Musique en ligne et rémunération des artistes : l’été sera chaud pour le médiateur Schwartz

Le conseiller maître à la Cour des comptes Marc Schwartz ne sera pas vraiment en vacances cet été. Il doit rendre mi-juillet, à la ministre Fleur Pellerin, son pré-rapport sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Et sa version finale d’ici fin septembre. Pas de consensus en vue, pour l’instant.

Marc Schwartz n’est pas au bout de ses peines.
Il doit soumettre à la ministre de la Culture et de la Communication des propositions sur la répartition de
la valeur créée par l’exploitation de la musique en ligne,
en prévision de la loi « Liberté de création, architecture
et patrimoine » qui devrait commencer à être débattu au Parlement après l’été. Deux ans après le rapport Phéline, qui préconisait une gestion collective obligatoire pour le streaming, le médiateur Schwartz – missionné le 21 mai dernier par Fleur Pellerin – doit tenter l’impossible.

Gestion collective : point de blocage
Le conseiller maître à la Cour des comptes, ancien directeur financier de France Télévisions, n’a plus que quelques semaines pour mettre d’accord les représentants des artistes-interprètes, les producteurs de musique et les plateformes de musique en ligne, ainsi que les sociétés de perception et de répartition des droits. Cela semble à ce stade mission impossible. « Il y a absence de consensus partagé sur l’état des lieux et le diagnostic. Aujourd’hui, sur un contrat stream, quelle est la part revenant à l’artiste, à l’artiste interprète, sur les droits voisins… Il y a beaucoup d’avis divergents », a encore dit la ministre lors de la 49e édition du Midem (1) qui s’est tenu début juin à Cannes. Quelque peu pessimiste, Fleur Pellerin a alors laissé entendre qu’elle « prendrai[t] ses responsabilités à défaut d’accord ». Comprenez : s’il n’y a pas d’accord interprofessionnel, la ministre prévient qu’elle en passera par la loi. Ce que redoute l’ensemble de la filière musicale : c’est le seul sujet de consensus ! Il faut dire que les rapports sur la musique en ligne se sont succédés sans résultat depuis 2010 : à l’instar du rapport Zelnik (EM@5, p. 2), de la mission Hoog (EM@28, p. 4), du rapport Lescure (EM@80, p. 3), et du rapport Phéline (EM@93, p. 5), le prochain rapport Schwartz penchera-t-il lui aussi pour la gestion collective des droits de la musique en streaming ? Si ce mode de rémunération existe déjà avec la SCPP (2) et la SPPF (3) pour les producteurs, avec la Sacem (4) pour les musiciens, avec l’Adami et la Spedidam pour les artistes-interprètes, les producteurs de musique sont, eux, vent debout contre la perspective d’une gestion collective obligatoire au détriment des contrats individuels qu’ils signent avec les artistes-interprètes et les distributeurs. C’est la pierre d’achoppement la plus sérieuse entre les professionnels de la musique enregistrée. Bien que la lettre de mission – signée le 21 mai par Fleur Pellerin et adressée à Marc Schwartz – se garde bien de mettre de l’huile sur le feu, elle fait quant même clairement référence au rapport Phéline, « notamment l’instauration d’un système de gestion collective obligatoire pour le streaming, qui fait débat parmi les acteurs ». L’Adami, société de gestion collective des droits des artistes et musiciens interprètes, qui a fêté ses 60 ans cette année, prône la gestion collective obligatoire. « Le rapport Phéline a validé l’analyse et les propositions de l’Adami. (…) Après cinq rapports successifs, il est temps de légiférer », avait déclaré son directeur général, Bruno Boutleux, dans Edition Multimédi@ (5). Selon une rumeur, l’Adami serait prête à renoncer à être le gestionnaire pour que la gestion collective puisse être acceptée…

A l’autre bout de la table des négociations, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) dénonce depuis cinq ans – depuis le rapport Zelnik – la menace du « collectivisme » et de « kolkhoze » pour l’industrie musicale. Entre ces deux positions opposées, le médiateur pourrait tenter de proposer une rémunération garantie pour les artistes-interprètes. Il y a ceux qui souhaitent que des engagements soient pris et un code de bonne conduite mis en place selon le principe d’une auto-régulation. C’est le cas par exemple du syndicat des éditeurs de services de musique en ligne (ESML). De son côté, l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) souhaite depuis 2010 une taxe sur les acteurs du Net (6). Quant aux plateformes numériques, telles que Spotify, Deezer ou encore iTunes d’Apple (en plein lancement d’Apple Music), elles estiment qu’elles reversent suffisamment de revenus aux ayants droits.

