TNT, le second souffle

Rien ne sert de courir il faut partir à point. La fable du Lièvre et la Tortue de La Fontaine s’applique particulièrement bien
à la course que se livrent depuis plus de 20 ans les réseaux de télévision numérique terrestre (TNT) et les réseaux de fibre optique (FTTH). Face aux performances d’athlète de
la fibre, la TNT paraissait bien moins impressionnante.
Mais elle est partie à temps, pour une course de fond parsemée d’obstacles qu’elle franchit l’un après l’autre, consciencieusement. Autant la fibre est depuis longtemps donnée gagnante dans l’acheminement à très haut débit des programmes TV et de
la VOD, autant la TNT n’était que très peu attendue : les téléspectateurs d’alors n’exprimaient aucune attente claire et les chaînes de télévision en place traînaient plutôt des pieds face à cette concurrence annoncée. Ce fut surtout une question de volonté politique : moderniser un réseau très ancien, libérer du spectre et proposer au plus grand nombre une offre plus large de programmes assortie de catch up TV, de « push VOD » (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs. Mais avant d’en arriver là, le top départ fut donné en France dès mars 2005 dans quelques villes, après avoir été plusieurs fois retardé en raison de difficultés tant politiques que techniques. Ce fut dès
lors une lente montée en puissance, que les ricanements des premiers temps peinèrent
à perturber.

« La TNT 2.0 multiplie les chaînes assorties de catch up TV, de ‘’push VOD’’ (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs »

Il est vrai que les grilles de programmes des premières années n’étaient souvent que
des alibis permettant d’occuper la lucarne en attendant des jours meilleurs. Tout cela est bien loin : aujourd’hui près du tiers des ménages français reçoit encore la télévision via ce réseau. La TNT gratuite et universelle a ainsi enrayé le déclin de la télévision terrestre qui, avant 2005, connaissait une migration chronique de ses abonnés payants vers d’autres canaux de réception. Ainsi trois des principales offres payantes proposées au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne avaient disparu entre 2002 et 2005. Dans le même temps,
les abonnés de Canal+ France, première chaîne analogique payante en Europe, avaient migré vers d’autres modes de réception. Depuis lors, avec la numérisation des réseaux et l’amélioration de l’offre, la télévision terrestre a reconquis des téléspectateurs (+ 1,2 million de foyers abonnés entre 2008 et 2011). Cette diversité nouvelle est d’autant plus frappante que les offres de télévision à péage se multiplient sur la TNT : Boxer dans les pays scandinaves, Top Up TV au Royaume-Uni, ou encore les offres à la demande ou prépayées en Italie pour des matches de football accessibles sur la TNT. La France, elle, devint dès 2011 le premier pays européen en nombre d’abonnés à une offre de télévision terrestre (1,8 million de foyers en France en 2011). Et ce, principalement grâce à l’offre
de Canal+ qui propose un abonnement à sa chaîne premium sous forme d’un bouquet
de cinq chaînes et distribue par ailleurs une offre de TNT payante.
L’extinction du signal analogique, qui eut lieu fin 2011 pour la France, a maintenu une croissance du nombre de foyers regardant la télévision via la TNT (plus de 9 millions de foyers). Un attrait régulièrement renouvelé par une offre sans cesse enrichie : en 2012, six nouvelles chaînes vinrent s’additionner aux 19 gratuites existantes, sans compter
une grosse vingtaine de chaînes locales. En 2015, ce fut le basculement de l’ensemble des chaînes de la TNT au format MPEG4, puis aujourd’hui à la norme DVB-T2. Ces chaînes se regardent en HD et, pour certaines, en 3D grâce aux nouveaux téléviseurs, mais ce sont surtout les services multi-écrans qui ont chamboulé le rapport des téléspectateurs aux chaînes. Des startup étonnantes ont su réinventer la TV connectée : la Boxee Box, par exemple, a eu un grand succès à New York en permettant de porter
les vidéos et programmes TV du Web sur le téléviseur aux côtés des chaînes gratuites
de la TNT.
La TNT, en se retournant sur le chemin parcouru depuis son lancement, pourrait bien s’écrier à l’adresse de ses rapides concurrents : « Eh bien ! N’avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ? ». @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Satellite, les nouveaux FAI
* Directeur général adjoint du DigiWorld Institute by IDATE.
Sur le même thème, l’institut a publié son étude
« Le marché mondial de la télévision :
marchés et prévisions 2016 », par Florence Le Borgne

