Squeezie, devenu numéro un des influenceurs sur les réseaux sociaux, a atteint la consécration en 2022

C’est la tête de gondole des influenceurs sur Internet en France. Selon nos calculs, il a même dépassé en 2022 les 51 millions d’abonnés, tous réseaux sociaux confondus (YouTube, Instagram, TikTok, Twitch, …) : Squeezie, alias Lucas Hauchard, vient en plus d’avoir les honneurs du Musée Grévin, avec son chien !

Il va avoir seulement 27 ans le 27 janvier 2023 et pourtant Lucas Hauchard est déjà un vieux de la vieille des influenceurs sur les réseaux sociaux où il est devenu célèbre sous le pseudonyme Squeezie (photo). Au point d’être devenu le numéro français des youtubeurs et même de tous les influenceurs (1). Son audience dépasse celles des télévisions nationales et il est le mieux payé dans ce nouveau métier. Squeezie est un « homme-orchestre » millionnaire entré dans l’histoire. Le Musée Grévin lui a même présenté le 1er décembre dernier son double de cire avec son chien Natsu immortalisé à ses côtés – une première pour ce musée (2).
« C’est une belle consécration et très flatteur pour moi mais aussi pour Internet de manière générale. Le Grévin est rempli de personnalités qui ont marqué la culture française. Et aujourd’hui, on peut dire que nous – les gars d’Internet, les filles d’Internet – on a marqué la culture française », a lancé Lucas Hauchard le jour de l’inauguration de sa statue. Que de vidéos diffusées sur YouTube depuis ses début en mai 2008 sous son premier pseudo, Kakashlu, et surtout depuis janvier 2011 lorsqu’il se renomme Squeezie et lance sa chaîne éponyme, en référence à la chanson « Squeeze It » des DJ Tiësto et Frank qu’il écoutait il y a plus de dix ans.

Premier youtubeur en 2022 (audience et contenu)
Sa chaîne « Squeezie » dépasse aujourd’hui les 17,7 millions d’abonnés. Avec ses deux autres chaînes YouTube – Squeezie Gaming (4,5 millions d’abonnés) et Squeezie Rediffusions (349.000 abonnés) – qu’il a créées respectivement en septembre 2018 et en mars 2022, le premier influenceur de France totalise sur YouTube plus de 22,5 millions d’abonnés (avant déduplication, un internaute pouvant être abonné à plusieurs de ses chaînes). Depuis leur lancement, ses trois chaînes ont généré avec leurs multiples vidéos jusqu’à maintenant un total astronomique de plus de 11,2 milliards de vues. Et selon le classement que YouTube a révélé en fin d’année dernière, Squeezie a pris en 2022 la tête des vidéos les plus populaires vues sur la plateforme de Google, avec « Qui est l’imposteur ? ». Depuis sa mise en ligne en juin dernier, elle totalise plus de 16,3 millions de vues, ce qui la place devant celles des youtubeurs Inoxtag, Mcfly & Carlito, et MichouOff pour ne citer que les trois suivants du classement (3). Il n’était que sur la troisième marche du podium en 2021, toujours selon YouTube (4), avec la vidéo « Une seconde avant la catastrophe », derrière Mcfly & Carlito et Cyprien. Dans ce format de jeu « Qui est l’imposteur ? » qu’il a conçu, Squeezie et ses deux invités doivent débusquer un imposteur parmi trois personnes exerçant toutes un même métier ou une discipline identique. La série a aussitôt trouvé son public, dont l’audience n’a rien à envier à celles des chaînes de télévision.

