Retour sur le reproche formulé par le président de la FFTélécoms à l’encontre du président de l’Arcep

Edition Multimédi@ revient sur la prise de parole d’Arthur Dreyfuss, qui, en plein confinement le 23 avril dernier, a accusé Sébastien Soriano d’« insulter » les opérateurs télécoms. Pourquoi le président de la FFTélécoms (et secrétaire général d’Altice France/SFR) a-t-il polémiqué avec le régulateur ?

Dans une interview parue le 23 avril, Arthur Dreyfuss (photo de droite), président de la Fédération française des télécoms (FFTélécoms) jusqu’au 14 juin prochain (1), n’y est pas allé par quatre chemins : il a accusé le président de l’Arcep, Sébastien Soriano (photo de gauche) d’« insulter » les opérateurs : «Ses propos sont insultants pour nos équipes. (…) Les propos qui ont été tenus par le président du régulateur ne sont pas acceptables. (…) Les commentaires du président de l’Arcep ne sont pas à la hauteur de la mobilisation. », a ainsi lancé dans Le Figaro (2) le secrétaire général de l’opérateur télécoms SFR (Altice France).

Plan Très haut débit et New Deal mobile
Sébastien Soriano (44 ans) a aussitôt appelé Arthur Dreyfuss (34 ans) à garder son sang-froid : « Allons, allons, restons tous mobilisés pour les Français. C’est ce qu’ils attendent de nous. Pas des polémiques », lui a répondu le président de l’Arcep dans un premier tweet (3) posté le jour même de la parution de cette interview à charge, relayé sur Twitter par Didier Casas, vice-président de la FFTélécoms et directeur général adjoint de Bouygues Telecom (4).
Ce n’est pas la première fois que l’ancien communicant d’Altice et ex-publicitaire d’Havas déclenche une passe d’armes avec une autorité publique : le 17 décembre dernier, lors des « voeux » de Noël de la FFTélécoms, il avait pris à parti Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat chargée notamment des télécoms (5). Quelle mouche a cette fois piqué Arthur Dreyfuss pour qu’il s’en prenne ainsi publiquement au gendarme des télécoms ? Son courroux s’est manifesté à la suite des propos tenus par Sébastien Soriano lors de l’audition de ce dernier au Sénat, la veille, par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Qu’aurait dit Sébastien Soriano qui auraient justifié un tel emballement ? « Aujourd’hui, les opérateurs s’en sortent plutôt plus confortablement que le reste de l’économie, malgré des difficultés opérationnelles. (…) Nous attendons des opérateurs qu’ils soient au rendez-vous de leur responsabilité (6). J’attends, notamment des quatre grands acteurs du secteur [Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free, ndlr], qu’ils soutiennent, s’il le faut à brasle- corps, le tissu de PME de la filière, a prévenu Sébastien Soriano lors de son audition en visioconférence avec le sénateur Hervé Maurey. Il faut éviter que la reprise [du déploiement de la fibre et de la 4G, ndlr] ne soit ralentie parce qu’on aurait laissé se démanteler ce tissu que nous avons construit tous ensemble. Je les appelle à aller très loin – très loin – dans leur soutien à cet écosystème [sous-traitants, PME et constructeurs impliqués dans les déploiements de fibre et de 4G, ndlr] ». Et le président de l’Arcep de regretter la fracture numérique du pays mise en exergue par le confinement : « Nous constatons combien, en situation de confinement, l’absence de connexion est un facteur d’exclusion massif. Les opérateurs doivent donc jouer pleinement leur rôle et permettre une reprise très rapide des déploiements ». Et de mettre en garde Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free : « Nous n’accepterons pas n’importe quel motif de retard au prétexte de la crise ».
Le Sénat, soucieux de l’aménagement numérique des territoires et de la lutte contre l’exclusion numérique, a quant à lui exhorté l’Arcep à « exercer son pouvoir de contrôle et de sanctions en cas de non-respect des objectifs qui leur sont assignés, en adaptant, s’il le faut, les échéances au contexte », rappelant au passage qu’« une partie de notre population [fut] déconnectée en plus d’être confinée ». A cause du covid-19 et du confinement qui a duré deux mois, le plan France Très haut débit (fibre ou autre pour tous d’ici à 2022) et le New Deal mobile (4G voire 4G fixe pour tous d’ici fin 2020) devraient probablement connaître des retards en raison de la situation sanitaire. « Pour autant, l’Arcep devra exercer pleinement son pouvoir de contrôle et de sanctions », a demandé le Sénat à Sébastien Soriano (7). «Message reçu ! Le @Senat peut compter sur la vigilance de l’@Arcep », a assuré le président de l’Arcep dans un second tweet (8).

Réponse du berger à la bergère
En déclenchant sa polémique via Le Figaro et Twitter, Arthur Dreyfuss a certainement surréagi. « L’heure est à la mobilisation générale pour continuer à déployer, pas à la défiance », avait-il ajouté dans l’interview-assassine. L’énervement de l’ancien communicant d’Altice s’est propagé sur le site de microblogging, ce qui a poussé en soirée Sébastien Soriano à poster un dernier tweet afin de rappeler que lors de son « appel à la responsabilité des grands opérateurs télécoms », il leur « [rend] aussi largement hommage », tout en répliquant sèchement : « Que ceux qui trouvent cela “inacceptable” m’expliquent ou aillent se faire voir ailleurs » (9). A bon entendeur, salut ! @

Charles de Laubier