Fini les cookies, place aux « intérêts communs »

En fait. Les 3 mars, Google a annoncé qu’il allait abandonner les cookies tiers – utilisés par les annonceurs et publicitaires à des fins de traçage des internautes et de ciblage « personnalisé » – au profit de « centres d’intérêts » de groupes d’individus. Des tests débuteront au second trimestre. Coup de grâce aux mouchards ?

En clair. Demain, on ne dire plus « cookies » mais « cohortes ». Les petits mouchards publicitaires installés – jusqu’alors sans le consentement express des internautes trackés et ciblés – vont bientôt relever de la préhistoire du Web. Controversés depuis longtemps, car portant souvent atteinte à la vie privée des internautes et des mobinautes, les cookies laisseront un goût amer. Et l’obligation récente faite aux sites web et plateformes numériques, notamment en France avec les contrôles et sanctions de la Cnil qui vont démarrer à partir du 1er avril 2021, ne changera rien à l’affaire. Google – déjà épinglé en France (1) – va leur donner le coup de grâce au niveau mondial, en abandonnant les cookies tiers au profit des « cohortes » : ce que les développeurs du Web appellent « FLoC », pour Federated Learning of Cohorts (2). Potentiellement, tous les navigateurs (Chrome de Google, Fixefox de Mozilla, Edge de Microsoft, Safari d’Apple, etc.) peuvent tourner le dos aux cookies pour miser sur les centres d’intérêts sur le Web. La « cohorte » est un groupe d’utilisateurs aux comportements de navigation similaire. Et ce, sans ne plus avoir à identifier les individus un par un mais ensemble de façon non indentifiable. « Pour que l’Internet reste ouvert et accessible à tous, nous devons tous faire davantage pour protéger la vie privée, ce qui signifie la fin non seulement des cookies tiers, mais aussi de toute technologie utilisée pour tracker les personnes qui naviguent sur le Web », a prévenu David Temkin, directeur de gestion de produit « Ads Privacy and Trust » chez Google, dans un post publié le 3 mars (3).
La filiale d’Alphabet ne va plus suivre à la trace les utilisateurs sur non seulement ses propres services mais aussi sur d’autres sites web. Fini les cookies : place aux foules segmentées par audiences anonymes. Il s’agit aussi de restaurer la confiance sur le Web, mise à mal par ces cookies utilisés sans consentement préalable. « Nos tests de FLoC montrent une façon efficace de retirer les cookies tiers de l’équation publicitaire et de cacher les individus au sein de grandes foules de personnes ayant des intérêts communs », explique David Temkin. En avril, Chrome commencera à redonner le contrôle à ses utilisateurs. Puis, à partir du second trimestre, des tests « FLoC » seront menés, à partir du deuxième trimestre, avec des annonceurs publicitaires dans Google Ads. @

Comment la Cnil a contourné le RGPD pour pouvoir elle-même mettre à l’amende Amazon et Google

La Cnil a invoqué la directive « ePrivacy » et non le RGPD. Et si Amazon et Google n’avaient pas modifié en septembre 2020 leur site web (amazon.fr et google.fr) pour être en conformité – mais partiellement – avec les règles françaises sur les cookies, leurs amendes auraient été plus salées.

Par Mélanie Erber, avocate associée, et Sacha Bettach, avocate, cabinet Coblence

Le 7 décembre 2020, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a prononcé deux sanctions inédites en Europe à l’encontre d’Amazon (1) et de Google (2), pour des montants respectifs de 35 et 100 millions d’euros. Le gendarme français des données personnelles reproche aux deux géants d’avoir déposé des cookies publicitaires sur les ordinateurs d’utilisateurs des sites web google.fr et de amazon.fr sans consentement préalable de ces utilisateurs ni information suffisamment claire. Ces sanctions s’inscrivent dans le cadre d’un durcissement national des règles en matière de cookies et dans une volonté européenne plus globale de réguler le monde du numérique.

