Ciné : les producteurs veulent leur propre site de VOD

En fait. Le 27 juin, Christophe Lambert, DG d’Europacorp, société de production et de distribution de films dirigée par Luc Besson, a indiqué à l’AFP qu’une réflexion était en cours pour que les producteurs puissent proposer leurs films
et séries sur leur propre service de VOD, directement aux internautes.

En clair. « On réfléchit à une solution qui reviendrait à désintermédiatiser la diffusion numérique, c’est-à-dire que les ayants droits se regrouperaient pour opérer des plateformes de diffusions numériques et de commercialiser directement auprès du consommateur », a indiqué Christophe Lambert. Le directeur général d’Europacorp s’exprimait à l’occasion de la présentation des résultats annuels du groupe français de production de films (1). Et d’ajouter : « Il y a des discussions en cours (…) un peu plus largement qu’au stade français. Cela existe déjà aux Etats-Unis avec Epix ou Hulu.
Les groupes de télévision ont essayé mais n’y sont pas arrivés ; c’est un peu compliqué pour les groupes de TV en France de se parler ». En 2009, M6, TF1 et Canal+ avaient en effet entamé des discussions pour le lancement d’une plate-forme commune de télévision de rattrapage. Mais ce fut sans succès. En mars 2013, M6 avait encore écarté toute plateforme commune avec les deux autres groupes privés de télévision (2). Pourtant, trois mois avant, il s’était montré ouvert à un partenariat SVOD avec TF1, dont le patron Nonce Paolini avait dit quelques jours plus tôt que c’était « une idée intéressante ». En février dernier, Jean-François Mulliez, directeur délégué de e-TF1, s’est dit en faveur d’un « Hulu à la française », alors que Netflix est annoncé pour l’automne en France et que Prime d’Amazon et Wuaki de Rakuten sont en embuscade (lire EM@96, p. 3).
Du côté des producteurs et des ayants droits du cinéma, en revanche, une plateforme commune de VOD/SVOD permettrait de maîtriser la diffusion des films en streaming à la manière d’Hulu (plateforme vidéo lancée en 2007 par News Corp, NBC Universal et Disney) ou d’Epix (joint-venture créée en 2009 entre Viacom/Paramount, MGM/Metro- Goldwyn-Mayer et Lionsgate). En France, « il en existe une : Universciné qui regroupe 30 à 40 producteurs », rappelle Marc Tessier (Videofutur) à EM@. Mais comme l’évoque Christophe Lambert, la plateforme des ayants droits du cinéma ne devra pas être uniquement française. « En France, il y a trop de parts dans le gâteau (trop petit) parce qu’il y a trop d’intermédiaires », a estimé Christophe Lambert. A cela s’ajoute le fait que la VOD est, là aussi pour l’instant, un marché très local. « Mais je ne suis pas sûr que les frontières numériques résistent très longtemps », a-t-il prévenu. @

Neutralité de l’Internet : la FCC pose la question de la régulation des « terminaisons de données »

A la suite de l’annulation partielle, le 14 janvier 2014, des anciennes règles sur la neutralité d’Internet par la Cour d’appel de Washington, la FCC a publié le 15 mai dernier une consultation publique – jusqu’au 10 septembre – sur les nouvelles règles et sanctions qu’elle envisage de mettre en place.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

Les nouvelles règles obligeraient les fournisseurs d’accès
à Internet (FAI) à informer leurs clients sur les éventuelles pratiques de gestion de réseau qu’ils mettent en oeuvre (1). Cependant, la Federal Communications Commission (FCC) souhaite aller plus loin en matière de transparence. D’une part, elle souhaite imposer aux FAI une obligation d’informer non seulement les internautes en aval, mais également les fournisseurs de contenus en amont sur les performances du réseau. D’autre part, les FAI doivent fournir des informations précises sur le niveau de congestion des réseaux aux heures de pointe.

