La nouvelle chaîne publique Franceinfo annonce-t-elle une extension de la redevance à tous les supports ?

Lancée le 31 août sur Internet et le 1er septembre sur la TNT par France Télévisions, Radio France, France Média Monde et l’Ina, la chaîne publique d’information Franceinfo pourrait être un prétexte à une hausse de la redevance audiovisuelle et son extension à tous les terminaux numériques.

Sachant que le budget d’une chaîne d’information en continu varie de 30 à 60 millions d’euros par an, la nouvelle concurrente de BFM TV, d’iTélé et de LCI aura-t-elle les reins assez solides pour se faire une place durable sur
ce segment de marché de l’audiovisuel concurrencé
par Internet ? Car, pour l’heure, la chaîne publique d’information Franceinfo, que dirige Stéphane Dubun (photo) depuis le 1er août, doit se contenter d’un
« investissement initial » inférieur à 10 millions d’euros.

« Multimédia et multisupport »
Cependant, selon le rapport du député PS Jean-Marie Beffara publié le 13 juillet dernier, le coût total s’élève « pour l’ensemble des partenaires [France Télévisions, Radio France, France Média Monde et l’Ina, ndlr], à 16,5 millions d’euros en 2016,
25,6 millions d’euros en 2017, et 29,8 millions d’euros dès lors que le lancement de
la chaîne sera stabilisé ». Or, à ce stade, il n’est pas prévu de revoir à la hausse la contribution à l’audiovisuel public (CAP) que constitue la redevance télé. Du moins, pour l’instant… Lancée le 31 août sur Internet et le lendemain sur la TNT, la chaîne publique d’information veut être « l’offre numérique d’information de référence » en étant diffusée en mode « multimédia et multisupport ». Cette disponibilité sur tous les terminaux numériques – et pas seulement sur le téléviseur – démontre l’ambition de l’audiovisuel public de penser cette chaîne de télévision au-delà du petit écran traditionnel.
Mais n’est-ce pas aussi une manière de préparer les esprits à un audiovisuel public financé par une redevance qui ne dépenderait plus de la seule détention du poste de télévision ? Le député abonde dans ce sens en parlant de « réforme de bon sens au regard du positionnement numérique de la nouvelle chaîne » et en rappelant que, depuis la loi de Finances initiale pour 2016, « les crédits budgétaires en faveur de l’audiovisuel public n’existent plus ». Et d’expliquer : « La CAP, complétée par une part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (1), financent désormais intégralement l’audiovisuel public : ce mode de financement renforce encore l’urgence de la réforme [de l’assiette de la CAP], tant sur le plan financier que sur le plan de la justice fiscale ». Le rapporteur plaide ainsi en faveur d’« une réforme qui s’inscrirait dans une approche neutre du point de vue des supports utilisés pour accéder au service public audiovisuel ». Chaque foyer fiscal paierait une seule fois la nouvelle redevance audiovisuel – 137 euros actuellement (2) – quel que soit le support utilisés, quand bien même il en détiendrait plusieurs. En théorie, un élargissement de l’assiette de la redevance télé à tous les foyers français pourrait rapporter encore plus que les quelque 3,6 milliards d’euros de 2015, dans la mesure où 3,3% d’entre eux déclarent aujourd’hui ne pas posséder de téléviseur et échappent donc à cette redevance. Pour ne pas pénaliser la jeune génération, le député souhaite néanmoins que soit instauré un demi-tarif (68 euros) pour les jeunes (3). France Télévisions est le premier groupe audiovisuel public à bénéficier de la redevance audiovisuelle, à hauteur de plus de 2,3 milliards d’euros – soit près de 65% de cette manne fiscale (4). Aussitôt sa prise de fonction à France Télévisions il y a un an, le 22 août 2015, comme présidente, Delphine Ernotte Cunci – ex-directrice d’Orange France – s’est dite favorable à une extension
de la redevance audiovisuelle aux écrans numériques. Elle avait même alors précisé devant l’Association des journalistes médias (AJM) qu’elle était favorable à une réforme de la redevance à l’allemande, en l’élargissant à d’autres supports : «On peut “fiscaliser” cette redevance en la faisant dépendre son montant du niveau de revenu pour une grande justice sociale, et pourquoi pas le prélever à la source », avait-elle déclaré (5). En 2013, notre voisin outre-Rhin a en effet réformé sa redevance en l’appliquant à tous les foyers fiscaux allemands quel que soit le nombre d’écrans utilisés. Et le montant de cette contribution a été fixé de façon forfaitaire à 17,98 euros par mois, soit près de 216 euros par an. C’est environ 60 % de plus qu’en France.
Les prochains débats prévus à l’automne sur le projet de loi de Finances 2017 ne manqueront pas d’aborder la question qui revient régulièrement depuis quelques années. D’autant que Franceinfo aura alors quelques mois de fonctionnement.