Lutte contre le piratage : la Cour de justice de l’Union européenne devra dire si l’ACTA est illégal

Initiative des pays développés considérant insuffisants les minima imposés par l’accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) inquiète jusqu’à la Commission européenne.
A la justice d’arbitrer entre pour et contre.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

Signé le 26 janvier dernier par l’Union Européenne et vingt-deux de ses Etats membres, dont la France (1), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) est en discussion depuis 2007 et peine aujourd’hui à se voir ratifier par un nombre suffisant de pays pour pouvoir entrer en vigueur. Une mobilisation sans précédent de la société civile
(16 000 personnes défilaient notamment contre le traité
le 11 février à Munich) et la récente annonce par la Commission européenne de son intention de soumettre
le traité à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) – pour vérifier sa conformité aux droits fondamentaux européens (2) – ont porté un sérieux coup d’arrêt
à la progression de ce texte.

Droits d’auteurs versus libertés ?
L’ACTA vise à renforcer les moyens de protection internationale des droits de propriété intellectuelle. Au lendemain de la fermeture du site Internet Megaupload, et alors que les Etats-Unis (premiers promoteurs de l’ACTA) viennent eux-mêmes de reculer sur leurs projets internes de lois anti-contrefaçon (3), rarement questions de propriété intellectuelle n’auront autant mobilisé les foules et fait débattre dans les forums citoyens. Alors que les promoteurs de ce traité vantent ses bienfaits en termes de protection des droits de propriété intellectuelle et ses effets bénéfiques sur l’économie mondiale, ses pourfendeurs, eux, crient à l’avènement d’une société orwellienne dans laquelle la liberté d’expression, la protection de la vie privée et le droit à un procès équitable seraient mis en péril par la toute-puissance des titulaires de droits. Face à ces débats passionnés, il n’est pas inutile de se reporter directement au texte du traité afin d’en saisir les apports, comprendre les changements qu’il introduit et mesurer la pertinence des inquiétudes qu’il suscite. L’ACTA soulève des questions de conciliation entre la protection de la propriété intellectuelle et la défense de plusieurs droits fondamentaux. Tout d’abord, plusieurs mesures d’échange d’informations font redouter à certains une menace sur la vie privée et le droit à un procès équitable. Par exemple, les articles 11 et 22 prévoient la communication au détenteur de droits d’informations (notamment des données personnelles comme le nom et l’adresse) sur les personnes soupçonnées d’avoir participé, directement ou non, à une atteinte à un droit d’auteur, voisin, de marque ou de brevet. Et ceci, non seulement sur ordre des autorités judiciaires mais également sans l’intervention de ces dernières dans certains cas. Néanmoins, cette communication de données personnelles sur de potentiels participants à une contrefaçon doit se faire « sous réserve des lois d’une partie concernant le respect de la vie privée ou la confidentialité des renseignements ». L’article 27-4 relatif à la contrefaçon sur Internet (4) donne aussi
la possibilité aux Etats – mais pas l’obligation – de permettre aux autorités compétentes
« d’ordonner à un fournisseur de services en ligne de divulguer rapidement au détenteur du droit des renseignements suffisants pour lui permettre d’identifier un abonné dont il est allégué que le compte aurait été utilisé en vue de porter atteinte
à des droits », lorsque le détenteur du droit a présenté des allégations suffisantes concernant une atteinte. Cet article a été largement critiqué : en tentant de responsabiliser les fournisseurs d’accès Internet (FAI) et de les faire participer à la lutte anti-contrefaçon, les Etats risqueraient de conduire à un système de surveillance généralisée des communications, forçant les FAI à faire la police sur leurs réseaux.
En outre, cette fourniture de données potentiellement personnelles SANS intervention d’un juge paraît faire peser une menace sur la protection de la vie privée, des données personnelles et du droit à un procès équitable.