Le n°1 des youtubeurs gagnerait 50.000 euros/mois
Au total, le numéro un français des youtubeurs empocherait en moyenne 50.000 euros par mois si l’on en croit les sites Youtubers.me (5) et Socialblade.com (6). Car ses plusieurs dizaines de vidéos postées par an, précédées d’annonces commerciales, génèrent des recettes publicitaires élevées. Ce qui lui rapporterait, rien que sur la plateforme vidéo de Google, un revenu annuel supérieur à 600.000 euros. Le placement de produits et l’affichage de marques sont aussi pratiqués par Squeezie, comme avec Gucci, Dior ou encore Vivo. Mais Squeezie n’est pas seulement sur YouTube. Il a aussi de très nombreux fans sur les autres réseaux sociaux : 9,1 millions d’abonnés sur Twitter, 8,1 millions de followers sur Instagram, 4,7 millions d’abonnés sur TikTok, 4 millions de followers sur Twitch, 2,3 millions d’amis sur Facebook, et 0,3 million sur Snapchat. Selon les calculs de Edition Multimédi@, la galaxie Squeezie totalise plus de 51 millions d’abonnés (toujours avant déduplication des multi-suiveurs qu’il est impossible de dénombrer). Il devance ainsi ses confrères d’influence, Cyprien et Norman, ainsi que l’influenceuse Léa Elui.
Lucas Hauchard a su se diversifier, tant sur les réseaux sociaux que dans les contenus créatifs proposés, après avoir commencé avec des tests de jeux vidéo et des histoires effrayantes (threads horreur). Il multiplie les collaborations avec d’autres influenceurs (Cyprien, Mcfly & Carlito, Mister V, Jonathan Cohen, …), ce qui lui permet de démultiplier son audience et ses revenus. Aux quelque 600.000 euros qu’il a empochés en 2022 grâce à YouTube, Squeezie engrange aussi de l’argent ailleurs, comme sur Twitch. Sur cette plateforme de live gaming et de live streaming d’Amazon, il performe financièrement : outre l’inévitable publicité en ligne, sur ses 4 millions de followers, 5.174 d’entre eux sont abonnés payants – d’après le décompte de TwitchTracker (7) – soit via Prime d’Amazon sans surcoût, soit moyennant 3,99 euros par mois (rang 1), 7,99 euros (rang 2) ou 19,99 (rang 3). Amazon prélevant au passage jusqu’à 50 %, rien que les abonnements payants sur Twitch rapporteraient à Squeezie au moins 10.000 euros par mois. Mieux, Lucas Hauchard a réussi à organiser le Grand Prix de Formule 4 le 8 octobre dernier au Mans. Avec sur la ligne de départ vingt-deux vidéastes et streamers, ce « Grand Prix GP Explorer » a enregistré une audience live record sur Twitch : 1 million d’internautes en direct, auxquels sont venus s’ajouter des millions de replay.
Véritable « homme-média », Squeezie est aussi devenu, malgré lui, un homme d’affaires grâce à ses investissements avisés. En 2015, il a créé deux sociétés : Squeezie et Balai Steak, dont la seconde subsiste aujourd’hui pour l’édition de ses chaînes et dont il est président. Parallèlement, Lucas Hauchard a créé en avril 2020 l’agence d’influence et régie publicitaire Bump, dont il détient encore, selon L’Informé (8), 20 % du capital. Et ce, après avoir quitté la régie Talent Web, laquelle avait été revendue en 2016 avec sa maison mère Mixicom (réseau multichaîne) au groupe Webedia du milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière pour 25 millions d’euros (sur 75 millions au total pour Mixicom). A l’époque, d’après le site web de BFMTV (9), cette cession d’il y a plus de cinq ans avait rapporté au moins 4 millions d’euros à Squeezie qui était coactionnaire de Talent Web à hauteur de 15,9 % aux côtés de Cyprien et Norman. En plus de cette sacrée plus-value (par rapport aux 3.000 euros initiaux investis par Squeezie), d’autres millions ont été reversés les années suivantes, notamment à Squeezie, en fonction des performances publicitaires de cette régie. Sa fortune de millionnaire vient d’abord de cette lucrative opération financière. « Cette revente, c’est ma retraite », avait-il confié sur Canal+. Aujourd’hui, son agence d’influence Bump assure non seulement la publicité de ses propres chaînes sur les réseaux sociaux mais aussi celles d’autres influenceurs tels que McFly & Carlito, Gotaga ou encore Locklear. En 2021, cette régie a réalisé 14 millions d’euros de chiffre d’affaires pour un bénéfice net de plus de 0,8 million d’euros. Squeezie est en outre coactionnaire à 25 % de la société Cotalent créée en mars 2018 avec Cyprien (46,4 % du capital) et Norman, encore eux, pour proposer à d’autres créateurs de contenus un studio de production audiovisuelle dans Paris baptisé Taiko (« tambou » en japonais).