Projet de loi de Finances 2017
Le rapport sur l’avenir de France Télévisions, coordonné par Marc Schwartz (ex-directeur financier de France Télévisions) et remis en février 2015 à Fleur Pellerin (6) avait déjà recommandé au gouvernement « que l’élargissement de l’assiette de la
CPA soit mis en chantier dès maintenant, pour pouvoir être voté, dans la mesure du possible, dès le projet de loi de Finances pour 2016 ». @

Charles de Laubier

Et si la France faisait entrer le haut débit, voire la fibre optique, dans le contenu du service universel?

Le service universel des télécoms n’a pas évolué depuis… 1999 ! Tablant sur un financement mixte public-privé du « Plan France Très haut débit », afin de tenter de connecter toute la population d’ici 2022, la France n’a même pas mis le simple haut débit dans ce dispositif social à prix réduit.

« En Europe, la France doit (…) convaincre l’Union européenne de la nécessité d’inscrire le très haut débit dans le cadre du service universel à fournir aux Européens dans les dix ans
à venir ». C’est une recommandation surprise qu’a faite l’exsecrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, Geneviève Fioraso (photo), dans son rapport
« Open Space » remis le 26 juillet dernier au Premier ministre (1). C’est même une proposition que l’on n’attendait pas du tout d’une mission, confiée par Manuel Valls, sur la filière spatiale (2).