Ce que la Cnil reproche à Amazon et Google
Après plusieurs contrôles en ligne de la Cnil sur les sites Internet amazon.fr et google.fr, la Cnil a constaté que des cookies – poursuivant essentiellement un objectif publicitaire – étaient automatiquement déposés sur l’ordinateur de l’utilisateur, sans action de sa part. Ce faisant, Amazon et Google ont violé l’article 82 de la loi « Informatique et libertés », qui impose au responsable de traitement des données, d’une part, une information claire et complète de la finalité de toute action tendant à accéder à des informations déjà stockées dans l’ordinateur de l’utilisateur et des moyens dont il dispose pour s’y opposer, et, d’autre part, un recueil préalable du consentement de l’utilisateur.
Pour rappel, les cookies sont des fichiers informatiques stockés sur un serveur et présents dans l’ordinateur de l’internaute. A l’aide de ceux-ci, les éditeurs de sites Internet peuvent collecter les données de navigation des internautes voire recueillir un ensemble d’informations telles que les paniers d’achat, les comportements des consommateurs, la publicité ciblée, etc. Selon la Cnil, les techniques de dépôt de cookies d’Amazon et Google ne permettraient pas d’assurer le respect du droit à l’information, le recueil préalable du consentement et du droit à l’opposition des utilisateurs. Plus précisément, concernant amazon.fr, le gendarme français des données personnelles a considéré que les informations fournies n’étaient ni claires ni complètes, en ce que le bandeau d’information affiché en visitant le site web ne contenait qu’une inscription générale, ne permettant pas à l’utilisateur de comprendre que les cookies qui allaient être déposés sur son ordinateur avaient pour finalité de lui afficher des publicités personnalisées. Ledit bandeau n’indiquait pas non plus le droit et les moyens pour l’utilisateur de s’opposer au dépôt de ces cookies. Enfin, dans certaines situations telles que notamment après avoir cliqué sur une publicité d’un autre site Internet, aucune information n’était délivrée aux utilisateurs, alors pourtant que les mêmes cookies étaient déposés.
Le montant de la sanction retenue contre Amazon tient par conséquent compte de tous ces éléments. La notoriété et la place dans le commerce en ligne d’Amazon ont été des facteurs aggravants de la sanction, puisque la personnalisation des annonces rendue possible en grande partie grâce au dépôt de cookies permet d’augmenter considérablement la visibilité des produits d’Amazon sur d’autres sites Internet. Il est à noter au demeurant que la gravité des faits a été légèrement atténuée par la refonte du site amazon.fr en septembre 2020, à la suite de laquelle la Cnil a relevé qu’aucun cookie n’était désormais déposé avant que l’utilisateur n’ait donné son consentement. Néanmoins, le bandeau d’information reste imprécis quant au dépôt de cookies et au droit d’opposition à ce dépôt. Concernant cette fois le site web google.fr, les faits sont globalement semblables. Le bandeau d’information qui s’affichait en bas de page à chaque visite d’un utilisateur sur le site Internet ne fournissait pas d’information relative aux cookies, pourtant déjà déposés sur l’ordinateur de l’internaute. En outre, si un utilisateur décidait de désactiver la personnalisation des annonces sur la recherche Google, un des cookies publicitaires demeurait stocké sur son ordinateur, ce qui ne permettait pas le respect du mécanisme d’opposition.

La notoriété est une circonstance aggravante
Google LLC, établie en Californie, a été condamnée au paiement d’une amende de 60 millions d’euros, et Google Ireland LTD, établie à Dublin, de 40 millions d’euros. Comme pour Amazon, la notoriété et la portée du moteur de recherche Google Search en France ont été des facteurs aggravants de la sanction, puisque la société tire des revenus publicitaires considérables indirectement générés à partir des données collectées par les cookies publicitaires. La refonte du site google.fr en septembre 2020 – en dépit du fait que la Cnil a relevé qu’aucun cookie n’était désormais déposé avant que l’utilisateur n’ait donné son consentement – n’a pas permis d’atténuer le triple manquement à la loi « Informatique et libertés » qui a été retenu, d’autant que le nouveau bandeau d’information ne permettait toujours pas aux utilisateurs résidant en France de comprendre les finalités pour lesquelles les cookies sont utilisés et ne les informait pas du fait qu’ils pouvaient refuser ces cookies.

