La France s’apprête à mettre le Wifi 6E sur 6 Ghz

En fait. Le 20 juin se tient la journée mondiale du Wifi – World Wifi Day – organisé par la Wireless Broadband Alliance (WBA), dont font partie AT&T, Cisco, Google, BT, Comcast, Orange et bien d’autres. La France s’apprête à approuver la norme Wifi 6E et son utilisation dans la bande 6 Ghz. Complément de la 5G.

En clair. Un lobbying intense s’exerce actuellement sur les pouvoirs publics et les régulateurs des télécoms dans le monde pour que la bande de fréquences des 6 Ghz (entre 5.945 et 6.425 Mhz en Europe) soit allouée aux réseaux sans fil et ne nécessitant pas d’attribution de licence. Déjà présent dans les bandes 2,4 Ghz et 5 Ghz, le Wifi – dont l’utilisation fut cruciale en ces temps de pandémie et confinements (télétravail, enseignement à distance, téléconsultation, …) – veut offrir encore plus de débit aux particuliers et aux hotspots. Pour les opérateurs télécoms, cela leur fera faire des économies sur le déploiement de la 5G. Et pour les utilisateurs, des économies sur leur consommation de données Internet. Encore faudrait-il que la nouvelle norme Wifi 6E, version étendue de la sixième génération de Wifi actuelle, utilise la bande des 6 Ghz. Au niveau européen, l’harmonisation de la bande des 6 Ghz pour le Wifi a été actée en novembre 2020 par décision (1) – assorti de son rapport (2) – de la CEPT (3). Il ne reste plus qu’à la Commission européenne d’entériner cette avancée par une « décision d’exécution ». Deux utilisations sont acceptées dans les 6 Ghz : les Low Power Indoor (LPI) que sont les points d’accès Wifi et les box des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ; les Very Low Power (VLP) que sont les objets connectés comme les smartphones, les montres et lunettes. En France, un arrêté du Premier ministre daté du 4 mai 2021 et publié au J.O. a adopté le nouveau tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF) proposé par l’Agence nationale des fréquences (ANFr). Il donne la main à l’Arcep sur la bande 6 Ghz pour des services mobiles et octroie 480 Mhz de spectre supplémentaire pour les réseaux Wifi (Was/RLan) dans cette bande 5945-6425 Mhz.
La balle est donc dans le camp de l’Arcep, pour que soit ouvert ces nouvelles fréquences au Wifi 6E. C’est du moins ce qu’attendent les membres de la Wireless Broadband Alliance (WBA), dont est membre Orange – Cédric Gonin, dirigeant chez Orange Internationnal Carriers, étant lui-même trésorier de la WBA. De son côté, la «Wi-Fi Alliance » milite aussi pour Wifi 6E sur 6 Ghz. Elle a publié une étude de 497 pages (4) sur la valeur économique mondiale du Wifi de 2021 (3.300 milliards de dollars, dont 62,5 milliards en France) à 2025 (5.000 milliards de dollars, dont 104 milliards en France). @

L’Arcep et la FFTélécoms : d’accord sur les GAFA

En fait. Le 26 mai, la présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, a annoncé sur BFM Business qu’elle allait suggérer à Thierry Breton de prendre des mesures au niveau européen pour faire payer plus les GAFA pour la bande passante qu’ils utilisent. La mesure divise mais elle est poussée par la FFTélécoms.

En clair. « C’est un vieux débat, selon lequel les GAFA doivent payer plus pour le financement des réseaux s’ils occupent la bande passante. C’est un débat qui doit se passer au niveau européen. C’est un débat que j’avais initié il y a une dizaine d’années, alors que j’étais députée, en me disant qu’il ne serait pas finalement illogique de mettre au niveau européen une “terminaison d’appel data”, c’est-à-dire des échanges de financements à l’interconnexion du réseau Internet », a déclaré Laure de La Raudière (LDLR) le 26 mai sur BFM Business. La présidente de l’Arcep est sur la même longueur d’onde que la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), laquelle ne cesse de faire des appels du pied au régulateur pour obliger les géants du numérique à payer pour les réseaux qu’ils utilisent mais qu’ils ne financeraient pas – alors qu’en réalité ils ont des accords, lorsqu’ils n’investissent pas eux-mêmes dans leur propre infrastructure. « Tout une partie de la valeur est captée par les GAFA (…). Or, ils n’investissent pas un euro dans les infrastructures. (…) C’est une situation qui ne peut plus durer. (…) Les GAFA pourraient donc contribuer proportionnellement à leur utilisation du réseau », avait par exemple glissé Arthur Dreyfuss, alors président de la FFTélécoms, dans un entretien à Capital il y a près de deux ans (1). Il se trouve que le secrétaire général d’Altice France/SFR a repris (2) les fonctions de président de la fédération (dont n’est pas membre Free) depuis le 1er juin 2021, pour un mandat d’un an. Si LDLR et Arthur Dreyfuss semblent s’être donnés le mot, l’approche du régulateur est plus européenne. « Je pense que ce n’est pas envisageable au niveau français, a précisé la présidente de l’Arcep, parce qu’il y aurait des effets d’éviction [de contournement, ndlr] extrêmement simple (3). Au niveau européen, je l’ai souhaité (que les GAFAM contribuent pour la bande passante) ; je l’ai porté (ce débat) en son temps et je continuerai à le porter ».
Et d’ajouter : « Pour l’instant, il n’y a pas unanimité sur ce point de vue que j’exposerai à Thierry Breton [commissaire européen au Marché intérieur, ndlr] » (4). Il y a dix ans, alors députée, LDLR – et sa collègue Corinne Ehrel – avait mené « une réflexion sur une “terminaison data” pour financer la congestion des réseaux » dans le cadre d’un rapport sur la neutralité de l’Internet (5). Orange, SFR ou encore Colt militent pour (6). @