Plan Très haut débit insuffisant
Au passage, la députée PS de l’Isère égratigne un peu le déploiement de la fibre optique sur toute la France, en laissant entendre que l’échéance de 2022 – chère au président de la République, François Hollande – ne sera pas tenue et que cela serait hors de prix : « Si ce déploiement se déroule aujourd’hui rapidement dans les zones
les plus denses et les plus rentables, la fibre ne devrait pas couvrir plus de 80 % de
la population d’ici 2022, pour un coût d’investissement public/privé estimé entre 15
et 20 milliards d’euros. Il faudra probablement 15 à 20 milliards d’euros et dix ans supplémentaires pour couvrir en fibre les 20 % restants ». C’est là que le recours au dispositif du service universel pourrait non seulement palier aux insuffisances des investissements des opérateurs télécoms et des collectivités locales, mais aussi rendre le très haut débit accessible aux plus démunis. A l’heure où le chômage en France culmine à 10 % de la population active (3,5 millions de personnes) et où l’on compte près de 8 millions de pauvre (selon l’Insee), la question même de l’évolution du contenu du service universel mériterait d’être à l’ordre du jour.
Mais comment imaginer que le gouvernement français puisse plaider sérieusement auprès de la Commission européenne pour l’intégration du très haut débit dans le service universel, alors que la France n’y a jamais mis ne serait-ce que le haut débit
de base ? Car bien que les composantes du service universel soient limitées à trois (téléphonie fixe, annuaires-renseignements téléphoniques et publiphonie) par le droit européen, en l’occurrence la directive « Service universel » de 2002 modifiée en 2009, Bruxelles laisse cependant les Etats décider en ce qui concerne le haut débit fixe – mais pas le haut débit mobile, la téléphonie mobile restant exclue du service universel en raison de la forte concurrence tarifaire. Toutefois, pour l’élargissement au haut débit fixe, la Commission européenne veille à ce qu’il n’y ait pas de distorsion de concurrence. Comme la France n’a jamais jugé bon de mettre le haut débit dans le service universel, ce dernier n’a pas évolué depuis un certain décret du 9 mars 1999… La fourniture de services d’accès à Internet à haut débit s’en trouve toujours exclue ; seul l’accès à un réseau prenant notamment en charge « les communications de données à des débits suffisants pour permettre un accès fonctionnel à l’Internet » est compris dans la composante « téléphonie fixe » du service universel. Et ce n’est pas faute, pour le Conseil Constitutionnel, d’avoir considéré dans sa décision « Hadopi » du 10 juin 2009 que l’accès à l’Internet faisait partie des libertés fondamentales garanties par la Constitution de 1958 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme (3) (…) Ce droit implique la liberté d’accéder à ces services [en ligne]». De là à dire que ne pas mettre l’accès haut débit à Internet dans le service universel est donc contraire à la Constitution, il n’y a qu’un pas.
Jacques Pomonti, alors président de l’Association française des utilisateurs de télécommunications (Afutt), avait rappelé en février 2014 à Edition Multimédi@ qu’il avait déjà défendu cette idée-là en 2000 auprès du ministre de l’Industrie de l’époque, Christian Pierret, lequel l’avait porté – mais sans succès – au niveau du Conseil des ministres européens (4). « L’inclusion d’Internet haut débit dans le service universel fait malheureusement toujours défaut », avait déjà déploré l’eurodéputé et rapporteur du Paquet télécom Catherine Trautmann, à l’occasion du Conseil européen du numérique d’octobre 2013.

Reste encore à convaincre l’Europe
En tout cas, cette question a l’appui du Comité économique et social européen (Cese). Mais les opérateurs télécoms, eux, sont hostiles à cet élargissement. « Un financement par l’Etat ou un financement mixte est également possible et même encouragé par la Commission européenne dans sa communication (…) de 2011, en cas d’inclusion dans le périmètre du service universel de l’accès à un réseau fixe à haut débit », a toutefois rappelé en octobre 2014 le rapport parlementaire Camani-Verdier consacré à l’évolution du service universel. @

Charles de Laubier

Aides d’Etat à la presse : coup de pouce au digital

En fait. Le 27 août, est paru le décret daté de la veille consacré « au soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse et réformant les aides à la presse ». Il crée notamment un Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse, destiné aux « nouveaux médias d’information ».

En clair. Cette réforme des aides d’Etat à la presse est la bienvenue, en ce qu’elle prend mieux en compte l’émergence des « nouveaux médias d’information », lesquels étaient jusqu’alors moins bien lotis. Comme le soulignait le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil), les aides publiques allaient en très grande majorité au seul support papier pourtant en décroissance. « Le Fonds stratégique pour le développement de la presse ne représente que 8 % des aides directes, et moins de 1% du total des aides. (…) L’introduction de telles distorsions est de nature à freiner l’adaptation de la presse à l’évolution des usages », déplorait-il lors de la publication
fin juin de son bilan détaillé et richement illustré (1) de ces aides d’Etat.
Elles se sont élevées à 1,4 milliard d’euros en 2015, soit 19% du chiffre d’affaires de la presse française en général et même 22,5 % pour la presse d’information politique et générale, dite IPG (Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien, …). Ce montant est constitué essentiellement des aides indirectes, à commencer par des tarifs postaux préférentiels et des exonérations foncières (2). Comment expliquer surtout que les aides publiques directes à la presse soient très majoritairement attribuées au support papier, alors que la presse se lit autant en numérique qu’en version imprimée ? Quant aux aides indirectes de l’Etat, elle ne s’élèvent qu’à 108 millions d’euros en 2015 incluant un petit 1% pour l’innovation. Autant dire que la presse numérique recueille
des miettes de ce vaste gâteau. C’est ce que tente de corriger le décret du 27 août.
Les appels à projets seront lancés avant la fin de l’année. Le nouveau Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse sera doté de 2 millions d’euros dès cette année, somme qui sera augmentée l’année prochaine. Ces aides seront attribuées sous forme de bourse de 50.000 euros maximum, d’aides aux prestataires de nouveaux médias, ou encore d’aides aux programmes de recherche innovants.
Quant au Fonds stratégique pour le développement à la presse, il sera élargi « aux titres de presse en ligne de la connaissance et du savoir et à tous les titres de presse d’IPG, quelle que soit leur périodicité ». La réforme des aides à la presse avait été engagée par la précédente ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin. @