La Cnil a sanctionné sans passer par le RGPD
Il est intéressant de relever un point de droit habile de la part de la Cnil dans ses délibérations. En effet, l’autorité ne s’est pas fondée sur le règlement général des données personnelles (RGPD) – pourtant en vigueur au niveau européen depuis le 25 mai 2018 – mais sur la directive européenne « ePrivacy » (3), transposée à l’article 82 de la loi française « Informatique et libertés », laquelle a explicitement vocation à s’appliquer aux cookies. En effet, cette directive – ayant également servi de base légale à l’établissement des nouvelles lignes directrices (4) et recommandations (5) de la Cnil en matière de cookies – prévoit en son article 5.3 que : « Les Etats membres garantissent que l’utilisation des réseaux de communications électroniques en vue de stocker des informations ou d’accéder à des informations stockées dans l’équipement terminal d’un abonné ou d’un utilisateur ne soit permise qu’à condition que l’abonné ou l’utilisateur, soit muni, (…) d’une information claire et complète, entre autres sur les finalités du traitement, et que l’abonné ou l’utilisateur ait le droit de refuser un tel traitement par le responsable du traitement des données. (…) ». Cet article, transposé dans des termes similaires en droit français dans la loi « Informatique et libertés », a permis à la Cnil d’éviter l’application du RGPD et de se cantonner à son droit interne.
L’intérêt est double : d’une part, l’éviction du RGPD permet une lecture plus simple des règles en matière de cookies, pour lesquelles un seul texte fait référence, à savoir la loi « Informatique et liberté ». D’autre part, l’exclusion du RGPD a permis au gendarme français des données personnelles de se considérer comme territorialement compétente pour contrôler et sanctionner les cookies déposés par Amazon et Google sur les ordinateurs des utilisateurs résidant en France. Si le RGPD avait été applicable, le principe de « guichet unique » aurait été mis en place. En pareil cas, l’autorité chef de file qui envisage de prendre une décision à l’égard de traitements transfrontaliers de données, à savoir à l’encontre d’une entreprise établie dans plusieurs Etats de l’Union européenne (UE), aurait dû se charger de coordonner la prise de décision avec les autres autorités concernées par le traitement. En d’autres termes, pour pouvoir sanctionner Amazon et Google, la Cnil aurait dû s’accorder avec tous les pays de l’UE dans lesquels les entreprises sont présentes, à savoir les Vingt-sept… Autant dire : mission impossible ! Au contraire, la Cnil a décidé de se fonder uniquement sur le droit national et sur l’article 3 de la loi « Informatique et libertés » pour juger que le dépôt de cookies a été effectué dans le cadre des activités d’Amazon France et de Google France, lesquelles sont constituées sur le territoire français. Ces sanctions, qui se veulent exemplaires (quoique relatives au regard du chiffre d’affaires de ces « GAFA »), s’expliquent par l’influence de ces sociétés sur les internautes, lesquels seraient plus 50 millions selon la Cnil à avoir été affectés par ces pratiques. Ces sanctions infligées par le gendarme français des données personnelles n’ont rien de surprenant en ce qu’elles s’inscrivent dans la droite lignée des directives prises depuis l’été 2019 relatives aux cookies, et mises à jour le 1er octobre 2020, aux termes desquelles la Cnil rappelle deux règles fondamentales visant à la protection des internautes. La première est l’information : avant une acceptation des cookies, le site internet doit informer de façon claire et synthétique la finalité poursuivie pour la collecte de ces cookies (publicité, réseaux sociaux, contenu ciblé etc.).
La seconde est un refus aussi simple qu’une acceptation : l’internaute doit pouvoir refuser les cookies aussi facilement qu’il lui est proposé de les accepter. Par conséquent, si un seul clic est mis en place pour accepter les cookies, le même procédé aussi rapide doit être mis en place par les éditeurs pour pouvoir les refuser. Sur ce fondement, la Cnil dispose donc d’une série d’outils juridiques pour sanctionner les dépôts automatiques de cookies ou des comportements peu clairs des éditeurs en matière de recueil de consentement ou d’information. En complément de ces amendes administratives, la Cnil a également adopté une injonction sous astreinte à l’encontre d’Amazon et de Google, afin que les sociétés procèdent à une information des personnes conforme à l’article 82 de la loi « Informatique et libertés » dans un délai de trois mois à compter de la notification. Dans le cas contraire, les sociétés s’exposeront à partir de mars 2021 au paiement d’une astreinte de 100.000 euros par jour de retard. Amazon et Google ont ainsi trois mois pour mettre de nouveau à jour leur site internet et en particulier les bandeaux d’information d’accès aux différents sites.

A partir de fin mars 2021, la Cnil sévit
Gardons en mémoire qu’à la suite de la publication des lignes directrices de la Cnil et de ses recommandations le 1er octobre 2020, il a été laissé six mois – soit jusqu’à fin mars 2021 (6) – aux différents acteurs concernés, principalement les éditeurs ou hébergeurs de sites Internet, pour se conformer aux règles édictées, qui sont identiques à celles rappelées à Amazon et Google. Amazon et Google n’ont que trois mois – jusqu’à fin mars également – pour se mettre en conformité, sous peine d’une lourde astreinte en cas de défaut. Ainsi, à partir du printemps prochain, tous les éditeurs de sites Internet – gros ou petits – seront soumis en France aux mêmes règles et risques de sanction. @

Les éditeurs n’ont plus que quatre mois pour adopter la nouvelle recette de la Cnil sur les cookies

La Cnil commencera fin mars 2021 à sanctionner les éditeurs de services en ligne qui ne se seront pas mis en conformité avec ses nouvelles règles les obligeant notamment à obtenir de manière plus stricte qu’avant le consentement des internautes avant de déposer des traceurs sur leurs terminaux.

Par Florence Chafiol, avocate associée, et Stéphanie Lapeyre, avocate, August Debouzy

Le cookie, ce petit fichier texte informatique déposé et lu sur le terminal d’un utilisateur, n’a vu le jour qu’en 1994. Si, au début de leur création, les cookies avaient une utilité limitée et méconnue du grand public, ils sont aujourd’hui au coeur de la stratégie numérique de la plupart des éditeurs de services en ligne et sources de nombreux débats. Victimes de leur succès, leur utilisation a rapidement été réglementée (1). En 2002, la directive européenne dite « ePrivacy » (2) est venue encadrer leur utilisation.

