La 5G franchira en 2022 les 10 % de connexions mobiles générées par les cartes SIM dans le monde

L’année 2022 s’annonce comme celle qui verra la 5G franchir la barre du 1 milliard de connexions au total dans le monde, que cela soit de la 5G mobile ou de la 5G fixe. Pour la première fois, elle va dépasser cette année le taux de 10 % des connexions mobiles grâce à 200 réseaux dans 70 pays.

La croissance de la 5G croît plus vite que les deux précédentes générations de mobiles sur la même période de démarrage commercial. « Cette croissance sans précédent représente le déploiement générationnel le plus rapide pour l’industrie du mobile par rapport à la 3G et la 4G. En comparaison, dix-huit mois après son lancement, la 5G représentait plus de 5,5 % des connexions mobiles – ni la 3G ni la 4G n’ont dépassé 2,2 % de pénétration au même moment de leur cycle de vie », s’est félicité Alex Sinclair (photo), directeur technique à la GSMA, laquelle réunit plus de 750 opérateurs mobiles et compte pour l’instant près de 200 réseaux 5G dans 70 pays.

Vers 2 milliards de connexions 5G fin 2025
Un total de 1 milliard de connexions mobiles 5G – correspondant à autant de cartes SIM connectées à partir d’un appareil compatible avec la cinquième génération de mobile – devrait être atteint d’ici la fin de 2022, sur un total de plus de 8,4 milliards de connexions toutes générations de mobiles confondues (hormis les connexions des réseaux cellulaires d’objets connectés estimés à 2 milliards en 2021). Ainsi, pour la première fois, la 5G va dépasser dans le courant de cette année les 10 % de connexions mobiles pour tendre, selon nos calculs, vers les 12%. Ce taux est à comparer aux 8% seulement en 2021 sur un total de 8,3 milliards de connexions mobiles toutes générations confondues.
Ce « dynamisme » permet à la GSMA de tabler sur un franchissement des 2 milliards de connexions 5G d’ici la fin de l’année 2025, soit tout de même dans trois ans et demi. A ce moment-là la 5G comptera pour environ un quart (taux de 25 %) du total des connexions mobiles et plus de deux personnes sur cinq dans le monde vivront à proximité d’un réseau de cinquième génération. « La dynamique a été stimulée notamment par la reprise économique après la pandémie, la hausse des ventes de smartphones 5G, l’extension de la couverture des réseaux, et les efforts de marketing des opérateurs mobiles », souligne l’association professionnelle dans son rapport « The Mobile Economy Report 2022 » publié en mars (1). L’impulsion a été donnée par les marchés pionniers en 5G que sont la Chine, la Corée du Sud et les Etats-Unis. A la fin de 2021, ils étaient 176 opérateurs mobiles sur 70 marchés dans le monde à avoir lancé des services 5G commerciaux. Parmi eux, près de 70 offrent des services de 5G fixe (2). Côté Samsung, le numéro un mondial indétrônable des fabricants de smartphones (3), a indiqué qu’il s’attendait à ce que les smartphones 5G représentent en 2022 plus de la moitié de toutes ses ventes de smartphones. « Une nouvelle vague de déploiement de la 5G dans de grands marchés à revenus modestes comme le Brésil, l’Indonésie et l’Inde pourrait stimuler davantage la production de masse d’appareils 5G plus abordables », prévoit la GSMA. Autrement dit, les pays dits émergents pourraient contribuer fortement à démocratiser la 5G. Les smartphones compatibles vont devenir abordables, leur prix de vente passant sous les 500 dollars l’unité – avec certains d’entre eux à moins de 150 dollars comme chez le fabricant chinois Realme, filiale du groupe BBK Electronics.
Si les 10 % des connexions en 5G sont atteints au cours de cette année 2022, ce taux paraît faible au regard des investissements importants que consacrent les opérateurs mobiles aux déploiements des réseaux de cinquième génération. Et ces « Capex » (4) s’annoncent élevées pour les années à venir. D’après la GSMA, les opérateurs mobiles devront investir – entre 2022 et 2025 – plus de 600 milliards de dollars dans le monde, dont environ 85 % dans les réseaux 5G. La 4G, elle, a atteint son apogée durant l’année 2021 en représentant 58 % des connexions mobiles dans le monde. Elle a depuis entamé son déclin au profit de la 5G, laquelle ne sera pas pour autant la génération majoritaire lorsque la 4G deviendra minoritaire dans ces connexions mobiles au-delà de l’année 2025. Quant à la 3G, elle passe cette année sous la barre des 20 % des connexions mobiles. De nombreux autre opérateurs mobiles dans le monde se délestent de ces anciens réseaux. Aux Etats-Unis, AT&T a entamé l’extinction progressive de son réseau 3G depuis le 22 février dernier (5). En France, Orange prévoit de fermer ses réseaux 2G et 3G d’ici respectivement fin 2025 et fin 2028 (6).