Chronologie des médias : énième reprise des négos

En fait. Le 23 août, Netflix a confirmé au magazine américain Variety et à L’Express qu’il fermait son bureau parisien. Mais son service de SVOD, lancé
en France il y a deux ans, reste ouvert. La chronologie des médias, elle, est entrée dans un nouveau round de négociations depuis le 22 juin dernier.

En clair. Pas facile de développer un service de vidéo à la demande en France, qu’il soit à l’acte ou par abonnement. La chronologie des médias, dont les règles strictes actuelles sont en vigueur depuis 2009 (une éternité à l’heure d’Internet), est l’un des principaux obstacles – si ce n’est le premier – au décollage de ce marché en mal de croissance. Cette fermeture de Netflix France, dont les activités et les quelque 500.000 abonnés vont relever désormais du quartier général européen de l’américain aux Pays-Bas, est révélatrice d’un malaise.
Cette décision n’est sans doute pas étrangère aux difficultés rencontrées pour faire bouger les lignes en France. La VOD par abonnement (SVOD) ne peut y proposer de nouveaux films que 36 mois après leur sortie dans les salles de cinéma, lesquelles bénéficient en outre d’un monopole de quatre mois avant la VOD à l’acte et la sortie des films en DVD.
C’est dans ce contexte que le CNC a relancé le 22 juin dernier les énièmes négociations pour tenter de faire évoluer la chronologie des médias empêtrée dans statu quo que beaucoup dénoncent. « [Il faut] faire disparaître toute chronologie entre les médias. Aujourd’hui, les films de super-héros sur Canal+ ne font pas d’audience, car les gamins les ont déjà piratés. La loi est anachronique », a lancé fin juin Vincent Maraval, directeur fondateur de Wild Bunch, distributeur et producteur de films ainsi qu’éditeur du service de VOD Filmo TV (1).
La chaîne payante du groupe Vivendi a de son côté tenu à rassurer les professionnels du cinéma français en les réunissant le 4 juillet dernier après des mois d’inquiétude (2) : Canal+ restera leur premier pourvoyeur de fonds du cinéma. En contrepartie, la chaîne cryptée fait pression sur la filière française du Septième Art pour que la chronologie des médias évolue en sa faveur : en réduisant à 8 mois le délai de sa fenêtre de diffusion, actuellement de 10 mois après la sortie des films en salles. Se pose aussi la question du dégel des droits durant les fenêtres des chaînes de télévision, lesquelles détiennent une exclusivité (la VOD devant alors suspendre la commercialisation des films concernés…). Quant aux salles de cinéma, réunies au sein de la FNCF ou de Cinéo (3), elles ne veulent toujours pas entendre parler de réduction de la fenêtre des quatre mois pour la VOD à l’acte. Le CNC réussira-t-il à leur imposer des dérogations à trois mois ? @

Pokémon Go devrait atteindre 1 milliard de dollars cumulés de chiffre d’affaires dès cet automne !

L’engouement fulgurant et planétaire pour l’application mobile Pokémon Go, créée par l’Américain John Hanke, fondateur et dirigeant de la start-up Niantic, est sans précédent. Il pourrait lui faire gagner beaucoup d’argent, ainsi qu’à ses actionnaires : The Pokemon Company, Alphabet (Google) et Nintendo.

