Rémunération des artistes-interprètes sur le Net : après la cassation, l’intervention législative ?

Certes, la « débâcle judiciaire pour la Spedidam » – dixit le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) – contre iTunes, E-compil et autres Fnacmusic devant la Cour de cassation fut cuisante le 11 septembre 2013. Mais les artistes-interprètes s’en remettent maintenant au législateur.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée (photo) et Laurent Teyssandier, avocat, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

A l’occasion de litiges opposant la Société de perception
et de distribution des droits des artistesinterprètes de la musique et de la danse (Spedidam) à plusieurs plates-formes de téléchargement de fichiers musicaux (iTunes/ Apple, On demand Distribution/ Nokia, E-compil/Universal Music on Line, Sony, Virgin Mega, Fnac Direct/Fnacmusic), la Cour de cassation a jugé – dans six arrêts du 11 septembre 2013 – que l’autorisation donnée par des artistes-interprètes pour l’exploitation de l’enregistrement de leurs interprétations inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant.

Six litiges contre six plates-formes
Ces litiges soumis à l’appréciation de la haute juridiction illustrent l’opposition forte qui existe entre les artistes-interprètes, les producteurs et les exploitants de plates-formes
de téléchargement d’oeuvres musicales sur la question de la rémunération des artistesinterprètes en cas de commercialisation de leurs interprétations en ligne.
La Spedidam, qui représente les artistes-interprètes, estime que la mise en ligne des
« phonogrammes » doit être soumise à une autorisation préalable des artistes-interprètes dont la prestation a été fixée sur ces enregistrements numériques. Pour cette société de gestion, toute exploitation immatérielle qui n’aurait pas été autorisée expressément dans l’accord initial porte préjudice aux intérêts de l’artiste-interprète qui se trouverait privé de rémunération pour cette nouvelle forme d’exploitation.
En revanche, les producteurs et les exploitations de plateformes de téléchargement considèrent que l’autorisation donnée par un artiste-interprète à la commercialisation de son interprétation sur support physique inclut également l’autorisation de mettre cette même interprétation à la disposition du public sur les plateformes de téléchargement payant.
Dans le but d’obtenir réparation du préjudice personnel subi par les artistes-interprètes
et du préjudice collectif subi par l’ensemble de la profession la Spedidam a assigné en justice, dans six procédures distinctes, les sociétés iTunes, Universal Music on Line, Sony UK, On Demand Distribution, Virgin Mega et Fnac Direct (1).
Les termes du débat sont identiques dans chacun des six litiges portés devant la Cour
de cassation : l’autorisation donnée par un artiste-interprète pour l’exploitation de l’enregistrement d’une interprétation « sous la forme de phonogrammes publiés à des fins de commerce » inclut-elle la mise à disposition du public de l’enregistrement par voie de téléchargement payant ?
Pour répondre à cette question, la Cour de cassation apporte des précisions sur les contours de la notion de « phonogramme ». La question est de savoir si cette notion vise uniquement le support physique réceptacle de l’enregistrement ou si elle peut également désigner un simple fichier informatique.
Naturellement, la Spedidam considère que la notion de phonogramme ne doit s’entendre que du support physique – Vinyle 16, 45, 33 ou 78 tours, cassettes audio, Minidisc et disque compact – fixant l’enregistrement. Pour cette société de gestion, la notion de « publication » visée dans les autorisations données par certains artistes-interprètes suppose nécessairement la mise en circulation d’un support matériel de la prestation et exclut toute mise à disposition sur une plate-forme de téléchargement.
Cette approche ne sera pas celle retenue par la Cour d’appel de Paris dans ses arrêts
du 7 mars 2012, ni celle retenue par la Cour de cassation dans les six arrêts du 11 septembre 2013.

Le « phonogramme » est digital compatible
Rappelant la notion de « phonogramme » définie par, d’une part, l’articles 3-b de la Convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes
ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion
– appelée « Convention de Rome » (2) – et, d’autre part, l’article 2-e du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du 20 décembre 1996 sur
les interprétations et exécutions et les phonogrammes (3), la Cour de cassation approuve les décisions de la Cour d’appel de Paris et affirme que « la qualification juridique de phonogramme [est] indépendante de l’existence ou non d’un support tangible ».