Non blocage : que pour les sites « légaux »
Enfin, les FAI doivent déclarer toute instance de blocage ou de diminution des débits ainsi que tout accord conclu par les FAI en matière de service prioritaire. La FCC, qui souhaite s’appuyer le plus possible sur les mesures de transparence pour assainir le marché, cherche à accroître ses pouvoirs de sanction en cas de non-respect par les FAI de leurs obligations de transparence. Elle cite l’exemple de la réglementation boursière américaine qui sanctionne lourdement toute erreur ou omission dans les déclarations faites par les sociétés cotées. Les FAI pourraient subir des sanctions similaires en cas de déclaration inexacte.
Ils ne pourront bloquer l’accès à des contenus, services, applications ou terminaux, sauf si le blocage est justifié pour des raisons de « bonne gestion du réseau ».
Comme par le passé, les nouvelles règles permettraient aux FAI de bloquer l’accès à des contenus illicites, car la règle américaine de non blocage ne s’appliquerait qu’à des contenus « légaux ». Ce détail a son importance car cela permet aux FAI de mettre en oeuvre des mesures d’autorégulation pour bloquer l’accès à certains contenus illicites tels que la pédopornographie ou les sites de téléchargement illicite. Dans son examen de la proposition de la Commission européenne sur la neutralité de l’Internet, le Parlement européen a décidé en avril 2014 d’éliminer toute référence à des contenus
« licites ». Selon l’approche des eurodéputés, seul un tribunal pourrait bloquer l’accès
à un site illicite. Les FAI ne pourraient pas le faire de leur propre initiative. La position du Parlement européen sur ce point sera probablement discutée dans le cadre des négociations entre le Parlement et le Conseil européen. En tout cas, aux Etats-Unis,
ce point n’a jamais donné lieu à débat : les anciennes règles de la FCC, comme les nouvelles, permettent de bloquer l’accès à des contenus « illicites ». La règle interdisant les mesures de blocage serait assouplie pour les opérateurs mobiles, lesquels pourraient bloquer l’accès à certaines applications, ou à certains services ou terminaux, mais ne pourraient pas bloquer l’accès à des sites web licites, ni à des applications de voix sur IP qui seraient en concurrence avec les services voix de l’opérateur mobile. Comme par le passé, la FCC justifie cette différence de traitement en raison du niveau de concurrence plus élevé sur le marché du haut débit mobile, et en raison de l’évolution technologique rapide du secteur. Elle pose la question cependant de la pertinence de cette différence de traitement entre les opérateurs fixes et mobiles. En Europe, cette différence n’existe pas. Les règles européennes en matière de neutralité de l’Internet s’appliquent de la même manière aux opérateurs fixes et mobiles (2).

La notion de « service spécialisé »
Les nouvelles règles de la FCC interdisent toute pratique commerciale déloyale.
Avant la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Verizon contre la FCC, cette dernière imposait aux opérateurs fixes une règle de non-discrimination. Cette règle de non-discrimination a été annulée en appel. Pour contourner l’obstacle, la FCC abandonne l’idée d’une règle de non-discrimination et envisage une norme plus souple qui interdirait toute pratique « déloyale ». La définition d’une pratique déloyale serait appréciée au cas par cas par la FCC. Cette approche ressemble à celle utilisée par l’autorité américaine de protection des consommateurs, la FTC (3), qui s’appuie sur
une règle similaire – l’interdiction de toute pratique déloyale – pour sanctionner des pratiques mettant en péril la protection des données personnelles. Contrairement aux propositions européennes, les nouvelles règles de la FCC ne tenteraient pas de définir la notion de « service spécialisé ».Les textes européens, surtout après les amendements votés au Parlement européen en avril, tentent d’encadrer ce concept
de « services spécialisés » afin que ces services ne viennent pas remplacer l’accès à l’Internet classique. Même si les services spécialisés resteraient exclus des nouvelles règles de la FCC, cette dernière ne tente pas de créer une définition figée de ce type
de service.