Lancée mondialement en juillet sur App Store et sur Google Play, l’application de jeu sur mobile Pokémon Go – éditée par
la start-up américaine Niantic – a généré en deux mois (juillet et août) plus de 310 millions de dollars de chiffre d’affaires cumulé. C’est ce qu’a indiqué à Edition Multimédi@ Randy Nelson, spécialiste mobile de la société de développement Sensor Tower, qui a révélé les premières estimations.
Pokémon Go a ainsi surpassé les autres jeux mobile du moment : Clash Royale lancé par Supercell en mars, Candy Crunsh Soda Saga édité par King Digital, et Angry Birds 2 de Rovio. A observer la courbe de progression exponentielle des revenus de ce jeu-phénomène de réalité augmentée, il y a fort à parier que le cumule atteigne dès cet automne 1 milliard de dollars de recettes ! « C’est possible », nous répond Randy Nelson. La société d’analyse App Annie prévoit, elle, que ce seuil sera atteint d’ici la fin de l’année. Le démarrage sur les chapeaux de roues du jeu de Niantic est du jamais vu pour un jeu sur mobile, selon le Guinness des Records qui a certifié le record de 130 millions de téléchargement effectués en un mois de par le monde depuis le lancement initial de Pokémon Go le 6 juillet dernier – et le 24 juillet en France – et de 100 millions de dollars collectés en tout juste vingt jours (1). En quelques jours, il est devenu un jeu de référence planétaire et déjà mythique.

Devant WhatsApp, Instagram, Snapchat et Facebook
La société SocialBakers, spécialisée dans le marketing sur réseaux sociaux, constate que l’appli ludique de Niantic s’est rapidement retrouvée plus utilisée que WhatsApp, Instagram, Snapchat ou même Facebook Messenger. Se promener et chasser, plutôt que de s’exhiber et chatter… Les joueurs utilisent la technologie satellitaire GPS pour traquer et capturer Pikachu, Dracolosse, Ronflex, Bulbizare, Carapuce, Rinoferos et autres monstres virtuels situés sur la cartographie fidèle aux lieux, bien réels eux, arpentés par les Pokémonmaniaques. Les créatures imaginaires y sont représentées en réalité augmentée, technologie permettant de faire apparaître des éléments virtuels dans le monde réel.
En se déplacement physiquement, dans la plupart des pays cartographiés pour Google Maps, le mobinaute se déplace dans le jeu à la recherche de Pokémon, de Pokéstops et d’arènes (2).