Responsabilité des fournisseurs du Web
Sans doute conscients des risques inhérents à la formulation relativement large des dispositions du traité, les rédacteurs de l’ACTA ont précisé que les procédures visant
à faire respecter les droits d’auteur sur Internet « sont appliquées de manière à éviter
la création d’obstacles aux activités légitimes, y compris au commerce électronique »,
et d’une façon qui « préserve des principes fondamentaux comme la liberté d’expression, les procédures équitables et le respect de la vie privée ». L’ACTA laisse d’ailleurs aux Etats la possibilité de prévoir des limitations de la responsabilité des fournisseurs de service en ligne. Ensuite, l’ACTA prévoit la mise en place de mesures plus efficaces aux frontières pour lutter contre la contrefaçon, tant dans ses aspects
de criminalité organisée que dans sa dimension la plus quotidienne et apparemment anodine, avec des mesures relatives à la lutte contre la contrefaçon par Internet.

Ayants droits : la France protège plus
Sur le plan civil, l’ACTA semble ouvrir de nouvelles possibilités de calcul des dommages et intérêts (voir encadré). Sur le plan pénal, on retrouve la notion de contrefaçon commise « à une échelle commerciale », notion déjà présente dans la directive de 2004 sur la protection des droits de propriété intellectuelle (5). Comme lors de la transposition de la directive européenne (6), cette expression devrait cependant rester exclue du droit français, ce dernier étant plus protecteur des ayants droit. Il est également important de noter que dans la version signée de l’ACTA, aucune obligation n’est faite aux parties – comme cela fut un temps envisagé au cours des négociations – d’imposer un système de « riposte graduée » aboutissant à une coupure de l’accès à Internet telle que celle mise en place par la loi Hadopi.
Il apparaît après analyse que le traité ACTA souffre surtout d’un fort déficit de légitimité démocratique, qui tient sans doute davantage à son contexte de négociation qu’à son contenu même. Si l’ACTA présente indéniablement un arsenal plus protecteur des titulaires de droits que les minima imposés par l’accord de l’OMC – datant de 1994 – sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) (7), il n’annonce pas a priori de bouleversement drastique dans la lutte mondiale anti-contrefaçon. Les réactions enflammées qu’il suscite s’expliquent sans doute en grande partie par le fait que ce traité, négocié dans une trop grande opacité, en secret et sans concertation des peuples (8), met les opinions publiques devant le fait accompli, à un moment où ces dernières se trouvent particulièrement échaudées par le démantèlement de la plate-forme Megaupload. Et ce, dans une période où la contestation citoyenne a le vent en poupe. Le Parlement européen lui-même s’était plaint de cette opacité, en demandant en 2010 à la Commission européenne de faire preuve de davantage de transparence concernant les négociations en cours (9). Il n’est en outre pas sans incidence pour la légitimité de l’ACTA que plusieurs pays d’importance majeure sur le terrain de la contrefaçon se soient refusés à signer l’accord. Ainsi, la Chine, l’Inde, le Brésil, la Turquie et l’Allemagne, la Pologne, l’Autriche, la République tchèque, la Roumanie et la Slovénie ont tous désavoué l’accord, pour des raisons qu’on suppose diverses (respect de la liberté d’expression, protection de la vie privée, position stratégique concernant les médicaments génériques,…
Assurément, la saisine formelle de la CJUE par la Commission européenne dans les prochains jours (lire interview de Viviane Reding dans Edition Multimédi@ n°53) rappelle que le droit de propriété intellectuelle n’est « pas un droit fondamental absolu » et ne doit pas servir de « justification pour éliminer la liberté d’expression » (10). Cela illustre la difficulté constante du législateur à concilier et équilibrer les différents droits fondamentaux que sont la liberté d’expression, l’accès à l’information, la protection des données personnelles et le droit de propriété intellectuelle. @

