« Nintendo c/ DStorage » : la Cour de cassation appelle les hébergeurs à leurs responsabilités

La décision rendue le 26 février 2025 par la Cour de cassation – dans l’affaire opposant Nintendo à DStorage – marque la fin d’une saga judiciaire, qui permet de confirmer les contours du régime de responsabilité des hébergeurs, dans le contexte de l’entrée en vigueur du Digital Services Act (DSA).

Par Olivia Roche et Eva Naudon, avocates associées, Phaos Avocats

Le 26 février dernier, la Cour de cassation a rendu une décision dans le cadre de l’affaire « Nintendo c/ DStorage », mettant en lumière le renforcement des obligations pesant sur les hébergeurs de contenus en ligne. Cet arrêt (1) intervient dans le contexte plus global de l’évolution récente de la législation française et européenne visant à mieux encadrer le rôle des plateformes en ligne dans la lutte contre la diffusion des contenus portant atteinte aux droits d’auteur et aux droits voisins.

Hébergement de copies illicites de jeux vidéo
La société DStorage fournit, depuis 2009, des services d’hébergement et de stockage de données en ligne, notamment à travers le site Internet 1fichier.com, qui est ouvert au public. En 2018, différentes entités du groupe Nintendo ont constaté que des copies illicites de leurs jeux vidéo-phares, tels que « Super Mario Maker » ou « Pokémon Sun », étaient hébergées sur les serveurs de DStorage et mis à disposition du public notamment via ce site web. Les sociétés Nintendo – la maison mère japonaise Nintendo Co Ltd, la société The Pokemon Company, Creatures et Game Freak – ont ainsi entrepris de notifier à la société française DStorage l’existence de ces copies, ainsi que la reproduction servile de différentes de leurs marques. Et cette notification fut faite conformément au formalisme imposé par la loi « Confiance dans l’économie numérique » (LCEN) du 21 juin 2004 (2), dans sa version antérieure à la transposition du Digital Services Act (DSA) de 2022 (3).
En réponse, la société DStorage a invité les sociétés Nintendo à utiliser son outil de retrait dénommé « Takedown tool » ou bien à saisir un juge afin d’obtenir une ordonnance constatant le caractère manifestement illicite des contenus notifiés. Dans un second temps, la société DStorage a également indiqué aux sociétés Nintendo que les contenus violant des droits de propriété intellectuelle n’entreraient pas dans le périmètre des contenus manifestement illicites au sens de la LCEN. Face à l’inaction de la société DStorage, les sociétés Nintendo (suite)

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a son nouveau président : ce qui attend Gaëtan Bruel

Un décret présidentiel du 5 février a officialisé la nomination d’un expert culturel, Gaëtan Bruel, à la présidence du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Il prend ses fonctions ce 17 février, pour trois ans, au moment où l’avenir du grand argentier du cinéma et de l’audiovisuel français est en jeu.

Le normalien de 37 ans Gaëtan Bruel (photo) prend ce lundi 17 février ses fonctions pour trois ans de président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), après avoir été officialisé par décret présidentiel signé le 5 février. Soit… le même jour où le projet de loi de finances 2025 a été adopté par l’Assemblée nationale, dans la foulée du rejet de la motion de censure déposée par La France insoumise (LFI) contre le gouvernement Bayrou (1). Celui-ci avait engagé deux jours auparavant sa responsabilité en dégainant le « 49-3 » pour l’adoption de ce budget de l’année en cours, sur la base du texte que les sénateurs et députés ont approuvé le 31 janvier 2025 en commission mixte paritaire. Or ce texte controversé adopté à l’arrachée concerne aussi le CNC, dont le pactole financier intéresse depuis des années l’Etat (en l’occurrence Bercy), surtout en ces périodes de déficit budgétaire de la France en quête de rentrées d’argent. Justement, le CNC est la poule aux œufs d’or de « l’exception culturelle française » avec environ 770 millions d’euros de recettes annuelles – provenant de différentes taxes – et destinées à son « fonds de soutiens » pour le cinéma, l’audiovisuel et même le multimédia et le jeu vidéo. Ce pécule, que ne cesse de lorgner le ministère de l’Economie et des Finances, est reparti à la hausse après la crise sanitaire covid-19.