Terminaison data versus neutralité ?
Les nouvelles règles proposées ne s’appliqueraient qu’à l’intérieur du réseau du FAI en aval, à savoir le FAI ayant la relation avec l’abonné final. Les règles ne s’appliqueraient pas aux relations entre le FAI et d’autres opérateurs en amont qui acheminent du trafic Internet sur le marché de gros. Or, c’est précisément là où des problèmes commencent à émerger. Il devient de plus en plus fréquent, notamment pour les fournisseurs de contenu vidéo, de faire appel à des prestataires spécialisés dans l’optimisation du trafic. Ces prestataires, appelés CDN (Content Delivery Networks), souhaitent s’interconnecter directement avec les FAI en aval, idéalement dans une relation pair-à-pair (peering) non payante. Les relations pair-à-pair non payantes sont la norme en matière d’échange de trafic Internet entre opérateurs dits de « niveau 1 » (Tier 1) sur
le marché de gros. Ces échanges de trafic ne sont pas régulés car le marché est considéré comme concurrentiel (4).
Ayant établi une relation de peering avec France Télécom, l’opérateur Cogent a souhaité accroître la capacité des liens qu’il avait en place avec l’opérateur français. Celui-ci a demandé un paiement pour rémunérer les déséquilibres de trafic en sa défaveur, ce qui aurait eu pour effet de transformer la relation en une relation de peering payant. La Cour d’appel de Paris a confirmé le 19 décembre 2013 que France Télécom était en droit de demander un paiement supplémentaire en raison des déséquilibres de trafic, à condition que France Télécom applique cette politique de manière non discriminatoire à l’égard de tous les opérateurs. Aux Etats-Unis, Netflix a conclu un accord avec Comcast qui inclut un aspect payant. Les détails de cet accord ne sont pas publics. Cependant, la FCC s’y intéresse et a commencé une mission de collecte d’informations pour mieux comprendre ce marché jusqu’à présent non régulé. Dans sa consultation publique, la FCC cite une proposition du professeur Tim Wu (5), l’un des premiers défenseurs de la neutralité de l’Internet. Selon lui, il faut diviser une communication Internet en deux parties : d’abord, l’internaute appelle le serveur du fournisseur de contenu ; ensuite, le fournisseur de contenu répond à l’appel en envoyant les données demandées par l’internaute. Pour Tim Wu, cette deuxième communication pourrait être régulée par la FCC comme une prestation classique d’acheminement d’appels. A ce titre, la FCC pourrait – et devrait selon le professeur – imposer des obligations de non-discrimination. Or, c’est précisément ce que proposent France Télécom et les membres de l’association ETNO (6) depuis plusieurs années.
Ces opérateurs télécoms historiques européens militent pour le droit de facturer une prestation de terminaison de données similaire à la prestation de terminaison d’appels téléphonique. Cette prestation serait régulée, et les opérateurs seraient en droit d’appliquer un tarif non-discriminatoire et orienté vers les coûts. Les grands opérateurs de l’Internet ont combattu cette proposition qui, à leurs yeux, permettrait à chaque FAI d’ériger des barrières de péage sur les autoroutes de l’Internet. Les fournisseurs de contenu contestent l’idée même que les FAI en bout de chaîne leur fournissent un service d’acheminement. Selon eux, la direction des flux est sans incidence sur l’identité du bénéficiaire du service. Le bénéficiaire du service reste toujours le client
du FAI, à savoir l’internaute en bout de chaîne qui demande l’accès à des contenus. L’ironie est que le professeur Wu propose une solution qui, selon beaucoup, irait justement à l’encontre de la neutralité du Net !
La question de la régulation de ces accords de peering bute sur une question fondamentale à laquelle personne, pour l’instant, ne détient une réponse définitive : dans un échange de trafic Internet sur le marché de gros, qui est le vrai bénéficiaire du service ? Est-ce que la direction des flux de trafics a une incidence sur cette question ? La théorie défendue par les opérateurs européens au sein de l’ETNO est que l’envoyeur des flux est le bénéficiaire du service et devrait payer les coûts associés, selon le principe « sending party pays » (7).
Les fournisseurs de contenus contestent cette vision, et soutiennent au contraire que
le vrai bénéficiaire reste l’abonné du FAI en bout de chaîne qui demande l’accès aux contenus.