L’« écomobile » génère 5 % du PIB mondial
Pour l’heure, à fin 2021 et toutes générations de mobiles confondues, le nombre d’abonnés mobiles a atteint les 5,3 milliards de personnes, soit 67 % de la population mondiale. Le seuil des 70 % de pénétration sera atteint d’ici fin 2025 avec 5,7 milliards d’abonnés mobile sur la planète. Les revenus générés l’an dernier par les technologies et services mobiles en général ont atteint 4.500 milliards de dollars (autrement dit 4,5 trilliards de dollars), soit 5% du PIB mondiale. Ce chiffre atteindra près de 5.000 milliards de dollars d’ici 2025. @

Charles de Laubier

Fusionner SFR et Free pour passer à un Big Three ?

En fait. Le 2 février, Patrick Drahi, fondateur d’Altice, a été auditionné par la commission d’enquête « concentration dans les médias » du Sénat. Dix ans après le lancement de Free Mobile, au grand dam du triopole mobile à l’époque, il estime qu’aujourd’hui le passage de quatre à trois opérateurs télécoms en France se fera « tôt ou tard ».

En clair. « Je pense que ce serait mieux pour le marché français que deux opérateurs français se rapprochent pour être plus forts, plutôt qu’un des quatre opérateurs français termine dans les mains de je ne sais qui… Alors que ce sont quand même des infrastructures importantes », a confié Patrick Drahi, président d’Altice, groupe qu’il a fondé il y a vingt ans et qui est la maison mère de SFR depuis huit ans.
Il répondait à la sénatrice Sylvie Robert qui lui demandait si «un rapprochement entre [son]groupe Altice et Iliad [maison mère de Free] serait à l’étude ». Réponse de celui qui avait ravi en 2014 SFR (1) au nez et à la barbe de Bouygues Telecom: « Pas du tout. Il n’y a aucune étude de rapprochement. Moi, je suis copain avec tout le monde. Je suis copain avec Xavier [Niel, patron de Free], avec Martin [Bouygues, propriétaire de Bouygues Telecom], avec Stéphane [Richard, patron d’Orange, en fin de mandat]…», a-t-il assuré. Pour autant, Patrick Drahi estime inéluctable le passage de quatre à trois opérateurs télécoms dans l’Hexagone, se remémorant la consolidation dans le câble qu’il avait orchestrée à partir de 2002, il y a vingt ans, juste après avoir fondé sa société Altice, devenue maison mère de Numericable puis de SFR (2). « J’ai tout essayé dans la consolidation du marché des télécoms français, a-t-il rappelé en en riant. Je n’y suis pas arrivé. Mais j’aime bien insister dans la vie… Je ne suis pas pressé ; cela se fera un jour ou l’autre. Pourquoi ? Parce qu’aux Etats-Unis ils étaient quatre ; ils ne sont plus que trois [après la fusion Sprint/T-Mobile en 2020, ndlr]. Le profit de chacun des trois opérateurs américains restants [Verizon, AT&T et T-Mobile, ndlr], est supérieur au chiffre d’affaires de l’ensemble du marché des télécoms français : comment voulez-vous que l’on résiste par rapport à ces gens-là ? C’est impossible », a-t-il prévenu, craignant que Bouygues Telecom ou Free – « qui ne gagnent pas beaucoup d’argent » – soient rachetés par un opérateur étranger.
Martin Bouygues était non-vendeur en 2015 de sa filiale Bouygues Telecom (3), avant d’y être depuis 2018 favorable (4). Passer de quatre opérateurs à un Big Three est demandé depuis longtemps par Orange et SFR pour mettre un terme à la bataille tarifaire au profit des investissements dans la fibre optique et la 5G. Orange, membre de l’Etno à Bruxelles et de la GSMA à Londres, milite dans ce sens. @

Couverture des zones blanches (non-rentables) : faut-il aller vers un deuxième « New Deal Mobile » ?

