L’audio payant prospère (streaming, podcasts, …), mais pas de radio hertzienne payante en vue

Spotify et Apple se lancent à leur tour dans les podcasts payants. Tandis que le streaming par abonnement payant a généré en France 74 % des revenus de la musique en ligne. La radio hertzienne (FM ou DAB+) reste, elle, à l’écart de cette monétisation malgré les tentatives sans lendemain d’il y a dix ans.

Il y a dix ans, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) lançait une consultation publique pour la diffusion de radios numériques sur des fréquences de la bande L (1) et dans la perspective d’autoriser un projet de radio hertzienne payante. Alors que la radio FM a toujours été historiquement gratuite pour les auditeurs, donner une place à un service de radio payante aurait été une petite révolution dans le PRF (paysage radiophonique français).

Gratuit ou payant : les radios sont divisées
« Les projets intéressés par une utilisation de la bande L envisagent-ils de soumettre l’accès à leur bouquet à un abonnement ? », demandait alors le CSA. Si le Syndicat des radios indépendantes (Sirti) s’est à l’époque « opposé au développement d’un modèle de radio numérique payante sur cette bande de fréquences, en rappelant [son] attachement à la gratuité du média radio », le Bureau de la radio (représentant les grandes radios privées Europe 1, RTL, NRJ, RMC, …) et Radio France n’ont « pas n’écart[é] une éventuelle participation à de tels projets ».
Autant dire que les radios du PRF n’étaient pas sur la même longueur d’onde sur la question sensible du gratuit et du payant. C’est du moins ce qui ressort de la consultation du CSA, auprès duquel deux porteurs de projet ont fait part de leur intérêt pour la radio payante : une société toulousaine, Onde Numérique, qui envisageait un bouquet de radios de 54 services radiophoniques à vocation nationale ; une société espagnole, Ondas Media, qui prévoyait un bouquet de radios de 20 à 30 programmes à couverture nationale et locale s’appuyant sur un réseau hybride satellite et terrestre – comme SiriusXM aux Etats-Unis. Franz Cantarano, alors président d’Onde Numérique, insistait sur « la complémentarité éditoriale qu’il y aurait entre radio numérique payante et radio numérique gratuite ».
A l’issue de l’appel à candidature lancé fin 2011 (2), deux candidatures sont déclarées recevables par le CSA : Onde Numérique et La radio numérique en bande L (association cornaquée par TDF et sa filiale Mediamobile proposant un service pour automobilistes « au prix équivalent à un plein d’essence »). En octobre 2012, le CSA sélectionne la candidature du distributeur Onde Numérique et lui délivre l’année suivante l’autorisation d’usage de fréquence. Cette décision fut attaquée en vain par le Sirti devant le Conseil d’Etat. Sur les 54 services de radio envisagés dans son bouquet payant « ON », dont la rediffusion d’Europe 1 du groupe Lagardère (3), de stations de Radio France (dont Fip), de Ouï FM, d’Euronews, de FG Radio, de Radio classique ou encore de BFM, Franz Cantarano veut faire la part belle à de nouveaux programmes « avec la création de plusieurs dizaines de radios thématiques » (4). Même le producteur de musique Naïve Records – créé par Patrick Zelnik (5) – a cru au bouquet ON que l’on surnommait déjà « le CanalSat de la radio ». Onde Numérique n’exclut pas à terme une introduction en Bourse pour lever des capitaux et vise à terme 4 millions d’abonnés – moyennant un abonnement variant de cinq à dix euros par mois. Finalement, le projet tarde, le lancement d’ON – prévu initialement en juillet 2014 – étant repoussé à l’année suivante. « Si le modèle économique était bien là, la levée de fonds n’a pas abouti. Une partie provenait des Etats Unis, mais l’essentiel devait être levé en France et les fonds ont été frileux », nous confie Franz Cantarano. Onde Numérique ayant fait part mi-2016 au CSA de sa « renonciation » à utiliser ses fréquences.
La radio payante fut abandonnée. « Le modèle payant où le consommateur final est le payeur direct semble ne pas fonctionner pour les services hertziens, hormis évidemment la CAP [la redevance audiovisuelle, dont une part va à la radio publique, ndlr] qui est un prélèvement forcé. Onde Numérique est mort-né », indique Nicolas Curien, ancien membre du CSA, à Edition Multimédi@. De son côté, Franz Cantarano rappelle que « la bande de fréquence qui avait été sanctuarisée pour la radio payante (partie de la bande L) a été réattribuée à l’Arcep pour des déploiements télécoms, après que nous ayons “rendu” nos fréquences ».

