Droits de diffusion sportive : une « bulle » médiatique sur fond de bataille entre télé et web

Les droits de retransmission des événements sportifs s’arrachent à prix d’or – matches de football en tête, mais aussi rugby, basketball, tennis, hockey, … Jusqu’où la surenchère peut-elle aller, attisée par la nouvelle concurrence des acteurs du Net face aux chaînes de télévision qui n’en ont plus le monopole ?

Aux Etats-Unis, la National Football League (NFL) courtise les acteurs du Net tels que Amazon, YouTube, Yahoo ou encore Facebook pour proposer aux cord-cutters – ces désabonnés de la TV par câble traditionnelle préférant Internet – les retransmissions des matches en live-streamed. Début mars, Facebook a fait savoir qu’il était en discussion avec la NFL pour acquérir les droits de diffusion en streaming sur Internet. Le troisième opérateur télécoms américain Verizon est aussi sur les rangs, lui qui mise sur AOL – acquis en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars – et son service de vidéo pour mobile, Go90, lancé à l’automne dernier pour délivrer des contenus en partenariat avec notamment la NFL ou encore la National Basketball Association (NBA).

Le direct live des réseaux sociaux pourrait faire de l’ombre aux chaînes de télévision

Avec une audience déjà grignotée par la VOD et la TV sur Internet, les chaînes
de télévision voient un nouveau front s’ouvrir : celui du direct et de la retransmission d’événements en temps réel. Car les réseaux sociaux se
mettent au live, avec des outils tels que Periscope, Meerkat, Live Video, …

Diffuser des vidéos en direct sur Facebook. C’est possible depuis que le numéro un des réseaux sociaux a lancé fin janvier la fonction « Live Video », laquelle permet – dans un premier temps aux Etats-Unis et à partir d’un iPhone – de diffuser en temps réel une séquence vidéo ou un événement filmé. Le reste du monde et Android seront concernés « dans les semaines à venir ». Une fois que la retransmission en direct
est terminée, l’internaute peut soit la garder sur le réseau social, soit l’enlever.

Blue Efficience, plus fort que Content ID de YouTube ?

En fait. Le 4 février, Blue Efficience s’est félicitée d’être « le nouveau prestataire technique de protection et lutte contre l’exploitation non autorisée des œuvres
du groupe TF1 », après un appel d’offre remporté en juillet 2015. Cette société française fait la chasse au piratage de films sur Internet.

En clair. Créée en 2008 par Thierry Chevillard, un ingénieur féru de technologies de protections électroniques et formé à l’ESIEE (ex-école Breguet), la société Blue Efficience cherche à s’imposer dans le cinéma français avec non seulement sa solution d’empreintes numériques afin, explique-t-elle, de « permettre le filtrage en amont de la plupart des vidéos pirates », mais aussi sa prestation de « recherche manuelle continue des œuvres sur les plateformes afin de retirer les vidéos qui n’auraient pas été filtrées par les systèmes automatisés ».
Avec cette veille manuelle, Blue Efficience revendique notamment une meilleure efficacité que la solution Content ID de YouTube : « Le robot Content ID ne permet
en effet pas d’identifier les contenus qui ont été habilement déformés par les pirates afin de passer entre les mailles du filet ». Et d’affirmer à l’encontre de Google : « Ainsi, YouTube héberge actuellement des milliers de films dont la mise en ligne n’a été aucunement approuvée par leurs auteurs » En décrochant un contrat avec TF1,
cette start-up voit sa technologie de protection sur réseaux peer-to-peer, streaming ou téléchargement direct une nouvelle fois consacrées. La filiale de télévision du groupe Bouygues s’ajoute à ses références où l’on retrouve France Télévisions Distribution, Universal Pictures France, UGC, Mars Distribution, Pyramide Distribution, ou encore Les Films du Losange. L’Hadopi fait aussi partie de ses clients, Blue Efficience étant
« prestataire technique », comme l’est Trident Media Guard (TMG) pour les ayants droits de la musique (1). Avec TF1, Blue Efficience tente de s’imposer un peu plus face au géant YouTube et sa technologie Content ID. La première chaîne française s’était d’ailleurs résolue en décembre 2011 à souscrit tardivement à Content ID que YouTube lui proposait depuis… avril 2008 afin d’empêcher la mise en ligne de copies audiovisuelles non autorisées.
Au lieu de cela, TF1 avait préféré ferrailler en justice contre la filiale vidéo de Google. La procédure a duré huit ans et a tourné à l’avantage de YouTube. Pour ne pas perdre la face, la chaîne de Bouygues a finalement préféré enterrer la hache de guerre en novembre 2014 avec YouTube et accepter d’utiliser sa technologie Content ID, plutôt que d’être déboutée dans un procès enlisé. Depuis, TF1 a même lancé des chaînes
sur YouTube, mais pas sous sa propre marque (2). @

Viacom: fin de règne pour le Français Philippe Dauman ?