Convention de Rome et Traité de l’OMPI
La haute cours de justice donne ainsi raison aux plates-formes de musique en ligne, dont le leader du secteur est iTunes, filiale d’Apple, qui soutiennent – comme il résulte d’ailleurs des travaux parlementaires de la loi du 3 juillet 1985 modifiée le 24 juillet 2009 (4) – « que la qualification juridique de phonogramme du commerce est indépendante d’un support et que la mise à la disposition du public, en quantité suffisante, de supports dématérialisés n’implique pas de changement de destination du phonogramme initialement fixé ; que dès lors, l’exploitation autorisée par les artistes-interprètes dont les prestations sont reproduites [sous forme de fichier numérique, ndlr] inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant ». Une telle décision apparaît conforme non seulement à l’esprit de la Convention de Rome et du Traité de l’OMPI, lesquels définissent le phonogramme comme une fixation de sons provenant d’une interprétation sans distinction de la matérialité ou l’immatérialité du support, mais également à la lettre de l’article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) qui ne distingue pas l’exploitation physique de l’exploitation numérique. « Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de
sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour
le son et l’image », stipule en effet cet article du CPI. Si cet article pose un principe de spécialité, de sorte que l’autorisation de fixer ne vaut pas autorisation de reproduire
ou de communiquer au public, il n’opère aucune distinction selon que ces actions soient exécutées pour des phonogrammes sur support physique ou en version numérique.

En l’espèce, les artistes-interprètes concernés avaient, selon les mentions figurant
sur les feuilles de présence qu’ils avaient émargées, autorisé l’exploitation de l’enregistrement de leurs prestations « sous la forme de phonogrammes publiés à
des fins de commerce » à une époque où la commercialisation commercialisation des œuvres musicales en ligne n’existait pas encore. Pour la Spedidam, l’autorisation donnée par les artistes-interprètes à la « publication » de leur interprétation sous forme de phonogramme ne permettait pas au producteur ou à l’exploitant d’une plate-forme de téléchargement de commercialiser ce phonogramme sous forme immatérielle.
Cette décision apparaît respecter également la Convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008 (5), qui n’opèrent aucune dichotomie entre
la communication au public sur support physique ou sur support numérique.
Les parties signataires de l’annexe « artiste interprète » à cette convention collective affirment qu’« elles partagent la conviction que l’essor de nouveaux marchés d’exploitation de la production phonographique constitue une opportunité tant pour
les producteurs de phonogrammes que pour les artistes interprètes », mais aussi
« elles constatent que l’absence d’accord écrit avant l’entrée en vigueur de la loi de 1985, le développement de nouvelles formes d’exploitation de la production phonographique et l’absence d’accord collectif définissant les modes d’exploitation entraînent des incertitudes quant à la portée de l’autorisation consentie ».
Cependant, tirant les conséquences de ce que la qualification juridique de phonogramme est indépendante de l’existence ou non d’un support tangible, la Cour
de cassation approuve la décision de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que « les autorisations litigieuses données par les artistes-interprètes incluaient la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant ».

Vers une intervention législative ?
En réaction à cette décision, la Spedidam a appelé le législateur à intervenir pour distinguer l’exploitation sur support physique de l’exploitation sous forme numérique (6). Cette question sera très certainement abordée et traitée dans le cadre de la mission confiée par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, à Christian Phéline, magistrat de la Cour des comptes, et portant sur la question du partage de la valeur générée par la musique numérique avec les créateurs. Ce dernier doit rendre ses conclusions d’ici fin novembre. Restera ensuite à savoir si la future « grande loi sur la création » (7) que promet la ministre d’ici mars 2014 répondra aux attentes des artistes-interprètes. @

* Christiane Féral-Schuhl est Bâtonnier du barreau de Paris.

UPFI et Snep : “Non” à la gestion collective obligatoire

En fait. Le 13 novembre, l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) a présenté son livre blanc sur le partage de la valeur à
l’ère des exploitations numériques. Le 14, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a évoqué son étude EY sur la rémunération des artistes.

