L’affaire « FranceSoir » tourne au bras de fer avec l’Etat, autour de son statut de « service de presse en ligne »

Relancé sans succès il y a dix ans sous forme de magazine en ligne, FranceSoir – successeur du célèbre quotidien France Soir liquidé en 2012 – est depuis 2014 dirigé par un entrepreneur, Xavier Azalbert. Il se bat aujourd’hui pour garder son statut de « service de presse en ligne » que la CPPAP voudrait lui retirer.

Qu’il est loin le temps où France Soir – fleuron de la presse française durant les Trente-Glorieuses – tirait chaque à plus de 1 million d’exemplaires imprimés (1). La chute du premier quotidien national de l’époque – créé par Pierre Lazareff après avoir repris le journal clandestin et résistant Défense de la France pour le rebaptiser en 1944 France Soir – n’est plus que de l’histoire ancienne.
La crise de la presse sur fond de tsunami numérique est passée par là (2). C’est le 13 décembre 2011 que France Soir imprime sa dernière édition papier, pour basculer ensuite entièrement sur le Web et les mobiles. Ainsi en avait décidé son propriétaire d’alors, le Russe Alexandre Pougatchev. Le quotidien était passé sous la barre des 70.000 exemplaires (3). La liquidation judiciaire de France Soir sera prononcée le 23 juillet 2012 et ses actifs seront revendus à une société de e-paiement, Cards Off, qui lancera l’année suivante le site FranceSoir.fr mais sans succès. C’est en 2014 que Xavier Azalbert (photo), ancien conseiller de McKinsey devenu entrepreneur financier, entre en scène en tant que président de Mutualize Corporation (ex- Cards Off), et, à partir de 2016, président et directeur de la publication FranceSoir. Le nombre de ses journalistes est réduit et le site web gratuit publie des dépêches AFP pour assurer tant bien que mal une information en continu.

Un site de presse en ligne controversé
Lorsqu’une grève est déclenchée par la rédaction de FranceSoir à partir de fin août 2019, il ne reste plus que quatre journalistes titulaires. Dénonçant la dégradation de leurs conditions de travail, ils seront tous licenciés par Xavier Azalbert « pour motif économique » au mois d’octobre suivant (4). Durant la crise sanitaire due au coronavirus, le « journal sans journalistes » prend fait et cause pour l’hydroxychloroquine du professeur Didier Raoult, donne la parole au professeur spécialiste des épidémies Christian Perronne et fustige les décisions sanitaires du gouvernement.
FranceSoir.fr fait en outre la part belle au documentaire controversé « Hold-Up » qui, diffusé sur les réseaux sociaux, développe sur près de trois heures une théorie conspirationniste sur la pandémie de Covid- 19 («manipulation » des gouvernants) et remet en cause la gravité de la pandémie. FranceSoir est alors accusé de verser dans le complotisme et les fake news. En janvier 2021, les anciens journalistes de la rédaction ont lancé une pétition en ligne – avec le soutien du Syndicat national des journalistes (SNJ) – pour alerter la ministre de la Culture, alors Roselyne Bachelot, et interpeller le propriétaire du journal, Xavier Azalbert, « sur les dérives déontologiques récurrentes de ce média » (5). Cette pétition compte à ce jour près de 2.300 signataires (6).

