La radio est à la musique ce que la salle est au cinéma

En fait. Le 23 mai, le Snep – qui représente notamment les majors de la musique – a publié les chiffres du marché de la musique enregistrée au premier trimestre 2012 : numérique + 24 % à 32,6 millions d’euros, physique – 13 % à 83,1 millions. Un satisfecit décerné à l’Hadopi. Un blâme adressé aux radios.

En clair. Si les radios restent encore les privilégiées en tant que « première fenêtre » de diffusion des nouveautés musicales produites par la filière, elles ne satisfont pas du tout les producteurs de musique. En dressant l’état du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) en a profité pour reprocher aux radios de ne pas suffisamment diffuser de nouveautés francophones. « La situation est alarmiste et nous allons interpeller les pouvoirs publics sur le fait que 7 % des titres envoyés aux radios représentent les trois-quarts de leurs diffusions. Il y a matraquage au détriment de la diversité musicale », déplore David El Sayegh, directeur général du Snep. Pour le syndicat des majors du disque (1), le CSA (2) n’y remédie pas. « Cette absence de diversité nous tue autant que la piraterie. (…) Il faut une modification législative », lance-t-il (3). Quant au président du Snep, Denis Ladegaillerie, par ailleurs directeur général du label Believe Digital, il rappelle que « la radio est le premier média de prescription pour la musique » et que « si un titre est diffusé à la radio, ses ventes augmentent aussi sur Internet ». Est-ce à dire que les producteurs de musique continuent à trop privilégier la radio pour la diffusion de leurs nouveautés au détriment d’autres médias comme le Web ? Autrement dit : la radio est-elle à la musique ce que la salle est au cinéma ? « S’il y a chronologie des médias dans la musique, la durée de diffusion d’un titre à la radio est de plus en plus courte : un mois environ, pas plus », répond David El Sayegh à Edition Multimédi@. Alors que pour les films, la première de diffusion est de quatre mois pour les salles de cinéma. « J’aimerais bien que YouTube lance des titres nouveaux comme le font les radios, mais YouTube veut rester un hébergeur et non pas devenir éditeur [avec les responsabilité plus lourde que cela comporte vis-à-vis du piratage, ndlr] », regrette pour sa part Denis Ladegaillerie. Sur le Net, il n’y a d’ailleurs pas de quotas de diffusion (lire EM@56, p. 3). Le Snep espère en tout cas que la radio numérique terrestre (RNT), pour laquelle il se dit favorable, « ouvrira la voie à la diversité ». Or les grandes radios (4) n’en veulent pas. Décidément, le torchon brûle entre les majors et les grandes stations… @

Pascal Rogard, SACD : « Les auteurs doivent être rémunérés en plus, lors de la mise en ligne de leurs films »

A la veille du Festival de Cannes, le DG de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) plaide en faveur d’une rémunération des créateurs proportionnelle aux recettes d’exploitation lorsque leurs films sont exploités
via Internet, et pour une gestion collective obligatoire au niveau européen.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Dans le cinéma et l’audiovisuel, les auteurs souhaiteraient une rémunération supplémentaire (à celle provenant des producteurs), lorsque leurs films sont diffusées en ligne. Pourquoi la SACD soutient ce droit « inaliénable » des auteurs au niveau de l’Europe ?
Pascal Rogard :
La situation des auteurs de l’audiovisuel en Europe nécessite une intervention législative afin de permettre une application effective du droit exclusif de communication au public (incluant le droit de mise à disposition du public) reconnu par la directive du 22 mai 2001 sur « l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information » (1). Malgré cette reconnaissance au profit des auteurs, dans la majorité des Etats membres de l’Union européenne, la rémunération des créateurs (2) se limite au versement d’un forfait (ou buy out) et ces derniers ne reçoivent pas de rémunération supplémentaire proportionnelle à l’exploitation de leurs œuvres en ligne. En France, pays dans lequel ce mécanisme existe, la dénonciation par certains syndicats de producteurs du protocole d’accord de 1999 sur la vidéo à la demande (VOD) et la télévision payante (PPV) a freiné, voire empêché, la rémunération des auteurs sur ce mode d’exploitation. Il est donc indispensable, afin que le droit exclusif prévu par le droit européen au profit des auteurs ne reste pas lettre morte, de l’accompagner d’un droit inaliénable à une rémunération proportionnelle aux revenus générés par l’exploitation de leurs oeuvres en ligne, même en cas de cession de leurs droits aux producteurs. Cette demande d’évolution du droit européen sonne comme une évidence à l’heure du numérique. Alors que les exploitations en ligne se développent et que tous appellent à la lutte contre la contrefaçon numérique, il est inconcevable de laisser les créateurs à l’origine des œuvres cinématographiques et audiovisuelles hors du cercle des bénéficiaires des nouvelles ressources générées par Internet.