Le « New Deal Mobile » était la promesse des opérateurs mobiles – faite il y a quatre ans au gouvernement – d’une « 4G pour tous » au 31 décembre… 2020. Mais des zones blanches ont persisté au-delà de cette échéance. A fin 2021, « 98 % des sites mobiles sont en 4G ». Et les 2 % restants ?

Y aura-t-il un deuxième « New Deal Mobile » pour ne pas laisser les 2 % des sites mobiles dépourvus de 4G et des milliers de centres-bourgs toujours en zone blanche ? Lorsqu’elle était encore députée, Laure de La Raudière (photo) avait suggéré « un deuxième New Deal Mobile ». Certes, c’était treize mois avant de devenir présidente de l’Arcep. La députée d’Eure-et-Loir avait à l’époque – mais il n’y a pas si longtemps que cela – émis cette éventualité au regard du désaccord qu’elle avait avec le président fondateur de Free (Iliad), Xavier Niel, qu’elle auditionnait le 17 novembre 2020 à l’Assemblée nationale en commission (1) – sur la couverture mobile des territoires jusque dans les zones blanches non-rentables.

Du donnant-donnant à 3 milliards d’euros
En janvier 2018, il y a quatre ans maintenant, l’Arcep et le gouvernement annonçaient des engagements des opérateurs télécoms pour accélérer la couverture mobile des territoires qui à l’époque laissait à désirer. Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR s’étaient ainsi engagés à investir plus de 3 milliards d’euros dans les « zones rurales ». En échange de quoi, l’Etat a renoncé à leur faire payer pas moins de 3 milliards d’euros de redevance pour leurs fréquences 4G – dans les bandes 900 Mhz, 1800 Mhz (sauf Free) et 2,1 Ghz – dont les autorisations d’exploitation leur ont été renouvelées pour dix ans supplémentaires. En effet, les autorisations de leurs réseaux mobiles 2G, 3G et 4G arrivaient à échéance, dès 2021 pour certaines et d’ici à 2024 pour d’autres. Globalement, les opérateurs mobiles ont obtenu « visibilité et stabilité jusqu’en 2030 » sur leurs fréquences.
Les engagements de couverture mobile sans précédents avaient, eux, été dans la foulée retranscrits dans leurs licences actuelles afin de les rendre juridiquement opposables – autrement dit pour permettre à des élus ou à des utilisateurs d’attaquer en justice les opérateurs mobiles en cas de non-connexion 4G. De plus, ces engagements sont contraignants et peuvent donner lieu à des sanctions de la part de l’Arcep (2). Ce fameux New Deal Mobil en faveur de l’aménagement numérique des territoires consiste à apporter la 4G tant attendue dans les zones rurales, synonymes de « zones blanches », qui n’ont aucune couverture mobile et encore moins de 4G. Il y a quatre ans, cela concernait tout de même plus de 1 million de Français sur 10.000 communes privés de mobile haut débit. A cette fracture numérique s’ajoutaient les principaux axes routiers et ferroviaires, sur lesquels il était impossible d’« avoir du réseau ».
Mais cet accord politique donnant-donnant avait accordé jusqu’à 2026 aux quatre opérateurs mobiles pour parachever pleinement le déploiement de la totalité des 5.000 nouveaux sites mobiles, à raison de 600 à 800 sites par an. Avant d’en arriver là, Bouygues Telecom, Free, Orange et SFR s’étaient engagés à couvrir 75 % des centres-bourgs en 4G au 31 décembre 2020 – sur un total de près de 5.000 et symboles de la fracture numérique en France. Mais ce taux n’a pas été atteint à cette première échéance (3), en raison du ralentissement des déploiements dû aux restrictions sanitaires et confinements de cette année 2020.
Ce retard avait déclenché des escarmouches entre l’ancien président de l’Arcep, Sébastien Soriano, et celui qui était déjà président de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms), Arthur Dreyfuss (4). En avril 2020, le gendarme des télécoms appelait les opérateurs mobiles à ne pas prendre prétexte du confinement pour ne pas être « au rendez-vous de leur responsabilité » vis-à-vis du New Deal Mobile et du Plan Très haut débit. Une mise en garde qui avait fait perdre son sang-froid au secrétaire général de SFR (5) (*) (**). D’après l’Arcep, cette cible des 75 % du programme dit « zones blanches centres-bourgs » (ZBCB) n’a pas été atteinte fin 2020 comme cela était prévu mais seulement mi-2021. Les quatre opérateurs mobiles sous pression se sont ensuite engagés à couvrir les 25 % restants de ces centres-bourgs en zones blanches avant le 31 décembre 2022. Le compte à rebours a commencé.

