A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

Cambridge Analytica n’en finit pas de révéler ses secrets et Facebook d’en payer les pots cassés

Depuis deux ans, depuis ce lundi noir du 19 mars 2018 pour Facebook, la firme de Mark Zuckerberg – qui avait reconnu ce jour-là la collecte de plus de 50 millions d’utilisateurs du réseau social par la société Cambridge Analytica à des fins électorales aux Etats-Unis – continue d’être sanctionnée.

L’ a f faire « Cambridge Analytica » a été révélée le samedi 17 mars 2018 par le quotidien américain The New York Times aux Etats-Unis et par l’hebdomadaire dominicale britannique The Observer en Grande-Bretagne – ce dernier ayant le même propriétaire que le quotidien The Guardian, lui aussi contributeur. Ces trois journaux se sont appuyés sur les informations d’un Canadien, Christopher Wylie (photo de gauche), qui se présente depuis comme le « lanceur d’alerte » de l’affaire.

Réforme de l’audiovisuel et enchères 5G : reports

En fait. Le 18 mars, le gouvernement a présenté en conseil des ministres un projet de loi instaurant un « état d’urgence sanitaire » face au Covid-19 et un projet de loi de finances rectificatif pour 2020. Le calendrier législatif est chamboulé. Les enchères 5G, elles, ne se tiendront pas le 21 avril, nous confirme l’Arcep.

En clair. Le Covid-19 est le chamboule-toute de 2020. Les deux projets de loi (état d’urgence sanitaire et loi de finances rectificatif) sont en train d’être adoptés en procédure accélérée au Parlement. Résultat, « toutes les réformes en cours se[ont] suspendues » – dixit le président de la République lors de son allocution télévisée du 16 mars devant 35,3 millions de télé-spectateurs, selon Médiamétrie. Les deux plus importants projets de loi de son quinquennat sont déprogrammés sine die.
La réforme très contestée des retraites, pour laquelle le gouvernement avait décidé de recourir à l’article 49-3 à l’Assemblée nationale pour le « projet de loi ordinaire » (sans débat avec les députés (1)), est suspendue (alors que le texte devait arriver au Sénat en avril et que le « projet de loi organique » ne pouvait pas être, lui, soumis au 49-3). La réforme de l’audiovisuel, qui était le grand chantier d’Emmanuel Macron annoncé dès sa campagne présidentielle de 2017, est reportée. Ce projet de loi sur « la communication audiovisuelle et la souveraineté culturelle à l’ère numérique » a été examiné début mars par la commission commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale (lire p. 6 et 7), et devait être débattu en séances publiques à partir du 31 mars jusqu’au 10 avril. Mais l’urgence législative dans la « guerre » (dixit sept fois Emmanuel Macron) contre le Covid-19 a contraint le gouvernement d’annuler le calendrier des débats sur ce texte qui était pourtant lui-même en procédure accélérée depuis décembre (2).
Concernant par ailleurs les enchères des fréquences pour la 5G, dont l’Etat espère les vendre pour un minimum de 2,17 milliards d’euros (mise à prix), l’Arcep confirme à Edition Multimédi@ qu’elles ne se tiendront pas le 21 avril, mais qu’aucune nouvelle date n’a été fixée lors de la réunion de son collège le 19 mars. Des médias (Reuters, AFP, Les Echos, …) avaient annoncé dès le 17 mars le report de ces enchères. Mais le président du régulateur des télécoms, Sébastien Soriano, a dû aussitôt temporiser dans un tweet posté dans la soirée : « Calendrier #5G : aucun report n’est acté pour le moment. (…) Si un nouveau calendrier devait être défini, cela sera indiqué en temps utile » (3). @

La neutralité du Net, victime collatérale du virus

En fait. Le 19 mars, le secrétaire d’Etat au Numérique, Cédric O, a appelé les plateformes vidéo, de streaming et de jeux en ligne à « limiter la consommation de leurs services », et les internautes à « privilégier les téléchargements anticipés des vidéos (…) pendant les heures creuses (notamment après 23h) », tout en évitant la 4K.