Du free-to-play au app-to-store
Et cette Pokémonmania, qui fait sortir les gamers et leurs avatars de chez eux, va rapporter gros non seulement à la start-up californienne Niantic – fondée en 2010 au sein de Google par le créateur du jeu, John Hanke (photo de Une), avant de devenir une entreprise indépendante en octobre 2015 – mais aussi à ses trois principaux actionnaires : Alphabet (Google), The Pokémon Company et Nintendo. Le jeu est
free-to-play, mais la gratuité a vocation à générer du chiffre d’affaires selon un modèle économique imparable. Si la plupart des joueurs se contentent de jouer sans rien
payer, une proportion non négligeable consentent à acheter des outils virtuels qui
leur permettent de progresser plus vite dans les niveaux de jeu.
D’après la société d’analyses AppsFlyer, environ 5 % des utilisateurs de ces jeux
free-to-play font des achats dans l’appli (in-app) pour une dépense de près de 10 dollars par mois en moyenne (3). Ainsi, il est par exemple possible d’acheter 100 PokéCoins pour 0,99 dollar, 1.200 PokéCoins pour 9,99 dollars, jusqu’à 14.500 PokéCoins pour 99,99 dollars.
Bien que les petits ruisseaux fassent les grandes rivières, ces petites dépenses in-app ne suffiront pas seules à Niantic pour franchir la barre du 1 milliard de dollars de recettes. Pour y parvenir, l’entreprise de John Hanke table en outre sur les lieux sponsorisés que des annonceurs et/ou des commerçants proposeront aux chasseurs de Pokémon avec l’espoir que ces derniers deviennent clients. Le potentiel de recettes issues du app-to-store, le pendant du web-to-store destiné à faire venir les mobinautes dans les magasins pour les inciter à dépenser, est sans limite. Au Japon, par exemple, Pokémon Go a noué un partenariat avec la chaîne de fast-food américaine McDonald’s. « Puisque l’on peut attirer les personnes dans des lieux physiques, nous pouvons faire quelque chose que ne peuvent pas faire beaucoup d’autres formes de publicité », s’est félicité John Hanke lors d’une conférence organisée par Venture Beats. Des Pokéstops à ce que nous pourrions appeler des « Pokéshops », il n’y aurait que quelques pas !
De ces lieux sponsorisés, Niantic en attend beaucoup après avoir éprouvé le modèle économique dans son autre jeu, Ingress, à partir duquel Pokémon Go a été développé. « Dans un premier temps, on peut aisément imaginer les marques développer des partenariats drive-to-store avec Pokémon Go afin d’attirer les joueurs vers des points de vente de marque », explique Marie Dollé, directrice des contenus et stratège numérique chez Kantar Media. Par ailleurs professeure en stratégie marketing digital à l’Ecole supérieure de publicité (ESP), elle voit dans ce jeu de gaming mobile de réelles opportunités publicitaires : « Dans une ère du tout connecté, les marques recherchent avant tout à générer de l’engagement avec leurs publics. Ainsi pour les parents gamers qui se plongent dans leurs écrans de 17 à 20 heures, 90 % en font une activité familiale avec les enfants. De quoi offrir de belles perspectives aux annonceurs notamment dans le domaine de la publicité ». Et de citer des marques qui ont déjà investi le créneau de la réalité augmentée, voire virtuelle : Nescafé du groupe Nestlé, les hôtels Marriott ou encore l’équipementier sportif North Face. « Avec la réalité virtuelle, on entre vraiment dans un dispositif virtuel complètement coupé du monde. On est dans une expérience immersive. (…) Dans ce contexte, on comprend aisément que Pokémon Go est bien plus qu’un jeu. Il peut s’envisager comme un puissant outil au service du storytelling des marques », ajoute Marie Dollé.

Ce jeu semble couronner vingt ans de succès d’une franchise créée par le Japonais Satoshi Tajiri avec la sortie en 1996 des tout premiers jeux vidéo Pocket Monsters – dont la contraction Pokémon est devenu mondialement célèbre – sur les Game Boy du fabricant nippon Nintendo. Ce dernier détient aujourd’hui 32 % des droits de vote de The Pokemon Compagny, société créée en 1998 pour gérer la franchise, aux côtés
de Creatures et Game Freak. Nintendo perçoit à ce titre des droits de licence et une rémunération pour sa participation au développement et à la gestion de Pokémon Go, mais la firme a précisé cet été que les ventes auraient un impact limité sur ses résultats. Cela n’a pas empêché la firme japonaise de voir son cours de Bourse plus que doubler à Tokyo depuis la sortie du jeu, jusqu’à l’annonce le 28 juillet dernier de
ses résultats financiers trimestriels jugés décevants.

Pokémon Go Plus en septembre
Nintendo, qui a néanmoins maintenu son objectif de doubler son bénéfice net annuel à 35 milliards de yens (plus de 300 millions d’euros) à fin mars 2017 pour un chiffre d’affaires global de 500 milliards de yens (plus de 4,3 milliards d’euros), va lancer courant septembre un petit bracelet baptisé Pokémon Go Plus (à 40 euros pièce) afin d’attraper plus facilement des Pokémon sans avoir à ouvrir l’application, et monter ainsi plus rapidement dans ce jeu de niveaux. @

Charles de Laubier