Un « bilan en demi-teinte » (Sénat)
Autrement dit, pour la nouvelle année, la « 4G pour tous » (4G mobile voire 4G fixe) est encore un vœu pieux – alors que la 5G profite déjà à quelques-uns (1,6 million d’abonné au 30 septembre dernier) et que les équipementiers télécoms travaillent déjà sur la 6G… La densification du réseau 4G traîne en longueur, malgré des avancées certaines. Et ce, alors que depuis deux ans les Français ont été contraints par la crise sanitaire de faire du télétravail voire de la visioconférence. Les zones blanches sont devenues des points noirs. Et l’étude « Quel débit » publiée le 27 janvier par UFC-Que Choisir fustige le « mauvais haut débit » dans les zones rurales dont sont pénalisés 32 % des consommateurs (6). « Bilan en demi-teinte » a pointé le Sénat en novembre dernier lors de l’examen du volet « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances (PLF) pour 2022 : « des progrès à confirmer dans la réduction de la fracture numérique » ; « un bilan en demi-teinte qui impose la poursuite des efforts pour résorber les zones blanches ».

La « 4G pour tous », mais pas pour tous
Pour la commission sénatoriale de l’aménagement du territoire et du développement durable, le compte n’y est pas malgré le dynamisme constaté des déploiements dans le cadre de ce New Deal Mobile : « S’agissant du programme de couverture ciblée, environ 3.000 sites ont d’ores et déjà été identifiés par arrêté [plusieurs arrêtés de 2018 à 2021, ndlr] depuis le lancement du New Deal. (…) Les retards induits en 2020 par le premier confinement ne semblent pas s’être résorbés : malgré des améliorations (…). Sur la totalité des arrêtés, à la date du 30 juin 2021, 830 sites de couverture ciblée étaient en service » (7).
Selon un bilan publié le 14 janvier dernier par la FFTélécoms et arrêté au 31 décembre cette fois, les 1.115 sites en service ont été atteints sur ce dispositif de couverture ciblée (8). Quant aux zones blanches dites ZBCB, dont il restait encore 25 % à couvrir d’ici la fin de cette année, elles seront scrutées de près par les sénateurs garants de l’aménagement numérique des territoires. « le New Deal Mobile est une réalité tangible dans les territoires » avec « 98 % des sites des opérateurs convertis en 4G », affirme la FFTélécoms :
• L’objectif de « généraliser la 4G sur l’ensemble des sites en propre des opérateurs avant fin 2020 » a été atteint.
• L’objectif de « généraliser la 4G sur les sites multi opérateurs issus des anciens programmes zones blanches [centres-bourgs] d’ici fin 2022 » est atteint à 89 %.
• L’objectif de « couverture de 5.000 nouvelles zones par opérateur identifiées par les élus de terrain d’ici fin 2027 » atteint à ce stade 1.115 nouveaux pylônes 4G multi opérateurs.
• L’objectif de « généraliser la 4G le long des axes routiers prioritaires », initialement prévu à fin 2020, est atteint entre 99,6 % et 99,8 %. Sur ce dernier point, tous les axes routiers dits prioritaires de l’Hexagone comprennent 55.000 kilomètres de routes, dont 11.000 km d’autoroutes et 44.000 km d’axes routiers principaux reliant, au sein de chaque département, le chef-lieu de département (préfecture) aux chefs-lieux d’arrondissements (sous-préfectures), et les tronçons de routes sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour. « Les opérateurs sont tenus de couvrir les axes routiers prioritaires en 4G, à l’extérieur des véhicules d’ici fin 2020, et à l’intérieur des véhicules d’ici 2022 ou 2025. Selon l’Arcep, plus de 99 % des axes routiers prioritaires seraient couverts en très haut débit mobile. Les opérateurs devront aussi couvrir 90 % des lignes ferroviaires du réseau ferré régional d’ici fin 2025 », ont rappelé les sénateurs, toujours dans le cadre du PLF 2022.
Ils ont en outre constaté que la 4G fixe peine, elle, à se déployer. Ces services d’accès fixe à Internet sur les réseaux mobiles 4G sont une alternative à la connexion filaire dans les zones où les débits fixes ne sont pas suffisants. Le New Deal Mobile prévoit en effet, d’une part, une obligation pour les quatre opérateurs mobiles de proposer des offres de 4G fixe (obligation que Free a tardé à respecter), et, d’autre part, un engagement de ces mêmes opérateurs à créer des sites de 4G fixe dans des zones identifiées par le gouvernement via des arrêtés (9). « Au total, 510 sites identifiés par arrêté doivent être mis en service par Orange et SFR d’ici fin 2021. Sur ces 510 sites, seuls 75 étaient en service à la date du 30 juin 2021, selon l’Arcep », ont regretté les sénateurs en novembre. Dans sa communication « New Deal Mobile », la FFTélécoms n’en dit mot. De son côté, dans son rapport « Réduire la fracture numérique mobile : le pari du New Deal 4G » publié en juin 2021, la Cour des comptes appelait à mettre en place « un véritable suivi des sites de 4G fixe existants ».