En clair. S’il y a bien un point sur lequel les producteurs indépendants (UPFI) et les majors de la musique (Snep) sont au diapason, c’est bien celui d’une opposition farouche contre la gestion collective obligatoire. « Le débat sur le partage de la valeur, qui est très franco-français, a été biaisé par des positions défendues par certains acteurs – la patron de Deezer [Axel Dauchez] pour ne pas le citer – et cela remonte au rapport Zelnik, à la mission, à la charte Hoog et au rapport Lescure, lequel dit que si les producteurs n’acceptent pas de négocier un code des usages ou des minima de royauté [pourcentage sur les ventes de leur disque, ndlr] avec les artistes-interprètes, le gouvernement devrait instaurer une gestion collective obligatoire pour les droits voisins dans le numérique. Il y
a donc une ‘’pée de Damoclès’’qui pèse sur la tête des producteurs », a rappelé Jérôme Roger, DG à la fois de l’UPFI et de la SPPF (1). « Ce qui nous a amené à faire cette analyse [le livre blanc] et à considérer que, contrairement à ce que d’aucuns disent, il n’y a pas lieu de mettre en place un système de gestion collective obligatoire. Ce mécanisme autoritaire serait ne nature à rééquilibrer un prétendu déséquilibre dans le partage de la valeur entre les différents acteurs, notamment dans le rapport entre producteurs – majors ou indépendants – et les plate-formes en ligne », a-t-il ajouté. Pour l’UPFI comme pour le Snep, la gestion collective obligatoire est à proscrire, non seulement pour des raisons juridiques mais aussi économiques.

Le livre blanc, lui, veut démonter que l’évolution du marché, sa capacité à atteindre une taille critique et à générer des revenus significatifs, va naturellement rééquilibrer le partage de la valeur entre les différents acteurs. A l’horizon 2018, les producteurs indépendants tablent sur le fait que les streaming illimité par abonnement sera le modèle dominant et
que les plates-formes de musique en ligne (Deezer, Spotify, iTunes, …) seront profitables. Tandis que « leur niveau de rémunération devrait en toute logique tendre vers un taux de l’ordre de 10 % à 15 % au lieu de 30 % aujourd’hui ». Et le président de l’UPFI, Stephan Bourdoiseau, par ailleurs président fondateur de Wagram Music, d’en conclure : « Il ne faut rien faire ! ». Quant à l’étude EY du Snep (2) sur le partage de la valeur, elle a été transmise à la mission Phéline sur la musique en ligne sans être rendue publique. @

La mission « Acte II de l’exception culturelle » n’a pas réussi à trouver un consensus

Plus de cinq ans après les 43 pages du rapport Olivennes, plus de trois ans après les 147 pages du rapport Zelnik, les 719 pages du rapport Lescure n’ont pas suffit
à mettre d’accord les industries culturelles et les acteurs du numérique.

Les « pour »
• La SACD (1) :
« La modernisation de la chronologie des médias [SVOD à 18 mois et dérogation pour les films fragiles] va dans le bon sens. (…) La taxe sur les appareils connectés, pourrait être utile pour consolider le financement de la création culturelle ».
• L’ARP (2) : « Des pistes de financement crédibles à travers la taxation et la mise en place de financements spécifiques, et la redéfinition des responsabilités [hébergement et distribution]. (…) La chronologie des médias (…) doit s’ouvrir à davantage de souplesse ». • La Sacem (3) : « Figure la garantie de la juste rémunération des créateurs à l’ère numérique. (…) Instaurer une taxe sur les appareils connectés [est] une piste intéressante ».
• La SPPF (4) : « marque sa satisfaction vis-à-vis de la plupart des propositions [maintien de la réponse graduée, taxe des appareils connectés, préservation du régime copie privée] » .
• L’Adami (5) : « retient la rémunération des artistes de la musique [soumise] à un régime de gestion collective, le revenu minimum garanti pour les comédiens et l’extension de la rémunération équitable aux webradios ».
• La Scam (6) : « Le rapport vient à raison renforcer la gestion collective des droits.
Les préconisations sur la chronologie des médias apportent un nouveau souffle. (…) La convergence des médias justifie pleinement qu’une même autorité [le CSA] veille à ce que les règles applicables soient adaptées et équitables entre les diffuseurs linéaires et non-linéaires ».
• La FFTélécoms (7) : « Des propositions, telles que la chronologie des médias, la lutte contre le gel des droits et la suppression de la coupure Internet, vont dans le sens d’une amélioration concrète des conditions de consommation légale ».
• Le Geste (8) : « attend avec impatience l’application d’un principe de neutralité technologique et fiscale (cf. taux réduit de TVA à la presse en ligne) ».
• Le SEVN (9) : « Le rapport propose de maintenir le principe de la riposte graduée en lui adjoignant un système d’amendes, de responsabiliser les différents intermédiaires techniques, de réformer la chronologie des médias ».
• Le SNJV (10) : « salue la proposition de la création d’un fonds d’avance en prêts participatifs pour le jeu vidéo ».
• L’Asic (11) : « salue (…) la mission Lescure qui proclame qu’une révision de leur statut [les hébergeurs] ne paraît ni souhaitable ni nécessaire ». @