Bouquet payant R+, lui aussi abandonné
Sur la radio numérique terrestre spécifiquement (DAB+) et dans la bande III cette fois, un autre projet de bouquet payant baptisé R+ était porté en 2013 par Philippe Levrier (6), ancien du CSA et du CNC. L’idée était que « chaque acheteur d’automobile choisissant l’option DAB+ verserait une contribution “cachée” unique – de quelques dizaines d’euros – rétrocédée par les constructeurs automobiles à R+ ». Mais l’attribution des fréquences par le CSA a tardé et, selon Philippe Levrier, « les constructeurs automobiles, auxquels il était demandé 30 euros one shot pour chaque récepteur DAB+ en première monte, se sont progressivement tournés vers d’autres sujets ». @

Charles de Laubier

La famille Mohn, propriétaire de Bertelsmann, se déleste de médias traditionnels pour faire face aux GAFAN

La discrète famille milliardaire Mohn, qui fête cette année le centenaire de la naissance de son père fondateur Reinhard Mohn, tente de faire pivoter le groupe international Bertelsmann en cédant des médias traditionnels (M6 en France, RTL en Belgique). Il s’agit d’être encore plus global et digital face aux géants du numérique.

Le plus grand groupe allemand de médias et d’édition Bertelsmann – alias « Bertelsmann SE & Co. KGaA » – est une société en commandite par actions (comme l’est par exemple Lagardère en France) et non cotée en Bourse, dont 80,9% des actions sont détenues par trois fondations (Bertelsmann Stiftung, Reinhard Mohn Stiftung et BVG Stiftung). Les 19,1 % restants sont entre les mains de la famille Mohn. C’est Christoph Mohn, l’un des deux garçons (1) de Reinhard Mohn (décédé en 2009) – le père fondateur de Bertelsmann de l’après-Seconde guerre mondiale – et de Liz Mohn (photo), qui est l’actuel président du conseil de surveillance du groupe allemand présent dans 50 pays. Liz Mohn – 79 ans (née Beckmann, elle fêtera ses 80 ans le 21 juin), est vice-présidente du directoire de Bertelsmann Stiftung et présidente du directoire de Bertelsmann Verwaltungsgesellschaft (BVG), laquelle holding familiale contrôle tous les droits de vote à l’assemblée générale de la maison mère Bertelsmann SE & Co. KGaA et, comme on dit, de « sa commanditée » Bertelsmann Management SE – dont le PDG est Thomas Rabe depuis 2012. La fille de Liz Mohn, Brigitte, est aussi à la manœuvre en tant que membre du conseil d’administration de Bertelsmann Stiftung et actionnaire de BVG.

De petite maison d’édition nationale, à multinationale
Autant dire que la famille Mohn – la veuve de Reinhard Mohn en tête, elle qui détient un droit de veto – préside plus que jamais aux destinées de ce groupe aux origines presque bicentenaires. Bertelsmann est devenu une multinationale des médias et de l’édition, toujours basée à Gütersloh (en Allemagne), où sa création originelle remonte à 1835, lorsque l’aïeul Carl Bertelsmann y créé une petite maison d’édition et d’imprimerie théologique d’obédience protestante, « C. Bertelsmann », qui prospéra un temps sous le Troisième Reich avec le descendant Heinrich Mohn. Celui-ci dû démissionner en 1947 à la suite de révélations sur le passé nazi de la maison d’édition. Reinhard Mohn (l’un de ses fils) reprit alors l’entreprise avec son imprimerie pour la mettre sur la voie du succès. Décédé il y a douze ans, ce dernier a légué à sa femme Liz Mohn un un groupe médiatique international et diversifié dans la musique, l’audiovisuel ou encore la presse.