Albums : Oxyz (musique hip-hop) et Bleak (BD)
Et lorsque l’« homme-média » se mue en « homme-orchestre », il diversifie ses instruments d’influence. Squeezie a ainsi créé en février 2019 sa propre marque de vêtements de style streetwear inspiré de la culture japonaise – Yoko, commercialisée par la société Yoko Gang, propriété de sa société Balai Steak. Puis en septembre 2020 est sorti son premier album musical intitulé Oxyz (14 titres de hip-hop, entièrement produits au Japon avec le producteur Kezah). Dans la foulée, il a créé sa propre maison de production, Unfold. Le décidément touche-à-tout s’est aussi essayé à la bande dessinée sur le thème de l’horreur qu’il affectionne depuis ses débuts : coécrit, et édité par Link Digital Spirit, le premier album « Bleak » est sorti début 2022 et le second est prévu le 4 mai prochain. Influenceur rime décidément avec prolifique. @

Charles de Laubier

Influenceurs, influenceuses : rançon de la gloire

En fait. Le 27 septembre, le Conseil d’Etat a publié son étude annuelle 2022 : elle porte sur les réseaux sociaux et recommande notamment d’« armer la puissance publique dans son rôle de régulateur ». La haute juridiction administrative s’intéresse aussi aux influenceurs, un « métier » sous surveillance.

En clair. Le rapport intitulé « Les réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » que le Conseil d’Etat a publié le 27 septembre, soit deux mois et demi après l’avoir approuvé (1), vient alimenter les interrogations sur les réseaux sociaux en général et les influenceurs en particulier. Depuis la diffusion le 11 septembre sur France 2 de « Complément d’enquête » consacré au business des influenceurs, ce « nouveau métier » – aux airs de téléréalité sur Internet – est sous le feu des critiques. Les adolescents et jeunes adultes constituent la majeure partie de l’audience de ces « leaders d’opinion ».
D’où le crédit que leur accordent de plus en plus de marques en quête de nouveaux « espaces » de publicité, de sponsoring et de placement de produit sur les réseaux sociaux (Instagram, Snapchat, YouTube, TikTok, …). Selon l’agence Kolsquare, les influenceurs dépassant les 3 millions d’abonnés peuvent gagner jusqu’à « plusieurs centaines de milliers d’euros » pour un post, une vidéo ou encore un live. D’après l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) qui a publié le 29 septembre son observatoire (2), l’« influence responsable » gagne du terrain. Le Conseil d’Etat, lui, relève que la régulation (Arcom, DGCCRF/Autorité de la concurrence) et la règlementation (loi de 2020 sur l’exploitation commerciale de l’image des moins de 16 ans, directive SMAd) se mettent en place (3). Mais la question du statut juridique des influenceurs se pose encore : « La relation contractuelle (…) prend souvent la forme d’un contrat d’artiste ou de mannequinat », constate le conseiller du gouvernement.
Si le métier d’influenceur peut susciter autant de mépris que d’admiration (4), c’est que le marché mondial du « marketing d’influence » prend de l’ampleur : 16,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année, selon les prévisions de Statista. Le titre racoleur de France 2 (France Télévisions) – « Arnaques, fric et politique : le vrai business des influenceurs » – a quelque peu jeté l’opprobre sur cette activité médiatique en pleine expansion. Le reportage à charge fut produit dans le sillage d’« une violente guerre médiatique oppos[ant] Booba, le rappeur millionnaire, à l’influente agent Magali Berdah [patronne de Shauna Events, ndlr] et ses influenceuses », le premier accusant même d’« escroquerie » et d’« #influvoleurs » (5) plusieurs vedettes de ces réseaux sociaux. @

Jeunes internautes de moins de 13 ans et enfants influenceurs de moins de 16 ans sous surveillance

Alors qu’Instagram prépare une version « Kids » de son réseau social, la question de l’accès des mineurs de moins de 13 ans se pose de plus en plus. Entre l’intelligence artificielle et le contrôle parental, les TikTok, YouTube et autres Facebook cherchent à encadrer l’accès de la très jeune génération.

« Les enfants demandent de plus en plus à leurs parents s’ils peuvent rejoindre des applications qui les aident à suivre leurs amis. Une version d’Instagram où les parents ont le contrôle, comme nous l’avons fait avec Messenger Kids, est quelque chose que nous explorons. Nous en dirons plus prochainement », a lancé le 19 mars dernier dans un tweet (1) le directeur d’Instagram, Adam Mosseri. Sur le modèle de Messenger Kids, qui est opérationnels auprès des moins de 13 ans depuis 2017 aux Etats-Unis, aux Canada et quelques pays, avant d’être quasi généralisé dans le monde il y a un an, un « Instagram Kids » devrait donc voir le jour.