L’affaire « FranceSoir » devient politique
La locataire de la rue de Valois s’empare alors de l’affaire : « J’ai demandé que soit réexaminé le certificat d’IPG (information politique et générale) délivré au service de presse en ligne #FranceSoir, dont le terme est en principe septembre 2022, afin de vérifier dès maintenant que ses conditions d’octroi sont bien toujours respectées », tweete Roselyne Bachelot le 29 janvier 2021 (7). Un audit anticipé de l’agrément de FranceSoir.fr est donc effectué le mois suivant (en février), pour aboutir finalement au maintien de l’agrément par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP). « La preuve a été apportée de la présence de deux journalistes permanents et quatre pigistes », justifiera la rue de Valois auprès de l’AFP le 9 avril 2021. Le SNJ dénonce aussitôt : « Xavier Azalbert [peut] poursuivre la diffusion de fausses informations et de thèses complotistes avec l’aval de la CPPAP » (8). Google, lui, se met à désindexer dès février 2021 des milliers d’articles de FranceSoir.fr de son moteur de recherche, puis supprime en mars sa chaîne YouTube, avant d’empêcher le journal en ligne d’accéder à la plateforme publicitaire Google Ads. FranceSoir porte plainte contre le géant du Net – qu’il accuse de censure – devant le tribunal de commerce de Paris, mais l’éditeur sera débouté en septembre 2022, jugement dont il a fait appel (9).
Alors que le certificat de service de presse en ligne de FranceSoir doit arriver à échéance en septembre 2022 également, Xavier Azalbert avait déposé sa demande de renouvellement auprès de la CPPAP qui lui en accusera bonne réception le 22 juillet 2022. Cette commission est présidée par un membre du Conseil d’Etat – Laurence Franceschini (photo ci-contre) depuis février 2017 – et son secrétariat est assuré par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), la tête de pont du gouvernement au sein du ministère de la Culture. « C’est par voie de presse le 30 novembre 2022 que la rédaction de FranceSoir a appris la décision du ministère de la Culture de ne pas renouveler l’agrément CPPAP du journal, et plus particulièrement son certificat d’IPG. Selon la CPPAP, FranceSoir présenterait un “un défaut d’intérêt général” et nos contenus publiés à propos de la crise du Covid-19 porteraient “atteinte à la protection de la santé publique”», s’est alors étonné le directeur de la publication, Xavier Azalbert, le 2 décembre dernier (10). La décision de la CPPAP de ne pas renouveler le certificat de service de presse en ligne de FranceSoir, qu’elle lui avait pourtant maintenu en mars 2021, est prise – après avis du ministère de la Santé (11) – lors d’une séance le matin du 30 novembre 2022. « La CPPAP supprime (enfin) l’agrément de FranceSoir.fr», se réjouit le SNJ. FranceSoir – via sa maison mère la société Shopper Union France – fait appel le 22 décembre 2022 de cette décision datée officiellement du 5 décembre en demandant en référé sa suspension. L’éditeur s’inquiète de« l’interférence du gouvernement dans cette décision de la CPPAP » (12) et dénonce en référé le fait qu’elle « méconnaisse la liberté d’expression garantie par l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le principe de pluralisme des médias, le principe d’égalité, la garantie des droits, la séparation des pouvoirs ». Censure d’Etat ?
La société Shopper Union France demande en outre au tribunal administratif de Paris – par un mémoire enregistré le 4 janvier 2023 – de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur « la licéité de l’existence de la CPPAP en tant qu’instance chargée de garantir le pluralisme des médias (13) alors qu’elle est rattachée au ministère de la Culture et ipso facto au gouvernement » (14). A la suite d’une audience qui s’est tenue le 6 janvier dernier, le tribunal administratif de Paris rend une ordonnance le 13 janvier 2023 qui suspend l’exécution de la décision de la CPPAP et enjoint cette dernière de rétablir le régime d’aide dont bénéficiait FranceSoir.fr jusqu’alors. L’intervention de l’Association de la presse française libre (APFL), qui permet depuis 2020 de défiscaliser des dons faits à des titres de presse (la plupart d’extrême-droite), dont FranceSoir, a été jugé recevable. Quant à la QPC posant « la question de la licéité, de l’existence même de la CPPAP » (15), elle a été transmise au Conseil d’Etat (16). La société Shopper Union France pointe, par ailleurs, le fait que la conseillère d’Etat et présidente de la CPPAP, Laurence Franceschini, « a pris publiquement parti quant à la sanction qu’elle souhaitait infliger à FranceSoir» (17) lors d’une audition de la commission Bronner qui a remis le 11 janvier 2022 à Emmanuel Macron à L’Elysée (18), soit près d’un an avant la sanction, son rapport intitulé « Les lumières à l’ère du numérique ». La présidente de la CPPAP déclarait : « S’agissant en particulier du cas de FranceSoir, le seul levier dont dispose la commission serait de considérer que le site présente un “défaut d’intérêt général” en raison notamment d’allégations susceptibles de porter atteinte à la protection de la santé publique » (19).