La prudence devrait s’imposer
La consultation publique de la FCC, laquelle reçoit du 15 juillet au 10 septembre 2014 les commentaires à ses propositions (8), sera l’occasion de débattre ce point délicat.
Le régulateur américain restera probablement prudent, car ce marché est en forte évolution. @

Timeline

4 juillet
• Amazon
fait l’objet d’une demande d’informations fiscales auprès du Luxembourg de la part de la Commission européenne, révèle le FT.

3 juillet
• L’Arcep
: 3,7 millions de clients ont utilisé la 4G (au 1S/14) sur 77,6 millions de cartes SIM, soit seulement 4,7 %.
• Google : 70.000 demandes de « droit à l’oubli » depuis le 30 mai.
• Eric Walter (Hadopi), à propos du piratage audiovisuel selon l’Alpa : « Il faut se garder de tout alarmisme mais, contrairement à la musique, le problème n’est pas encore derrière nous ».
• L’Hadopi organise un atelier « sur les métadonnées en tant qu’outils de promotion de la musique en ligne ».
• Direct Radio est une appli gratuite commune présentée par RTL, NRJ, Lagardère Active, NextRadioTV et Radio France.
• Le Sirti : « Radio France rejoint le lobby des groupes privés ».

2 juillet
• L’Hadopi voit enfin son décret publié au J.O. nommant Denis Rapone, Bernard Tranchand et Alain Lequeux (EM@102, p. 3).
• Orange annonce renoncer à acquérir Bouygues Telecom.
• Stéphane Richard, PDG d’Orange, à La Tribune, sur les raisons du non rachat de Bouygues Telecom: « Les demandes de Bouygues étaient trop élevées et Iliad ne voulait pas aller suffisamment loin dans sa participation à une opération ».
• L’Alpa, sur le piratage de films : 13,2 millions de personnes ont consulté chaque mois au moins un site dédié à la contrefaçon audiovisuelle (+ 15,8 % depuis 2009). Pour le streaming.
• AllSeen Alliance (objets connectés) accueille Microsoft et Qualcomm.
• 10 Médias (Aujourd’hui Sport et 10Sport.com) réclame 18 M€à Amaury (L’Equipe).
• Facebook acquiert LiveRail (pub vidéo).

1er juillet
• La Commission européenne impose une nouvelle baisse des tarifs de « roaming », dont l’Internet mobile : 20 cts d’€/Mo au lieu de 45 cts.
• Kantar Media : BeIn Sports aurait recruté 850.000 nouveaux foyers abonnés à l’occasion de la Coupe du monde de football.
• Google acquiert Songza, site de streaming musical.
• Netflix bat un record en Bourse après une note de Goldman Sachs : le nombre d’abonnés pourrait doubler à 207 millions d’ici 2017.
• Twitter acquiert TapCommerce (ciblage mobile).
• E. Leclerc lance sa box, Réglo TV.
• Sony crée SonyVisual Products, filiale TV.
• Avanquest publie un sondage : « 40 % des Français qui déclarent envoyer leurs photos par email et 22 % par MMS ».
• Google Glass est interdit dans les salles de cinéma britanniques, décide la Cinema Exhibitors’ Association.