Vers un « New Deal Mobile » 5G ?
Les collectivités territoriales, les consommateurs ou tous ceux qui veulent connaître la couverture mobile réactualisée peuvent accéder à trois sites web du gendarme des télécoms : Arcep.fr, où se trouve (10) le « tableau de bord du New Deal Mobile » (prochaine mise à jour le 31 mars prochain) ; Monreseaumobile.arcep.fr, un outil cartographique permettant de « comparer les opérateurs mobiles » (couverture simulée et qualité de service) ; Jalertelarcep.fr, une plateforme permettant à chaque utilisateur d’« être un acteur de la régulation » (mais pas de réponse individuelle aux alertes). Reste à savoir si la 5G aura à son tour son « New Deal Mobile » : ne serait-ce que pour permettre aux territoires les plus reculés d’avoir du vrai très haut débit à l’ère du télétravail imposé en temps de crise sanitaire. @

Charles de Laubier

Le président chinois Xi Jinping se mue en « Grand Timonier » de l’économie numérique de son pays

Alors qu’il est depuis près de dix ans président de la République populaire de Chine, Xi Jinping n’a jamais été aussi centralisateur et exigeant sur la manière de réguler le capitalisme dans l’Empire du Milieu. Tout en accentuant la censure de l’Internet, le secrétaire du parti communiste chinois met au pas la finance de ses géants du numérique.

Le président de la Chine, Xi Jinping (photo), et son homologue des Etats-Unis, Joe Biden, lequel a pris l’initiative de cet appel, se sont longuement parlé au téléphone le 9 septembre au soir. Les dirigeants des deux plus grandes puissances économies mondiales, dont le dernier coup de fil remontait à sept mois auparavant (février 2021), ont eu une « discussion stratégique » pour tenter d’apaiser les relations sino-américaines qui s’étaient tendues sous l’administration Trump. Durant leur entretien de près d’une heure et demie, ils sont convenus d’éviter que la concurrence exacerbée entre leur deux pays ne dégénère en conflit.
Cet échange franc au sommet – où économie, tarifs douaniers punitifs, restrictions à l’exportation (1), affaire « Huawei », climat et coronavirus ont été parmi les sujets abordés – semble tourner la page de la guerre économique engagée par Donald Trump. En apparence seulement, car l’administration Biden a fait siennes les accusations lancées – sans preuve – par l’ancien locataire de la Maison-Blanche à l’encontre du géant technologique chinois Huawei toujours accusé de cyber espionnage via notamment ses infrastructures 5G dont il est le numéro un mondial (2). Face aux coups de boutoir de Washington (3), la firme de Shenzhen a perdu la première place mondiale des fabricants de smartphone qu’il avait arrachée un temps à Samsung début 2020 et après avoir délogé Apple de la seconde début 2018 (4).