Base de la recette : informer les utilisateurs
Le consentement est alors devenu central : en principe pas de cookies sans accord préalable des utilisateurs. En France, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a adopté sa première recommandation sur le sujet en 2013, afin de guider les éditeurs dans l’application de la loi et notamment dans les modalités d’obtention du consentement. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) ayant durci les conditions d’obtention d’un tel consentement, la Cnil a adopté le 4 juillet 2019 de nouvelles lignes directrices (3) qui sont venues abroger la recommandation de 2013. Ces lignes directrices ont été partiellement remises en cause par le Conseil d’Etat (4), et une nouvelle version a alors vu le jour le 17 septembre 2020 (5), assortie de recommandations opérationnelles (6) pour accompagner au mieux les éditeurs.
A la lecture de ces nouveaux documents adoptés par la Cnil, on note tout d’abord que l’obligation d’information préalable des utilisateurs est renforcée par rapport à 2013, même si ses modalités ne changent pas réellement : la Cnil recommande toujours une information à deux niveaux, avec un premier niveau mis en évidence lors de la connexion à la plateforme, qui contient les informations essentielles (dans la fameuse interface de recueil de consentement souvent appelée « bannière cookies ») et qui renvoie à un second niveau d’information plus complet. Cependant, les éléments devant figurer dans ces deux niveaux d’information sont largement précisés et apparaissent plus contraignants qu’auparavant. Les entreprises devront ainsi notamment s’assurer que leur bannière cookies :
Mette en exergue chaque finalité spécifique dans un intitulé court accompagné d’un bref descriptif. Un niveau de détail plus important que celui qui existe actuellement est donc requis dès le premier niveau d’information. Il ne sera dès lors plus possible, par exemple, de se contenter d’informer l’utilisateur de l’utilisation de cookies à des fins publicitaires ; il faudra préciser si ces derniers sont utilisés pour de la publicité ciblée, non-ciblée, géolocalisée, etc.
Permette à l’utilisateur d’accéder facilement à une information détaillée sur chaque finalité. L’utilisateur doit pouvoir cliquer sur un lien hypertexte « en savoir plus » ou ouvrir un menu déroulant lui donnant, pour chaque finalité, des informations plus précises sur les opérations techniques réalisées.
Permette à l’utilisateur d’accéder facilement à la liste exhaustive et à jour des responsables de traitement. Pour ce faire, la Cnil recommande d’indiquer le nombre de responsables de traitement et de renvoyer, via un lien hypertexte, vers une liste plus exhaustive (avec leur identité et un lien vers leur politique de protection des données) (7). L’éditeur devra donc être en mesure d’établir une liste de l’ensemble des organismes qui seraient susceptibles de déposer des cookies sur son site/application (cookies tiers) pour leur propre compte et devra mettre cette liste à jour régulièrement.

Ingrédient essentiel : le consentement
La « recette » reste inchangée : sans consentement, pas de cookies – sauf exceptions. Mais, à la suite de l’entrée en vigueur du RGPD le 25 mai 2018, les modalités d’obtention de ce consentement préalable ont été durcies. Pour que le consentement soit valide il faut désormais, selon la Cnil, que la bannière cookies permette à l’utilisateur :
D’exprimer son consentement à l’utilisation de cookies par un acte positif clair, comme par exemple cocher une case (non pré-cochée) ou cliquer sur un bouton « accepter ». Changement majeur donc : la simple poursuite de la navigation ne peut plus être considérée comme une expression valide du consentement.
D’accepter ou refuser le dépôt de cookies avec le même degré de simplicité, via le même écran. Alors que la Cnil réclamait initialement dans son projet de recommandation une symétrie parfaite pour les boutons accepter et refuser (même niveau, même format), elle semble avoir quelque peu assoupli sa position en envisageant également d’autres modalités de refus comme par exemple un bouton « continuer sans accepter » situé sur le même écran, mais à un autre niveau. Même si la Cnil met en garde contre les pratiques trompeuses qui mettent visuellement plus en valeur un choix plutôt qu’un autre, un tel assouplissement risque néanmoins de permettre aux éditeurs d’orienter le choix des utilisateurs en adaptant le design de l’interface.
D’exprimer son choix de manière granulaire. Si l’utilisateur peut avoir la possibilité d’accepter tous les cookies en même temps (via un bouton « tout accepter » par exemple), il doit également avoir la possibilité d’exercer son choix finalité par finalité. Un bouton « personnaliser mes choix » qui se trouverait au même niveau que le bouton « tout accepter » doit lui être proposé.