Faire face à la déferlante du streaming
Dynastie milliardaire et discrète, la famille Mohn n’en est pas moins impliquée dans les affaires opérationnelles du conglomérat, composé aujourd’hui du groupe audiovisuel RTL Group au Luxembourg, des maisons d’édition Penguin Random House et Simon & Schuster à New York, du groupe de presse Gruner+Jahr (dont Prisma Media) à Hambourg, du gestionnaire de droits musicaux BMG (3) à Berlin, de la société de services et de gestion de bases de données Arvato à Gütersloh, de l’imprimerie Bertelsmann Printing Group (BPG) à Gütersloh, de l’activité d’enseignement à distance Bertelsmann Education Group à New York, et de la société d’investissement Bertelsmann Investments (BI).
Le groupe Bertelsmann, qui emploie 132.842 personnes dans le monde, a publié le 30 mars ses résultats financiers 2020 avec un chiffre d’affaires en recul de 4,1 %, à près de 17,3 milliards d’euros, et un bénéfice net bondissant de 34 %, à 1,5 milliards d’euros (4). L’érosion des revenus montre que le vent tourne : les revenus des médias traditionnels, qui ont fait depuis l’après-Guerre la prospérité de Bertelsmann et la fortune des Mohn, est en train de s’effriter sous les coups de boutoir des GAFAN – Google, Amazon, Facebook, Apple, Netflix, pour ne citer que ces géants du numérique. Le premier groupe audiovisuel européen RTL Group, dont le directeur général est Thomas Rabe depuis 2012, voit ses recettes publicitaires s’affaisser – sur sa soixantaine de chaînes de télévision et sa quarantaine de radios – au fur et à mesure que les marques optent de plus en plus pour des annonces en ligne. En outre, Internet est devenu une plateforme TV géante, sans frontières et de plus en plus live (5).
Le quotidien belge L’Echos a révélé le 24 mars dernier que la direction luxembourgeoise avait envisagé de vendre ensemble ses filiales française Métropole Télévision détenue à 48,3 % (M6, W9, RTL, RTL2, Fun Radio, un tiers de Salto, …) et belge RTL Belgium détenue à 100 % (RTLTVI, RTL Play, Club RTL, Plug RTL, …). Mais finalement « les deux dossiers ont été scindés », la banque JP Morgan conseillant la famille Mohn – via Thomas Rabe – pour ces deux cessions stratégiques en vue. Amplifiée par la crise sanitaire, la chute des revenus de la publicité en 2020 (-14 % pour RTL Belgium et -11,5 % pour M6) précipite la réorganisation de RTL Group, dont le bénéfice net 2020 s’est effondré de -27,7 % (à 625 millions d’euros) pour un chiffre d’affaires en net recul de -9,5 % (à 6 milliards d’euros). « Il y a de solides arguments en faveur de la consolidation dans l’industrie européenne de l’audiovisuel », ne cesse de répéter Thomas Rabe depuis janvier. Dans l’édito du rapport 2020 de RTL Group publié début mars, il l’a redit et assure « invest[ir] dans l’avenir de [ses] entreprises, en particulier dans le streaming et les technologies publicitaire » (ad-tech, publicités ciblées, data, …). En France, Nicolas de Tavernost, président de M6, avait abondé dans Le Figaro daté du 16 février : « Si le marché français ne se consolide pas à brève échéance, il sera bientôt laminé par les plateformes comme Netflix ou Amazon ». Pour la vente de RTL Belgium, les acquéreurs potentiels sont le groupe de presse belge Rossel (Le Soir, La Voix du Nord, Sudpresse, …), le français TF1 ou encore le groupe audiovisuel flamant SBS Belgium. Pour la vente de M6, bien plus avancée, les candidats se bousculent au portillon : à nouveau TF1, Vivendi (Canal+), NRJ, Xavier Niel, Daniel Kretínsky (CMI), Patrick Drahi (Altice), Mediaset (Berlusconi) ou encore le trio Niel-Pigasse-Capton (Mediawan).
La famille Mohn, elle, regarde déjà au-delà des médias traditionnels et entend faire « la promotion de contenu multimédia de première classe et de solutions de service novatrices qui inspirent les clients du monde entier ». Dès 2019, afin de jouer les synergies – notamment digitales et crossmédias – entre les filiales, a été créée la Bertelsmann Content Alliance dans les contenus, dont dépend l’Audio Alliance pour produire et distribuer des podcasts sur sa propre plateforme Audio Now (6).
La transformation digitale de Bertelsmann est en marche : « Regarder la télévision sur tablette, lire sur des lecteurs électroniques, utiliser des applications pour feuilleter des magazines… la mégatendance de la numérisation change la façon dont les gens utilisent les médias. Bertelsmann aspire à être à l’avant-garde de ce changement, et par conséquent la transformation numérique de ses activités de médias et de services est une priorité stratégique pour l’entreprise » (7). Tout est dit.