FOCUS

Vers des dommages-intérêts « punitifs » ?
L’article 9-1 impose aux Etats membres de prévoir l’octroi de « dommages-intérêts adéquats en réparation du dommage ». Il ajoute en outre que pour en déterminer le montant, les autorités judiciaires sont habilitées à tenir compte, entre autres choses,
des « bénéfices perdus » – opérant ainsi un retour du dédommagement pour perte de chance sur le terrain de la contrefaçon. D’aucuns, sur ce point, crient au « mythe des ventes perdues » (11), faisant valoir qu’il est illusoire de considérer que toute contrefaçon se serait traduite par un montant égal de ventes en cas d’absence d’atteinte. Par ailleurs, l’article 9-2 fait obligation aux Etats, au moins pour les atteintes aux droits d’auteur et connexes et les contrefaçons de marques, d’autoriser leurs autorités judiciaires à ordonner la remise au détenteur du droit du bénéfice attribuable à l’atteinte. Enfin, l’article 9-3 pour ces mêmes atteintes aux marques et aux droits d’auteur et voisins, oblige les Etats à établir ou maintenir un système prévoyant un ou plusieurs éléments parmi : a) des dommages-intérêts préétablis, ou b) des présomptions pour la détermination d’un montant de dommages-intérêts adéquats, ou c) au moins pour le droit d’auteur, des « dommages-intérêts additionnels ». Certains observateurs voient dans ces dommages-intérêts additionnels revenir le spectre des dommages-intérêts à visée dissuasive, dits « punitifs » ou « exemplaires », typiques du droit américain mais fermement proscrits à ce jour
en droit français. On est effectivement tenté de penser que ces dommages-intérêts
« additionnels » visent à punir et dissuader plus qu’à strictement réparer le préjudice
réel subi. @

Déverrouiller les bibliothèques en ligne et baisser les prix des livres numériques

Si l’industrie du livre ne veut pas être victime du numérique, comme ce fut le
cas pour la musique, elle devra non seulement déverrouiller les plateformes et
les enrichir, mais aussi accepter de vendre jusqu’à 30 % moins cher les livres numériques par rapport aux livres imprimés.

Contrairement aux industries de la musique et du cinéma, les maisons d’édition ne voient pas les réseaux peer-to-peer (P2P) de type eDonkey ou Torrent comme une menace. Dans le premier baromètre des usages du livre numérique publié au Salon du livre par le SNE (1), la Sofia (2) et la SGDL (3), seuls 4 % des personnes interrogées y vont pour chercher des ebooks.

Face au triopole Amazon-Apple-Google
Ce sont en fait les grandes portails du Net, que sont Amazon, Apple Store ou encore Google Books qui constituent les premiers points de ralliement du livre numérique : 38 % des sondés s’y connectent, auxquels s’ajoutent les 21 % qui empruntent un moteur de recherche (Google en tête). Viennent ensuite les 30 % qui passent par les sites web de grands magasins spécialisées tels que Fnac, VirginMega ou Cultura (4). Le piratage d’ebooks est aussi moins préoccupant que la position dominante du triopole Amazon-Apple-Google : seuls 20 % déclarent avoir eu recours à une offre illégale de livres numériques et 2 % à avoir utilisé un site de streaming illégal d’ebooks. Ce que corrobore l’étude EbookZ3 du MOTif (5) publiée aussi lors du Salon du livre : le piratage représente moins de 2 % de l’offre légale papier (6). Recourir à l’Hadopi n’est toujours pas une priorité pour le SNE, comme l’avait révélé Edition Multimédi@ (7).
La « menace » vient d’ailleurs. « Ce qui se joue aujourd’hui, (…) c’est la possibilité d’une emprise sans partage ni retour de quelques acteurs globaux de la diffusion sur les industries de la création », s’est inquiété Antoine Gallimard, président du SNE,
en ouverture des 8e Assises du livre numérique au Salon du livre, le 16 mars. Il n’a cependant rien dit sur la riposte que Gallimard prépare face à Amazon, Apple et Google avec Editis, Seuil-La Martinière et Flammarion, en association avec Orange et SFR, ainsi qu’avec ePagine (utilisé par Eyrolles). Le projet consiste en une plateforme unique ouverte qui se veut une alternative aux modèles propriétaires (entendez fermés) des trois géants du Net. Amazon, qui exposait pour la première fois au Salon du livre, impose en effet son propre format AZW pour sa liseuse Kindle qui ne lit pas le standard EPUB.
Reste à savoir si les plates-formes d’Hachette (Numilog), d’Editis (E-Plateforme), de l’Harmattan (l’Harmathèque), ainsi que 1001libraires.com, Librairie.actualitte.com ou encore REA de Decitre, rejoindront le groupement. Le directeur du Centre d’analyse stratégique du Premier ministre, Vincent Chriqui, a plaidé, le 19 mars, pour « une plateforme unique de distribution ». L’interopérabilité sera en tout cas la clé du succès de ces plateformes légales de librairie numérique. « Notre engagement auprès des lecteurs passe par (…) l’interopérabilité des plateformes (…) », a promis Antoine Gallimard. Le prototype de la future plateforme commune est élaboré avec Orange, lequel a – selon nos informations – déposé le 29 février un dossier d’aide auprès du Grand emprunt (8), via le Fonds national pour la société numérique (FSN). Reposant sur le cloud computing, elle proposera aux internautes de choisir leurs livres numériques chez des libraires virtuels, de les stocker dans leur bibliothèque personnelle en ligne, et de pourvoir l’enrichir quelles que soient les évolutions technologiques des e-books (formats PDF, EPUB, HTML, …). La société miLibris pourrait jouer le rôle d’opérateur technique (lire interview p.1 et 2). Autre défi majeur : celui du prix. A la question « Quelles sont vos attentes concernant l’évolution du livre numérique ? », le baromètre montre que les plus nombreux (28 %) répondent : « Que les prix des livres numériques soient plus accessibles ». Le « prix unique » du livre – ainsi désigné car fixé par l’éditeur pour les livres imprimés depuis la loi du 10 août
1981 et pour les livres numériques par la loi du 26 mai 2011 – est-il déjà obsolète sur Internet ? Amazon, qui serait à l’origine de l’enquête ouverte début décembre par la Commission européenne à l’encontre de ces cinq éditeurs (9) et d’Apple sur une éventuelle entente sur les prix des ebooks (10), aimerait pratiquer des ristournes de
-50 % par rapport au livre papier comme il le fait aux Etats-Unis. En France, il est limité à -5 %. Pourtant, 56 % des sondés mettre le critère du prix en avant pour le livre numérique (contre seulement 34 % pour l’imprimé). Or selon le Centre d’analyse stratégique, « le public attend clairement une différence de prix de l’ordre de 40 %
ou 50%».