La CPPAP est-elle partiale, voire illicite ?
La CPPAP n’aurait pas statué en toute impartialité lors de sa séance du 30 novembre 2022. Plus de dix mois avant l’examen du dossier, la conseillère d’Etat Laurence Franceschini « a pu laisser à penser qu’en cas d’examen ultérieur de la situation de ce service de presse en ligne, retient le juge des référés Jean-Pierre Ladreyt, la [CPPAP] serait susceptible de retenir ce motif pour justifier le non-renouvellement de l’agrément dont il bénéficiait ». La balle est maintenant dans le camp du Conseil d’Etat et du Conseil constitutionnel. @ Charles de Laubier

Le statut juridique et le régime applicable aux câbles sous-marins gagnent à être assouplis

Véritable « pont entre les hommes », les réseaux de câbles sous-marins en fibre optique font partie des infrastructures internationales qui se singularisent par leur technicité, leur importance vitale pour l’économie et la sécurité nationale, et leur vulnérabilité. Leur régulation hétérogène s’assouplit.

Par Marta Lahuerta Escolano, avocate counsel, Jones Day

D’après l’Union internationale des télécommunications (UIT), le câble sous-marin de communication est « un câble posé dans le fond marin, ou ensouillé à faible profondeur, destiné à acheminer des communications » (1). Les câbles sous-marins utilisent la fibre optique pour transmettre les données à la vitesse de la lumière. Un peu plus de 420 câbles sont enfouis dans les profondeurs des océans à travers le monde (2) et assurent 99 % des communications mondiales via les échanges téléphoniques et l’accès à Internet.

Plusieurs problématiques demeurent
Malgré la pose du premier câble sous-marin avec succès durant le XIXe siècle, ces infrastructures restent peu connues et plusieurs problématiques demeurent quant à leur statut juridique et au régime régissant leur construction, pose et atterrissement. Un câble sous-marin a vocation à traverser de multiples milieux : terrestre ou maritime, d’une part, et espace cyber ou physique, d’autre part. Cette hétérogénéité d’environnements rencontrés par le réseau de câble sous-marin se matérialise par un encadrement juridique dispersé (3). Le caractère international des câbles sous-marins qui relient souvent plusieurs Etats – à titre illustratif, le câble sous-marin « 2Africa » s’étend sur 45.000 km et a pour but de relier 33 pays – créé des difficultés juridiques à maints niveaux. A la question des droits conférés et obligations imposées aux constructeurs, propriétaires et poseurs de câbles traversant plusieurs Etats, se rajoute celle de la protection de ces infrastructures critiques.
L’essentiel du droit international applicable à la pose des câbles sous-marins est issu de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer – Convention de Montego Bay (CMB) du 10 décembre 1982. Elle reprend et complète les dispositions essentielles des conventions de Paris de 1884 sur la protection des câbles sous-marins et de Genève de 1958 sur le droit de la mer. La CMB fournit une division juridique de la mer en plusieurs espaces maritimes, le régime juridique international applicable étant différent dans chacun de ces espaces (4). La mer territoriale (5) fait partie intégrante du territoire souverain des Etats. En conséquence, l’Etat côtier a le droit de légiférer et règlementer la pose de câbles dans cette zone. La pose de câbles sous-marins dans la mer territoriale est souvent soumise à une autorisation administrative de l’autorité compétente pour l’utilisation du domaine public maritime. A tout le moins, les Etats côtiers exigent une demande formelle de pose de câble sous-marin émise par le poseur avec l’assistance du propriétaire du câble sous-marins. Cette autorisation peut également être assortie du paiement d’une taxe ou redevance. Ainsi, en France, la redevance applicable aux câbles sous-marins posés dans les eaux sous souveraineté française est établie par mètre linéaire de câble (6). Au-delà de la mer territoriale, la CMB pose un principe de liberté selon lequel tous les Etats ont le droit de poser des câbles sousmarins sur le plateau continental (7) – fonds marins et leur sous-sol au-delà de la mer territoriale de l’Etat côtier (8) – et dans la zone économique exclusive (ZEE) (9). Cependant, cette liberté reste soumise aux pouvoirs réservés à l’Etat côtier qui peut prendre des mesures raisonnables pour protéger ses îles artificielles, ouvrages et installations déployées dans ces zones ou pour garantir l’exercice de son droit d’exploration et d’exploitation du plateau continental (10).
En principe, l’Etat côtier ne devrait pas soumettre la pose de câbles sous-marins à une autorisation dans cette zone. Il peut en revanche demander à ce que le tracé des câbles sousmarins dans cette zone lui soit communiqué. Il pourra ainsi demander sa modification le cas échéant. En conséquence, dans cette zone, la pose de câble est libre en prenant en compte les droits et obligations de l’Etat côtier.
La liberté en matière de pose de câbles sous-marins n’est totale qu’en haute mer ou dans les eaux internationales – tout l’espace maritime qui s’étend au-delà de la ZEE et du plateau continental (11) – où tous les Etats, côtiers ou non, ont « la liberté de poser des câbles et des pipelines sous-marins » (12).