30 juin
• Numericable signe l’acquisition de Virgin Mobile (lire en Une).
• Le Simavelec dénonce « un jeu de dupes » de la RNT et demande plus de visibilité au gouvernement.
• Le WorldDMB se réjouit du lancement de la RNT en France.
• Videofutur et FilmoTV : coup d’envoi de leur partenariat VOD.
• Laurent Joffrin, qui va rediriger Libération, préconise « un vrai virage numérique », avec dans l’ordre « Twitter, les réseaux sociaux, le web et le journal papier ».
• Google ferme son réseau social Orkut.

27 juin
• Google « devrait être démantelé », dit le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, dans le FAZ.
• France Télévisions Editions Numériques (FTVEN) fait l’objet d’un « rapport accablant » du cabinet Sextant sur la réorganisation de Bruno Patino, dévoile Medias-cgc.blogspot.fr
• L’Assemblée nationale rejette un amendement proposant une TVA majorée pour les ebooks utilisant des DRM.
• Netflix arrive dans le data center de Telehouse à Paris, relève Numerama (via PeeringDB).
• YouTube annonce Creator Studio (gestion de vidéos et de chaînes).
• Axel Springer va acquérir 51 % de Car&Boat Media (LaCentrale.fr).

26 juin
• Le Parlement adopte la loi « anti-Amazon » sur le prix des livres.
• Le SNE tient son AG : les ebooks ont représenté 4,1% des ventes de livres en France en 2013, soit un chiffre d’affaires de 105 M€ (lire p. 5).
• Vincent Montagne, président du SNE : « La croissance [de l’édition en France] est désormais tirée par le numérique grand public, qui double en 2013 pour représenter
46 M€ et 2,3% des ventes hors secteur professionnel ».
• La SCPP « sera très attentive au maintien effectif de la réponse graduée, [avec] sanctions dissuasives ».
• Bouygues Telecom lance une offre fibre optique à 25,99 euros/ mois (au lieu de 34 à 37 euros/mois ailleurs).
• Igor Wojtowicz, producteur de « Cinéma français se porte bien » sorti en VOD sur Universciné : « Il est plus facile d’accéder à un film piraté, en streaming gratuit, que de l’avoir en VOD » (AlloCiné).
• Gitep Tics, Secimavi, Sfib, Simavelec, SNSII et la Fevad demandent une réforme après l’annulation pour la 6e fois consécutive d’une décision de la commission copie privée.

25 juin
• L’Hadopi menace le gouvernement de mise en demeure l’autorité réglementaire de nommer les trois membres du collège manquants.
• La Cour suprême des Etats-Unis donne un coup d’arrêt à Aereo (Cloud TV) : http://lc.cx/AereoSC
• Dailymotion et Le Point nouent un partenariat éditorial.

24 juin
• Vincent Bolloré, premier actionnaire de Vivendi (5 %), en devient président du conseil de surveillance (lire en Une).
• Olivier Schrameck, président du CSA, auditionné à l’Assemblée nationale : « Si nous voulons affirmer un principe de préférence [par conventionnement, ndlr], alors il nous faut défendre l’idée de services gérés ».
• La DGMIC lance une consultation publique jusqu’au 15 septembre sur l’adaptation du décret « SMAd » : http://lc.cx/SMAd-Q

20 juin
• Apple est menacée d’une enquête fiscale en Irlande.
• Gulli (Lagardère) lance Gulli Radio, une webradio pour les 4-14

Piratage de livres numériques : le Syndicat national de l’édition (SNE) passe à l’action

Le SNE, qui regroupe 660 maisons d’éditions, tenait son assemblée générale le 26 juin dernier. S’il détaille bien deux solutions « mutualisées » pour déjouer la contrefaçon numérique des livres, le syndicat est en revanche très discret sur l’action au pénal depuis 2012 contre le site Team AlexandriZ.

