la France et tenter de se relancer aux EtatsUnis, alors que des spéculations vont bon train sur la vente éventuelle d’EuropaCorp à Mediawan ou à Fundamental Films (5). Son catalogue étant riche aujourd’hui de 113 films produits et distribués, de 151 films distribués, et de quelque 500 autres films détenus ou sous mandats de gestion, le studio français peut toujours le valoriser en VOD et SVOD. @

Charles de Laubier

L’Europe continue de soutenir le Day-and-Date

En fait. Le 14 septembre, la Commission européenne a répondu à Edition Multimédi@ qu’elle continue à soutenir « les expérimentations de sorties simultanées de films en salles et en VOD » mais qu’elle rencontre « des difficultés juridiques et des résistances ». Malgré cela, le programme Media soutient le D&D.

En clair. Selon nos informations auprès de la nouvelle commissaire européenne à l’Economie et à la Société numériques, Mariya Gabriel Mariya (photo) (1), le programme Media de Creative Europe soutient toujours les initiatives de sorties simultanées de films dans les
salles de cinéma (D&D (2)) et en vidéo à la demande (VOD). « Nous soutenons continuellement depuis 2012 des expériences de sorties simultanées sallesVOD, notamment les projets Tide (3) et d’autres expériences menées par des distributeurs tels que Curzon Artificial Eye (4) », nous a répondu Eric Peters, expert  au sein du cabinet de Mariya Gabriel. Malgré un premier bilan décevant des expérimentations
« D&D », établi dès 2014 par le chercheur Thomas Paris et finalisé en 2015 dans un rapport européen (5), la Commission européenne persévère « en dépit, nous dit Eric Peters, des difficultés juridiques et des résistances ». Les appels à propositions se poursuivent dans le cadre de son action « Promotion des œuvres européennes en
ligne » avec le soutien de Creative Europe/Media. Cette année, ce sont près de 10 millions d’euros qui ont été attribués à pas moins de 37 projets innovants pour la promotion, la distribution et la visibilité de films européens – notamment sur les plateformes VOD, parmi lesquelles Filmo TV de la société franco-allemande Wild Bunch, le britannique Curzon Home Cinema, le français Under The Milky Way (de Jérôme Chung), et même Canal+ avec le projet « Making Europe’s greatest Films available online » de sa filiale StudioCanal, et bien d’autres encore comme l’initiative
« European Cinema & VOD Initiative » de l’allemand Rushlake Media (voir https://lc.cx/pbAb).
Parmi tous ces financements, force est constater que la simultanéité salles-VOD reste encore délicate. « De telles sorties peuvent être réalisées dans la mesure où cela est compatible avec les règles en vigueur ou les pratiques commerciales établies. Dans des pays tels que la France ou l’Allemagne, ces expériences doivent s’adapter à la chronologie des médias ou aux conditions du financement public. Dans les pays où il n’y a pas de telles règles, on expérimente des sorties simultanées plutôt pour des films d’auteurs à faible potentiel d’audience », indique le cabinet de Mariya Gabriel. En France, la réglementation datant de 2009 (lire EM@84, p. 5) interdit le D&D. A quand des expérimentations ? @