Droits régional, national et privé
Les sources internationales du droit applicable aux câbles sous-marins sont complétées par un ensemble de sources régionales, bilatérales et multilatérales.
Droit régional. Des organismes régionaux se sont intéressés à l’encadrement des câbles sous-marins en formulant des lignes et directives à l’attention de leurs Etats membres. Tel est le cas de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui à travers un règlement de 2012, a adopté un ensemble de règles fixant les conditions d’accès aux stations d’atterrissement des câbles sous-marins (13). Ainsi, en son article 4.1, le règlement impose aux Etats membres d’encourager l’octroi des licences aux nouvelles stations d’atterrissement des câbles sousmarins. Afin de favoriser un accès équitable à la bande passante, les Etats membres doivent veiller, lorsqu’ils attribuent des licences aux opérateurs, à y insérer des dispositions sur l’accès ouvert aux stations d’atterrissement de câbles et sur la mise à disposition de capacités internationales sur une base non discriminatoire (14).
Certaines conventions bilatérales et multilatérales organisent également les rapports des Etats en matière de pose de câbles sous-marins. On pourra citer, à titre d’exemple, l’accord conclu en 2009 entre l’Estonie, la Lettonie la Lituanie et la Suède prévoyant la construction d’un câble sous-marin à haute tension sous la mer Baltique.

