Concurrence : Vivendi pose problème sur deux fronts

En fait. Le 28 mars, l’Autorité de la concurrence ouvre un « examen approfondi » sur le rachat en 2006 (renotifié en 2011) de TPS par Canal+, filiale de Vivendi.
Le 23 mars, la Commission européenne ouvre une « enquête approfondie » sur l’acquisition d’EMI par une autre filiale de Vivendi, Universal Music.

En clair. « Doutes sérieux d’entraves à la concurrence » pour l’Autorité de la concurrence sur le marché de la télévision payante en France et « Problèmes de concurrence » pour la Commission européenne sur le marché de la vente de musique enregistrée en Europe. Les deux « enquêtes approfondies », dont font l’objet deux filiales du groupe Vivendi, Canal+ et Universal Music, ont un point commun : la diffusion numérique de contenus culturels.
Sur le marché français de la TV payante et des chaînes thématiques, l’Autorité de la concurrence (1) reproche à Vivendi le non respect de plusieurs de ses 59 engagements pris en 2006. Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) devaient pouvoir
« se fournir en chaînes et droits attractifs », Canal+ s’engageant à mettre à disposition ses sept chaînes et celles de TPS « à tous les distributeurs (satellite, ADSL, câble, TNT) dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires ». Or, l’Autorité de la concurrence et le CSA ont constaté que les FAI (Orange, Free, SFR, …) n’ont pas pu les distribuer (2), contrairement à CanalSat. L’Arcep craignait aussi le risque concurrentiel. Autre grief : Canal+ avait manqué à son engagement d’arrêter les exclusivités dans le paiement à la séance ou la vidéo à la demande (VOD) pour permettre aux FAI ou aux plateformes Internet de diffuser des films récents. En outre, Canal+ est depuis novembre 2010 sous surveillance pour les extensions d’exclusivités à la fibre optique, à la catch up TV et à « tout nouveau support de diffusion » (3).
Sur le marché de la musique enregistrée, cette fois, la Commission européenne estime que « l’acquisition envisagée [de EMI par Universal Music et notifiée le 17 février dernier, ndlr] pourrait réduire la concurrence sur le marché de la musique enregistrée (…), tant physique que numérique (…) ». Après cette absorption, si elle obtient le feu vert réglementaire, les « majors du disque » ne seraient plus que trois avec Sony et Warner.
« La nouvelle entité (…) ne semble pas être soumise à des pressions suffisantes, qu’elles soient exercées par les autres concurrents (…) ou qu’elles résultent de la puissance d’achat de ses clients et/ou de la menace de la consommation de musique illégale (autrement dit le ‘’piratage’’) », s’inquiète Bruxelles. Impala, l’association des producteurs de musique, souhaiterait que l’opération soit rejetée. @

Jean-Paul Baudecroux, groupe NRJ : « D’ici à trois ans, la télévision pèsera autant que la radio »

C’est l’une des rares fois que le président fondateur du groupe NRJ s’exprime
dans la presse sur l’avenir audiovisuel de son groupe, sur la 2e radio de France,
sur Chérie HD prévue fin 2012, sur la RNT et sur le potentiel des 150 webradios.
Il évoque aussi pour EM@ ses 30 ans de « radio libre ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La libéralisation de la bande FM a
30 ans et vous avez, à l’époque, créé la radio libre NRJ dans une chambre de bonne du XXe à Paris : quel regard portezvous sur ces trois décennies ?
Jean-Paul Baudecroux :
Je n’ai pas l’impression que cela fait 30 ans, mais plutôt 10 ans ! Car tout s’est enchaîné très vite et, pris par l’action, je n’ai pas vu le temps passer. J’éprouve une relative satisfaction, parce que mon analyse s’est révélée exacte. Au début, personne ne croyait en l’avenir des radios libres. C’est vrai que, lorsque la publicité était interdite au début, cela n’était pas évident. Il fallait d’abord survivre. Puis, tout est allé très vite. Il a fallu développer l’entreprise – avec beaucoup de difficultés quand même. J’ai dû me battre évidemment contre les concurrents, les grandes radios RTL et Europe 1 de l’époque, qui faisaient tout pour nous écraser dans l’œuf, me battre aussi contre les autorités qui n’ont pas toujours été très visionnaires… Mais je ne pensais pas en arriver à un groupe de cette taille-là (1), car chaque jour était une victoire. Pour finir, la ténacité, ça paye toujours. Comme quoi, si c’est une leçon qui peut servir à de jeunes entrepreneurs, il faut croire en ses idées, « Never give up ! », comme disent les Américains, ne jamais abandonner, ne jamais lâcher prise et puis se battre.

Déverrouiller les bibliothèques en ligne et baisser les prix des livres numériques

Si l’industrie du livre ne veut pas être victime du numérique, comme ce fut le
cas pour la musique, elle devra non seulement déverrouiller les plateformes et
les enrichir, mais aussi accepter de vendre jusqu’à 30 % moins cher les livres numériques par rapport aux livres imprimés.

Contrairement aux industries de la musique et du cinéma, les maisons d’édition ne voient pas les réseaux peer-to-peer (P2P) de type eDonkey ou Torrent comme une menace. Dans le premier baromètre des usages du livre numérique publié au Salon du livre par le SNE (1), la Sofia (2) et la SGDL (3), seuls 4 % des personnes interrogées y vont pour chercher des ebooks.