Bernard Miyet, Sacem : « Les perceptions de droits sur Internet ont plus que doublé en 2011 »

Alors que se tient à Cannes le Midem, marché international du disque et de l’édition musicale, le président du directoire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), Bernard Miyet, dresse un premier bilan-perspective après plus de dix ans de mandat.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Après plus de dix ans à la tête de la Sacem, votre mandat s’achève d’ici l’assemblée générale du 19 juin au plus tard : quel bilan faites-vous de toute votre action, notamment face au numérique ? Que vous reste-t-il à accomplir, notamment via à vis de l’Europe : procès « Cisac », licences multiterritoriales, marché unique en ligne, … ?
Bernard Miyet :
La Sacem a rapidement pris la mesure de l’impact de la diffusion numérique pour la filière musicale, qu’il s’agisse des conséquences potentielles du piratage, de la nécessité de favoriser le développement des sites légaux ou
de l’exigence de modernisation de ses propres outils informatiques. Elle a dès le début négocié des accords avec les services de musique sur Internet, dont le nombre est aujourd’hui supérieur à 1.600, dont un contrat de licence paneuropéenne avec iTunes renouvelé jusqu’à présent depuis juin 2004. Cela ne signifie pas que le choc des cultures n’a pas été parfois frontal, dans la mesure où les acteurs du numérique connaissaient souvent très mal le droit d’auteur. Notre première tâche est toujours pédagogique pour leur faire comprendre et accepter la légitimité du droit d’auteur aussi bien que son respect. Il n’est pas surprenant que cela prenne du temps dans cet univers de diffusion bouleversé et instable. Sur le plan européen, nous attendons toujours la définition d’une politique claire et cohérente. Une directive sur la gestion collective est en gestation (1). Il faut espérer qu’elle permette de régler les difficultés résultant de la complexité induite – pour les utilisateurs comme pour les sociétés de gestion – par la fragmentation des répertoires, laquelle rend par exemple impossible pour une plateforme de musique en ligne l’obtention, auprès d’une seule société de gestion, de l’ensemble des droits mondiaux.

Musique en ligne : Spotify et Deezer donne le « la »

En fait. Le 30 janvier, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep)
a publié – lors du Marché international du disque et de l’édition musical (Midem) – le bilan 2011 pour la France : le marché de la musique enregistrée chute de 3,9 % sur un an, mais les ventes numériques font un bond de 25,7 %.

En clair. Pour la première fois, le marché français de la musique en ligne a franchi allègrement la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier (pour atteindre 110,6 millions précisément). Soit le double par rapport à 2007. Ces chiffres
de ventes en gros que publie le Snep – lequel fête cette année ses 90 ans avec ses
48 membres, dont les majors (Universal Music/EMI, Sony et Warner) – sont plus ou moins cohérents avec les chiffres de détail que publiait jusqu’à maintenant l’Observatoire de la musique avec GfK. Le Centre national de la musique (CNM),
qui a été lancé au Midem par Frédéric Mitterrand et les représentants de la filière, devrait être en effet le seul à publier par la suite les chiffres de la musique en France (1). Mais globalement, la filière musicale n’accuse pas un recul des ventes de 3,9 % mais de bien plus. Selon nos calculs, qui mettent à part les « droits voisins » (2) ayant généré 94 millions d’euros l’an dernier (+ 6,8 %), plus dure a été la chute : – 5,6 % sur un an. Toujours hors droits voisins, la part de marché du numérique a dépassé l’an dernier le seuil des 20 % (à 21,1 % précisément) du total des ventes physiques et numériques (hors droits voisins, soit 523,2 millions d’euros). Si l’industrie musicale a passé ce cap numérique, c’est grâce en premier lieu aux formules d’abonnements qui affichent la plus fortes des hausses établies sur l’an dernier : 89,4 % de croissance sur un an, à 25,9 millions d’euros. Il s’agit pour l’essentiel des abonnements Internet (hors téléphonie mobile), qui explosent de… 198 % en un an à 22,4 millions d’euros. Les abonnements mobiles, eux, restent encore modestes à 3,4 millions d’euros. Autrement dit, Deezer (partenaire d’Orange) et Spotify (partenaire de SFR) mènent la danse dans la progression des ventes numériques. Il faut dire que les majors du disque (Universal Music en tête) ont réussi à imposer à ces plateformes – dont elles sont pour certaines actionnaires minoritaires – d’instaurer des abonnements payants et de limiter le nombre d’écoutes gratuites. Et ce, sous peine de perdre tout le catalogue en question. Selon le Snep, « le modèle économique basé sur la gratuité/publicité doit se renforcer et se pérenniser grâce aux formules d’abonnement payantes ». Cela n’empêche pas le streaming gratuit financé par la publicité en ligne de progresser de plus de 50 % à
13,9 millions d’euros. @

TVA du lieu de résidence de l’internaute : pourquoi attendre janvier 2015, voire 2019 ?

Encore deux ans avant le début de la fin du « dumping fiscal » qui gangrène l’économie numérique européenne. L’eTVA sera alors, à partir de janvier 2015, celle du lieu de résidence du consommateur. Au rythme d’Internet, le principe
du pays d’origine ne devrait-il pas être abandonné plus tôt ?

Par Charles de Laubier

Comment un « compromis » obtenu à l’arrachée par le Luxembourg lors du conseil des ministres des Finances européen, le 4 décembre 2007, a-t-il pu entretenir durant quatre ans encore la polémique sur le « dumping fiscal » que pratiquent certains acteurs du Web – Google, Amazon, Apple, etc. – dans l’Union européenne ? Car c’est pour l’ »optimisation fiscale » que Google Europe est installé à Dublin en Ireland ou que iTunes d’Apple est basé au Luxembourg.