La régulation nationale s’assouplie
Droit national.
Les réseaux de câbles sous-marins sont soumis au droit international, mais sont également encadrés par les législations nationales. Dans l’ordre interne, les Etats souverains soumettent la pose, l’atterrissement et l’exploitation des câbles sous-marins à divers régimes juridiques. Les câbles sous-marins sont ainsi régis par divers domaines de droit, en particulier, le droit des communications électroniques (s’agissant de réseaux de communications électroniques), le droit public et immobilier (notamment les règles du domaine public maritime), le droit environnementale (notamment des études l’impact sur l’environnement, le milieu marin ou autre), le droit de la propriété industrielle (droit d’inventeur), le droit de la cybersécurité, le droit de la défense et le droit pénal (dont les sanctions en cas de détérioration du réseau).
Ainsi, en France, la pose des câbles sous-marins s’apparente à l’utilisation du domaine public maritime. Or, il résulte de l’article L.2124-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) que de telles utilisations doivent se faire par le biais de concessions d’utilisation du domaine public (15). Il existe toutefois une procédure permettant d’obtenir de simples autorisations temporaires lorsque le projet de câble n’a pas vocation à être ouvert au public par exemple. En vertu du CGPPP, la demande doit être adressée au préfet maritime du département dans lequel la pose du câble doit s’opérer et, lorsque la demande concerne plusieurs départements, un seul préfet chargé de coordonner l’instruction de la demande sera nommé suivants les dispositions du décret de 2004 relatif aux pouvoirs des préfets (16).
Aujourd’hui, les législations nationales en matière de pose de câbles sous-marins s’assouplissent de plus en plus dans le but d’offrir le cadre juridique le plus attractif possible pour favoriser l’implantation de nouveaux câbles sous-marins. Cette tendance s’illustre en France par la circulaire du Secrétaire général de la mer du 13 novembre 2020 (17) qui a pour but de rationaliser les procédures administratives en matière de câbles sous-marins de communication. Cet effort de simplification est très bienvenu pour les porteurs de projets de câbles sous-marins internationaux. La complexité d’un dossier n’est pas seulement technique, les négociations peuvent être longues avec les gouvernements et toutes les parties prenantes. Toute initiative visant à faciliter le déploiement du câble sera prise en considération par les propriétaires de câbles pour définir les points d’atterrissage.
Droit privé. Le propriétaire privé d’un câble sous-marin est souvent une entreprise unique, comme c’est le cas du câble sous-marin Equiano de Google, ou bien un consortium d’entreprises, comme pour les câbles « 2Africa », « Africa-1 » ou « ACE ». Le projets de déploiement de câble sous-marin entraînent une architecture contractuelle assez complexe, à commencer par l’accord de confidentialité, suivi par : le protocole d’accord ou Memorandum of Understanding (MoU) ; le Joint Build Agreement (JBA) régissant les relations entre les différents entités faisant partie d’un consortium ; le contrat de construction et maintenance (C&MA) ; le Joint System Maintenance Document (JSMD) expliquant les aspects techniques et de sécurité du câble sous-marin ; le contrat de construction de la branche ; le contrat d’atterrissement (LPA/LSA) ; les accords de croisements d’autres câbles ou de pipelines préexistants.
Quant à la protection des câbles sous-marins, elle résulte d’un régime défini par la Convention internationale relative à la protection des câbles sous-marins signée à Paris en 1884. La CMB (Convention de Montego Bay) reprend certaines de ces dispositions et prévoit notamment l’obligation pour les Etats de sanctionner la détérioration ou la rupture d’un câble (18). Cependant, les mesures de protection prévues dans ces textes ne sont pas suffisantes face aux menaces et à l’importance critique de ces infrastructures. Les câbles sous-marins ont ainsi été des cibles en temps de guerre. La convention de Paris de 1884 laissait une liberté d’action aux belligérants en temps de guerre. Ceux-ci pouvaient alors sectionner des câbles sous-marins. La convention de Paris n’offrait de protection aux câbles sous-marins qu’en dehors des temps de guerre. Cette protection a été reprise par la CMB. Le Comité international de protection des câbles créé en 1958 poursuit cette oeuvre de protection en édictant des recommandations internationales pour l’installation, la protection et la maintenance des câbles.

Guerres : renforcer le cadre juridique
En août 2014, la Russie a sectionné des câbles sous-marins ukrainiens au cours de l’opération d’annexion de la Crimée. L’intensité du conflit en cours entre l’Ukraine et la Russie et la menace d’une occupation par la Russie d’Odessa, le plus grand port maritime d’Ukraine, fait ressurgir les craintes liées au risque de section des câbles sous-marins. Dans ce contexte, il est essentiel de renforcer le cadre juridique protégeant les câbles sous-marins. L’exercice ne sera pas facile, étant donnée la nature hybride de ces infrastructures qui peuvent être utilisées à des fins tant civiles que militaires. @

La directive européenne « E-commerce » a 20 ans

En fait. Ce 8 juin marque, jour pour jour, les 20 ans de la directive européenne « E-commerce » datée du 8 juin 2000. Le 2 juin dernier, la Commission européenne a lancé – jusqu’au 8 septembre prochain – deux consultations publiques en vue de notamment de remplacer cette directive par le « Digital Service Act ».

