Lutte contre le piratage : comment la Commission européenne veut responsabiliser les acteurs du Net

La Commission européenne a présenté le 14 septembre dernier une directive réformant le droit d’auteur afin de l’adapter au marché unique numérique, ainsi qu’un règlement audiovisuel. Dans l’article 13 du projet de directive, il est notamment question de co-régulation pour lutter contre le piratage sur Internet. Explication.

andrus-ansipLes différentes mesures prévues dans le projet de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique seront complétées par le renforcement de la protection de la propriété intellectuelle contre le piratage des oeuvres sur Internet. La Commission européenne – par la voix de son commissaire Andrus Ansip (photo) – a en effet décidé à mettre en place un mécanisme d’auto-régulation appelé « follow-the-money » afin de tarir financièrement les sites web jugés pirates. Cela suppose que les acteurs du Net (moteurs de recherche, plateformes Internet, réseaux sociaux, …), identifiés comme « intermédiaires » mais restant considérés comme non responsables de par leur statut d’hébergeurs (à moins d’avoir « un rôle actif »), prennent des « mesures appropriées et proportionnées » (articles 13 du projet de directive) avec notamment des « technologies d’identification de contenus » telles que  Content ID de YouTube, Signature de l’INA ou encore Audible Magic.
Les acteurs du Net sont en outre appelés à signer le premier Memorandum of Understanding (MoU), daté du 21 juin 2016, sur la vente en ligne des biens contrefaits (charte d’engagements intitulé « Memorandum of Understanding on the online sale of counterfeit goods »).

Les acteurs du Net appelés à signer des chartes d’engagement
D’autres MoU de ce type seront soumis à l’avenir à la signature des professionnels de la publicité en ligne, des systèmes de e-paiement et des services de transport, afin d’ « assécher » financièrement les sites web contrefaisant. La Commission européenne préconise aussi d’harmoniser les législations nationales et l’arsenal judiciaire contre le piratage. Quant aux Etats membres, ils seront tenus de veiller à ce que les fournisseurs de services en ligne mettent en place des mécanismes de plaintes et de réparation, à la disposition des utilisateurs en cas de litige.
Les pays européens devront en outre faciliter la coopération entre les plateformes du Net et les ayants droits des industries culturelles, afin d’identifier et de définir les meilleures pratiques et meilleures technologies de reconnaissance de contenus.
En France, une première charte « anti-piratage » a été signée le 23 mars 2015 par les professionnels de la publicité en ligne. Une seconde charte devait l’être dans le paiement en ligne, qui fait l’objet d’un comité de suivi depuis septembre 2015 (il y a un an maintenant), sous la responsabilité de Thierry Wahl, inspecteur général des Finances, et de Julien Neutre, directeur de la création, des territoires et des publics au CNC. Cette seconde charte de type « follow the money » est Continuer la lecture

Piratage : l’Hadopi se dit prête a gérer la liste noire

En fait. Le 10 septembre, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, a lancé le « Comité de suivi des bonnes pratiques dans les moyens de paiement en ligne pour le respect des droits d’auteur et des droits voisins ». La charte des acteurs du e-paiement tarde, mais l’Hadopi est prête.

Marie-Françoise-MaraisEn clair. « L’Hadopi est en mesure techniquement et opérationnellement, compte tenu de son expertise et des réflexions engagées avec les ayants droit, de prendre une part active dans le suivi et la mise en oeuvre du recensement des sites contrevenants », a indiqué Marie-Françoise Marais (photo), présidente de l’Hadopi, à Edition Multimédi@.
Il s’agit de dresser une « liste noire » des sites web incriminés.
« Les ayants droits pourront ainsi signaler aux professionnels des moyens de paiement les sites qui contreviennent massivement aux droits d’auteurs et aux droits voisins, et réciproquement, chacun selon ses compétences et ses instruments. Autrement dit,
des listes seront faites, les professionnels du secteur sensibilisés, et le retrait effectif sera suivi de près », a expliqué la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, le 10 septembre.