Les « cookie walls » sous surveillance
Quant à la position de la Cnil sur les « cookie walls » qui consistent à subordonner la fourniture d’un service ou l’accès à un site en ligne à l’acceptation de cookies, elle était également très attendue. D’autant qu’un arrêt du Conseil d’Etat (8) avait annulé la prohibition générale et absolue d’une telle pratique initialement souhaitée par la Cnil, satisfaisant ainsi de nombreux professionnels du numérique – notamment des médias et de la publicité. Cette pratique des « cookie walls » est mise en œuvre par de nombreux éditeurs qui espèrent conduire ainsi une majorité d’utilisateurs à donner leur consentement. Si la Cnil a assoupli sa position à la suite de l’arrêt du Conseil d’Etat, elle n’en demeure pas moins réticente car elle considère que ces cookies « accepter sinon pas d’accès » sont susceptibles de porter atteinte à la liberté du consentement. Elle tire néanmoins les conséquences de l’arrêt du Conseil d’Etat en admettant une telle pratique à condition que sa licéité soit analysée au cas par cas et que l’éditeur indique clairement à l’utilisateur qu’il ne pourra accéder au contenu souhaité sans donner son consentement. On reste malgré tout loin du blanc-seing souhaité par de nombreux acteurs du marché qui ont été à l’origine d’un lobbying actif sur ce sujet…
Les éditeurs de sites web ou d’applications mobiles doivent être en mesure de démontrer à tout moment que le consentement a été valablement recueilli (9). A cette fin, la Cnil propose plusieurs moyens : mise sous séquestre du code informatique utilisé, capture d’écran, audits réguliers, conservation des informations relatives aux outils utilisés, etc. Concernant la durée de conservation du choix de l’utilisateur, la Cnil recommande de le conserver pendant une période de six mois. Un tel délai, protecteur des intérêts des utilisateurs, s’avère cependant bien contraignant pour les éditeurs qui, par exemple, ne pourront pas ressolliciter trop rapidement un utilisateur ayant refusé le dépôt de cookies. La Cnil ne s’était d’ailleurs prononcée en 2013 que sur le délai de validité du consentement qui était alors bien plus long puisqu’il pouvait aller jusqu’à treize mois. Les éditeurs pourront néanmoins prévoir une durée différente de conservation sous réserve d’être en mesure d’en expliquer les raisons. Dans un souci toujours évident de protéger les choix des utilisateurs, la Cnil précise enfin que les utilisateurs ayant donné leur consentement à l’utilisation de traceurs doivent être en mesure de le retirer à tout moment aussi simplement qu’ils l’ont donné. Le moyen mis à disposition pour retirer leur consentement doit donc être aisément accessible sur toutes les pages du site web ou de l’application mobile, à travers un intitulé explicite et doit pouvoir être utilisé facilement. Sont donc proscrites les pratiques consistant à renvoyer l’utilisateur de page en page puis de lien en lien avant de lui permettre d’accéder au mécanisme de gestion des cookies.
En conclusion, si la recette de la Cnil n’a pas fondamentalement changé, elle s’est sans aucun doute complexifiée. La Cnil réaffirme ainsi sa volonté de protéger au mieux les données des utilisateurs – au risque d’impacter négativement de nombreux éditeurs et publicitaires, qui risquent de voir leurs taux de consentement chuter drastiquement. La Cnil tente néanmoins de faire preuve de pragmatisme en laissant aux éditeurs six mois pour se mettre en conformité et en essayant de leur fournir des conseils concrets et détaillés à travers ses recommandations. Cette mise en conformité ne doit cependant pas tarder car la Cnil a indiqué qu’elle ferait du respect des dispositions applicables aux cookies l’un de ses axes de contrôle pour 2021. Rappelons que l’autorité de la protection des données a la possibilité d’effectuer des contrôles en ligne et qu’elle avait sanctionné de cette manière de nombreuses sociétés en 2013 lors de la publication de ses précédentes lignes directrices. @

FOCUS
Des exemptions au consentement obligatoire très limitées
Comme auparavant, un certain nombre de cookies sont exemptés des obligations d’information et d’obtention du consentement. Il s’agit des cookies qui ont pour finalité exclusive de permettre ou faciliter la communication par voie électronique ou qui sont strictement nécessaires à la fourniture d’un service de communication en ligne à la demande expresse des utilisateurs. La Cnil cite plusieurs exemples de cookies concernés par l’exemption comme ceux destinés à l’authentification de l’utilisateur ou ceux permettant de garder en mémoire le contenu d’un panier d’achat. Toutefois, les utilisateurs doivent être informés de l’existence de ces traceurs, par exemple dans la politique de confidentialité. Quant aux cookies de mesure d’audience (10), ils sont désormais présentés par la Cnil comme faisant partie des cookies pouvant par principe bénéficier de l’exemption (là où en 2013 ils constituaient plutôt l’exception). Mais ce cookie de mesure d’audience doit avoir pour seule finalité… la mesure de l’audience et pour le compte exclusif de l’éditeur — donc pas de transmission des données à des tiers (11).
En pratique, les offres les plus utilisées, telles que Google Analytics ou Facebook Analytics, qui réutilisent souvent les données pour leur propre compte, ne pourront probablement pas bénéficier de l’exemption sauf à proposer des paramétrages de leurs outils spécifiques. @

Cookies : l’écosystème de la publicité ciblée s’organise en attendant la recommandation finale de la Cnil

C’est en avril que la Cnil devrait publier sa recommandation finale sur « les modalités pratiques de recueil du consentement » des utilisateurs au dépôt de « cookies et autres traceurs » sur leurs terminaux. Retour sur le projet de recommandation, qui est contesté par les éditeurs et les publicitaires.

Par Sandra Tubert et Laura Ziegler, avocates associées, BCTG Avocats

Alors que l’adoption du règlement européen « ePrivacy » patine depuis déjà trois ans (1), certaines « Cnil » européennes – allemande, anglaise, française, espagnole et grecque – ont décidé de prendre les devants en adoptant leurs propres lignes directrices sur les règles attendues en matière de cookies et autres technologies de traçage. En juin 2019, en France, la Cnil (2) a annoncé son plan d’action en matière de publicité ciblée. Au menu : l’adoption de lignes directrices dans une délibération datée du 4 juillet 2019 rappelant les règles de droit applicables en matière de cookies (3), complétées d’un projet de recommandation publié le 14 janvier dernier précisant les modalités concrètes de recueil du consentement.