A l’affût d’acquisitions numériques
Dans la famille Mohn, il y a aussi Shobhna Mohn, la femme de Christoph Mohn. Elle aussi est à pied d’oeuvre pour faire pivoter Bertelsmann. En tant que vice-présidente exécutive de la commanditée Bertelsmann Management SE, en charge de la stratégie de croissance dans le monde et des investissements de BI, Shobhna Mohn est à l’affût d’acquisitions – « en particulier en Chine, en Inde et au Brésil », précise-t-elle sur son compte LinkedIn. Le 30 mars, Thomas Rabe a annoncé cinq priorités de croissance que sont « des médias champions nationaux, du contenu global, des services globaux, de l’éducation en ligne, et un portefeuille d’investissements ». @

Charles de Laubier

Pourquoi Matthieu Pigasse fait de Combat Médias – créé il y a 5 ans – son enseigne à la place de LNEI

La holding LNEI, fondée en juillet 2009 par Matthieu Pigasse (copropriétaire du Monde et coactionnaire de Mediawan), va être rebaptisée Combat Médias. C’est en fait la dénomination d’une holding que le banquier d’affaires a créée en octobre 2016. Celle-ci devient Combat Holding.

Les Nouvelles éditions indépendantes (LNEI), que le banquier d’affaires Matthieu Pigasse (photo) avait créées en juillet 2009 pour chapeauter ses différentes participations dans des entreprises médiatiques ou culturelles, a annoncé le 24 mars – après l’avoir révélé la veille en interne – s’être rebaptisées « Combat ». Rien à voir avec le mouvement de résistance Combat né en France durant la Second-Guerre mondiale et son quotidien clandestin éponyme, mais l’ex-LNEI n’hésite pas à y faire référence.