Les « contre »
• Fevad, Secimavi, Sfib, Simavelec, SNSII et Gitep Tics (12) :
« dénoncent les propositions de la mission Pierre Lescure [qui] préconise, d’une part, d’alourdir encore
la rémunération pour copie privée payée par le consommateur en élargissant son assiette aux usages du cloud computing et d’autre part, de créer une nouvelle taxe “sur les terminaux connectés’’ » (lire interview p. 1 et 2).
• L’Asic : « s’inquiète de deux propositions du rapport : l’idée de confier au CSA des missions de régulation touchant aux vidéos distribuées via Internet (l’Internet n’a pas besoin d’un CSA du Net), la proposition de créer une taxe sur les plateformes de vidéo
via leur qualification en distributeur ».
• Le Snep (13) : « Le faible montant proposé pour cette amende (60 euros) décrédibilise sérieusement la pertinence de l’ensemble de l’édifice. (…) Une nouvelle taxe sur les terminaux se substituerait purement et simplement à la redevance pour copie privée.
(…) La gestion collective recommandée pour les exploitations en ligne est une aberration économique et juridique ».
• La SPPF : « La menace d’une gestion collective obligatoire en cas de refus de
négocier un code des usages avec les services de musique en ligne et des rémunérations minimales pour les artistes interprètes ne s’impose nullement ».
• La FFTélécoms : « reste globalement très attentive à l’idée que le financement de la culture, dont la nécessité n’est nullement contestée, ne se traduise par des prélèvements nouveaux sur un secteur qui est déjà très fortement contributeur. (…) Les diverses pistes de financement ne peuvent être envisagées qu’à enveloppe constante ».
• La CLCV (14) : « Seule la solution de la licence globale permettrait de concilier une juste rémunération des auteurs et la légitime liberté des internautes. (…) En proposant une taxe sur la vente de tous les appareils connectés, le rapport ne propose rien d’autre qu’une nouvelle taxation massive à l’heure où le pouvoir d’achat des consommateurs est mis
à rude épreuve ».
• Franck Riester (15) : « La volonté du gouvernement de démanteler la Hadopi est incompréhensible. (…) Le principal message politique de la suppression de la Hadopi s’approche bien d’une incitation au piratage (…). Le principe de gouvernement de François Hollande de taxer d’abord et de réfléchir ensuite ». @

Frédéric Mitterrand : un ministre pris dans le tsunami du numérique

En employant le terme tsunami lors du Marché international des Programmes de Télévision (MipTV) à Cannes le 4 avril dernier, pour désigner l’avènement de la télévision connectée, Frédéric Mitterrand aurait pu aussi parler ainsi de l’ensemble
du numérique qui déferle sur la culture et la communication. « C’est un tsunami qui
se prépare », avait en effet lancé le ministre de la rue de Valois en annonçant la mise en place de la mission « Candilis- Manigne-Tessier-Rogard-Lévrier » sur les enjeux
de la télévision connectée. Ses conclusions sont attendues à partir du 1er octobre.

Aider la musique comme le cinéma
Plus largement, c’est toute l’industrie audiovisuelle qui devrait être « menacée » par l’arrivée de nouveaux acteurs venus du Web et terminaux interactifs (téléviseurs connectés, consoles de jeux, boîtiers externes, …). L’industrie du cinéma et son mode
de financement des films via la chronologie des médias est, elle aussi, concernée.
L’industrie musicale, elle, fait déjà face depuis quelques années à ce « tsunami numérique ». Là aussi, Frédéric Mitterrand a fort à faire depuis le rapport Création & Internet de janvier 2010 et les 13 engagements en faveur de la musique en ligne de janvier 2011.
Il a lancé, en avril dernier également, la mission Chamfort-Colling- Thonon-Selles-Riester sur le financement de la diversité musicale à l’ère numérique. Le rapport a été remis au ministre le 23 septembre. Il prévoit un soutien financier des pouvoirs publics
à la filière musicale, première impactée par Internet, en s’inspirant du mécanisme de subventions dont bénéficie déjà le cinéma à travers le Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC (lire EM@36, p. 4). Comme pour les producteurs de films, un « droit de tirage » (aide automatique annuelle en fonction des recettes) est envisagé pour la musique. Un Centre national de la musique (CNM), qui serait à la musique ce que le CNC est au cinéma, est prévu pour venir en aide aux producteurs de musique (lire EM@38, p. 3). Le Syndicat nationale de l’édition phonographique (Snep), qui s’est finalement rallié à l’idée de CNM, évalue à 45 millions d’euros par an l’aide nécessaire pour produire de nouveaux talents (lire EM@42 p. 3).