Moins payé en streaming
Mais les musiciens et artistes-interprètes affirment qu’ils sont moins bien rémunérés en streaming qu’en téléchargement. En France, selon le Snep sur 2014, le streaming a généré 72,5 millions d’euros de chiffre d’affaires (en hausse de 34,3 % sur un an), contre 53,8 millions d’euros pour le téléchargement (en chute de 14,2 %). Et au niveau mondial, En 2014, selon l’IFPI (7), les ventes mondiales de musique numérique ont égalé les ventes physiques. @

Charles de Laubier

Bruno Boutleux, Adami : « Il est temps de légiférer en faveur des artistes et musiciens interprètes »

L’Adami, société de gestion collective des droits des artistes et musiciens interprètes, fête ses 60 ans cette année et vient d’organiser les 15e Rencontres européennes des artistes. A cette occasion, son DG Bruno Boutleux explique à EM@ l’impact du numérique sur la rémunération et les mesures à prendre.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous dénoncez le partage
« inéquitable » de la valeur dans la musique en ligne, notamment pour le streaming. Que gagne un musicien lorsque sa musique passe sur Spotify, Deezer ou Qobuz ? Perçoit-il plus en téléchargement avec iTunes ? Bruno Boutleux : Un transfert de valeur de l’amont vers l’aval
au profit des géants du numérique s’est opéré depuis plusieurs années, remettant en question le partage de la valeur entre les différents acteurs. Pour un titre téléchargé sur iTunes, l’artiste ne touche que 0,04 euros sur 1,29 euros. Pour le streaming, la répartition est d’environ 90 % pour le producteur et 10 % pour l’artiste. Alors qu’elle est de 50-50 sur les diffusions radio. Au final, pour un abonnement streaming payé près de 9,99 euros par l’utilisateur, les artistes ne perçoivent que 0,46 euro à partager entre tous ceux écoutés sur un mois.

EM@ : Depuis le rapport « Phéline » de décembre 2013 sur la musique en ligne
et le partage de la valeur, espérez-vous toujours une juste rémunération des artistes-interprètes déjà évoquée par les rapports Zelnik, Hoog, et Lescure ? Etes-vous satisfait du projet de loi « Liberté de création » (1) à ce sujet ?
B. B. :
Le Premier ministre a annoncé que le projet de loi « Liberté de création » sera débattu au début de l’automne. Nous y croyons fermement. Le rapport Phéline, dit
d’« objectivation », a validé l’analyse et les propositions de l’Adami. Le partage inéquitable de la valeur est désormais irréfutable. Par conséquent, ce rapport donne une obligation. Après cinq rapports successifs, il est temps de légiférer. De plus,
ce sujet est devenu mondial : les artistes se mobilisent à travers tous les pays (2).
Le projet de loi « Liberté de création » n’est pas satisfaisant, nous l’avons dit, néanmoins nous avons face à nous un ministère [de la Culture et de la Communication, ndrl] à l’écoute et ouvert aux différentes propositions.

EM@ : Depuis 2009, une « contribution compensatoire » prélevée sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) est proposée par la Sacem et l’Adami. L’Adami était candidat pour en être le gestionnaire. Qu’en est-il aujourd’hui ?
B. B. :
C’est une proposition qui date du rapport Zelnik (3) que nous n’avons pas renouvelée depuis car elle n’a été retenue nulle part. Pour autant, le transfert de la valeur de la création vers les géants du Net reste un problème non résolu. Nous planchons dessus avec d’autres pour trouver des solutions, et c’est certainement vers les moteurs de recherche, les liens hypertextes ou le statut d’hébergeur qu’il faudra se tourner.

EM@ : Le 9 mars, l’Adami a cosigné avec une vingtaine d’organisations (Snep/SCPP, Sacem/SDRM, SPPF/UPFI, …) une mise en garde contre le pré-rapport de l’eurodéputée Julia Reda sur la réforme du droit d’auteur à l’ère
du numérique (http://lc.cx/DAPI) : quels points contestez-vous ?
B. B. :
Contrairement à ce que suggère le projet de rapport, le droit d’auteur et les droits voisins ne sont pas un obstacle à la création, mais un réel encouragement à l’innovation et à la croissance.
Les œuvres créent de la valeur dès lors qu’elles sont produites et échangées ; elles sont le noyau d’un système économique qui pèse en Europe 536 milliards d’euros et 7,1 millions d’emplois.
Selon quelle logique rationnelle devrait-on démonter ce qui marche aujourd’hui ?
La ligne de défiance adoptée par Mme Reda sert uniquement les intérêts des acteurs digitaux extra-européens. Les artistes ne peuvent pas admettre que la valeur de leur travail ne profite qu’à certaines catégories d’intermédiaires, lesquels refusent toute rémunération en contrepartie. Ce rapport est hors-sujet puisqu’il ne traite pas de la problématique centrale du bouleversement numérique : le transfert de valeur de la création vers les grands groupes du Net et l’absence d’une juste et équitable rémunération pour les artistes. @