LNEI bientôt renommé Combat Médias
Sans remonter à 1941, la dénomination « Combat » n’est en réalité pas nouvelle pour Matthieu Pigasse. En octobre 2016, soit il y a près de cinq ans, l’ex-associé de la banque Lazard Frères à Paris avait créé deux entités portant déjà ce nom : Combat Holding et Combat Médias, la première société par actions simplifiée (SAS) et la seconde société anonyme par action simplifiée à associé unique (SASU), toutes deux présidées par Matthieu Pigasse et établies à Paris rue Maurice Grimaud (1). Contacté par Edition Multimédi@, le directeur administratif et financier de la SAS LNEI, Mathieu Levieille, nous indique que « Combat Médias a été renommée Combat Holding au mois d’août dernier » et qu’« LNEI sera renommée Combat Médias dans les prochaines semaines ». Matthieu Pigasse préside LNEI depuis sa création en juillet 2009. Comme LNEI, Combat Médias regroupera l’hebdomadaire Les Inrockuptibles (sur le point de passer mensuel), la radio Nova (doté d’un nouveau site web), le festival Rock en Seine, le magazine en ligne féministe Cheek (au contenu intégré dans lesinrocks.com), Nova Production (société de production créée en 1982, année de création de la radio libre), la société de production sonore Nova Spot, et les Editions Nova (livres), sans oublier les activités de live, d’événements et de publicité.
Alors que Matthieu Pigasse (bientôt 53 ans) dirige depuis un an le bureau parisien de la banque d’affaires américaine Centerview Partners, après avoir quitté six mois plus tôt la banque Lazard, son groupe change d’enseigne et se met en ordre de bataille. Combat – alias Combat Média (2) – a annoncé fin mars sa réorganisation « autour de cinq pôles d’expertises » : les activités print et digitales du groupe au sein de « Combat éditions » (Les Inrockuptibles, les Editions Nova) ; les activités de productions radio, audiovisuel et audio au sein de « Combat studios » (Radio Nova, Nova Production, Nova Spot) ; les programmations cultuelles, artistique et événementiels dans « Combat live » (Rock en Seine, Les Inrocks Festival, événements Nova) ; les régies, la communication et le publishing dans « Combat solutions » ; l’accompagnement des talents, artistes, créatifs, musiciens et mode dans «C factory » (3). La pandémie a poussé le groupe à innover pour ses festivals, quitte à faire du « phygital » (jauge des 5.000 spectateur et diffusion multimédia), tandis que l’audience de lesinrocks.com a fait un bond : « + 17 % sur l’écoute en direct et + 40 % sur l’écoute à la demande (podcasts natifs, replays) ». Sous la houlette des Inrockuptibles sont lancés « Les Inrocks Radio » en DAB+ à Paris, Marseille, Nice et Rennes « et partout dans le monde sur les supports numériques », ainsi qu’un service de SVOD prévu « cet été », à l’occasion du prochain Festival de Cannes » (4).
Lors de la nomination d’Emmanuel Hoog (ex-président de l’AFP et de l’INA) il y a près de deux ans, Matthieu Pigasse avait déclaré : « Nous allons essayer de nous développer à l’étranger, que ce soit en Europe ou en dehors, notamment en Afrique », et par croissance organique ou par acquisitions. En octobre 2018, le groupe CMI – Czech Media Group (5) – de l’oligarque tchèque Daniel Kretínsky, a racheté à Matthieu Pigasse 49 % du capital de la holding Le Nouveau Monde que ce dernier contrôle via LNEI et qui porte la participation du banquier d’affaire dans le groupe Le Monde. L’oligarque tchèque est depuis indirectement copropriétaire du Monde. A l’époque, les deux hommes avaient indiqué que cette transaction allait « permettre aux deux groupes de bénéficier de leurs expertises respectives dans le domaine des médias en Europe, de faire ainsi jouer leurs complémentarités et de générer des synergies opérationnelles ».

Compétences publicitaires et numériques
Se renforcer sur le Vieux Continent est la priorité. « Nous sommes un groupe original en Europe, à la fois acteur, observateur, prescripteur et critique de la vie culturelle », a expliqué fin mars Emmanuel Hoog. L’ex-président de l’AFP a recruté en janvier Laurence Delaval, ex-directrice commerciale France de l’AFP, comme directrice déléguée de LNEI Solutions, devenant Combat solutions. En mai 2020, il avait nommé comme directrice du numérique et de la diffusion du groupe (6) Alix de Crécy, ex-marketing au Figaro et ancienne cheffe de produit numérique de Mediapart. @

Charles de Laubier

Le Club de l’audiovisuel numérise ses «Lauriers»

En fait. Le 4 février, le Club de l’audiovisuel – anciennement Club de l’audiovisuel de Paris (CAVP) et association de défense « l’exception culturelle française » dans l’audiovisuel depuis les années 1990 – a révélé les nommés à ses 26es Lauriers de l’audiovisuel, dont ceux pour le Laurier numérique.