Vers la « Googlisation de la France » ?
L’industrie du livre, quant à elle, n’échappera pas non plus au tsunami que craint le ministre. Frédéric Mitterrand a obtenu que l’Etat prévoit, sur les 4,5 milliards d’euros
du Grand emprunt mobilisés pour l’économie numérique, 750 millions d’euros pour le développement de nouvelles formes de valorisation et de numérisations des contenus culturels, scientifiques et éducatifs.

BNF et Europeana à numériser
Maintenant que les maisons d’éditions française (Hachette Livre, La Martinière, Gallimard, Flammarion, Albin Michel, …) semblent décidées à enterrer la hache de guerre avec Google, la France est-elle prête à sa « Googlisation » (pour reprendre le néologisme révélé par Wikileaks et utilisé par l’ambassade des Etats-Unis à Paris, en décembre 2009) ?
En juillet dernier, ont été lancés coup sur coup un « appel à partenariat pour la numérisation et la valorisation des collections de la BNF » jusqu’au 20 octobre 2011
et un « appel à projets de numérisation 2012 » jusqu’au 2 novembre 2011 dans le but
de contribuer à la bibliothèque numérique européenne Europeana. Ces programmes
de numérisation représentent un total de 150 millions d’euros, parts publique et privée confondues. @

Ce que le Snep attend du gouvernement et de l’Hadopi

En fait. Le 14 septembre, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep)
a dressé un bilan du marché de gros de la musique enregistrée sur le premier semestre 2011 : 225,9 millions d’euros de ventes, dont 53,2 millions d’euros
– soit 23,5 % du total – générés par la musique en ligne.

En clair. Si le « jeu des vases communicants » – dixit David El Sayegh, le DG du Snep – entre le marché des ventes physiques (en baisse) et les ventes numériques (en hausse) est désormais acquis pour la filière musicale, les attentes des producteurs restent grandes. Après un premier semestre 2011 d’« accélération de la croissance du
numérique » (+ 22,7 %), qui constitue désormais une « tendance lourde » (voir tableau page 10), le syndicat des majors de la musique (Universal Music, Sony Music, Warner Music et EMI Music) attend beaucoup du gouvernement et de l’Hadopi au second semestre. De la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), le Snep espère que « dans les quatre prochains mois » les premiers dossiers d’internautes pirates récidivistes (ayant reçus tous les avertissements) seront transmis au juge. L’Hadopi a confirmé le 8 septembre à Edition Multimédi@ qu’« il n’y a en effet aucun dossier transmis à la justice à ce stade ». Tout en estimant que la réponse graduée a des effets « encourageants » (baisse de moitié des utilisateurs de réseaux peer to peer depuis un an, selon Nielsen), le Snep met en garde : «Si l’Hadopi ne transmet pas de dossiers à la justice : à quoi sertelle ? Nous avons identifié [via la SCPP (1), ndlr] des massive uploaders que l’Hadopi ne peut pas ignorer. Il ne faut pas être hypocrite. (…) Nous reconsidérerons notre position dans quatre mois si rien n’est transmis », prévient David El Sayegh. Le syndicat, qui comprend 48 membres, espère également beaucoup du gouvernement. « Investir
dans des nouveautés [francophones], nécessite 220 millions d’euros [sur l’année].
D’où la nécessité d’un soutien automatique à la production comme pour l’audiovisuel », explique David El Sayegh.
Pour le Snep, qui évalue à 45 millions d’euros l’aide nécessaire (2), il faut agir vite en prévision du prochain projet de loi de finances 2012 pour adopter des aides à la musique, comme c’est le cas pour le cinéma avec le Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC (lire EM@36, p. 4). C’est dire qu’est très attendu le rapport sur « le financement de la diversité musicale à l’ère numérique » que remet à Frédéric Mitterrand – a priori cette semaine – la mission Chamfort- Colling-Thonon-Selles-Riester. Il prévoirait la création d’un Centre national de la musique (CNM) pour venir en aide aux producteurs de musique (lire EM@38, p. 3). @