Un cadre plus strict et peu pragmatique
Ce projet de recommandation (4), dont la version finale devrait être adoptée courant avril, a été soumis à consultation publique, laquelle s’est achevée le 25 février avec un taux de participation étonnement très relatif (5). L’abandon de la poursuite de la navigation comme modalité valide de recueil du consentement – modalité qui prévalait jusqu’alors puisque préconisée dans la recommandation de la Cnil de 2013 – est l’une des annonces phares de la Cnil. En effet le consentement tel que défini dans le règlement général européen sur la protection des données (RGPD) doit être spécifique, éclairé, univoque et libre (6). Pour satisfaire à ces quatre critères, la Cnil détaille dans ses deux textes ses attentes vis-à-vis des professionnels pour recueillir un consentement valide pour le dépôt et la lecture de cookies. Elle prend néanmoins le soin de préciser, dans son projet de recommandation, que les exemples de modalités pratiques y figurant ne sont ni prescriptifs ni exhaustifs. Les professionnels peuvent donc choisir d’autres modalités, dès lors qu’elles sont conformes aux exigences de qualité du consentement posées par le RGPD. Il est alors surprenant de constater que malgré cette annonce et le délai de grâce de six mois laissé aux sociétés pour se mettre en conformité, la Cnil précise sur son site Internet : que des contrôles seront mis en place six mois après l’adoption de sa recommandation définitive pour en vérifier le respect pratique, et que le respect des règles en matière de cookies est l’un des trois axes prioritaires du plan de contrôle pour 2020 de la Cnil (7). Ce projet de recommandation a également été l’occasion pour la Cnil d’insérer, dans chacune des sections, des « bonnes pratiques » qui sont en réalité – et de son propre aveu – des pratiques « permettant d’aller au-delà des exigences légales » (8). Concernant le premier critère, à savoir le caractère éclairé du consentement, celui-ci s’entend comme la fourniture – au moyen de termes simples et compréhensibles par tous – d’une information sur les différentes finalités pour lesquelles les cookies seront utilisés, les acteurs qui les utiliseront et la portée du consentement. Pour satisfaire ce point, exit les terminologies juridiques ou techniques complexes ou le simple renvoi vers les conditions générales d’utilisation (CGU) : la Cnil attend la fourniture d’une information complète, lisible et mise en évidence au moment du recueil du consentement. En pratique, cela signifierait une information en deux niveaux.
• Dans le premier niveau d’information, il s’agit de mettre à disposition de façon succincte l’identité du ou des responsables du traitement (avec un lien ou un bouton renvoyant à la liste complète des sociétés utilisant les cookies), les finalités des cookies mises en avant dans un intitulé court, accompagné d’un bref descriptif (ainsi que la possibilité d’accéder à une description plus détaillée sur le second niveau via un bouton ou un lien hypertexte), et le droit de retirer son consentement.
• Dans le second niveau d’information, accessible via un lien hypertexte ou un bouton depuis le premier niveau d’information, sont attendues deux listes exhaustives : celles sur les responsables de traitement utilisant des cookies et celles des sites web et applications tiers où la navigation des utilisateurs est suivie. Et c’est bien là toute la nouveauté et la complexité des attentes de la Cnil en la matière.

Fini les seuls boutons « Accepter »
De l’avis général, l’écosystème de la publicité ciblée est un système relativement complexe impliquant un nombre considérable d’acteurs. Attendre de l’éditeur d’un site web, la tenue et la mise à jour de ces deux listes et l’obtention d’un nouveau consentement de l’utilisateur en cas d’ajouts de responsables du traitement qualitativement ou quantitativement substantiel semble peu réaliste et laisse par ailleurs à l’appréciation de chacun le caractère substantiel des changements opérés. Toute cette information doit naturellement être fournie aux utilisateurs sans avoir recours à la pratique des cookies walls, reconnue non valide par la Cnil et le Comité européen de la protection des données (CEPD), puisque non compatible avec le caractère libre du consentement. C’est par ailleurs ce qui pousse la Cnil à préciser que l’utilisateur doit avoir la possibilité d’accepter ou de ne pas accepter le dépôt de cookies pour que l’on puisse valablement considérer que son consentement est « libre ». Pour ce faire, les mêmes modalités techniques et de présentation doivent s’appliquer à la capacité de consentir ou de refuser (9). Fini donc les boutons « Accepter » mis en évidence et les petits liens « En savoir plus », dont l’identification incertaine était laissée au soin des utilisateurs, lesquels devaient en déduire qu’ils étaient là pour paramétrer ou refuser le dépôt de cookies. Désormais, l’utilisateur devra se voir proposer des boutons identiques pour refuser ou accepter le dépôt de cookies.

