CSA : les dernières réflexions d’Olivier Schrameck

En fait. Le 24 janvier, Olivier Schrameck a cédé sa place de président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à Roch-Olivier Maistre, désigné le 18 janvier par Emmanuel Macron. Le 17 janvier, Olivier Schrameck a dressé « un bilan tourné vers l’avenir » de ses six ans de mandat.

En clair. « Ma plus grande satisfaction est incontestablement une satisfaction européenne. Il est rare d’entendre dire cela en ces temps troublés. Et pourtant… »,
a commencé Olivier Schrameck, président sortant du CSA, lors de la présentation le
17 janvier de son bilan (1). Et de faire un aveu sur la nouvelle directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) qui, datée du 14 décembre 2018, a été promulguée au JOUE (2) du 28 novembre dernier (3) : « Qui aurait imaginé que l’avant-projet de la directive révisée (SMA), qui date du 25 mai 2016, soit – deux ans et demi après mon arrivée – définitivement adoptée le 6 novembre (dernière assemblée de l’ERGA (4) l’an dernier) et publiée le 28 novembre, et qu’elle ait comporté l’extension
de la régulation aux réseaux sociaux et aux plateformes numériques ? … Personne ! Et je vous dirais très franchement : moi non plus ! Donc je considère que c’est un résultat in-es-péré ». Le gendarme de l’audiovisuel voir ainsi son pouvoir étendu aux YouTube, Facebook et autres Snapchat, désormais tenus aussi de protéger les mineurs contre les contenus préjudiciables, les citoyens européens contre la haine et les propos racistes, ainsi que d’interdire l’incitation à la violence et au terrorisme (lire EM@ 201,
p. 6). Autre réflexion d’Olivier Schrameck : « Le CSA n’a pas suffisamment de pouvoir économique », pointant l’absence de pouvoir d’astreinte, l’opposabilité excessive du secret des affaires ou encore la non transmission de tous les documents de contrôle
de l’administration. Pour que l’action du CSA ne soit plus limitée, il souhaite donc que ses pouvoirs d’intervention se fassent sur le mode du « droit souple ». « Le législateur
a montré la voie avec la loi du 15 novembre 2013 [qui a doté le CSA de quelques pouvoirs économiques, ndlr]. Mais nous souhaitons que soit ouverte – entre toutes les parties prenantes de l’audiovisuel – la voie de la conciliation, de bons offices, de la médiation », a-t-il plaidé. Retenons aussi cette interrogation d’Olivier Schrameck :
« Est-il normal que le CSA soit complètement absent des discussions sur la chronologie des médias ? Nous n’avons même pas le droit à un tabouret pour observer le cours des discussions ! Alors que la chronologie des médias est essentielle pour la vie de l’audiovisuel ». Enfin, il préfère parler de « rapprochement » des régulateurs (CSA,
Cnil, Arcep, Hadopi, …) plutôt que de fusion. @

MVNO : Google Fi couvre l’Europe, dont la France

En fait. Le 10 décembre 2018, la firme de Mountain View a déposé un dossier d’enregistrement de la marque « Google Fi » auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Depuis, les spéculations
vont bon train sur le lancement du service MVNO-Wifi en Europe… déjà couverte.

En clair. C’est de Munich, en Allemagne, que Google a déposé le 10 décembre
– via son conseil en propriété intellectuelle Grünecker – sa marque « Google Fi » (1), laquelle remplace le nom de « Project Fi » lancé en 2015 aux Etats-Unis en tant qu’opérateur mobile virtuel – MVNO (2). Google Fi s’appuie actuellement sur les réseaux 4G – en attendant la 5G (3) – de quatre opérateurs mobile que sont les américains Sprint, T-Mobile USA et US Cellular, d’une part, et, depuis deux ans, sur l’européen Three, d’autre part. Ce dernier, propriété du singapourien CK Hutchison
(ex-Hutchison Whampoa), apparaît comme la tête de pont de Google Fi en Europe,
y compris en France puisque Three a passé des accords de roaming avec Bouygues Telecom, Free Mobile et Orange.
C’est ainsi que les utilisateurs américains de Google Fi – dont le nombre n’est pas dévoilé, mais probablement encore limité – peuvent profiter de leur forfait en Europe, pour peu qu’ils aient un téléphone mobile compatible (Google Pixel, Samsung, LG, Moto, OnePlus, et, en bêta, iPhone). Google Fi se sent pousser des ailes avec ses quatre opérateurs hôtes et le recours à plus de 2 millions  de hotspots Wifi. Le géant
du Net affirme ainsi déjà couvrir « plus de 170 pays et territoires en dehors des Etats-Unis », dont les pays européens – y compris la France (4). Et ce, moyennant les mêmes forfaits et tarifs valables partout dans le monde, « sans coût supplémentaire », insiste Google : à partir de 20 dollars par mois (appels vocaux sur Wifi et SMS illimités), auxquels s’ajoutent les appels téléphoniques hors Wifi (0,20 dollar par minutes), les données Internet consommées (10 dollars par Go, gratuites au-delà de 6 Go par mois) et les appels internationaux.
En outre, Google a installé dans ses smartphones Pixel (modèles 2, 3 et 3 XL) sa propre carte numérique eSIM, reconnue par Sprint aux Etats-Unis, Airtel et Reliance Jio en Inde, Truphone et Gigsky à l’international, EE (ex-Everything Everywhere, filiale de BT) en Grande-Bretagne, et – « bientôt », a annoncé Google le 3 décembre dernier (5)– Deutsche Telekom et Vodafone en Allemagne. En France, où Orange et SFR discutent déjà avec Apple pour ses eSIM intégrées dans les iPhone XS/XR et l’iWatch (EM@ 197, p. 5), aucun accord n’est encore intervenu. En conjuguant MVNO, Wifi et eSIM, la filiale d’Alphabet est parée pour devenir opérateur mobile mondial et fin prête pour la 5G. @