En clair. La Fédération française des télécoms (FFTélécoms) le dit sur tous les tons depuis des jours, tout juste relayée le 19 mars par le gouvernement en concertation avec l’Arcep (1) : les abonnés des opérateurs mobiles et des fournisseurs d’accès à Internet doivent faire preuve de « discipline sociale collective », de « responsabilité numérique » et de « civisme dans [leurs] usages numériques » (dixit Arthur Dreyfuss, son actuel président (2), à Reuters, à l’AFP et sur Europe 1). La FFTélécoms s’exprime au nom d’Orange, de Bouygues Telecom, de SFR et de quelques MVNO (3), mais pas de Free qui n’en est pas membre. « Depuis le domicile, il faut se connecter à Internet et passer ses appels en Wifi (4). Ceci soulage les réseaux mobiles en basculant le trafic sur le réseau fixe, déjà dimensionné pour absorber des pics de consommation en fin de journée en temps normal. Ensuite, privilégier les usages liés au télétravail et à l’enseignement à distance en journée, et réserver les vidéos en streaming pour le soir », a recommandé Michel Combot, son directeur, dans une interview à UFC-Que Choisir le 17 mars. Ancien de l’Arcep puis du CSA, il prévient même que les opérateurs télécoms « [peuvent] aussi décider que la 4K, cette ultra haute définition extrêmement gourmande en bande passante, n’est pas indispensable. La HD suffit amplement pour regarder des films et des séries… ». La FFTélécoms rappelle en outre ce que les utilisateurs constatent déjà tous les jours : «les réseaux mobiles ont une capacité moins grande que les réseaux fixes » (5). Au nom, cette fois, d’une certaine « discipline numérique de la part des opérateurs télécoms », ces derniers ont, le 16 mars au soir,
« ajusté » l’allocation de la bande passant au niveau des interconnexions entre leurs réseaux. Il s’agit d’absorber la hausse du volume des appels vocaux due à l’explosion du télétravail, mais aussi de brider le trafic vidéo des GAFAN (YouTube, Netflix ou Facebook en tête), afin de « prioriser le télétravail ». Est-ce contraire au principe de neutralité de l’Internet ?
Cette « gestion de trafic » est tolérée, viennent de rappeler la Commission européenne et le Berec (6), par le règlement européen « Open Internet » du 25 novembre 2015. Mais seulement pour « prévenir une congestion imminente du réseau et atténuer les effets d’une congestion exceptionnelle ou temporaire du réseau, pour autant que les catégories équivalentes de trafic fassent l’objet d’un traitement égal ». @

Pour la reconnaissance faciale à distance ou locale, les enjeux éthiques ne sont pas les mêmes

Identifier un visage dans une foule soulève de sérieuses questions sur les libertés individuelles. Mais il existe de nombreux autres usages de la reconnaissance faciale, notamment la validation d’identité en local. Ces utilisations ont vocation à se développer mais posent d’autres questions éthiques.

Par Winston Maxwell* et David Bounie**, Telecom Paris, Institut polytechnique de Paris

L’utilisation de la reconnaissance faciale pour l’identification à distance constitue une menace pour les libertés individuelles, car cela tend à banaliser une société de surveillance. Selon le New York Times, une start-up américaine Clearview AI a déjà fabriqué des gabarits d’identification de 3 milliards d’individus à partir d’images copiées sur le Web (1). N’importe quelle force de l’ordre – mais pas le grand public (2) – peut utiliser le logiciel de Clearview AI et identifier les visages dans une foule. Cependant, plusieurs villes américaines ont temporairement banni cette utilisation de la technologie par leurs autorités publiques.

Brainstorming politique et législatif sur les multiples enjeux de l’intelligence artificielle

Il ne se passe pas un mois sans que l’intelligence artificielle (IA) ne fasse l’objet d’un rapport, d’un livre blanc, ou d’une déclaration politique. Il en va pour les uns de la « souveraineté », pour les autres de droit de propriété intellectuelle, ou encore de révolution numérique, c’est selon. Et après ?

La Commission européenne a publié le 19 février – dans le cadre de la présentation de sa stratégie numérique (1) – son livre blanc intitulé « Intelligence artificielle. Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance » (2), soumis à consultation publique jusqu’au 19 mai (3). En France, le 7 février, c’était le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) qui publiait son rapport sur l’IA et la culture au regard du droit d’auteur (4). En octobre 2019, l’OCDE (5) présentait son rapport « L’intelligence artificielle dans la société » (6). Le gouvernement français, lui, présentait à l’été 2019 sa stratégie économique d’IA (7), dans le prolongement du rapport Villani de 2018.