Des délibérations et exigences critiquées
Par ailleurs, le consentement et le refus de consentement devront être enregistrés pour une durée identique – de 6 mois d’après la Cnil – de manière à ne pas solliciter à nouveau, pendant un certain laps de temps, le consentement de l’utilisateur, afin de ne pas le pousser par cette pression répétée à accepter par lassitude. Pour répondre au caractère spécifique du consentement, la Cnil exige également qu’il soit possible pour l’utilisateur de consentir de manière granulaire pour chaque finalité distincte. Différentes modalités semblent acceptées par l’autorité de contrôle : soit sur le premier niveau d’information, soit sur le second. Le consentement global – et donc le bouton « Tout accepter » – est toutefois possible à condition : d’avoir présenté toutes les finalités au préalable, de permettre de consentir par finalité, et de proposer également la possibilité de refuser de façon globale. En pratique donc, devraient fleurir des boutons « Tout accepter », « Tout refuser » et « Paramétrer/Personnaliser », de même taille, de même police et mis en évidence de manière identique pour être conforme aux exigences de la Cnil.
Enfin, pour respecter le caractère univoque comme le caractère libre, la Cnil interdit la pratique des cases pré-cochées, des interrupteurs sur la position activée par défaut et l’acceptation des cookies par les CGU, l’objectif étant que l’utilisateur effectue un acte positif pour mieux prendre conscience du choix qu’il réalise. Les attentes de la Cnil sont donc extrêmement exigeantes envers les éditeurs de sites web et d’applications mobiles, d’autant plus que ces deux délibérations – lignes directrices du 4 juillet 2019 et projet de recommandation – sont à l’heure actuelle assez éloignées des pratiques existantes sur le marché. Il n’est dès lors pas étonnant qu’elles aient fait l’objet de vives contestations par les acteurs de l’écosystème : recours devant le Conseil d’Etat (10) déposé le 18 septembre 2019 par neuf grandes associations professionnelles contre les lignes directrices de la Cnil ; tribunes, lettres ouvertes et prises de position (11) du Collectif pour les acteurs du marketing digital (CPA), de l’Udecam (12) et du Geste (13), reprochant à la Cnil de ne pas avoir pris en compte les propositions des représentants exprimées lors de la concertation engagée par la Cnil entre la publication des lignes directrices et l’adoption du projet de recommandation. Outre la contestation des différents acteurs dont le modèle économique s’est construit autour de la publicité ciblée, se pose également la question de la compatibilité de la multiplicité des lignes directrices publiées ces derniers mois par les différentes autorités de contrôles en Europe. Dans un monde globalisé où Internet est par essence transfrontalier, la publication de lignes directrices aux exigences divergentes par les autorités de contrôle européennes pousse les acteurs désireux de se mettre en conformité à des arbitrages, parfois hasardeux, qui ne sont pas souhaitables. Comme pour justifier le contenu de son projet de recommandation, la Cnil a publié en même temps que ce dernier, les chiffres d’un sondage Ifop (14) dont les résultats sont saisissant de paradoxes. En effet, alors que 70 % des personnes interrogées pensent qu’il est indispensable d’obtenir à chaque fois leur accord au risque d’alourdir leur navigation, 65 % pensent que les demandes d’autorisation de dépôt des cookies ne sont pas efficaces pour protéger leur vie privée. Pire encore : 90% considèrent qu’en plus de consentir, elles devraient connaître l’identité des entreprises susceptibles de suivre leur navigation sur le Web via des cookies, alors que différents sondages précisent que 89 % d’entre elles ne prennent pas le temps de lire ce à quoi elles consentent en ligne.
Face aux difficultés de mise en œuvre pratique du projet de recommandation de la Cnil, aux impacts significatifs que ses exigences pourraient avoir, le modèle des cookies se retrouve plus largement questionné. Google a annoncé – le même jour de la publication du projet de recommandation de la Cnil – son intention de faire disparaître les cookies tiers de son navigateur Chrome d’ici deux ans en optant pour une « Privacy Sandbox », tout comme l’avaient auparavant annoncé Apple avec Safari et Mozilla avec Firefox. Même Criteo – sous le coup d’une enquête de la Cnil suite à une plainte de Privacy International (15) – tente de rassurer en annonçant avoir des solutions qui fonctionneraient sans cookies (16).

Paramètres des navigateurs et des OS
Dans ce contexte, on peut légitimement s’interroger sur la nécessité d’utiliser de nouveaux outils qui pourraient permettre, à la fois, de répondre aux enjeux du modèle économique de la publicité ciblée et de protéger plus efficacement la vie privée des utilisateurs. Une publicité « mieux » ciblée, alignée sur les préférences choisies et affichées des utilisateurs en amont, via un medium à déterminer, ne serait-elle pas une piste à explorer ? De son côté, dans ses deux textes, la Cnil semble en appeler à la modification des paramètres des navigateurs et des systèmes d’exploitation (OS), afin que ceux-ci permettent aux utilisateurs d’exprimer leurs préférences. Cette solution est fortement critiquée par certains acteurs du fait du « monopole » qu’obtiendrait certains GAFAM avec une telle approche. Le débat est ouvert. @

Google (Chrome), Firefox (Mozilla) et Safari (Apple) bannissent les cookies ; Criteo assure s’adapter

L’icône de la French Tech, Criteo, leader mondial du (re)ciblage publicitaire en ligne tente de rassurer sur sa capacité d’adaptation. Remplaçant depuis trois mois le fondateur Jean-Baptiste Rudelle à la direction générale de l’entreprise basée à Paris, Megan Clarken tente de rassurer les investisseurs.