Les BATX rappelés à l’ordre en Chine
Cette accalmie – passagère ? – entre Etats-Unis et Chine permet à Xi Jinping de se concentrer sur ses affaires intérieures, où il a décidé de reprendre le contrôle du capitalisme financier qui a prospéré dans son pays de façon débridée. Et de s’attaquer dans le privé à l’enrichissement démesuré qui reste à ses yeux incompatible avec « la prospérité commune ». Cette dernière expression, le chef de l’Etat chinois l’avait utilisée pour rappeler à l’ordre les milliardaires chinois en leur demandant de ne pas creuser les inégalités au sein de son peuple. Le président de l’Empire du Milieu, également secrétaire du parti communiste chinois, fait monter la pression réglementaire et gouvernementale sur les puissances de l’argent. Premier à avoir essuyé les plâtres de cette « répression » du pouvoir central sur les grandes entreprises et leurs dirigeants : Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, qui se fait depuis très discret depuis des mois, alors qu’en octobre 2020 il avait critiqué publiquement la régulation de son pays.

Xi Jinping à la tête du CAC
Le géant du e-commerce et des réseaux sociaux est dans le viseur du pouvoir central de Pékin pour sa puissance financière débridée, ses abus de position dominante, la surexploitation des données personnelles et l’opacité de ses algorithmes, ou encore les conditions de travail de leurs employés. En avril dernier, la firme de Hangzhou a été condamnée à une amende équivalente à 2,3 milliards d’euros pour entrave à la concurrence. A la suite de l’intervention des autorités chinois début novembre 2020, en prétextant vouloir éviter un « risque financier », Alibaba avait dû abandonner son mégaprojet d’introduction en Bourse – à Hong Kong et à Shanghaï – de sa filiale bancaire Ant Group, dont le système de paiement en ligne Alipay est massivement utilisé par les Chinois et procure à sa maison mère un avantage quasi-monopolistique. Xi Jinping, qui envisagerait un démantèlement d’Alipay (5), projette par ailleurs de généraliser en 2022 l’e-yuan, actuellement testé (6). Depuis ce premier coup de pied dans la fourmilière du Net chinois, la pression de Pékin n’est pas redescendue depuis près d’un an. Plus d’une trentaine de grands groupes technologiques chinois se sont aussi attiré les foudres de Pékin, parmi lesquels Tencent (WeChat), ByteDance (TikTok), Baidu (Baidu.com), Meituan (Meituan.com) ou encore Didi (« Uber » chinois).
Xi Jinping siffle ainsi la fin de la récrée pour que le profit ne supplante pas le social, et pour que l’innovation et le consommateur ne soient pas les grands perdants de la mainmise de ces géants chinois du Net, surnommés parfois les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Au printemps dernier, l’Administration chinoise du cyberespace, ou CAC (7) alias le Bureau de la commission des affaires du cyberespace central (8), avait convoqué les géants chinois du numérique pour leur reprocher des pratiques de concurrence déloyale et les mettre en garde contre les abus de position dominante. Le CAC, qui est le régulateur de l’Internet chinois, est officiellement dirigé par le secrétaire général du Parti communiste chinois, Xi Jinping lui-même, et est rattaché aux organes d’information (propagande ou idéologie), de censure (des médias ou sites web) et de sécurité (contre les contenus illégaux, politiques ou religieux). Quant au ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’information (MIIT), il a le 13 septembre appelé les BATX à ne pas évincer leurs concurrents (9). Plus récemment, le régulateur chinois s’en est pris aux jeux vidéo, notamment à deux géants du gaming du pays, Tencent (WeGame) et Netease (163.com) qui ont aussitôt décroché en Bourse. Et pour cause : l’administration Jinping, qui a considéré cet été que les jeux en ligne étaient le nouvel « opium spirituel » du peuple, a fait savoir qu’elle allait « geler » les autorisations de nouveaux jeux en ligne, avant de préciser ensuite qu’il ne s’agissait pas d’un moratoire sur la sortie des titres – comme ce fut le cas en 2018 durant dix mois – mais seulement de « ralentir » le rythme frénétique de leur mise sur le marché. Le 8 septembre, plusieurs acteurs de ce qui constitue la plus grande industrie du jeu vidéo au monde ont été réunis par les autorités chinoises pour les rappeler à leur devoir de « solidarité », les réfréner dans leur course aux profits, et exiger d’eux qu’ils luttent contre l’« addiction », notamment des mineurs. Parmi les nouvelles règles du jeu : limitation à trois heures par semaine le temps des enfants à jouer aux jeux vidéo, afin qu’ils ne deviennent pas accros ni myopes, qu’ils réduisent leurs dépenses en objets virtuels et qu’ils deviennent plus productifs en dehors des jeux vidéo. Dans ce contexte de mise au pas des jeux, Tencent – propriétaire de l’éditeur américain Riot Games depuis 2015 – a reporté à octobre la sortie tant attendue de la version mobile de « League of Legends », au lieu de la date initiale du 15 septembre.
Cette offensive du président Xi Jinping pour mettre un terme à l’« expansion désordonnée du capital » dans l’Empire du Milieu aux 1,4 milliard de Chinois interpelle tous les secteurs économiques du pays, au premier rang desquels le numérique qui a contribué fortement à une flambée boursière désordonnée et perçue comme trop capitaliste aux yeux du pouvoir communiste. En secouant le cocotier du Net, celui qui prend des airs de « Grand timonier » est parti en guerre contre ce qu’il appelle aussi « la croissance barbare ». Jusqu’où ira l’administration Jinping dans ce vaste recadrage de l’économie numérique chinoise ? Seul Xi le sait, lui qui veut apparaître comme le deuxième homme fort de l’histoire de l’empire, après Mao Tsé-toung.