En clair. La directive européenne du 8 juin 2000 sur « certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique » – la fameuse directive « E-commerce » (1) – va bientôt être modifiée, voire remplacée, par le futur « Digital Services Act » (DSA). La Commission européenne, qui a lancé le 2 juin deux consultations jusqu’au 8 septembre, proposera un « paquet législatif » d’ici la fin de l’année. Et ce, en tenant comptes des contributions : à la première consultation « publique » (citoyens compris) via un questionnaire de 59 pages (2), et à la seconde consultation des « parties concernées » par « un nouvel instrument de concurrence » via un autre questionnaire de 47 pages (3).
Mais d’ici là, débats, lobbyings et même polémiques ne manqueront pas de surgir au cours des prochains mois, tant cette réforme législative du marché unique numérique comporte des points sensibles. Il en va ainsi, par exemple, des exemptions de responsabilité dont bénéficient depuis deux décennies les plateformes numériques – GAFAM en tête. La directive « E-commerce » du 8 juin 2000, transposée depuis le 17 janvier 2002 par chacun des Vingt-huit, prévoit en effet dans son article 15 – intitulé « Absence d’obligation générale en matière de surveillance » (CQFD) – que « les Etats membres ne doivent pas imposer aux [plateformes d’Internet] une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Cette responsabilité limitée des GAFAM, que leur octroie ce « statut d’hébergeur », a été confortée par la jurisprudence européenne malgré les coups de boutoir des industries culturelles et de leurs organisations d’ayants droits.
Ces dernières n’ont eu de cesse depuis des années d’exiger plus de responsabilité des plateformes numériques dans la lutte contre le piratage des œuvres qui sont protégées par le droit de propriété intellectuelle (4) (*) (**) (***) (****) (*****). Depuis des années, les acteurs du Net sont, eux, vent debout contre toute remise en cause de leur statut protecteur (5), en mettant en avant leur rôle d’intermédiaire technique. Ils ne manqueront pas de défendre becs et ongles leurs intérêts – via notamment leur lobby bruxellois Edima, dont sont membres les GAFAM et d’autres comme Twitter, Snap, eBay ou Verizon Media. @

Deux réformes en vue : e-commerce et droits d’auteur

En fait. Le 5 avril, l’Association des services Internet communautaires (Asic), dont Google/YouTube ou Dailymotion sont membres, a organisé un débat sur
le statut des « intermédiaires techniques » du Web, ainsi que sur leur obligations de « retirer promptement » des contenus considérés comme « illicites ».

En clair. Malgré l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 17 février dernier, qui confirme
le statut juridique d’hébergeur de Dailymotion, les « intermédiaires techniques » du Web s’inquiètent toujours des obligations qui leur incombent depuis la loi du 21 juin 2004 pour la « confiance dans l’économie numérique » (LCEN). Pourtant, ce statut leur confère une responsabilité limitée et non pénale. Mais ils craignent que ce devoir de vigilance – et d’obligation à « retirer promptement » des contenus illégaux (illicites ou piratés) qui leur seraient signalés – pourrait être renforcé par la Commission européenne qui prépare pour juin prochain une réforme de la directive «Commerce électronique ». Parallèlement la direction Marché intérieur du commissaire Michel Barnier prépare, pour juin également, un renforcement de la protection de la propriété intellectuelle (1). Pour les ayants droits (cinéma, musique, …), c’est l’occasion unique de faire évoluer le statut des Dailymotion, YouTube et autres Facebook pour accroître leurs obligations de lutter contre le piratage des œuvres sur Internet. « Le statut d’irresponsabilité des hébergeurs a été défini en 2000. Mais aujourd’hui, peut-on parler d’hébergeur lorsque l’on diffuse des œuvres avec des accords de droits ? Je pense que non. Ce statut se rapproche de celui de diffuseur. Le “tsunami“ (2) de la TV connectée va amplifier le phénomène. Il faut donc une adaptation réglementaire. D’autant que hébergeurs et diffuseurs n’ont pas les mêmes obligations, ce qui pose des problèmes de concurrence », a expliqué le 5 avril Pascal Rogard, DG de la SACD (3). Mais les plateformes Web, elles, mettent en garde contre une « obligation de surveillance générale » qui serait contraire à l’actuelle directive européenne «Commerce électronique » et qui porterait atteinte à la liberté d’expression sur Internet. Des tribunaux imposent même aux intermédiaires du Web des obligations dites de « take down stay down », lesquelles leur imposent d’empêcher toute remise en ligne de contenus illégaux dès leur première notification. Pour faire face, Dailymotion a
constitué une base d’empreintes des œuvres (4) plus importante que celle de l’INA. Est-ce légal ?
Une chose est sûre : Jean Bergevin, représentant de la direction Marché intérieur,
a affirmé que « la Commission européenne va clarifier d’ici juin la directive “Commerce électronique“ sur notamment ce qu’est “agir promptement“ et sur la notification ». Cela se fera soit sous forme d’une communication interprétative, soit par une recommandation. @