Les 13 ans de la loi américaine Coppa
Le patron d’Instagram réagissait à un article de Buzz Feed News qui révélait le 18 mars (2) le projet de Facebook de créer un Instagram pour les moins de 13 ans. Cela n’a pas manqué de susciter des réactions sur les réseaux sociaux, où justement les jeunes enfants en-dessous de cet âge-là n’ont pas le droit de s’inscrire. Cette interdiction aux moins de 13 ans a été officialisée par les Etats-Unis il y a huit ans maintenant, dans le cadre du Children’s Online Privacy Protection Act (Coppa). C’est sur cette loi américaine (3) fixant à 13 ans l’âge minimum pour pouvoir s’inscrire sur les réseaux sociaux – Facebook en tête – que les différents pays se sont alignés. Mais dans les faits, cette règle devenue universelle est largement enfreinte par de jeunes enfants et pré-adolescents qui contournent l’interdiction, soit en mentant sur leur âge, soit en utilisant l’identité d’un proche (un frère ou une soeur voire un ami-e complice, par exemple), soit en utilisant un compte d’un 13 ans ou plus à son insu. De nombreuses études ont démontré que des moins de 13 ans étaient bien présents sur les réseaux sociaux, Médiamétrie mesurant même l’audience des Facebook, Snapchat et autres TikTok à partir de l’âge de… 2 ans ! L’appétence des bambins pour ces plateformes d’échanges ne date pas d’hier : une étude Ipsos-Médiamétrie de 2015 révélait déjà que 57 % des 11–12 ans et 26 % des 9–10 ans avaient ouvert un compte. Plus récemment, en février dernier, le Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc), dont est membre en France l’association UFC-Que Choisir, a déposé plainte (4) auprès de la Commission européenne contre l’application TikTok aux formats courts créatifs très prisée des jeunes. Ce recours, qui s’appuie sur « le règlement sur la coopération en matière de protection des consommateurs » du 12 décembre 2017 (Consumer Protection Cooperation Regulation), affirme que la plateforme chinoise accepte des inscriptions de moins de13 ans et s’inquiète du fait que « l’application est plébiscitée par les adolescents ». En France, UFC-Que Choisir affirme que « 45 % des enfants de moins de13 ans ont indiqué utiliser l’application » (5). Pourtant, TikTok tente d’y remédier, notamment avec son « Mode connexion famille » lancé en novembre 2020.
Instagram est aussi le terrain de jeu des moins de 13 ans, bien que cette limite soit bien la condition sine qua non dans ses conditions générales d’utilisation. « Nous exigeons que tout le monde ait au moins 13 ans pour utiliser Instagram et avons demandé aux nouveaux utilisateurs de fournir leur âge lorsqu’ils s’inscrivent à un compte pendant un certain temps. Bien que beaucoup de gens soient honnêtes au sujet de leur âge, nous savons que les jeunes peuvent mentir au sujet de leur date de naissance », a récemment reconnu la filiale de Facebook (la plateforme de photos et vidéos Instagram fut rachetée en 2012 pour 1 milliard de dollars). Adam Mosseri, le patron d’Instagram, veut y remédier. Cela passe selon lui par notamment restreindre les « DM» (direct messaging) entre les adolescents et les adultes qu’ils ne suivent pas, encourager les adolescents à rendre leur compte privé, ou encore les inciter à être prudents dans les « DM » (6). Dans l’annonce faite le 16 mars dernier concernant de nouvelles mesures vis-à-vis des plus jeunes, Instragam en appelle à l’IA et au machine learning : « Nous voulons en faire plus pour empêcher que cela se produise [les inscriptions en dessous de 13 ans], mais il est complexe de vérifier l’âge des gens en ligne et de nombreux membres de notre industrie sont aux prises avec ce problème ».