En clair. C’est une révolution de velours pour le Club de l’audiovisuel (ex-CAVP), association née sous les ors du Palais du Luxembourg en 1993. Parangon de « l’exception culturelle française », l’ex-Comité français de l’audiovisuel (CFA) n’aurait jamais imaginé devoir composer, près de trente ans plus tard, avec de « nouveaux entrants qui bouleversent le PAF (1) tels que Molotov, Netflix, Salto ou encore Disney et Amazon ». Présidé depuis 12 ans par Patrick Bézier, le Club de l’audiovisuel entend – avec ces plateformes vidéo sans frontières dont aucune n’est partenaire, au contraire d’Orange qui l’est depuis dix ans – « dialoguer et fédérer pour défendre l’exception culturelle française ». Les plus conservateurs du PAF pourraient craindre l’entrée du loup dans la bergerie. D’autres se féliciteront que ce cénacle « marrainé » par la sénatrice Catherine Morin-Desailly emboîte le pas – d’un train de sénateur, diront les impatients – de cette « révolution numérique ». Avec ces 26es Lauriers de l’audiovisuel 2020, dont la cérémonie de remise des trophées aux lauréats se tiendra le 8 mars 2021 en « phygical », c’est la deuxième année qu’un Laurier numérique sera décerné. « Les Lauriers de l’audiovisuel accordent une place croissante aux programmes numériques. L’offre de biens culturels de qualité s’étant démultipliée via les réseaux sociaux, il était naturel que les Lauriers s’en fassent l’écho », nous confie Jacques-Marie Ponthiaux, secrétaire général du Club, en charge de la communication, des partenariats et du jury. Ainsi, sont nommés pour le Laurier numérique cette année : « La Face Katché », un format consacré à la diversité et produit par Yahoo France (2), filiale du groupe américain Verizon Media ; « La trilogie de l’Opéra National de Paris » diffusé sur sa chaîne YouTube (3) en hommage à la lutte contre le covid ; « Parlement », websérie sur France.tv (4) coproduite par Cinétévé, Artemis Productions et Cinecentrum. En outre, le Laurier jeunesse se numérique avec deux webséries nommées, « Amours solitaires » sur France.tv Slash (5) et « Askip, le collège se la raconte » sur France.tv Okoo (6). Pour l’année 2019, où apparaît pour la première fois le Laurier numérique, ce trophée est revenu au podcast « Dalida et moi » diffusé sur Arte Radio (7), tandis que le Laurier Jeunesse a été décerné à un autre podcast, « Oli » diffusé sur Franceinter.fr (8). Le Club du numérique est en marche. @

Fip, « meilleure radio du monde », fête ses 50 ans et s’internationalise grâce à ses webradios et applis mobiles

La radio locale « France Inter Paris », d’où son nom, fut lancée le 5 janvier 1971. Au fil de cinq décennies, Fip est devenue culte auprès d’un public grandissant et fidèle malgré sa diffusion FM incomplète – à laquelle le DAB+ va remédier. Ses déclinaisons sur Internet (fip.fr, webradios, podcasts) lui ont ouvert une audience internationale.

Née radio locale à Paris il y a 50 ans, en ondes moyennes, Fip s’est progressivement développée sur la bande FM, où elle dispose aujourd’hui de dix fréquences hertziennes sur l’Hexagone (1), avant d’étendre son audience au monde entier via Internet : non seulement sur fip.fr mais aussi sur les smartphones avec ses deux applications mobiles (l’une sous Android, l’autre sous iOS). L’ex-France Inter Paris s’est faite un nom en trois lettres en étant l’unique radio dans le monde à proposer une programmation éclectique de tous les genres musicaux et de tous les pays. Se succèdent à l’antenne ou en ligne rock, jazz, blues, classique, groove, électro, reggae ou encore rap, ainsi que les musiques de tous les horizons (occidentales, africaines, sud-américaines, orientales, asiatiques, …). Sa programmation musicale sans frontières, interrompue sans excès et en douceur par des animatrices (les « fipettes » aux voix suaves) faisant part de rendez-vous culturels ou de coups de cœurs musicaux, séduit de plus en plus à l’international. « Cela tient à la richesse et à la diversité de la programmation de Fip et à l’univers musical qu’elle a su créer en développant ses webradios qui aujourd’hui représentant 30 % de son audience. L’écoute des huit webradios a progressé, à elle seule, de 43 % en un an », explique à Edition Multimédi@ Bérénice Ravache (photo), directrice de Fip depuis août 2017.