Déficit public : l’Etat prend 500 M € au CNC
Le budget 2025 table pour le CNC sur un « rendement prévisionnel total » de 768,5 millions d’euros cette année, auxquels s’ajouteront d’autres « cotisations (normale et supplémentaire) des entreprises cinématographiques », dont le montant est « non chiffrable » à ce stade. Or que prévoit la loi de finances 2025 telle qu’il a été promulguée au Journal Officiel du 15 février ? « Un prélèvement de 500 millions d’euros sur le fonds de roulement du Centre national du cinéma et de l’image animée […] », est décidé (2). Cette ponction exceptionnelle dans le trop plein de trésorerie du grand argentier du 7e Art français est (suite)

La revente numérique de jeux vidéo interdite en France : une « exception culturelle » qui interroge

Retour sur la décision de la Cour de cassation qui, le 23 octobre 2024, clôt l’affaire opposant depuis 2015 UFC Que-Choisir à la société américaine Valve, laquelle interdit la revente de jeux vidéo dématérialisés. Pas d’« épuisement des droits » pour ces derniers, contrairement aux logiciels…

La plus haute juridiction française, la Cour de cassation, a eu le dernier mot dans l’affaire qui opposait depuis près de dix ans en France l’Union fédérale des consommateurs-Que choisir (UFC-Que choisir) et la société américaine Valve Corporation. Cofondée en 1996 par son président Gabe Newell (photo de gauche), Valve opère la plateforme numérique Steam créée en 2002 pour distribuer et diffuser en ligne des jeux vidéo, des logiciels, des films ou encore des séries. L’arrêt du 23 octobre 2024 a tranché en faveur de Valve qui n’autorise pas la revente de jeux vidéo dématérialisés.

Directive : « DADVSI » ou « Logiciels » ?
La Cour de cassation a estimé dans cette décision du 23 octobre 2024 (1) que la cour d’appel a eu raison de dire dans son arrêt du 21 octobre 2022 (2) qu’« un jeu vidéo n’est pas un programme informatique à part entière mais une œuvre complexe en ce qu’il comprend des composantes logicielles ainsi que de nombreux autres éléments tels des graphismes, de la musique, des éléments sonores, un scénario et des personnages [“dont certains deviennent cultes”, ajoutait même Valve, ndlr] ». Et que, « à la différence d’un programme d’ordinateur destiné à être utilisé jusqu’à son obsolescence, le jeu vidéo se retrouve rapidement sur le marché une fois la partie terminée et peut, contrairement au logiciel, être encore utilisé par de nouveaux joueurs plusieurs années après sa création ». Dans ses arguments distinguant logiciel et jeu vidéo, la cour d’appel avait aussi affirmé qu’« il ne peut être considéré que la fourniture d’un jeu vidéo sur un support matériel et la fourniture d’un jeu vidéo dématérialisé sont équivalentes d’un point de vue économique et fonctionnel, le marché des copies immatérielles d’occasion des jeux vidéo risquant d’affecter beaucoup plus fortement les intérêts des titulaires de droit d’auteur que le marché d’occasion des programmes d’ordinateur ».
La plus haute juridiction française, qui avait déjà fait sienne cette définition d’« œuvre complexe » pour les jeux vidéo dans l’arrêt « Cryo » du 25 juin 2009 (3), a donc finalement donné raison à la cour d’appel et, partant, à la société Valve contre l’association UFC-Que Choisir, tout en ajoutant que la cour d’appel « a déduit à bon droit que seule la directive 2001/29 [directive européenne “Droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information” ou DADVSI (4), ndlr] est applicable aux jeux vidéo, que la règle de l’épuisement du droit ne s’applique pas en l’espèce et qu’en l’absence de doute raisonnable quant à l’interprétation du droit de l’Union européenne, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE, ndlr] d’une question préjudicielle ». Donc, circulez, il n’y a rien à voir. (suite)

Le marché mondial du jeu vidéo devrait franchir en 2027 la barre des 200 milliards de dollars

Pour un marché en crise, le jeu vidéo ne s’en sort pas si mal malgré les licenciements et les baisses de régime. D’ici deux ans, son chiffre d’affaires mondial devrait enfin franchir pour la première fois les 200 milliards de dollars – certes, avec un peu de retard sur les précédentes prévisions.