Téléviseurs : gouvernement et Afnum versus HbbTV

En fait. Le 14 juin prochain, Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, sera auditionnée lors de l’examen du projet de loi « Régulation et protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ». Au nom du gouvernement, elle devrait réitérer son refus de rendre le HbbTV obligatoire sur les téléviseurs.

En clair. Du 14 au 17 juin prochains, le projet de loi sur « la régulation et la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique » sera examiné par l’Assemblée nationale, après avoir été adopté par le Sénat le 20 mai dernier. Dans ce texte, un nouvel article est apparu, le 9 quater, qui consacre « la signalisation des services interactifs associés aux services de communication audiovisuelle autorisés ou conventionnés par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique [future Arcom, de la fusion CSA-Hadopi, ndlr]».
En clair, le Sénat a obtenu in extremis – et contre le refus de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot – que soit imposée la compatibilité des téléviseurs, vendus en France, avec la norme européenne HbbTV (1) – avec obligation pour les distributeurs de « reprendre » les services interactifs offerts par les diffuseurs. L’objectif est de renforcer l’attractivité de la TNT face aux plateformes numériques, en donnant accès à des services interactifs associés, à de la télévision de rattrapage (replay), à de la vidéo à la demande (VOD), au contrôle du direct (timeshifting), ou encore à de la publicité ciblée (targeted advertising). « Je pense que cela va trop loin », s’est opposée fermement Roselyne Bachelot en séance publique le 20 mai : « D’une part, de telles obligations de compatibilité des téléviseurs à l’interactivité sont difficilement conciliables avec le droit communautaire en matière de libre circulation des marchandises. (…) Une obligation de compatibilité des téléviseurs à la technologie HbbTV est d’autant plus discutable que les fabricants lui dénient à ce jour son statut de norme européenne (2). (…) D’autre part, (…) l’offre de services interactifs HbbTV aujourd’hui disponibles sur la TNT est encore limitée », a-t-elle argumenté (3) en demandant au rapporteur du projet de loi au Sénat, Jean-Raymond Hugonet, de retirer son amendement introduisant cette obligation « HbbTV » pourtant souhaitée par les chaînes (TF1-M6, FranceTV, Arte, Salto, …) et TDF (4).
Contre l’avis défavorable du gouvernement, en ligne avec l’opposition formulée par les fabricants de téléviseurs (5) via l’Alliance française des industries du numérique (Afnum), l’amendement (6) a quand même été adopté. A l’Assemblée nationale, le tandem gouvernement-Afnum aura-t-il raison du HbbTV ? La compatibilité ultra-haute définition (UHD) des téléviseurs fait, elle (7), consensus. @

Souveraineté numérique : Microsoft se dit compatible

En fait. Le 19 mai, se sont tenues les 5e Assises de la souveraineté numérique, organisées par l’agence Aromates sur le thème cette année de « Quelle stratégie pour une 3e voie européenne ? ». Parmi les intervenants extra-européens : l’américain Microsoft, qui, par la voix de Marc Mossé, se dit euro compatible.

