Paramount (Paramount Global + Skydance Media), sur les traces de Warner Bros. Discovery

Plus de deux ans après la fusion du géant Warner Bros. avec le groupe audiovisuel Discovery, c’est au tour d’une autre major d’Hollywood, Paramount Global, d’être rachetée par l’entreprise de divertissement Skydance Media. Il s’agit là aussi de s’inscrire dans la révolution du streaming.

(Depuis la parution de cet article le 22 juillet 2024 dans EM@ n°326, Reuters a révélé le 19 août 2024 que Edgar Bronfman Jr. a fait une contre-offre de 4,3 milliards de dollars sur Paramount Global. Mais le 26 août, il l’a retirée)

La globalisation du streaming aura décidément fait bouger les lignes dans le monde plus que centenaire des studios de cinéma d’Hollywood et plus encore dans le paysage audiovisuel américain. En avril 2022, Warner Bros finalisait sa fusion avec Discovery pour former un géant du divertissement rebaptisé Warner Bros. Discovery (WBD). La méga-opération était alors réalisée pour 43 milliards de dollars (1). David Zaslav en est le PDG. En juillet 2024, Paramount Global, annonce sa fusion avec Skydance Media pour donner naissance au nouveau Paramount après un accord à 8 milliards de dollars valorisant 28 milliards de dollars « New Paramount » dont David Ellison (photo) sera le PDG.

Industries du divertissement et du numérique
Au-delà de leur taille respective, ces deux méga-fusions hollywoodiennes visent à atteindre une taille globale sur le marché mondial de l’audiovisuel et du divertissement, face à des plateformes de vidéo à la demande internationales telles que Netflix ou Amazon Prime Video. La révolution du streaming est, pour ces grands studios de cinéma légendaires, un défi historique à relever. Cela passe par un changement de paradigme, en prenant une dimension incontournable avec un catalogue d’œuvres encore plus vaste, élargi et diversifié : films, séries, animations, émissions de télévision, retransmissions sportives, ou encore jeux vidéo, ainsi que des licences et droits de propriété intellectuelle (IP).
L’industrie du divertissement rime plus que jamais avec industrie du numérique. La plateformisation des studios et des télévisions est devenue indispensables pour ces vétérans du cinéma et de l’audiovisuel. Mais cela suppose des efforts d’investissement sans précédent dans des infrastructures technologiques. Warner Bros. Discovery mise gros sur Max (2), sa plateforme de streaming vidéo issue de l’intégration de HBO Max et de Discovery+ (3). Également proposé en France depuis le 11 juin, Max contient 18.500 heures de contenus et va profiter des Jeux Olympiques de Paris – du 26 juillet au 11 août 2024 – pour proposer l’intégralité des compétitions sportives sur Eurosport, en live ou à la demande (4). La combinaison des deux plateformes de streaming permet en outre de proposer des forfaits plus attractifs pour les consommateurs du monde entier, avec des abonnements mensuels allant de 5,99 euros pour la version basique AVOD (5) avec publicités, à 9,99 euros voire 13,99 euros pour la SVOD (6) sans publicité.

L’application Musi s’est hissée dans le « Top 5 » des applis de streaming musical… grâce à YouTube

La 5e appli de streaming musical la plus téléchargée sur l’App Store est inconnue : Musi. Durant l’été, elle va atteindre au bout de plus de dix ans d’existence les 70 millions de téléchargements. Gratuite et financée par la publicité (ou sans contre une fois 5,99 dollars), elle profite de YouTube.

Contactée par Edition Multimédi@ sur la légalité ou pas de Musi, la filiale française de YouTube nous a indiqué que « les équipes en interne examinent l’application pour savoir s’il s’agit d’un abus ou non ». Est-ce le calme avant la tempête pour cette start-up canadienne qui, à trop embrasser YouTube, aurait mal étreint le droit d’auteur ? Selon une source de l’industrie musicale, une importante maison de disque – sans que l’on sache s’il s’agit d’une major (Universal Music, Sony Music ou Warner Music) – va porter plainte devant un tribunal.

Discographie construite avec YouTube
C’est ce qu’a rapporté le magazine américain Wired, qui cite également une porte-parole de la plateforme de vidéoclips Vevo – diffusés sur YouTube – décidé à « prendre les mesures appropriées » (1). Musi Inc. pourra toujours se défendre en affirmant ne pas héberger de vidéoclips, puisque c’est YouTube qui le fait. Et l’appli Musi ne permet pas de téléchargement de musiques. « Music streaming without limits » est son slogan. Cette application musicale en streaming n’existerait pas sans YouTube. « Musi est une application iOS qui vous permet de diffuser et d’organiser une bibliothèque de musique à partir de YouTube », explique Aaron Wojnowski, le cocréateur de Musi, sur son compte LinkedIn (2). Y a-t-il un accord entre Musi Inc. et la plateforme vidéo de Google ? « All notices of copyright infringement claims should be sent to support@feelthemusi.com », indique la start-up canadienne dans ses conditions générales d’utilisation. L’appli Musi subira-t-elle le même sort que Aurous qui avait dû fermer en 2015 à la suite d’un procès intenté par la puissante RIAA (3) représentant notamment les trois majors ?