FOCUS

Le Prix Deezer Adami a cinq ans
Depuis 2010, l’Adami et la plateforme de musique en ligne Deezer soutiennent et accompagnent de jeunes artistes talentueux de la scène française, tous styles confondus, comme ce fut le cas pour les groupes « Fakear », « Deluxe » ou encore
« Music Is Not Fun ». Le Prix Deezer Adami se veut un tremplin pour une nouvelle génération d’artistes. Cette année, les trois lauréats de la 6e édition seront dévoilés
le 15 avril prochain. Dix groupes ont été sélectionnés parmi les 1.500 candidatures.
En plus du Prix des pros et du Prix des VIP, un Prix du public sera décerné par les internautes qui ont pu voter en ligne sur le site prixdeezeradami.com. Les trois gagnants gagneront chacun : 10.000 euros d’aide de l’Adami ; une session enregistrée dans les locaux de Deezer ; un concert au Casino de Paris le 1er juin prochain. @

ZOOM

L’Adami trouve l’Europe trop « bienveillante à l’égard des géants du Net »
l’occasion du Conseil des ministres franco-allemand qui s’est tenu à Berlin le 31 mars dernier, Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication, a signé avec Heiko Maas, ministre de la Justice et de la Protection des consommateurs de la République d’Allemagne, en charge des questions de propriété intellectuelle, une déclaration conjointe pour la défense droit d’auteur.
Et ce, au moment où la Commission européenne veut « casser les silos nationaux
dans le droit d’auteur », dont le blocage géographique liés à la territorialité des droits (lire p. 8 et 9), pour tenir compte de l’ère numérique. Dans le même temps, le projet de rapport de l’eurodéputée Julia Reda est contesté par les industries culturelles. « Alors que l’approche de la Commission européenne se faisait jusqu’à présent sous l’unique prisme des grands groupes extra-européens du numérique, cette déclaration vient rappeler des principes essentiels », s’est félicitée l’Adami, présidée par l’harmoniciste Jean-Jacques Milteau, qui trouve l’Europe trop « bienveillante à l’égard des géants du Net ». Il retient également « l’hommage rendu à la copie privée : ‘’modèle intelligent’’». La déclaration commune n’occulte pas la nécessaire adaptation du droit d’auteur au numérique : « Personne ne le conteste », assure l’Adami. @

Rémunération des artistes-interprètes sur le Net : après la cassation, l’intervention législative ?

Certes, la « débâcle judiciaire pour la Spedidam » – dixit le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) – contre iTunes, E-compil et autres Fnacmusic devant la Cour de cassation fut cuisante le 11 septembre 2013. Mais les artistes-interprètes s’en remettent maintenant au législateur.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée (photo) et Laurent Teyssandier, avocat, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

A l’occasion de litiges opposant la Société de perception
et de distribution des droits des artistesinterprètes de la musique et de la danse (Spedidam) à plusieurs plates-formes de téléchargement de fichiers musicaux (iTunes/ Apple, On demand Distribution/ Nokia, E-compil/Universal Music on Line, Sony, Virgin Mega, Fnac Direct/Fnacmusic), la Cour de cassation a jugé – dans six arrêts du 11 septembre 2013 – que l’autorisation donnée par des artistes-interprètes pour l’exploitation de l’enregistrement de leurs interprétations inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant.