En clair. Le directeur des affaires publiques et juridique de Microsoft – fonction qu’il a exercée pour la filiale française entre février 2006 et mai 2016 avant de passer à l’échelon européen (1) tout en restant basé à Paris et non au siège de Microsoft Europe à Dublin en Irlande –, était attendu au tournant. Lors de ces 5e Assises de la souveraineté numérique, le «M» de GAFAM a voulu montrer pattes blanches et démontrer que l’on pouvait être une « entreprise étrangère américaine » et être compatible avec la « souveraineté numérique européenne ».
Antinomique ? Non. Marc Mossé, lui, parle de « ligne de crête » en rappelant les propos tenus par quatre femmes au pouvoir en Europe, Angela Merkel (chancelière d’Allemagne), Mette Frederiksen (Première ministre du Danemark), Sanna Marin (Première ministre de Finlande) et Kaja Kallas (Première ministre d’Estonie), dans une lettre adressée le 1er mars dernier à une cinquième femme de pouvoir, Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne) : « La souveraineté numérique, c’est miser sur nos forces et réduire nos faiblesses stratégiques, et non pas exclure les autres ou adopter une approche protectionniste. Nous faisons partie d’un monde mondial avec des chaînes d’approvisionnement mondiales que nous voulons développer dans l’intérêt de tous. Nous sommes déterminés à ouvrir les marchés et à favoriser un commerce libre, équitable et fondé sur des règles » (2). Tout est dit.
Et le directeur juridique de Microsoft Europe d’approuver : « C’est cette ligne de crête sur laquelle il faut être, qui renvoie à l’essentiel lorsque l’on parle de la souveraineté. C’est aussi la question de la règle de droit. La souveraineté, c’est la garantie par le droit de fonctions essentielles comme les valeurs européennes [auxquelles] les acteurs qui opèrent en Europe (et donc en France) doivent le plein respect ».
Marc Mossé a aussi rappelé l’annonce faite le 6 mai par Microsoft qui s’engage à stocker et à traiter dans ses data centers en Europe – au nombre de treize dont trois en France – les données de ses clients, entreprises ou organismes publics, à ses services de cloud (Azure, Office 365 et Dynamics 365). Marc Mossé – par ailleurs président en France de l’AFJE (3) – assure que ce plan appelé « Frontière des données de l’UE » (4) est conforme à la « stratégie nationale pour le cloud » présentée le 17 mai par le gouvernement français. @

Verizon et AT&T se délestent chacun de leurs médias

En fait. Le 16 mai, l’agence Bloomberg a révélé qu’AT&T discute de la fusion de sa filiale WarnerMedia avec Discovery pour créer un nouveau géant des médias. Ce qui a été confirmé le lendemain. Le 3 mai, c’était Verizon qui annonçait la vente de ses médias Yahoo et AOL à une société d’investissement.

En clair. Deux géants américains des télécoms – Verizon le 3 mai et AT&T le 17 mai – ont annoncé se délester de leurs activités médias respectives, le premier pour les céder à un fonds d’investissement, Apollo Global Management, contre 5 milliards de dollars, le second pour fusionner sa filiale WarnerMedia avec le groupe de télévision payante Discovery. Verizon cède ainsi notamment Yahoo et AOL, qui formeront un nouveau groupe baptisé Yahoo. AT&T procède à une scission (spin off) de ses activités de contenus Warner Bros, CNN ou encore HBO pour former un nouvel ensemble – dont le nom n’est pas encore précisé – avec les entités TLC, HGTV ou encore Eurosport de Discovery. Alors que Verizon cède le contrôle de l’ex-Verizon Media pour ne garder que 10 % du futur nouveau Yahoo, AT&T s’empare au contraire de 71 % du capital du futur «WarnerMedia-Discovery ».
Ces grandes manœuvres semblent sonner le glas de la convergence des télécoms, laquelle avait motivé le rachat de Time Warner en 2018 par AT&T moyennant 85 milliards de dollars. Cette méga-fusion fut validée en février 2019 par la justice américaine (1). De son côté, Verizon avait fait les acquisitions d’AOL et de Yahoo respectivement en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars et en juillet 2016 pour 4,8 milliards de dollars. Est-ce la fin de la convergence télécoms-médias, chère encore au pionnier du genre et principal actionnaire de la galaxie « Liberty », John Malone (2), lequel détient à ce jour 21 % du capital de Discovery, et à son « disciple » Patrick Drahi, le patron fondateur d’Altice (Europe et USA) ? Un troisième géant des télécoms aux Etats-Unis, le câblo-opérateur Comcast, suivra-t-il le mouvement de la « désintégration verticale » avec sa filiale NBC Universal ? Ce groupe avait été acquis entre juillet 2010 (51 % du capital) et février 2013 (100 %) pour un total de 12,3 milliards de dollars. Une chose est sûre : la convergence « cable TV », initiée par John Malone avec TCI dans les années 1980-1990, a perduré à coup de mégafusions dans les années 2000.
Mais c’était sans compter le cord-cutting : les Américains sont de plus en plus nombreux à dissocier leurs abonnements pour profiter de l’audiovisuel sur Internet – Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, HBO Max, Hulu, Peacock, Pluto TV, Discovery+, … Le 18 mai, The Information a révélé qu’Amazon négocie le rachat des studios MGM (3) pour 9 milliards de dollars. @