Qui est Voodoo, la licorne désormais propriétaire de BeReal racheté 500 millions de d’euros

La licorne française Voodoo, éditeur de jeux mobiles, entame sa seconde décennie d’existence sur les chapeaux de roue en s’emparant du réseau social BeReal (40 millions d’utilisateurs) pour un demi-milliard d’euros. Cette diversification lui permet de trouver des relais de croissance nécessaires.

L’annonce du rachat de BeReal a été faite le 11 juin dernier par Alexandre Yazdi (photo), PDG cofondateur de la société française Voodoo, connue pour ses jeux sur smartphone tels que « Helix Jump » (800 millions de téléchargements depuis sa création), « Paper.io » (280 millions), « Aquapark.io » (271 millions), « Crowd City » (237 millions) « Color Road » (101 millions) et bien d’autres titres parmi un catalogue de plus de 200 jeux mobiles (1), totalisant ensemble à ce jour plus de 7 milliards de téléchargements et 150 millions de « joueurs occasionnels » (appelés aussi en anglais casual games, voire hypercasual games).

Second souffle au-delà du casual gaming
Ces jeux pour smartphone ont vocation à s’adresser au grand public et leurs utilisateurs recherchent avant tout une prise en main facile et rapide du jeu sans forcément y passer des heures, contrairement aux gamers sur des jeux vidéo. Le marché du casual gaming (voire de l’hypercasual gaming) est en pleine expansion : des labyrinthes, des circuits de billes virtuelles, des jeux de cartes, des puzzles de type Tetris, … Ils sont souvent minimalistes, aux graphismes attrayants et sans fin, ce qui les rend souvent addictifs. Les deux ans de pandémie de covid-19 et le télétravail ont donné un coup de fouet à ces mini-jeux gratuits financés par de la publicité et par des achats dans l’applications (in-app). Les grands éditeurs de ces petits jeux pour mobile s’appellent Zynga – acquéreur en 2020 de Rollic et propriété depuis 2022 de Take-Two interactive (2) –, Kwalee ou encore Ketchapp, tous des rivaux de Voodoo.

TDF, l’ex-Télédiffusion de France, est en voie d’être vendu par appartements, à commercer par sa fibre

Derrière l’ultra-HD sur la TNT pour les JO 2024 de Paris, il y a TDF. Mais la télé ne pèse plus que 18 % du chiffre d’affaires 2023 de l’ex-Télédiffusion de France, loin derrière les télécoms (60 %), suivies de la radio (14 %) et de la fibre (8 %). A presque 50 ans, son démantèlement commence.

C’est un peu de la souveraineté audiovisuelle française que l’on « brade » progressivement à des fonds d’investissement étrangers. L’exTélédiffusion de France, devenue il y a 20 ans TDF, ne sera-t-elle bientôt plus que l’ombre d’elle-même. La vente par appartements de ce fleuron tricolore des infrastructures réseau ne fait que débuter. A l’heure où l’échéance de 2025 pour « la fibre pour tous » approche à grands pas, les financiers s’affairent en coulisse autour des actifs de l’ancien monopole public de l’audiovisuel, diversifié depuis dans les télécoms et présidé depuis près de 15 ans par Olivier Huart (photo).

Les actionnaires étrangers font pression
Dix ans après avoir été cédé à un consortium de fonds d’investissement étrangers (1) menés par le canadien Brookfield (45 % du capital), avec son compatriote PSP, le néerlandais APG et le britannique Arcus (45 % à eux trois), aux côtés de « l’investisseur français de référence » Predica, filiale du Crédit Agricole Assurances (10 %), le groupe TDF – qui n’est plus français depuis longtemps – pourrait disparaître du paysage audiovisuel et télécoms de l’Hexagone. Alors que ces fonds – Brookfield en tête – cherchent depuis quelques années à céder leurs participations en espérant dégager de fortes plus-values, le contexte économique et les conditions de marché n’ont pas encore été favorables pour leur permettre de sortir par le haut.
Le canadien Brookfield en sait quelque chose, lui qui a tenté à trois reprises de céder ses 45 % dans TDF : une première fois en 2019 mais les discussions avec Axione/Bouygues n’ont pas abouti, une seconde fois en 2021 mais sans lendemain là aussi, une troisième fois en 2022 où, après deux ans de covid-19 et malgré le début de la guerre en Ukraine, cela devait être la bonne. Cette opération financière devait même être la plus grosse attendue en France dans les télécoms depuis bien longtemps, valorisant l’ensemble de l’ex-Télédiffusion de France jusqu’à 10 milliards d’euros, dont près de 4,5 milliards pour les 45 % de Brookfield. La « culbute » s’annonçait formidable pour les fonds qui avaient acquis fin 2014 TDF pour la « modique » somme de 3,6 milliards d’euros, dont 1,4 milliard de dette à l’époque. La position dominante de TDF sur son marché domestique de la radiodiffusion profitait déjà aux fonds, comme c’est toujours le cas aujourd’hui (2). Hélas, cette troisième tentative de Brookfield et de ses fonds partenaires a elle aussi échoué début 2023 sur les récifs des crises énergétiques, inflationnistes et guerrières. L’acquéreur déclaré, le fonds suédois EQT, a rencontré des difficultés de financement et le méga-deal n’a finalement pas abouti (3). A défaut d’avoir pu sortir dans des conditions acceptables, les fonds actionnaires font pression sur la direction de TDF pour sortir de l’impasse, quitte à la convaincre de démanteler leur « poule aux œufs d’or ».