Six litiges contre six plates-formes
Ces litiges soumis à l’appréciation de la haute juridiction illustrent l’opposition forte qui existe entre les artistes-interprètes, les producteurs et les exploitants de plates-formes
de téléchargement d’oeuvres musicales sur la question de la rémunération des artistesinterprètes en cas de commercialisation de leurs interprétations en ligne.
La Spedidam, qui représente les artistes-interprètes, estime que la mise en ligne des
« phonogrammes » doit être soumise à une autorisation préalable des artistes-interprètes dont la prestation a été fixée sur ces enregistrements numériques. Pour cette société de gestion, toute exploitation immatérielle qui n’aurait pas été autorisée expressément dans l’accord initial porte préjudice aux intérêts de l’artiste-interprète qui se trouverait privé de rémunération pour cette nouvelle forme d’exploitation.
En revanche, les producteurs et les exploitations de plateformes de téléchargement considèrent que l’autorisation donnée par un artiste-interprète à la commercialisation de son interprétation sur support physique inclut également l’autorisation de mettre cette même interprétation à la disposition du public sur les plateformes de téléchargement payant.
Dans le but d’obtenir réparation du préjudice personnel subi par les artistes-interprètes
et du préjudice collectif subi par l’ensemble de la profession la Spedidam a assigné en justice, dans six procédures distinctes, les sociétés iTunes, Universal Music on Line, Sony UK, On Demand Distribution, Virgin Mega et Fnac Direct (1).
Les termes du débat sont identiques dans chacun des six litiges portés devant la Cour
de cassation : l’autorisation donnée par un artiste-interprète pour l’exploitation de l’enregistrement d’une interprétation « sous la forme de phonogrammes publiés à des fins de commerce » inclut-elle la mise à disposition du public de l’enregistrement par voie de téléchargement payant ?
Pour répondre à cette question, la Cour de cassation apporte des précisions sur les contours de la notion de « phonogramme ». La question est de savoir si cette notion vise uniquement le support physique réceptacle de l’enregistrement ou si elle peut également désigner un simple fichier informatique.
Naturellement, la Spedidam considère que la notion de phonogramme ne doit s’entendre que du support physique – Vinyle 16, 45, 33 ou 78 tours, cassettes audio, Minidisc et disque compact – fixant l’enregistrement. Pour cette société de gestion, la notion de « publication » visée dans les autorisations données par certains artistes-interprètes suppose nécessairement la mise en circulation d’un support matériel de la prestation et exclut toute mise à disposition sur une plate-forme de téléchargement.
Cette approche ne sera pas celle retenue par la Cour d’appel de Paris dans ses arrêts
du 7 mars 2012, ni celle retenue par la Cour de cassation dans les six arrêts du 11 septembre 2013.

Le « phonogramme » est digital compatible
Rappelant la notion de « phonogramme » définie par, d’une part, l’articles 3-b de la Convention internationale du 26 octobre 1961 sur la protection des artistes interprètes
ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion
– appelée « Convention de Rome » (2) – et, d’autre part, l’article 2-e du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du 20 décembre 1996 sur
les interprétations et exécutions et les phonogrammes (3), la Cour de cassation approuve les décisions de la Cour d’appel de Paris et affirme que « la qualification juridique de phonogramme [est] indépendante de l’existence ou non d’un support tangible ».

Convention de Rome et Traité de l’OMPI
La haute cours de justice donne ainsi raison aux plates-formes de musique en ligne, dont le leader du secteur est iTunes, filiale d’Apple, qui soutiennent – comme il résulte d’ailleurs des travaux parlementaires de la loi du 3 juillet 1985 modifiée le 24 juillet 2009 (4) – « que la qualification juridique de phonogramme du commerce est indépendante d’un support et que la mise à la disposition du public, en quantité suffisante, de supports dématérialisés n’implique pas de changement de destination du phonogramme initialement fixé ; que dès lors, l’exploitation autorisée par les artistes-interprètes dont les prestations sont reproduites [sous forme de fichier numérique, ndlr] inclut la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant ». Une telle décision apparaît conforme non seulement à l’esprit de la Convention de Rome et du Traité de l’OMPI, lesquels définissent le phonogramme comme une fixation de sons provenant d’une interprétation sans distinction de la matérialité ou l’immatérialité du support, mais également à la lettre de l’article L. 212-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) qui ne distingue pas l’exploitation physique de l’exploitation numérique. « Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de
sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour
le son et l’image », stipule en effet cet article du CPI. Si cet article pose un principe de spécialité, de sorte que l’autorisation de fixer ne vaut pas autorisation de reproduire
ou de communiquer au public, il n’opère aucune distinction selon que ces actions soient exécutées pour des phonogrammes sur support physique ou en version numérique.