La « Cnil » italienne enquête depuis janvier
Et la filiale de Facebook d’ajouter : « Pour relever ce défi, nous mettons au point une nouvelle technologie d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique pour nous aider à assurer la sécurité des adolescents et à appliquer de nouvelles caractéristiques adaptées à leur âge ». De nouvelles fonctionnalités sont opérationnelles depuis le mois de mars dans certains pays, avant d’être généralisées partout dans le monde, a précisé Instagram. Par exemple, l’IA permettra de détecter lorsqu’un adulte envoie une grande quantité de demandes d’amis ou de messages à des personnes de moins de 18 ans. Les destinataires seront alertés dans leur DM en leur donnant la possibilité de mettre fin à la conversation, de bloquer, de signaler ou de restreindre l’adulte en question.
Fin janvier dernier, la GPDP – la « Cnil » italienne (7) – a demandé formellement à Facebook et à Instagram « des informations sur le traitement (des mineurs) » que font ces deux réseaux sociaux. « La “Garante” [surnom de la GPDP, ndlr] a demandé à Facebook, propriétaire d’Instagram, de fournir des informations, notamment le nombre et les profils détenus par la jeune fille et, le cas échéant, comment une jeune fille de 10 ans pourrait s’inscrire sur les deux plateformes », a-t-elle indiqué.

IA appelée à la rescousse (Instagram et TikTok)
La « Cnil » italienne faisait référence en particulier à la mort d’une fillette de 10 ans habitant à Palerme lors d’un défi dit du « jeu du foulard » sur TikTok. « Plus important encore, a poursuivi la “Cnil” italienne, des informations spécifiques ont été demandées sur les mécanismes d’enregistrement en place et les méthodes de vérification de l’âge appliquées par les deux réseaux sociaux pour vérifier le respect du seuil d’âge pour l’enregistrement ». Cette jeune victime avait ouvert plusieurs profils sur les deux réseaux sociaux de la firme de Mark Zuckerberg.
La GPDP a prévenu que son enquête allait s’étendre à tous les réseaux sociaux, notamment en ce qui concerne « les mécanismes régulant l’accès des enfants aux plateformes », dans le but d’« intensifie[r] son action pour protéger les enfants utilisant les réseaux sociaux » (8). Le 3 février dernier, la « Cnil » italienne a fait savoir que TikTok lui avait répondu avoir mis en oeuvre des mesures pour interdire l’accès aux utilisateurs de moins de 13 ans, tout en envisageant de « déployer des systèmes basés sur l’IA à des fins de vérification de l’âge » (9). Une campagne d’information sera également lancée par TikTok pour sensibiliser les parents et les enfants. Quant au groupe Facebook, il avait une quinzaine de jours pour répondre à la GPDP, mais aucune information n’a encore filtré du régulateur italien.
Intelligence artificielle ou contrôle parental ? Si Instagram et TikTok ont choisi la voie du traitement automatique à grand renfort de marchine learning, les parents sont aussi appelés à surveiller leurs chérubins. La plateforme vidéo YouTube a annoncé le 24 février dernier qu’elle allait dans les prochains mois proposer aux parents d’utiliser leur propre compte Google pour permettre à leurs enfants d’accéder leurs à YouTube mais dans le cadre de ce « compte supervisé », selon l’expression de James Beser (photo de droite), le directeur de produit « Kids and Family » (10) de la filiale vidéo de Google. Les parents régleront les contenus vidéo acceptables pour leurs enfants âgés de 13 ans et plus. Par ailleurs, le service YouTube Kids créé en 2015 et destinée des jeunes utilisateurs de plus de 13 ans intègre déjà le contrôle parental.
En France, le député Bruno Studer (LREM) – président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation – a relancé la piste du contrôle parental par défaut. Dans une interview à Next Inpact publiée le 19 mars dernier, il s’en explique : « Il ne s’agit pour l’heure que d‘une piste de réflexion. Je repars du discours du président de la République de 2019 où le chef de l’Etat réclamait une solution robuste pour prévenir l’accès des mineurs aux sites pornos. Un sujet sur lequel je me suis penché. Nous en avons discuté ensemble. Nous devons désormais arriver à massifier l’utilisation du contrôle parental » (11). Plus d’un an après le discours d’Emmanuel Macron devant l’Unesco en novembre 2019 (12), le gouvernement a bien lancé en début d’année la plateforme en ligne Jeprotegemonenfant.gouv.fr pour inciter les parents à utiliser des outils de contrôle parental, afin de protéger les mineurs contre leur exposition potentielle ou avérée à la pornographie. Car celle-ci peut avoir des conséquences néfastes sur eux, tant sur leur développement psychologique que sur leur représentation de la sexualité. Insuffisant malgré la volonté présidentielle.
Mais le député Bruno Studer constate que le contrôle parental est très peu utilisé. « S’il était activé par défaut [le contrôle parental], sa désactivation supposera une décision de ceux qui sont responsables de l’intérêt psychique et physique des enfants à savoir les parents », avance le député du Bas-Rhin. Par ailleurs, la loi du 19 octobre 2020 encadre l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne. Le débuté Bruno Studer en était co-rapporteur. Il s’agit de protéger l’enfant influenceur lorsqu’il doit être qualifié de « travailleur-salarié » et/ou percevant des revenus importants relevant d’une activité commerciale (13).