20e Congrès du PPC à l’automne 2022
Après avoir célébré le 1er juillet dernier le centenaire du Parti communiste chinois (PCC), où ses racines marxistes-léninistes ont été rappelées à ses quelque 95 millions de « camarades » membres, le leader pékinois briguerait un nouveau mandat à la tête de la première économie mondiale en puissance. La prochaine étape cruciale est dans un an : ce sera le 20e Congrès du PCC à l’automne 2022. Xi Jinping, qui n’a pas mis un pied en dehors de la Chine depuis plus d’un an et demi, pourrait se rendre au prochain G20 prévu fin octobre à Rome et serrer la main de Joe Biden. @

Charles de Laubier

Huawei, de plus en plus ostracisé dans monde, a trouvé en France un certain asile économique

Au pays d’Ericsson, la justice a débouté le 22 juin dernier Huawei de son action contre son éviction du marché suédois de la 5G. C’est le premier pays de l’Union européenne à bannir le chinois, après les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Unis. En France, c’est du « Je t’aime, moi non plus ».

Le chinois Huawei, numéro un des équipements télécoms 5G et numéro trois mondial des fabricants de smartphones, va-t-il demander l’asile économique à la France pour continuer ses activités en Occident où il est de plus en plus banni ? La question peut prêter à sourire, mais elle n’est pas loin de refléter la réalité de ce qui arrive à la firme de Shenzhen que de nombreux pays dans le monde excluent sous des prétextes de « sécurité nationale » et d’accusations non prouvées de cybersurveillance (Etats-Unis, Australie, Royaume-Uni, Suède, Inde, …) – mais pas totalement la France.