Follow the money, en attendant la charte « paiement en ligne »
La charte « anti-piratage » que devaient signer avant la fin du mois de juin dernier les professionnels du paiement sur Internet pour « assécher » financièrement les sites web liés au piratage d’oeuvres culturelles sur Internet n’a finalement pas été présentée le
10 septembre dernier. A l’instar de la charte signée le 23 mars par les professionnels de la publicité en ligne (1), cette seconde charte de type Follow the money devait cette fois impliquer PayPal, Visa, Mastercard, le GIE Cartes bancaires, le Geste (2), l’AFMM (3) ou encore la FBF (4).
A défaut de charte « paiement en ligne » dans l’immédiat, Fleur Pellerin a demandé à Thierry Wahl, inspecteur général des Finances, et à Julien Neutre, nommé cet été directeur de la création, des territoires et des publics au CNC, de poursuivre leurs travaux pour aboutir à une charte d’engagements signée. Le lancement du Comité
de suivi dans les moyens de paiement en ligne – où sont présents les ayants droits
de la culture (Alpa, Adagp, SNE, Sell, SNJV, Sacem, SCPP et SPPF – n’est donc qu’une « étape ». Le plus dur reste à venir : sur le modèle du premier comité de suivi mis en place avec les professionnels de la publicité, le second comité de suivi vise – comme le premier – à mieux partager l’information, mieux identifier les sites pirates, les exclure des relations commerciales et partager les bonnes pratiques. Ce que craignent les opposants, tels que La Quadrature du Net, à ces mesures privées de lutte contre le piratage est qu’elles « contournent à la fois le juge et le législateur ». @

Madrigall(Gallimard-Flammarion) adopte la solution anti-piratage de livres numériques d’Hologram Industries

Le groupe d’édition Madrigall, qui réunit Gallimard et Flammarion, vient d’adopter la solution d’empreinte numérique de la société Hologram Industries pour lutter contre le piratage de livres numériques, solution préconisée par le Syndicat national de l’édition (SNE) qui tient son AG annuelle le 25 juin.

Selon nos informations, le troisième groupe d’édition français (1), la holding familiale Madrigall qui chapeaute Gallimard et Flammarion, a finalement opté pour la solution de lutte contre le piratage d’ebooks proposée par le Syndicat national de l’édition (SNE) à ses membres depuis deux ans maintenant (2). Ce service, qui devient enfin effectif, est assuré par la société Hologram Industrie (dans le cadre d’une convention qui lie cette société au SNE) avec le soutien financier de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia).

Coût : moins de 1 € par livre
Hologram Industrie repère les œuvres sur Internet et envoie automatiquement des notifications en cascade aux acteurs de la mise en ligne des contenus contrefaisants.
« La technologie d’empreinte numérique utilisée permet de s’assurer que le fichier trouvé est bien une contrefaçon du livre. Ce service contrôle également que le retrait
a bien eu lieu. Chaque éditeur dispose d’un accès individuel et confidentiel à son outil statistique », vient de rappeler le SNE dans la dernière note juridique envoyée à ses membres. En l’adoptant, le groupe Madrigall, que préside Antoine Gallimard (photo), donne le véritable coup d’envoi à l’utilisation de cette solution. « Ces premières souscriptions déclenchent la faculté pour d’autres éditeurs de recourir immédiatement
à un service de notification et retrait automatisé », confirme le syndicat. En effet, l’une des conditions de sa mise en oeuvre est que l’ensemble des engagements des adhérents ayant souscrits au service d’Hologram Industries atteigne au moins un total de 3.990 euros par mois (moyennant 100, 200 ou 300 euros par mois et par éditeur, avec un engagement d’un an) pour des questions d’économie d’échelle. L’adhésion
de Madrigall est décisif pour ce dispositif antipiratage puisque, outre Gallimard et Flammarion, le groupe compte une quinzaine de maisons d’édition dont Denoël, Mercure de France, les éditions Pol, Arthaud, Aubier, Autrement, ainsi que J’ai lu, GF, Fluide Glacial, Père Castor et Casterman. A noter que Gallimard et Flammarion gèrent avec d’autres éditeurs tels que La Martinière et Actes Sud la plateforme de distribution de livres numériques Eden livres. Ce qui pourrait laisser présager d’autres ralliements
à la solution d’Hologram Industrie. Cela n’empêche pas d’autres éditeurs de choisir des solutions alternatives, comme celle de l’américain Attributor retenue par Hachette du groupe Lagardère (premier éditeur français). Avec Madrigall, le SNE peut garantir le déploiement technique de la solution à un coût modéré pour chaque éditeur désireux d’offrir dès à présent à son catalogue une protection contre le téléchargement illicite.
La Sofia soutient cette initiative et subventionne les éditeurs qui adoptent cette solution à hauteur de 50 % des sommes qu’ils engagent pour la souscription à ce service. Ainsi, le coût au livre de cette technologie anti-piratage devait être de l’ordre 1 euro que la Sofia subventionne pour moitié. Lorsque le montant total mensuel atteindra 12.500 euros par mois avec de nouvelles adhésions, le coût par livre sera moindre. En 2011,
le SNE avait écarté le recours à l’Hadopi en raison du coût trop élevé de la réponse graduée (3).
En revanche, l’autre solution anti-piratage d’ebooks proposé par le SNE – à savoir la mise à disposition du site web Portailprotectionlivres.com développé par l’association anglaise des éditeurs (Publishers Association) – ne semble pas vraiment intéresser
les éditeurs, alors qu’elle revient pourtant moins cher (environ 250 à 5000 euros par
an selon le chiffre d’affaires). « Je n’ai pas connaissance d’adhésion à Portailprotectionlivres.com », a indiqué Julien Chouraqui, juriste au SNE. Il faut dire
qu’il n’y a pas avec le portail, contrairement à la solution Hologram Industries, d’automatisation des signalements.
Par ailleurs, le SNE va signer d’ici fin juin la charte d’engagement contre les sites illicites avec les acteurs du paiement en ligne. Le syndicat a déjà signé, le 23 mars dernier, la charte des professionnels de la publicité.