En l’espèce, les artistes-interprètes concernés avaient, selon les mentions figurant
sur les feuilles de présence qu’ils avaient émargées, autorisé l’exploitation de l’enregistrement de leurs prestations « sous la forme de phonogrammes publiés à
des fins de commerce » à une époque où la commercialisation commercialisation des œuvres musicales en ligne n’existait pas encore. Pour la Spedidam, l’autorisation donnée par les artistes-interprètes à la « publication » de leur interprétation sous forme de phonogramme ne permettait pas au producteur ou à l’exploitant d’une plate-forme de téléchargement de commercialiser ce phonogramme sous forme immatérielle.
Cette décision apparaît respecter également la Convention collective nationale de l’édition phonographique du 30 juin 2008 (5), qui n’opèrent aucune dichotomie entre
la communication au public sur support physique ou sur support numérique.
Les parties signataires de l’annexe « artiste interprète » à cette convention collective affirment qu’« elles partagent la conviction que l’essor de nouveaux marchés d’exploitation de la production phonographique constitue une opportunité tant pour
les producteurs de phonogrammes que pour les artistes interprètes », mais aussi
« elles constatent que l’absence d’accord écrit avant l’entrée en vigueur de la loi de 1985, le développement de nouvelles formes d’exploitation de la production phonographique et l’absence d’accord collectif définissant les modes d’exploitation entraînent des incertitudes quant à la portée de l’autorisation consentie ».
Cependant, tirant les conséquences de ce que la qualification juridique de phonogramme est indépendante de l’existence ou non d’un support tangible, la Cour
de cassation approuve la décision de la Cour d’appel de Paris qui avait jugé que « les autorisations litigieuses données par les artistes-interprètes incluaient la mise à disposition du public par voie de téléchargement payant ».

Vers une intervention législative ?
En réaction à cette décision, la Spedidam a appelé le législateur à intervenir pour distinguer l’exploitation sur support physique de l’exploitation sous forme numérique (6). Cette question sera très certainement abordée et traitée dans le cadre de la mission confiée par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, à Christian Phéline, magistrat de la Cour des comptes, et portant sur la question du partage de la valeur générée par la musique numérique avec les créateurs. Ce dernier doit rendre ses conclusions d’ici fin novembre. Restera ensuite à savoir si la future « grande loi sur la création » (7) que promet la ministre d’ici mars 2014 répondra aux attentes des artistes-interprètes. @

* Christiane Féral-Schuhl est Bâtonnier du barreau de Paris.

Plus de gestion collective pour YouTube et Dailymotion

En fait. Le 15 janvier, la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)
a donné le coup d’envoi du premier appel à candidatures – jusqu’au 22 février – pour sélectionner dix courts-métrages vidéo dans le cadre de l’Académie SACD/YouTube lancée en novembre dernier. Dailymotion n’est pas en reste.

En clair. La SACD fait un pas de plus vers la gestion collective des droits des auteurs audiovisuels dont les œuvres vidéo sont diffusées sur Internet. « Au bénéfice de contrats généraux de représentation conclus avec Dailymotion et YouTube, [la SACD] assure à ses membres d’être rémunérés au titre du droit d’auteur pour leurs œuvres exploitées
sur ces plates-formes et elle est la seule à avoir mis en place un système de répartition réellement proportionnel au nombre de visualisations », explique la société de gestion collective le jour du lancement de la première « promo des créateurs du web » initiée avec YouTube. Rémunérer directement les auteurs de vidéo ou de films sur Internet, voire en plus de leurs éventuels contrats avec des producteurs, c’est le cheval de bataille de la SACD et de la Scam (Société civile des auteurs multimédia) qui sont toutes les deux membre de la puissante Société des Auteurs Audiovisuels (SAA) représentant les
intérêts des sociétés de gestion collective des droits d’auteur dans une quinzaine de pays (1 millions de titulaires de droits). En France, si les œuvres audiovisuelles diffusées en VOD, TV payante ou en catch up TV nécessitent pour les sociétés de gestion collective de passer un protocole d’accord avec les producteurs de cinéma (1), il n’en pas de même pour les autre modes d’exploitation à la demande comme les plates-formes de vidéo en ligne comme YouTube ou Dailymotion. C’est ainsi que des accords ont ainsi été conclus directement par la SACD et la Scam avec Dailymotion en 2008 et YouTube (2) en 2010, afin de permettre la rémunération des auteurs pour la mise à disposition de leurs œuvres en ligne.
Le lancement de l’Académie SACD/YouTube intervient deux ans après l’accord avec la filiale vidéo de Google, lequel permet aux auteurs concernés de pouvoir être rémunérés pour leurs œuvres exploitées sur Internet – proportionnellement à leur nombre de vues
en ligne. D’après Ecran Total, les premiers versements aux auteurs devraient intervenir dès cette année. Quant à l’accord passé antérieurement entre la SACD (où Pascal Rogard est DG…) avec Dailymotion (où Martin Rogard, son fils, est DG), notre confrère indique encore que les premières rémunérations ont été versées mi-décembre dernier.
La société de gestion collective travaille d’ailleurs avec les auteurs pour faciliter le calcul de leur rémunération Internet. @