Par Charles de Laubier

Isabelle Ramond-Bailly

Isabelle Ramond-Bailly, SNE et Editis

Le SNE reste toujours actif dans sa lutte contre le piratage, avec
le suivi de ce procès au long cours au pénal contre un site de téléchargement illicite [Team AlexandriZ, ndlr] et le déploiement
de l’offre Hologram Industries », a indiqué Isabelle Ramond-Bailly (photo), présidente de la commission Juridique du Syndicat national de l’édition (SNE) et directrice déléguée d’Editis en charge des Affaires juridiques.
Sollicitée par Edition Multimédi@ pour en savoir plus sur l’état d’avancement de l’action intentée au pénal en novembre 2012 par le SNE et six grands éditeurs français – selon nos informations, Hachette, Editis, Gallimard, Albin Michel, La Martinière et Actes Sud – contre le site web Team AlexandriZ accusé de contrefaçon numérique de livres, Isabelle Ramond-Bailly nous a opposé le secret de l’instruction pénale (1).

Procès au pénal et empreinte numérique
Bien que le site incriminé – se présentant au moment des faits comme le « n°1 sur les ebooks FR » – ait cessé de fonctionner depuis fin août 2013, la procédure judiciaire se poursuit (2). « Les responsables du site ont été mis en examen pour délit de contrefaçon et le parquet poursuit actuellement son travail d’enquête pénale. Ils risquent trois ans d’emprisonnement et de 300.000 euros d’amende (3). Les ayants droits du livre préfèrent de plus en plus, à l’instar de ceux de la musique, intenter des actions au pénal plutôt qu’au civil car cela fait plus peur aux pirates et en dissuade d’autres », nous a indiqué sous couvert d’anonymat un proche du dossier.
Team AlexandriZ, dont le nom faisait référence à la célèbre bibliothèque d’Alexandrie (détruite sous l’Antiquité), était un collectif d’internautes qui proposait en ligne depuis 2009 des livres numériques dont ils retiraient préalablement les DRM et toute empreinte numérique. Des centaines d’ebooks étaient ainsi proposés gratuitement, avec possibilité de faire un don. L’équipe de pirates à l’origine du site sont restés très discrets, comme le sont aujourd’hui les maisons d’éditions sur leur procès commun au pénal. Team AlexandriZ avait le souci de la qualité, au point de corriger des coquilles laissées par certains éditeurs (4) ! Selon nos constatations, le site Teamalexandriz.org renvoie maintenant directement à un article de notre confrère ActuaLitté, daté du 7 septembre 2013 et intitulé « Ebooks : La Team Alexandriz, terreur de l’édition, suspend ses activités ».

Depuis qu’il a confirmé fin 2012 avoir « décidé, au nom de la défense de l’intérêt collectif de ses adhérents d’agir en contrefaçon au côté de six maisons d’édition contre un site Internet », le SNE n’évoquait plus cette affaire pénale, jusqu’à ce qu’Isabelle Ramond-Bailly n’y fasse allusion lors de l’AG. C’est moins pour une question de secret de l’instruction pénale que par souci d’une communication moins « judiciaire » que le syndicat préfère détailler l’autre volet de sa lutte contre le piratage de livres sur Internet. Il s’agit des deux « solutions mutualisées » que le SNE a adoptées il y a un an maintenant (5). La première est un service d’empreinte numérique, proposée aux éditeurs membres par la société française Hologram Industries, qui « envoie automatiquement des notifications en cascade aux divers acteurs de la mise en ligne des contenus (sites de partage, sites indicateurs) et contrôle également que le retrait
a bien eu lieu » (6). Selon nos informations, ce service n’a pas encore démarré car, nous explique Julien Chouraqui, juriste au SNE, « l’une des conditions est que l’ensemble des engagements des adhérents ayant souscrits au service d’Hologram Industries atteigne au moins un total de 3.990 euros par mois (7), ce qui devrait être
le cas dans quelques semaines ». C’est en effet avec le ralliement d’Eden livres, plateforme de distribution de livres numériques (8) commune à Gallimard, La Martinière, Flammarion et Actes Sud, à cette solution d’empreinte numérique que le seuil sera franchi. Le syndicat devrait communiquer en septembre sur le démarrage effectif du dispositif de lutte contre le piratage d’ebooks. Lorsque le montant total mensuel atteindra 12.500 euros par mois, le coût au livre de cette technologie anti-piratage sera inférieur à 1 euros (84 centimes), que la Sofia (9) subventionne partiellement (pour revenir à 42 centimes par livre). Cela n’empêche pas des éditeurs de choisir d’autres solutions, comme celle de l’américain Attributor pour Hachette.