Des ebooks à -20 %, -30 % ou -50 % ?
La France étant pionnière en Europe dans l’application aux ebooks du taux réduit de
TVA (7 % à partir du 1er avril), comme pour le livre imprimé, le SNE espère que Bruxelles entérinera cet alignement. Ainsi, explique le syndicat dans sa lettre aux candidats à l’élection présidentielle, « les éditeurs [pourront] proposer des prix plus attractifs ». Alors, -20 %, -30 % ou -50 % ? @

Charles de Laubier

 

Face à la fragmentation de l’audience, l’Internet global

En fait. Le 14 mars, Médiamétrie a fait le point sur les faits marquants du Web
sur l’année 2011 (les barres des 40 millions d’internautes et des 20 millions de mobinautes atteintes) et présenté les évolutions à venir des mesures d’audience. L’Internet fixe et L’Internet mobile vont être réconciliés.

En clair. Les annonceurs et les agences de publicité vont avoir au début du second semestre de cette année la première mesure d’un « Internet global », agrégeant pour la première fois les mesures d’audiences de l’Internet fixe et mobile à partir des ordinateurs, des smartphones, des tablettes et des téléviseurs connectés. C’est la réponse que leur apporte Médiamétrie pour faire face à la fragmentation de l’audience avec la multiplication des écrans. La mensualisation de la mesure de l’Internet mobile depuis décembre 2011, jusqu’alors trimestrielle, a déjà permis aux éditeurs et aux publicitaires de pouvoir comparer l’audience du web fixe avec celle des mobiles.
La frontière entre les deux modes d’accès tend d’ailleurs à devenir poreuse (1). Les tablettes – non intégrées dans l’Internet mobile – feront aussi leur entrée dans cette mesure globale, 1.000 panélistes ayant été « recrutés » pour de premières mesures réalisées sur ce premier trimestre, lesquelles seront publiées au second trimestre (2). Mais elles ne porteront pour l’instant que sur des iPad d’Apple, « qui génèrent encore
90 % des connexions des tablettes », explique Tiphaine Goisbeault, directrice Télécom
et Equipement de Médiamétrie. Or sur 1,764 million d’utilisateurs de tablettes en France, seuls 55 % ont un iPad. « Les tablettes sous Android [de Google] seront prises en compte fin 2012/début 2013 », ajoute-t-elle. Pourtant, l’institut constate dans une de ses études
« eStat » que la part des visites des sites (hors applications) à partir de tablettes ou smartphones sous Android (Samsung, HTC, …) est déjà de 40 % en janvier 2012 – face aux 52 % de l’iOS d’Apple. Un an plus tôt, le rapport de force était respectivement de 16 % et 72 %. Malgré ce rééquilibrage spectaculaire en faveur de l’OS de Google, il faudra donc attendre la prise en compte des tablettes sous Android…
Quant à la mesure hybride (panel + site centric), dont les premiers résultats historiques seront communiqués aux clients fin mars pour une publication début juin, sera intégrée elle aussi à la mesure globale. L’institut n’entend pas pour autant en rester là. « Il manque des outils pour mesurer l’efficacité de l’audience sur les marques. Nous prévoyons à l’avenir de le faire, en mesurant les intentions d’achat, la satisfaction et l’intérêt pour
la marque », a indiqué Benoît Cassaigne, directeur des mesures d’audiences chez Médiamétrie. @