En fait. Le 22 janvier, le groupe Viacom (Paramount, MTV, Nickelodeon, …) a déclaré avoir versé 17 millions de dollars en plus à Philippe Dauman – son PDG depuis dix ans. Ce qui porte à 54,2 millions de dollars sa rémunération (+22,3 %). C’est le Français le mieux payé aux Etats-Unis. Et après ?

En clair. Philippe Dauman reste le Français le plus riche des Etats-Unis et d’Hollywood, après avoir touché au titre de l’année fiscale 2015 la coquette somme de 54,2 millions de dollars en salaire, bonus et rémunération en actions. Cela fera dix ans en septembre prochain qu’il est PDG du groupe américain de médias et de cinéma Viacom (Video & Audio Communications), lequel possède les chaînes de télévision MTV, Nickelodeon
ou encore Comedy Central, ainsi que les studios de cinéma hollywoodiens Paramount. Philippe Dauman est Franco-américain, né en 1954 à New-York où ses parents s’étaient alors installés après avoir vécu en France. Il parle français à la maison et
va au Lycée Français new-yorkais, l’une des écoles bilingues les plus réputées en Amérique du Nord. Son père, le Français Henri Dauman né en 1933 à Paris, est devenu célèbre photographe de Life Magazine (1), et ce après avoir échappé à la
rafle du Vél’d’Hiv en juillet 1942 puis caché (2). Le petit Philippe est devenu Philippe
P. Dauman et son français s’est peu à peu teinté d’accent américain. Une fois diplômé en Droit à l’université de Columbia en 1978, il viendra travailler deux ans à Paris pour
le cabinet d’avocats Shearman & Sterling avant de rejoindre le bureau à New York. Parmi les clients : Sumner Redstone, magnat américain des médias devenu milliardaire et ayant aujourd’hui le contrôle à la fois Viacom et CBS (3), que Philippe Dauman conseilla en 1986 lors de l’OPA hostile lancée sur Viacom. Et c’est ainsi que le « meilleur ami pour toujours » de Sumner Redstone est devenu PDG de Viacom en septembre 2006.
Le Français s’est notamment distingué dès 2007 en réclamant 1 milliard de dollars à YouTube pour piratage : Google s’en est sorti indemne en 2013. Aujourd’hui, n’étant pas apparu depuis des mois, le patriarche Redstone (92 ans) fait, lui, l’objet de spéculations sur son état de santé. Son dauphin Philippe Dauman sera-t-il l’héritiez
de cet empire Viacom-CBS ? Pour l’heure, le fonds d’investissement américain SpringOwl a déploré le 19 janvier dernier : le «manque de transparence » sur la succession de Sumner Redstone, la « sous-performance chronique » de Viacom,
et les « rémunérations trop élevées » de ses dirigeants – et demande de tous les remplacer ! Pour ses résultats annuels clos fin septembre 2015, le bénéfice net de Viacom a reculé de 20 % à 1,9 milliard de dollars et son chiffre d’affaires de 4 % à
13,3 milliards. @

La concentration des médias s’est accélérée en 2015 ; l’année 2016 garantira-t-elle leur indépendance ?

Le numérique accélère la concentration des médias en France entre les mains
– ce qui est unique au monde – d’industriels et de milliardaires. Cela n’émeut pas vraiment le gouvernement, pourtant garant de l’indépendance et du pluralisme des médias. La question de légiférer ou de réglementer se pose.

Vincent Bolloré, Patrick Drahi, Bernard Arnault, Serge Dassault, Pierre Berger, Xavier Niel, Matthieu Pigasse, Arnaud Lagardère, François-Henri Pinault, Bernard Tapie, … Le point commun entre tous ces milliardaires et industriels français réside dans leur mainmise sur la majeure partie des grands médias français.