Un quart de son audience digitale vient de l’étranger
Car au-delà de ses 680.000 auditeurs qui l’écoutent aujourd’hui sur la FM en France, soit une part d’audience de 1,2 % tout à fait honorable au regard de sa diffusion hertzienne partielle auprès de la population hexagonale, Fip rayonne de plus en plus à l’international. Son site web, créé en 2004 à l’adresse fipradio.fr puis modernisé en 2014 sur fip.fr, draine un public d’internautes grandissant : près de 2,9 millions de visites par mois au total (2), dont 23 % venues hors de France, selon le dernier relevé de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Fip étend aussi son audience sur l’Hexagone et par-delà les frontières grâce à ses deux applications mobiles pour tous les smartphones et tablettes, l’une disponible sur Play Store et l’autre sur App Store (sous iOS) : plus de 1,9 million de visites par mois au total (4), dont plus de 29 % venues là aussi hors de France (5). Ainsi, environ un quart de l’audience de Fip en streaming – site web, webradios et applis mobiles confondus – provient de l’étranger, et comme en témoigne la vidéo postée le 5 janvier : https://lc.cx/50ansFip. Et ce, grâce non seulement à la diffusion numérique en ligne dans le monde du flux audio repris simultanément du flux hertzien (simulcast), mais aussi à ses 8 webradios : Fip Rock, Fip Jazz ; Fip Groove, Fip Electro, Fip Monde, Fip Reggae, Fip Nouveautés et, la toute dernière lancée en juin dernier, Fip Pop.