Dans la vraie vie, clause « Roméo et Juliette »
Parallèlement, dans « la vraie vie » si l’on peut dire, les mineurs font aussi l’objet d’une proposition de loi visant à renforcer leur protection contre les violences sexuelles. Porté par le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, ce texte a déjà été adopté par l’Assemblée nationale mifévrier et se retrouve devant le Sénat (14). Il prévoit notamment deux nouvelles infractions concernant les mineurs de moins de 15 ans victimes de violences sexuelles commises par des personnes majeures, avec une exception via la clause dite « Roméo et Juliette » (15). @

Charles de Laubier

Réseaux sociaux : Macron les prend très au sérieux

En fait. Le 19 février, le duo influenceur « Mcfly et Carlito » aux plus de 6,4 millions d’abonnés sur YouTube ont dévoilé une vidéo que le président de la République, Emmanuel Macron, a prise pour leur lancer un défi : faire un clip sur le respect des gestes barrières anti-covid, en les invitant à l’Elysée si…

En clair. « Si vous avez 10 millions de vues, je prends un engagement : vous venez tourner à l’Elysée ! 10 millions de vues pour abattre le virus. A vous de jouer, merci », a lancé comme défi à relever le chef de l’Etat à « Mcfly et Carlito », en se prenant lui-même en vidéo à partir de son smartphone. Le duo influenceur sur YouTube font part, « deux ou trois jours » après la réception de cet appel vidéo présidentiel, de leur stupéfaction d’avoir reçu une telle demande (1).
C’est Joé Naturel, responsable du service de la communication numérique à la présidence de la République qui les a prévenus. Après avoir repris leurs esprits, Mcfly et Carlito demandent à leur interlocuteur – « pour que le coup en vaille la chandelle » – de tourner à l’Elysée un « concours d’anecdotes » – comme le duo de Youtubers a l’habitude de le faire avec des personnalités – mais cette fois au « Château » avec Emmanuel Macron ! « Ok, bon, écoute… Top », acquiesce le « Monsieur digital » de l’Elysée. Les deux compères du Net réalisent en deux jours leur clip gestes barrières intitulé « Je me souviens » (qui se finit, n’en déplaise à Macron, par l’arrestation de « M&C » jouée par deux policiers municipaux…) et la publie le 21 février (2). En à peine trois jours, le défi présidentiel des 10 millions de vues est relevé. Au 5 mars, le compteur affichait plus de 13,8 millions de vues. En prévision de cette rencontre potache et amicale au sommet de l’Etat, le député (LFI) François Ruffin a, lui, lancé le 24 février sur sa chaîne YouTube un défi à Mcfly et Carlito (3) : à savoir placer dans leurs échanges vidéo à l’Elysée avec Macron une dizaine de mots tels que « Benalla », « RSA jeunes », « Gillets jaunes », etc. Quoi qu’il advienne, à quatorze mois de la présidentielle de mai 2022, Emmanuel Macron (43 ans) cherche à faire mouche auprès des Millennials et de la génération Z (jusqu’à 23 ans), voire de la génération Y (24-39 ans), tous « Génération covid » et… électeurs potentiels.
La dernière offensive du chef de l’Etat sur les réseaux sociaux remonte à décembre 2020 via une longue interview accordée au média en ligne Brut (4) (*), suivie de questions-réponses sur Snapchat. Et ce, après qu’un autre média en ligne Loopsider ait diffusé dès le 26 novembre une vidéo du tabassage à Paris d’un musicien noir (Michel Zecler) par des policiers (5)… Macron s’était dit « très choqué ». @