Débouté aux Etats-Unis et en Suède
« C’était vraiment bien de parler avec Maurice. Merci de m’avoir invité ! VivaTech est une plateforme incroyable pour l’innovation, et elle fait exactement ce dont le monde a besoin en ce moment : rassembler de grands esprits passionnés pour faire un changement », a twitté l’actuel président du groupe Huawei Technologies, Ken Hu (photo), après son échange le 18 juin avec Maurice Lévy, président du conseil de surveillance de Publicis et cofondateur du salon VivaTech. « L’innovation et l’inclusion technologique sont les principaux moteurs d’un monde meilleur après la pandémie », a-t-il aussi lancé (1).
Le même jour, aux Etats-Unis, Huawei Technologies perdait devant une cour d’appel contre une décision prise par la Federal Communications Commission (FCC) le 10 décembre 2020 considérant le fabricant chinois comme « une menace pour la sécurité nationale » (2) et après avoir interdit auparavant aux entreprises américaines d’utiliser les subventions publiques pour financer les achats de la technologie 5G de Huawei. La firme de Shenzhen avait dénoncé devant la justice américaine une décision prise « sans preuves substantielles » et « préjudiciable à l’industrie américaine » (3). De plus, l’entreprise chinoise n’avait pas eu le temps de se défendre et surtout considère comme « inconstitutionnelle » la décision prise fin 2020 sous l’ère Trump de la mettre sur liste noire au nom de la « sécurité nationale » (4). Quatre jours après avoir été débouté à la Nouvelle-Orléans, ce fut cette fois en Suède qu’un nouveau déboire judiciaire est intervenu : le 22 juin dernier, le tribunal administratif de Stockholm a débouté Huawei qui contestait une décision de l’autorité de régulation des télécoms suédoise (PTS), laquelle, en octobre 2020, excluait les chinois Huawei et ZTE des réseaux 5G en Suède au nom là aussi de la « sécurité nationale ». Le jugement suédois ordonne que les équipements télécoms des chinois déjà en place soient enlevés avant le 1er janvier 2025. Huawei devrait faire appel de ce jugement basé uniquement sur des suppositions. L’on comprend, dans ce contexte de bannissement et de revers judiciaires, que Ken Hu ait pu trouver un peu de réconfort en France où le «en même temps » d’Emmanuel Macron permet à Huawei – présent sur l’Hexagone depuis 18 ans (effectif d’un millier d’employés) – de ne pas être complètement ostracisé. Pendant que le Conseil constitutionnel validait début février la loi française « anti-Huawei » du 1er août 2019 au nom des « intérêts de la défense et de la sécurité nationale » (5), le géant chinois des télécoms confirmait son engagement exprimé l’an dernier d’investir 200 millions d’euros dans un nouvelle usine sur l’Hexagone. Il s’agit de sa première usine hors de Chine et celle-ci sera – avec l’aval du gouvernement français – implantée à Brumath, ville alsacienne de 10.000 habitants dans le Bas-Rhin (région Grand-Est), à proximité de Strasbourg – pour y fabriquer des produits sans fil (5G comprise).
Cette usine « Made in France » de Huawei sera opérationnelle dans le courant de l’année 2023 et prévoit de produire l’équivalent de 1 milliard d’euros par an d’équipements télécoms à destination des marchés européens, avec la création « à terme » de 500 emplois direct. Le chinois, qui participait physiquement au Mobile World Congress de Barcelone cette année, a déjà inauguré en octobre 2020 un centre de recherche à Paris « en mathématiques et calculs », avec une trentaine de scientifiques dirigés par le professeur Merouane Debbah, directeur de la R&D chez Huawei France. Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, n’avait pas manqué de « féliciter » Huawei pour cette implantation (6).

Huawei investit aussi dans Qwant
La firme de Shenzhen renforce par ailleurs son partenariat avec le moteur de recherche français Qwant, lequel est préinstallé depuis plus d’un an sur les nouveaux smartphones du fabricant chinois – désormais dotés du système d’exploitation-maison, HarmonyOS. Cette fois, le 18 mai dernier, Qwant – que dirige Jean-Claude Ghinozzi depuis début 2020 sous la présidence de Jacques Biot (7) – a approuvé une « émission d’obligations convertibles », dont 8 millions d’euros ont été souscrits par Huawei. Cet investissement obligataire avait été révélé le 12 juin par Politico (8) puis confirmé par Qwant. @

Charles de Laubier