Nouvelles webradios et nouveaux podcasts en vue
Cette part internationale va continuer à progresser car d’autres déclinaisons thématiques vont être lancées. « Il reste encore beaucoup d’autre genres à explorer et des projets de nouvelles webradios sont en effet à l’étude », nous confie Bérénice Ravache. Le flux audio a l’avantage d’être accessible en ligne de n’importe quel type de terminal numérique : ordinateur, smartphone, tablette, télévision connectée, « box », récepteur radio numérique, autoradio connecté ou encore agrégateurs de flux. « Fip et ses webradios rencontrent des succès sans précédent sur l’ensemble des supports d’écoute », se félicite sa directrice. La production de podcasts n’est pas en reste : « Club jazzafip », « Certains l’aiment Fip » ou encore le tout nouveau « Les années Fip ». « Nous proposons également depuis l’année dernière nos “Fip 360” de concerts électro en son immersif et en podcast avec son 3D : premier podcast de ce genre dans le monde. Et cette année, nous allons mettre en ligne deux séries de podcasts: “Sound of Joy”(6 épisodes) et “Pink Note” (8 épisodes) », dévoile la directrice de Fip. Lorsque le patron de Twitter, Jack Dorsey, a tweeté le 12 septembre 2017 « la meilleure radio du monde » (6) à propos de Fip, le milliardaire du Net a rappelé implicitement que la radio n’avait plus de frontières à l’ère du streaming. « Pourquoi ne venez-vous pas visiter l’équipe @fipradio à Paris ? Ils ne vous diront pas leurs secrets, mais ce sont des gens formidables », lui avait répondu Laurent Frisch, directeur du numérique de Radio France. Jack Dorsey tweeta alors : « Je le ferai la prochaine fois que je serai à Paris » (7). C’est ce que le PDG cofondateur du site de microblogging fit le 7 juin 2019. L’Américain, icône du Net, a même pris le micro de Fip (voir photo ci-contre) et a concocté « sa playlist Fip » diffusée à l’antenne et toujours sur Spotify (8). « @jack » est d’autant plus fan de « @fipradio » qu’il a déclaré ce jourlà sa passion pour Fip en tweetant cette fois une photo de son poignet avec comme « nouveau tatouage » le logo de sa radio préférée, photo (9) et vidéo (10) à l’appui ! Le rayonnement international de Fip, dont la programmation « universelle » porte sur la diffusion de 42.000 titres différents par an, en fait une radio culte atypique. L’ACPM a classé Fip en cinquième position des radios digitales françaises. Avec 13,2 millions d’écoutes actives dans le monde – dont plus de 3,6 millions hors de France – durant le mois de novembre 2020, dernier relevé en date (11), Fip arrive juste derrière France Inter, France Info, RMC et NRJ. Et que cela soit dans ce « Top 5 » de la radio digitale ou dans le « Top 20 », elle est la mieux-disante en termes de durée d’écoute moyenne (12) avec plus de 58 minutes (contre 35 mn pour France Inter ou 34 mn pour NRJ). Cet attachement de ses auditeurs en fait une « radio fétiche » (dixit Fip). Cette fidélité se retrouve d’ailleurs sur la FM où sa durée d’écoute par auditeur (DEA) se situe autour de 2 heures dans le mois selon par Médiamétrie (13). Aucune radio musicale hertzienne en France n’atteint et ne dépasse cette performance, et même de toutes les catégories de radios si l’on excepte RTL (2h19), France Inter (2h10) et à égalité avec France Bleu (1h55). « La radio s’écoute encore majoritairement en FM. Fip y a gagné 100.000 auditeurs en un an », relève Bérénice Ravache, alors que Médiamétrie mesure la station quinquagénaire depuis seulement septembre 2019. Et d’ajouter : « L’audience de Fip a progressé de 250 % en 15 ans, passant de 260.000 en 2006 à près de 680.000 auditeurs en 2020. Peu de radios peuvent en dire autant, en particulier les radios musicales ». Surtout avec seulement dix fréquences FM. En 2015, en pleine grève qui fut la plus longue de l’histoire de Radio France, la Cour des comptes publie son rapport sur le groupe public de radios où, par soucis d’économie, il suggère que Fip « fragilisée par la concurrence » quitte le hertzien pour le seul numérique (avec la petite radio Le Mouv’). Mais après la révocation début 2018 du président de la Maison- Ronde, Mathieu Gallet, auquel a succédé Sibyle Veil, l’idée sera abandonnée. « Fip fait bel et bien partie du paysage radiophonique dans 10 villes et il n’est pas question d’y renoncer. Le déploiement du DAB+ [la diffusion numérique terrestre, ndlr] va permettre à Fip d’être diffusée demain [d’ici à 2028, ndlr] sur 85 % du territoire contre 6% aujourd’hui », nous explique Bérénice Ravache. Sur fond de baisse de dotation de l’Etat, bien que compensée par les aides d’Etat liées à crise sanitaire, des économies restent encore à faire pour Radio France (60 millions d’euros d’ici 2022). Sur 4.400 employés, 340 départs volontaires sont prévus, des recrutements – dans le numérique notamment – aussi.

14 postes supprimés (dont 11 «fipettes»), mais 5 de créés
Fip contribue à son niveau au plan d’économies du groupe. « L’animation locale de Fip à Bordeaux, Nantes et Strasbourg a pris fin le 18 décembre. C’était les trois dernières villes, les précédentes ayant cessé fin 2000. En conséquence,14 postes sont supprimés, dont 11 animatrices, mais 5 postes de déléguées musicales sont créés à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lyon », nous détaille Bérénice Ravache. Quant aux habituels flashs d’actualités à 50 de chaque heure, ils ont aussi été sacrifiés. Avec sa soixantaine de collaborateurs (salariés, 14 animatrices, cachetiers, …), Fip fait moins radio locale mais plus nationale et globale. @

Charles de Laubier