Deux chartes : le SNE signataire
Un comité de suivi sera chargé d’observer la mise en oeuvre de la charte et de relever les cas de manquement à cette charte. « Ce comité sera composé paritairement. Chaque organisation représentant les professionnels de la publicité et chaque catégorie d’ayants droit auront un siège (le livre aura un siège, tout comme le jeu vidéo, la musique et le cinéma) », explique le SNE qui occupera ce siège. Une « liste noire »
de sites web majoritairement tournée vers le téléchargement illégal est établie par les ayants droit pour être la source principale des listes noires mises en oeuvre par les acteurs de la publicité et du paiement en ligne. @

Charles de Laubier

Gimena Diaz, DG de PayPal France : « Les frontières entre paiements on line et off line s’estompent »

Nommée directrice générale de la filiale française de PayPal il y a six mois, Gimena Diaz explique à EM@ les ambitions de ce pure player du paiement en ligne, racheté il y a dix ans par la société eBay pour 1,5 milliard de dollars. Elle ne dément pas les 2 milliards d’euros de paiements en ligne atteints cette année.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Selon nos informations, PayPal
a franchi cette année en France les 2 milliards d’euros de volume de paiements en ligne, sur plus de 118 milliards de dollars dans le monde en 2011. Quelle est
la croissance en France ? Comment expliquez-vous malgré la crise et la baisse du pouvoir d’achat ?
Gimena Diaz :
Nous ne confirmons pas ce chiffre mais nous avons aujourd’hui 117 millions de comptes actifs
dans le monde, dont 5 millions en France. En nombre de
e-commerçants utilisant nos solutions de paiement en ligne, nous sommes passés de 19.000 fin 2009 à 28.000 en 2012, ce qui représente une croissance importante sur le marché français. Avec la crise les Français recherchent de bons plans et le Web est le terrain idéal pour trouver et faire de bonnes affaires. Par exemple, nous constatons une multiplication des ventes privées. PayPal est en outre un acteur qui assure une sécurité aux consommateurs et permet un acte d’achat facile et rapide, quel que soit son terminal. Par exemple, lorsque vous ne voulez pas rater une vente privée qui débute à 8 heures du matin et que vous êtes déjà dans le métro, il vous est facile avec PayPal d’acheter avec votre mobile en toute sécurité. Pas besoin de sortir sa carte bancaire, son e-mail et son mot de passe suffisent. C’est facile, rapide et le consommateur bénéficie également de la protection « livré ou remboursé ».

EM@ : Les smartphones comme porte-monnaie vont exploser – non seulement
via le web et les applis mobiles, mais aussi dans les boutiques et magasins (NFC). Quand « PayPal Here » sera lancé chez les commerçants de l’Hexagone ? Y a-t-il plus de potentiel en ligne ou en magasins ?
G. D. :
PayPal Here a été effectivement lancé en mars dernier aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et à Hong Kong. Aider les petites entreprises à croître et à
accepter les paiements est dans l’ADN de PayPal depuis sa création il y a 14 ans.
Nous sommes dans une première phase de test et de lancement pour le moment dans ces pays. Pour la France, nous n’avons pas d’information à ce jour. Les frontières entre
le on line et le off line disparaissent. Pour un commerçant, il est en effet de moins en moins pertinent de raisonner en séparant le off line et le on line, les deux offres devenant complémentaires : la preuve, de nombreux grands sites Internet comme Pixmania ou Cdiscount ouvrent des boutiques physiques en France ! On voit aussi la grande distribution développer de plus en plus des zones de « pick up » ou de « drive »…

