Google (Chrome), Firefox (Mozilla) et Safari (Apple) bannissent les cookies ; Criteo assure s’adapter

L’icône de la French Tech, Criteo, leader mondial du (re)ciblage publicitaire en ligne tente de rassurer sur sa capacité d’adaptation. Remplaçant depuis trois mois le fondateur Jean-Baptiste Rudelle à la direction générale de l’entreprise basée à Paris, Megan Clarken tente de rassurer les investisseurs.

Alors que les cookies – ces petits traceurs publicitaires déposés dans les terminaux des internautes pour mieux les cibler – ne sont plus en odeur de sainteté sur Internet, l’icône de la French Tech de la publicité en ligne, Criteo, a décidé de s’en détourner elle aussi. « Nous croyons que l’industrie aurait dû remplacer depuis longtemps les cookies utilisés pour personnaliser le ciblage publicitaire sur le Web, et nous nous réjouissons des efforts concertés pour aller au-delà de ces cookies de manière sécurisée », vient même de déclarer Megan Clarken (photo), directrice générale de Criteo depuis trois mois.

« Nous avons déjà des solutions » (dixit la CEO)
Cette Nouvelle-zélandaise, basée à Paris au coté du président du conseil d’administration de Criteo et fondateur Jean-Baptiste Rudelle, a passé quinze ans chez le géant américain du marketing Nielsen (1) où elle y est entrée en Australie. Megan Clarken prend les rênes de la Big Tech française (plus de 2,2 milliards de chiffre d’affaires en 2019 pour un bénéfice net de 96 millions de dollars) au moment où trois des principaux navigateurs web – Chrome de Google, Firefox de Mozilla et Safari d’Apple – ont décidé d’abandonner les cookies tiers. Mais la nouvelle CEO veut rester confiante quant à l’avenir de l’entreprise. « Nous sommes très bien positionnés pour ce changement. Toutes nos solutions sont développées sur le mode privacy-by-designet nous opérons strictement sous le consentement de l’utilisateur. Nous en sommes fiers », a-t-elle assuré lors d’une conférence téléphonique le 11 février dernier, à l’occasion de la présentation des résultats annuels.
« Nous sommes convaincus que les utilisateurs devraient également avoir un choix clair et individuel en ce qui concerne leur expérience publicitaire, que la publicité personnalisée apporte de multiples avantages à l’écosystème, y compris au niveau de l’utilisateur, et que les navigateurs ne devraient pas contrôler la portabilité des données », a ajouté la nouvelle patronne. Pour ne plus dépendre des cookies comme traceurs publicitaires et rassurer son avenir, Criteo affirme que près de la moitié de son activité est cookie-less. « Aujourd’hui, a précisé Megan Clarken, nous avons déjà des solutions grâce aux intégrations directes des éditeurs, nos solutions d’identification mobile, et le “retail media” (2) qui fonctionnent sans cookies ». Mais les investisseurs, eux, ne sont pas aussi confiants en l’avenir de Criteo. Certains d’entre eux voient dans la légère érosion historique du chiffre d’affaires (-1,7 %), à précisément 2,261 milliards de dollars en 2019, contre 2,300 milliards un an auparavant, le début de la fin pour Criteo. « Nous reconnaissons que pour les investisseurs, le sujet de l’identité plus large (3) peut sembler être une menace majeure pour nous, mais, pour être clair, nous ne voyons pas les choses de cette façon, s’est-elle inscrite en faux. Notre stratégie de résolution de l’identité, qui tire parti de nos actifs différenciés et prévoit quatre couches complémentaires, nous aidera à couvrir les 50 % restants (de nos activités) ».
Il y a un an, l’entreprise française avait déjà frôlé la catastrophe industrielle à la suite de changements technologiques opérés par Google et Facebook, Jean-Baptiste Rudelle ayant alors parlé de « choc exogène très violent » (4). Cotée au Nasdaq à New York depuis 2013, l’ex-licorne française a vu son cours de Bourse dégringoler à moins de 14 dollars l’action aujourd’hui (au 21-02-20), contre 54,80 dollars lors du pic de mai 2017. Sa capitalisation boursière est passée en-dessous de la barre du milliard de dollars à 868 millions de dollars – bien loin des plus de 2 milliards de mi-2014. Et ce, au moment où Google a annoncé le 14 janvier dernier sa décision de rendre « obsolètes » d’ici deux ans les cookies tiers pour les remplacer par une solution moins intrusive pour les utilisateurs, baptisée « Privacy Sandbox ». « Mais nous ne pouvons pas y arriver seuls, avait prévenu Justin Schuh, le directeur de Chrome Engineering chez Google, sur le blog « Chromium » du géant du Net (5). Et c’est pourquoi nous avons besoin de l’écosystème pour participer à ces propositions. Nous prévoyons de commencer les premiers essais initiaux d’ici la fin de cette année, en commençant par la mesure de la conversion et en poursuivant par la personnalisation ». Le premier des GAFAM se rend à l’évidence : les utilisateurs exigent une plus grande confidentialité, y compris la transparence, le choix et le contrôle sur la façon dont leurs données sont utilisées.

Craintes accrues des éditeurs et annonceurs
Aussi, l’écosystème du Web doit évoluer pour répondre à ces exigences croissantes de protection de la vie privée et des données personnelles. Certains navigateurs tels que Firefox ou Safari permettent le blocage des cookies tiers, lorsque ce ne sont pas des ad-blockers qui sont utilisés. La disparition annoncée des cookies fait encore plus frémir les éditeurs en ligne et les annonceurs, déjà très inquiets de l’entrée en vigueur de l’obligation de recueillir le consentement préalable des internautes avant de déposer ou pas les traceurs publicitaires. @

Charles de Laubier