L’hébergeur Dailymotion joue aussi un rôle d’éditeur

En fait. Le 17 février, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des ayants droit du film « Joyeux Noël » (Nord-Ouest Production et UGC Images), confirmant un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 mai 2009 qui reconnaît à Dailymotion le statut d’hébergeur. Mais le site de vidéos a une autre « casquette ».

En clair. Dailymotion n’est officiellement pas un éditeur de service qui procède à « une sélection des contenus mis en ligne », échappant ainsi à la lourde responsabilité lié à
ce statut. Selon la Cour de cassation, la plateforme de partage vidéo française est un
« simple » hébergeur, qui peut « revendiquer le statut d’intermédiaire technique au sens
de l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 » – loi dite LCEN sur la confiance dans l’économie numérique. A ce titre, Dailymotion bénéficie d’un régime de responsabilité dérogatoire qui ne le rend coupable que si – saisi par une autorité judiciaire – il n’a pas agi « promptement pour retirer le contenu illicite ou à en interdire l’accès ». S’il avait le statut d’éditeur, il aurait été responsable de plein droit et lourdement condamné pour contrefaçon avec versement de dommages et intérêts pour des contenus illégaux mis en ligne. Or, non seulement l’arrêt de la Cour d’appel – confirmé en cassation – a reconnu le statut d’hébergeur à Dailymotion, mais il l’a aussi disculpé en raison d’informations insuffisantes pour lui permettre de retirer plus rapidement le film
« Joyeux Noël » en 2007. Pour le concurrent de YouTube qui est depuis janvier dernier en négociation exclusives avec France Télécom (1), c’est une bonne nouvelle. « Cette décision permet de mettre de côté définitivement de stériles débats juridiques pour nous concentrer sur notre travail quotidien: faire d’Internet un relais de croissance efficace pour les industries culturelles », s’est félicité Giuseppe de Martino, directeur juridique et réglementaire de Dailymotion. Pourtant, l’hébergeur est-il en train d’élargir son métier à celui d’éditeur ! « Nous avons toujours revendiqué une double casquette et nous avons un “rédac chef“ depuis quatre ans », précise Martin Rogard, le DG France de Dailymotion, à Edition Multimédi@. Une équipe “éditorialise” les vidéos. C’est ce que les Anglo-saxons appelle « curation », qui consisteà les sélectionner et à les classer par thèmes pour en faciliter l’accès. Sont ainsi proposé aux internautes des « hubs » thématiques tels que « Bandes-annonces », « Célébrités », « Jeux » ou encore
« Musique ». Des événements comme le Salon de l’agriculture sont aussi “éditorialisés”. Dailymotion, déjà présent sur les téléviseurs connectés de LG, Samsung, Sony ou encore Panasonic, prévoit en outre cette année de lancer un service de VOD payante et de proposer aussi des films de long métrage (2). La frontière entre hébergeur et éditeur s’estompe. @