Portailprotectionlivres.com ignoré des éditeurs
En revanche, aucun éditeur n’a encore testé l’autre solution anti-piratage à l’aide du site Portailprotectionlivres. com. « Contrairement à la solution Hologram, celle du portail n’est pas automatisée mais revient moins chère (environ 250 à 5000 euros par an selon le chiffre d’affaires) aux éditeurs qui souhaiteraient l’utiliser », nous indique Julien Chouraqui. Le SNE va en faire la promotion. @

Charles de Laubier

Malgré la loi anti-Amazon, Amazon s’impose au livre

En fait. Le 26 juin, le Syndicat national de l’édition (SNE) a – pour une fois –
tenu son AG annuelle dans l’hôtel particulier de Massa, lequel fut donné à l’Etat en 1928 à condition d’héberger la Société des gens de lettres (SGDL)…
Le Syndicat de la librairie française (SLF) y est aussi. Pas encore Amazon !

En clair. Les éditeurs, les auteurs et les libraires se serrent les coudes face à la
vague du numérique qui s’apprête à déferler en France tel un tsunami sur le monde
de l’édition de livre. Le Parlement était de la partie : le matin même de l’assemblée générale du SNE, les sénateurs adoptaient – après les députés en février – la loi pour
« encadrer les conditions de la vente à distance des livres », loi surnommée « anti-Amazon ». Ce texte, modifiant la loi de 1981 sur le prix unique du livre, interdit désormais le géant du e-commerce – mais aussi les sites web des libraires – de vendre des livres imprimés avec à la fois la réduction de 5 % sur le prix unique et la gratuité des frais de port. Le SLF et le SNE s’en sont félicités. Pour Amazon, qui perd un avantage concurrentiel, c’est un coup dur. Pas sûr que cela améliore ses relations
avec le monde traditionnel de l’édition. La firme de Seattle a déjà maille à partir avec Hachette Livre (Lagardère) sur, cette fois, les prix des livres numériques. Au point que la Commission européenne se penche sur ce différend (1).

Reste qu’Amazon devient presque incontournable dans la vente à distance de livres papier et numériques. Avec ses liseuses et applications Kindle, le numéro un mondial du e-commerce s’impose en France avec Amazon.fr qui rivalise avec Fnac.com (associé à Kobo). Après une absence remarquée en 2013 au Salon du livre, organisé par le SNE, Amazon est revenu cette année exposer son savoir-faire international
(e-commerce, ebooks, autoédition, liseuses, réseau social (2), etc). Aux Etats-Unis,
les ebooks représentent 27 % des ventes de livres en 2013 et Amazon y est le premier
lieu d’achat de ces livres numérique pour 67 % des Américains. En Angleterre, ces indicateurs sont respectivement de 15 % et 72,4 %.
En France, où les ebooks ont représenté 4,1 % des ventes de livres en 2013 pour un chiffre d’affaires de 105,3 millions d’euros (+ 28,6 %), Amazon n’a pas encore donné toute sa mesure. Les liseuses (hors tablettes) progressent aussi : 850.000 unités vendues en 2013 (+ 17 %), en attendant les smartphones à double écran de type Yotaphone. A l’instar de la musique, l’industrie du livre limite l’érosion de son chiffre d’affaires l’an dernier (- 3 % en France à 2,68 milliards d’euros) grâce au numérique. Mais pour ne pas inciter au piratage (lire p. 7), l’offre légale de ebooks ne devra pas laisser à désirer. @