Comment Bolloré cherche sa voie dans les médias

En fait. Le 22 mars, le conglomérat Bolloré (transport, logistique, énergie, …), diversifié médias (Direct Matin/Soir/Sport/Femme, Direct 8/Star, …), publicité (Intermédia, …) et télécoms (WiMax, Wifirst, …), a publié ses résultats 2011 :
8,5 milliards d’euros de revenus, 320 millions de bénéfice net.

En clair. Les activités médias et télécoms du groupe français dirigé par le milliardaire Vincent Bolloré sont toujours une goutte d’eau dans ce conglomérat mondialisé. Ce sont des activités si « petites » qu’elles ne sont jamais chiffrées séparément dans les résultats annuels, mais fondues dans une ligne comptable « Médias, télécoms, plantations, holdings » – laquelle affiche en 2011 un chiffre d’affaires total de 208 millions d’euros,
pour une perte opérationnelle de 50 millions. Tout juste apprend-on « la forte progression des recettes publicitaires des médias qui bénéficient de la hausse de leur audience ». Vincent Bolloré détient par ailleurs respectivement 32,9 % et 26,5 % des groupes publicitaires français Havas et britannique Aegis.
La presse gratuite constitue maintenant le principal actif média, le groupe ayant vendu en septembre dernier à Canal+ 60 % du capital (1) de ses chaînes gratuites de la TNT, Direct 8 et Direct Star (ex-Virgin 17). Le projet de chaîne locale, Direct Azur, serait aussi abandonné selon « La Tribune ». Vincent Bolloré, qui prévoit l’équilibre financier en 2017 pour son quotidien gratuit Direct Matin (2), n’a pas renoncé à lancer un quotidien peu cher à valeur ajoutée. Et lorsque Le Parisien était à vendre en 2010 (avant qu’il ne le soit plus), l’homme d’affaires s’était déclaré intéressé.
Quant au Web, il participe de « montée en puissance du groupe dans le digital et l’entertainment » (dixit le fils Yannick Bolloré, DG de Bolloré Média). La prise de contrôle (51 %) de Jeanmarcmorandini.com en décembre donne le ton : ce super-blog sera
assorti d’une « plate-forme TV dédiée » pour « produire des contenus propres ». D’autres acquisitions sont envisagées, notamment dans la vidéo en ligne. Par ailleurs, des films exclusifs pourraient être proposés par la filiale d’acquisition et de co-production Direct Cinéma (3) créée mi- 2010. Du côté des tuyaux, Bolloré Télécom est à pied d’oeuvre avec ses 22 licences régionales WiMax mais l’Arcep a menacé en novembre dernier de les
lui retirer faute de mise en service (4). La filiale – présidée par Dominique Roux, ancien membre de l’Arcep – teste des boucles locales radio (BLR), notamment à Brest et sur la Côte d’Azur, et compte bien garder ses autorisations de 2006 pour déployer la 4G (LTE) sur ses fréquences 3,5 Ghz. Avec Wifirst, Bolloré commercialise déjà un service d’Internet sans fil haut débit. @