Alors que les cookies – ces petits traceurs publicitaires déposés dans les terminaux des internautes pour mieux les cibler – ne sont plus en odeur de sainteté sur Internet, l’icône de la French Tech de la publicité en ligne, Criteo, a décidé de s’en détourner elle aussi. « Nous croyons que l’industrie aurait dû remplacer depuis longtemps les cookies utilisés pour personnaliser le ciblage publicitaire sur le Web, et nous nous réjouissons des efforts concertés pour aller au-delà de ces cookies de manière sécurisée », vient même de déclarer Megan Clarken (photo), directrice générale de Criteo depuis trois mois.

« Nous avons déjà des solutions » (dixit la CEO)
Cette Nouvelle-zélandaise, basée à Paris au coté du président du conseil d’administration de Criteo et fondateur Jean-Baptiste Rudelle, a passé quinze ans chez le géant américain du marketing Nielsen (1) où elle y est entrée en Australie. Megan Clarken prend les rênes de la Big Tech française (plus de 2,2 milliards de chiffre d’affaires en 2019 pour un bénéfice net de 96 millions de dollars) au moment où trois des principaux navigateurs web – Chrome de Google, Firefox de Mozilla et Safari d’Apple – ont décidé d’abandonner les cookies tiers. Mais la nouvelle CEO veut rester confiante quant à l’avenir de l’entreprise. « Nous sommes très bien positionnés pour ce changement. Toutes nos solutions sont développées sur le mode privacy-by-designet nous opérons strictement sous le consentement de l’utilisateur. Nous en sommes fiers », a-t-elle assuré lors d’une conférence téléphonique le 11 février dernier, à l’occasion de la présentation des résultats annuels.
« Nous sommes convaincus que les utilisateurs devraient également avoir un choix clair et individuel en ce qui concerne leur expérience publicitaire, que la publicité personnalisée apporte de multiples avantages à l’écosystème, y compris au niveau de l’utilisateur, et que les navigateurs ne devraient pas contrôler la portabilité des données », a ajouté la nouvelle patronne. Pour ne plus dépendre des cookies comme traceurs publicitaires et rassurer son avenir, Criteo affirme que près de la moitié de son activité est cookie-less. « Aujourd’hui, a précisé Megan Clarken, nous avons déjà des solutions grâce aux intégrations directes des éditeurs, nos solutions d’identification mobile, et le “retail media” (2) qui fonctionnent sans cookies ». Mais les investisseurs, eux, ne sont pas aussi confiants en l’avenir de Criteo. Certains d’entre eux voient dans la légère érosion historique du chiffre d’affaires (-1,7 %), à précisément 2,261 milliards de dollars en 2019, contre 2,300 milliards un an auparavant, le début de la fin pour Criteo. « Nous reconnaissons que pour les investisseurs, le sujet de l’identité plus large (3) peut sembler être une menace majeure pour nous, mais, pour être clair, nous ne voyons pas les choses de cette façon, s’est-elle inscrite en faux. Notre stratégie de résolution de l’identité, qui tire parti de nos actifs différenciés et prévoit quatre couches complémentaires, nous aidera à couvrir les 50 % restants (de nos activités) ».
Il y a un an, l’entreprise française avait déjà frôlé la catastrophe industrielle à la suite de changements technologiques opérés par Google et Facebook, Jean-Baptiste Rudelle ayant alors parlé de « choc exogène très violent » (4). Cotée au Nasdaq à New York depuis 2013, l’ex-licorne française a vu son cours de Bourse dégringoler à moins de 14 dollars l’action aujourd’hui (au 21-02-20), contre 54,80 dollars lors du pic de mai 2017. Sa capitalisation boursière est passée en-dessous de la barre du milliard de dollars à 868 millions de dollars – bien loin des plus de 2 milliards de mi-2014. Et ce, au moment où Google a annoncé le 14 janvier dernier sa décision de rendre « obsolètes » d’ici deux ans les cookies tiers pour les remplacer par une solution moins intrusive pour les utilisateurs, baptisée « Privacy Sandbox ». « Mais nous ne pouvons pas y arriver seuls, avait prévenu Justin Schuh, le directeur de Chrome Engineering chez Google, sur le blog « Chromium » du géant du Net (5). Et c’est pourquoi nous avons besoin de l’écosystème pour participer à ces propositions. Nous prévoyons de commencer les premiers essais initiaux d’ici la fin de cette année, en commençant par la mesure de la conversion et en poursuivant par la personnalisation ». Le premier des GAFAM se rend à l’évidence : les utilisateurs exigent une plus grande confidentialité, y compris la transparence, le choix et le contrôle sur la façon dont leurs données sont utilisées.

Craintes accrues des éditeurs et annonceurs
Aussi, l’écosystème du Web doit évoluer pour répondre à ces exigences croissantes de protection de la vie privée et des données personnelles. Certains navigateurs tels que Firefox ou Safari permettent le blocage des cookies tiers, lorsque ce ne sont pas des ad-blockers qui sont utilisés. La disparition annoncée des cookies fait encore plus frémir les éditeurs en ligne et les annonceurs, déjà très inquiets de l’entrée en vigueur de l’obligation de recueillir le consentement préalable des internautes avant de déposer ou pas les traceurs publicitaires. @

Charles de Laubier