Alors que la sinistrose s’est emparé du salon international du jeu vidéo Gamescom, qui s’est tenu à Cologne en Allemagne du lundi 19 août (avec la conférence des développeurs) jusqu’au samedi 24 août (la soirée de lancement du Gamescom proprement dit ayant eu lieu le soir du 20 août), les prévisions pour l’industrie du 10e Art restent finalement pas si catastrophiques. Bien que les suppressions d’emplois se sont accélérées depuis deux ans, scrutées à la loupe par Game Industry Layoffs (1), sur fond de fermetures de studios (2), on est très loin du game over.

Bien au contraire. 10e Art, vers un nouveau record historique
La croissance de cette industrie culturelle, dépassant largement celle du cinéma, demeure malgré la crise qui la frappe. Pour la première fois, le chiffre d’affaires mondial du jeu vidéo devrait dépasser les 200 milliards de dollars – pour s’établir à 213,3 milliards de dollars, selon les prévisions, revues le 13 août, du cabinet d’études néerlandais Newzoo, qui table sur une hausse moyenne annuelle de + 3,1 % sur la période 2002-2027 (voir graphique ci-dessous). « Alors que le marché connaît une croissance soutenue en 2024 [+ 2,1 %, à 187,7 milliards de dollars, ndlr], la question demeure : cette croissance va-t-elle durer ? La réponse courte est oui », prédit Michiel Buijsman (photo), analyste principal, basé, lui, à Chicago aux Etats-Unis. Mais selon les constatations de Edition Multimédi@, Newzoo a sérieusement décalé dans le temps le franchissement de ce seuil des 200 milliards de dollars qui devait initialement être atteint en… 2022. C’est du moins ce sur quoi tablaient ses anciennes prévisions datées du 5 mai 2022. Cela devait être « un nouveau record » (3).
Mais la crise de croissance s’est accélérée et a amené un an après Newzoo à repousser à 2025 le franchissement de la fameuse barre des 200 milliards de dollars (4). Le ralentissement de la croissance s’éternisant, le cabinet d’étude d’Amsterdam a dû le 13 août dernier (5) repousser une nouvelle fois ce record symbolique à 2027. Rien ne dit qu’un troisième recul sera nécessaire en raison de l’évolution constante de ce marché vidéoludique. Contacté, Michiel Buijsman nous répond

Le géant du e-commerce Amazon, fondé par Jeff Bezos, fête ses 30 ans et la 10e édition de ses « Prime Day »

C’est la fête à Amazon ! Créé dans un garage près de Seattle le 5 juillet 1994 par Jeff Bezos – proche de redevenir la personne la plus riche du monde –, le site web de vente en ligne Amazon a 30 ans. Devenu le numéro mondial du e-commerce, « Amazon.com, Inc. », coté en Bourse depuis 1997, s’est largement diversifié.

Cela fait trois ans ce 5 juillet que Jeff Bezos (photo) – né Jeffrey Preston Jorgensen (60 ans cette année) et adopté à l’âge de quatre ans par un émigré cubain (Miguel Bezos), avec lequel sa mère s’était remariée – a passé en 2021 les rênes de son empire Amazon à Andy Jassy. Celui-ci est depuis lors le second directeur général en 30 ans d’existence du site Internet de commerce en ligne, devenu un géant diversifié du numérique. C’est justement aussi ce 5 juillet que la firme au sourire – s’étirant de la lettre A au Z de son logo officiel depuis l’année 2000 – fête sa création par Jeff Bezos, le 5 juillet 1994, dans le garage d’une maison louée à Bellevue dans la banlieue de Seattle (Etat de Washington). Après avoir travaillé dans successivement une fintech (Fitel), une banque (Bankers Trust) puis un fonds spéculatif (D. E. Shaw & Co), le jeune ingénieur – diplômé huit ans plus tôt de l’université de Princeton (1986) – décide de cofonder avec sa femme MacKenzie Scott (rencontrée lors de son dernier emploi) une librairie en ligne pour vendre des livres. Son entreprise s’appelle d’abord « Cadabra » mais, certains comprenant « cadavre », il la rebaptise quelques mois après « Amazon », du nom du plus grand fleuve mondial qu’est l’Amazone (« Amazon » en anglais) en Amérique du Sud, correspondant bien à son ambition d’en faire « la plus grande librairie du monde ». Et en commençant par un « A », Amazon se retrouve en haut des listes de sites web !