Fondé il y a 50 ans, le fabricant high-tech taïwanais Foxconn devient de plus en plus « intelligent »

Vous pensiez que le fabricant taïwanais Foxconn, célèbre fournisseur d’Apple pour ses iPhone, était tout juste bon à assembler des smartphones. Erreur : Hon Hai Precision Industry – son vrai nom – est devenu en 50 ans une Big Tech mondiale misant elle aussi sur l’intelligence artificielle.

(Le 5 juin, Hon Hai a annoncé une hausse de 22 % sur un an de son chiffre d’affaires en mai 2024)

1974-2024. Lorsque Terry Gou (photo) a créé Hon Hai Precision Industry Co, il y a 50 ans à Taïpei, capitale de Taïwan, il n’imaginait pas que son entreprise de fabrication de connecteurs électriques pour composants informatiques allait devenir le premier sous-traitant mondial dans la fabrication d’appareils électroniques grand public et le seul fabricant mondial – du moins jusqu’en 2012 – d’iPhone, d’iPad et d’iPod Touch pour le compte d’Apple, dont il est toujours le principal fournisseur.

Puces, serveurs IA, véhicules électriques, …
Mais la marque à la pomme n’est pas la seule à se faire fabriquer chez Foxconn – surnom de Hon Hai issu de sa première marque emblématique : il y a aussi Dell, HewlettPackard, IBM, Microsoft ou encore Cisco, du côté des Etats-Unis, ainsi que Huawei, Lenovo, Nintendo, Sony, Toshiba ou encore Xiaomi, du côté de l’Asie, auxquels il faut ajouter le finlandais HDM qui fait fabriquer pour la marque Nokia. Mais au-delà de son activité historique de sous-traitant arrivée à maturité, Hon Hai a su se diversifier : dans les véhicules électriques (1), l’IA (notamment dans les serveurs de calcul haute performance pour IA générative), les semiconducteurs, la robotique et les satellites en orbite basse, en faisant jouer à plein son savoir-faire d’un demi-siècle dans les composants, les modules, l’assemblage de système, les circuits intégrés, et les logiciels. Sans oublier la fabrication de téléviseurs depuis 2012 avec l’électronicien japonais Sharp, dont Hon Hai détient 34,1 % du capital après une prise de contrôle en 2016.
Résultat : en 2023, le groupe Hon Hai a dégagé un bénéfice net de 4,6 milliards d’euros (2) en réalisant un chiffre d’affaires de 199,7 milliards d’euros (3). Malgré une légère baisse de ces revenus annuels de -7 %, il s’agit tout de même du second record historique. Le PDG actuel, Young Liu, qui a succédé au fondateur Terry Gou (73 ans) le 1er juillet 2019, a revu en mars dernier ses prévisions 2024. Au lieu d’une « perspective neutre » pour cette année envisagée en novembre dernier lors de la précédente conférence des investisseurs, il s’attend maintenant à une « croissance significative ». A l’occasion de l’annonce le 15 mai dernier d’un accord avec l’allemand Siemens autour de « l’usine du futur », Young Liu s’est montré enthousiaste pour l’avenir de Hon Hai : « Foxconn se transforme en un fournisseur de solutions de plateforme pour la fabrication intelligente, les véhicules électriques intelligents et les villes intelligentes » (4). La robotisation et les jumeaux numériques font partie intégrante de la fabrication, tout comme désormais l’intelligence artificielle. La croissance de Foxconn sera aussi portée par ses puissants serveurs d’IA et ses composants pour centres de données d’IA (5) capables de répondre à la forte demande due à l’explosion des IA générative. « Dans ce segment, a indiqué le PDG de Hon Hai, la croissance annuelle des modules GPU [processeurs graphiques forts en calcul, ndlr] doublera cette année, tandis que le chiffre d’affaires du secteur des serveurs IA devrait dépasser 40 % sur un an et représenter plus de 40 % de l’ensemble des activités de serveurs » (6). Même Sharp déficitaire, lourdement déprécié dans les comptes de Hon Hai, pourrait rebondir avec l’IA.