Les priorités 2019 du nouveau président du CSPLA

En fait. Le 21 janvier prochain se réunira le prochain « trilogue » de négociation sur le projet de directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique ». Pendant ce temps-là, le nouveau président du CSPLA, Olivier Japiot, a fixé les priorités de son mandat de trois ans.

En clair. Edition Multimédi@ a demandé ses priorités pour l’année 2019 à Olivier Japiot, conseiller d’Etat nommé le 28 novembre dernier – par arrêté de la ministre de
la Justice et du ministre de la Culture (publié au JO du 4 décembre) – président du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). « En principe, devraient être présentés à la réunion plénière du printemps prochain les trois rapports suivants : “Ventes passives” [c’est-à-dire les ventes non sollicitées par le vendeur de contenus audiovisuels à l’échelle transfrontière au sein du marché unique numérique, ndlr], “Preuve de l’originalité” [d’une oeuvre pour justifier de sa protection légale, y compris sur Internet, ndlr], “Intelligence artificielle” [dans les secteurs de la création culturelle, notamment lorsque l’IA se substitue à l’humain, ndlr] », nous at- il répondu. Quant à la mission que son prédécesseur, Pierre- François Racine, lui avait confiée
il y a tout juste un an sur l’impression 3D, elle devrait déboucher au cours de ce 1er semestre 2019 sur l’adoption d’« une charte de bonnes pratiques dans le domaine de l’art ». Cette mission-là a déjà le rapport qu’Olivier Japiot lui-même avait rendu au CSPLA en juin 2016 et intitulé « L’impression 3D et le droit d’auteur : des menaces à prévenir, des opportunités à saisir ». Il y préconisait justement d’« établir une charte des bonnes pratiques afin notamment de les inciter à afficher systématiquement un appel pédagogique au respect de la propriété intellectuelle » pour prévenir du piratage,
« principalement sur les oeuvres d’art plastique » (1). La charte « Impression 3D », établie avec Vincent Ploquin-Duchefdelaville, a pris du retard car elle devait être proposée le 31 juillet dernier (2). Concernant l’IA, le rapport d’Alexandra Bensamoun
et de Joëlle Farchy lui sera remis fin avril. Le rapport sur la preuve de l’originalité, par Josée-Anne Bénazeraf et Valérie Berthez, est attendu pour fin mars. Celui sur les ventes passives devait être remis à l’automne dernier. Le CSPLA a déjà publié de nombreux rapports (blockchain, licences libres, données et contenus numériques, etc.). « Nous proposerons des coopérations sur des sujets d’intérêt commun, notamment en matière d’études et de manifestations, à des partenaires (…) tels que l’Hadopi, le CNAC (3), le Conseil national du numérique et l’INPI (4) », a aussi écrit Olivier Japiot dans un courrier (5) adressé aux membres du CSPLA le 14 décembre. @

FTTH et UHD4K : deux lents décollages en France

En fait. Le 6 décembre, l’Arcep a publié son observatoire du haut et très haut débit au troisième trimestre : 4,3 millions d’abonnés FTTH. Le 7 décembre, l’association UHD Partners France a fait état des chiffres GfK sur le parc des téléviseurs 4K en France : 4,5 millions. Quel est le rapport entre les deux ?