EM@ : Les frais PayPal pour les paiements en ligne vont de 1,4 % à 3,4 % (+ 0,25 euro). Qu’en est-il pour le m-commerce ? Pour les nombreuses TPE, ces frais ne freinent-ils pas leur entrée dans le e-commerce ? Qu’est-ce PayPal Access ?
G. D. :
Les taux pour le m-commerce sont les mêmes que pour le e-commerce, à savoir 3,4 % + 0,25c euros pour des ventes de moins de 2.500 euros par mois et 1,4% + 0,25c euros plus de 100.000 euros par mois. Chez PayPal, la TPE (très petite entreprise, ndlr) paie à la transaction. Le marchand ne paie que s’il fait des affaires. PayPal lui offre la garantie d’un système fiable, simple, efficace. Quant à PayPal Access, il permet à l’internaute de s’inscrire et de se connecter à un site marchand partenaire par l’intermédiaire de ses identifiants PayPal standard. Il évite donc ainsi la procédure,
parfois fastidieuse, de la création de compte. Ainsi, les consommateurs passent moins
de temps à remplir des formulaires et se consacrent davantage à leurs achats. Les vendeurs peuvent ainsi rendre l’expérience d’achat agréable pour des millions de consommateurs qui font déjà confiance à PayPal pour leurs achats en ligne.

EM@ : Demain, avec le e-paiement « consommateurproducteur » et les objets connectés à Internet, le e-[m-]commerce en ligne pourrait engendrer une
« désintermédiation » dans tous les secteurs marchands : est-ce un risque ou une opportunité ? G. D. :
Nous ne voyons pas de problématique de « désintermédiation » mais plutôt une disparition des frontières entre le monde off line et le monde on line, ce
qui est une opportunité pour les marchands et les consommateurs. Aujourd’hui, il est essentiel de développer des services de type multi-canal et c’est pour cela que vous
allez voir de plus en plus d’initiatives PayPal dans le monde physique, auprès des magasins. Nous avons démarré aux Etats-Unis avec Home Depot, Abercrombie & Fitch et près de 25 grandes chaînes américaines. De plus, nous serons présents bientôt dans près de 40 millions de terminaux de paiement installés dans des magasins américains.

EM@ : Le nouveau président de PayPal, David Marcus, a annoncé en octobre une réorganisation et la suppression de 325 emplois (sur un effectif de 13.000 salariés dans le monde). Est-ce que la France sera impactée ?
G. D. :
Il n’y aura pas d’impact sur la France.

EM@ : Le commissaire européen Michel Barnier a déclaré le 10 octobre dernier :
« Il faut améliorer l’efficacité et la concurrence entre les services électroniques de paiements. Aujourd’hui, 35 % des internautes renoncent à acheter en ligne à cause de doutes sur les méthodes de paiements. Nous allons changer cela ». Qu’attendezvous de l’Europe ?
G. D. :
PayPal est choisi par nos consommateurs pour deux raisons principales :
la sécurité et la simplicité. Il est clair que pour nous la confiance des consommateurs
est importante pour qu’ils puissent faire leurs achats en toute tranquillité et pour que le commerce électronique puisse continuer à se développer. Nous travaillons donc tous dans ce sens au niveau européen. @

FOCUS

Payer avec son mobile : la fin de la carte de paiement ?
La bataille du paiement mobile (m-paiement) que se livrent les banques, les opérateurs télécoms et les acteurs du Net est engagée. PayPal propose depuis 2010 en France une carte de paiement, la carte Visa Paypal. Mais Google pourrait accélérer l’émergence de ce e-paiement : la rumeur enfle sur le lancement prochain d’une “Google Wallet Card”,
qui serait une déclinaison dans le monde off line de la solution de paiement on line du géant du Net. Les consommateurs pourraient ainsi régler leurs achats dans les magasins “bricks and mortar”, équipés ou pas de terminaux NFC (Near Field Communication) pour le paiement mobile sans contact. La carte de paiement de Google pourrait être dotée d’une puce NFC, à l’instar de la carte de paiement prépayée “SFR PayCard” lancée en octobre – en attendant le “SFR m-Wallet” pour mobile en 2013. Les opérateurs mobile français, Bouygues Telecom, Orange et SFR, veulent rester en première ligne avec Buyster lancé
il y a un an pour espérer être incontournables dans le e-commerce et le mcommerce.
Les banques, elles, ne veulent pas être court-circuitées : Caisse d’Epargne et Banque Populaire ont par exemple lancé cet été une solution de paiement par smartphone baptisée S-Money. D’après Eurosmart, plus de 7 milliards puces sécurisées devraient être commercialisées en 2012 dans le monde, dont 600 millions de cartes sans contact NFC et 100 millions de smartphones NFC. @