En clair. Le marché français de l’« ultra » – que cela soit l’ultra haut débit via la fibre optique (FTTH) ou l’ultra haute définition via l’écran de télévision (UHD 4K) – est à la peine. Pourtant, la promesse de l’un pourrait bénéficier de la promesse de l’autre. Et vice versa. Selon les chiffres GfK rapportés par l’association UHD Partners France, le parc de téléviseurs 4K atteint 4.536.683 unités vendues précisément à fin septembre 2018 (1). Cela ne fait que 16 % des foyers français équipés, alors que 93,6 % d’entre eux possèdent au moins un téléviseur. Le potentiel du parc est énorme, mais la demande en téléviseur UHD 4K est faible.
Selon les chiffres de l’Arcep, cette fois, dans son observatoire du haut et très haut débit, le nombre d’abonné à la fibre jusqu’à domicile, ou Fiber-To-The-Home, atteint les 4.315.000 abonnés. Là aussi, le potentiel est pourtant bien là puisqu’un total de 12,5 millions de logements au 30 septembre 2018 sont éligibles aux offres FTTH  – soit un taux de transformation en abonnements de « seulement » 34,5 %. Ce parallèle entre ces deux technologies « ultra », qui n’ont rien à voir entre elles a priori, est révélatrice d’un certain attentisme des foyers français vis-à-vis de ces coûteuses nouvelles générations, respectivement, d’écrans et de connexion. Un écran dit 4K fait référence à 4.000 pixels, soit en général 3.840 x 2.160 pixels. Bien qu’elle ait été normalisée depuis 2012, l’UHD 4K sur les téléviseurs a du mal à s’installer dans les foyers français en raison du prix de ces grands écrans (dont certains font plus de 55 pouces) – bien qu’en baisse continue. Signe encourageant cependant : les ventes de ces téléviseurs 4K ont fait sur un an un bond de près de 60 % en volume et de plus de 40 % en valeur. Quant au FTTH, qui promet théoriquement du très haut débit symétrique (en download et en upload) à 100 Mbits/s, il est commercialisé depuis maintenant dix ans en France. Mais cette fibre de bout en bout a aussi du mal à trouver preneur (l’abonné) malgré un nombre de logements dit « éligibles » en progression constante. Signe encourageant
là aussi : le nombre d’abonnés augmente, de près de 50 % sur un an. Autre parallèle entre ces deux « ultra » : les ventes des TV 4K et les ventes d’abonnements FTTH décollent à peine que déjà se profilent à l’horizon respectivement le 8K et la 5G… @

Fréquences 5G : pas d’enchères, des obligations

En fait. Le 5 décembre, se sont tenues les 1ères Assises de la Cohésion numérique et territoriale sous le parrainage de Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Il n’y aura pas d’enchères 5G, mais des obligations.

En clair. Enchères, concours de beauté ou gratuité contre obligations ? Si le gouvernement n’a pas encore arrêté avec l’Arcep le mode d’attribution des fréquences 5G à partir de mi- 2019, Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement au ministère de la Cohésion des territoires, a dévoilé comment l’Etat pourrait s’y prendra avec la 5G : « Nous avons changé de modèle. Jusqu’à présent, pour que l’opérateur mobile puisse utiliser les fréquences, l’Etat lui demandait de faire des enchères budgétaires et cet argent servait à financer telle ou telle politique publique qui n’avait rien à voir avec l’aménagement du territoire. Et une fois les fréquences payées, les opérateurs télécoms allaient trouver les endroits où c’était le plus rentable d’agir et les plus peuplés. Nous avions donc organisé un système qui se faisait au détriment de nos territoires ruraux. Le changement de paradigme que nous avons fait vis-à-vis des opérateurs mobile est l’inverse : on vous donnera vos fréquences non pas en fonction d’enchères budgétaires, mais en fonction d’investissements que vous porterez dans les territoires les plus ruraux ». Ainsi, le gouvernement ne veut pas refaire avec la 5G les mêmes erreurs qu’avec la 4G. Les enchères des fréquences 4G avaient rapporté, rien que pour la bande des 700 Mhz, 2,8 milliards d’euros à l’Etat en novembre 2015, mais avec finalement un échec dans le déploiement sur tout le territoire. « Le numérique a accentué la fracture territoriale, a reconnu Julien Denormandie. Alors même que nous étions tous persuadé qu’il allait suffire de fibrer la France ici, de mettre le téléphone (mobile) par là pour avoir une unité territoriale. C’était une erreur ». Pas question donc de repartir en 2019 avec de la surenchère de fréquences 5G à coup de milliards (1). Avec le «New Deal Mobile » signé pour la 4G en janvier 2018, les engagements de couverture d’Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free leurs sont désormais juridiquement opposables (2). « L’avantage est que l’on a une certitude que ces investissements se portent dans les territoires les plus ruraux. Nous avons également établi un cadre contraignant puisque tous ces accords – au titre des fréquences – sont signés sous le sceau de l’Arcep, le gendarme des télécoms », prévient le ministre, qui aura l’occasion de le redire le 18 décembre lors des vœux de la Fédération française des télécoms. @