Stéphane Richard ne voit pas l’intérêt de créer le CNM

En fait. Le 22 février, France Télécom a présenté ses résultats annuels pour 2011 : le bénéfice net est en baisse de 20,1% à 3,895 milliards d’euros (mais « quasi-stable » à périmètre comparable), pour un chiffre d’affaires en recul de 1,6 % à 45,277 milliards. Son PDG a fustigé les taxes sur les FAI.

En clair. En marge de la présentation des résultats annuels, France Télécom a indiqué
à Edition Multimédi@ que le total des différentes taxes « spécifiques » (IFER, taxe pour l’audiovisuel public, Cosip, TST, copie privée, VOD) lui a coûté 801 millions d’euros en 2011. Interrogé sur ces différentes taxes, Stéphane Richard, le PDG de France Télécom, nous a répondu : « Les taxes spécifiques qui pèsent sur nous en France ont représenté près de 5% de notre chiffre d’affaires, alors que c’est seulement 1 % pour l’opérateur historique en Grande- Bretagne ». Au-delà de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), dont il regrette la « légère augmentation » (1), il dénonce les nouvelles taxes comme celle prévue pour le Centre national de la musique (CNM) : « J’aime bien la musique et on a vécu sans le CNM jusque-là. Y a-t-il nécessité de le créer ? On peut s’interroger. Ce n’est qu’une énième taxe sur les opérateurs » (2). La Fédération française des télécoms (FFT), dont Orange est membre, n’a pas signé le 28 janvier l’accord-cadre créant le CNM (lire EM@51, p. 3). «On nous demande des efforts d’investissements dans les réseaux et, après nous avoir mis un quatrième opérateur mobile dans les gencives, … dans les jambes, on vient nous demander une taxe sur la musique. C’est un peu désolant ! », a ajouté Stéphane Richard. Intervenant aussi, le secrétaire général du groupe Pierre Louette précise que ces différentes taxes représentent « 20 % de la fiscalité de France Télécom ». Il a indiqué en outre que la taxe versée par Orange au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip)
se situe « entre 110 et 120 millions d’euros » en 2011. « On nous a supprimé la ‘’contrepartie’’ [TVA réduite sur la moitié audiovisuelle du triple play en échange d’une contribution au Cosip, ndlr] mais la taxe versée au CNC (3) ne la pas été ; elle a même augmenté ! », regrette Pierre Louette.
Et concernant la taxe télécom pour financer l’audiovisuel public, il rappelle qu’elle est contestée par la Commission à Bruxelles devant la Cour de justice européenne. « Ce n’est pas comme ça que l’on va nous encourager à investir », abonde-t-il. Reprenant la parole, Stéphane Richard a insisté : « On nous prend comme une poche et non comme une entreprise qui investit. On est pas des vaches à lait ! C’est assez méprisant ». L’Etat français détient près de 27 % du capital de France Télécom. @

Le Centre national de la musique va chiffrer le marché

En fait. Le 17 janvier, L’Observatoire de la musique a publié « l’évolution des marchés de la musique [enregistrée] en France », une étude du marché physique depuis 2003 et du numérique depuis 2007. Elle s’appuie sur les chiffres des ventes réelles collectées par GfK, avant que le CNM ne prenne le relais.

En clair. André Nicolas, responsable de l’Observatoire de la musique (1), l’a indiqué à Edition Multimédi@ : « C’est le futur Centre national de la musique qui publiera désormais un “Observatoire des évolutions économiques de la filière musicale” avec les données de l’institut GfK ». Ce dernier a rompu dès l’automne 2010 avec l’Observatoire de la musique son contrat qui courait depuis 2003 et qui s’est terminé fin juin 2011.
« A la demande du Snep (2), le prestataire GfK a dénoncé le contrat qui le liait à l’Observatoire de la musique, interdisant à ce dernier de publier les statistiques sur
les ventes physiques et numériques de musique », avait précisé le rapport Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester (3), lequel prévoit la création du CNM qui est présenté
le 28 janvier au Midem (4) par Frédéric Mitterrand. « La filière musicale souffre d’un déficit d’informations fiables, fournies par un acteur neutre et impartial », estimaient
les auteurs. Des incohérences persistaient en effet entre les chiffres de détail de l’Observatoire de la musique et les chiffres de gros du Snep. Selon nos informations,
le CNM espère réconcilier tout le monde en regroupant en son sein non seulement l’Observatoire de la musique, mais aussi le CNV (5), le Bureau Export,
le centre IRMA (6) ou encore le Fonds pour la création musicale (FCM).
Et les données du Snep ? « Rien n’a encore été décidé sur l’avenir de la publication des chiffres. Une chose est sûre, nous travaillerons de concert avec le futur CNM », nous indique son DG David El Sayegh. De fait, l’Observatoire de la musique a abandonné l’idée d’un « comité professionnel » qui devait suivre « objectivement »
le marché. Le Geste était prêt à s’y rallier mais pas le Snep, lequel réunit les majors (Universal, Sony, Warner et EMI), avait refusé d’y participer. Les chiffres sur huit ans publiés le 17 janvier font ainsi figures de bilan final de l’Observatoire de la musique. Entre 2003 et 2010, le marché physique de la musique a chuté de -57,4 % en volume (de 134,3 millions de CD audio et DVD musicaux vendus à 57,3 millions) et -59,4 % en valeur (de 1,953 milliard d’euros de chiffre d’affaires à 792,7 millions). « Si les quatre majors détiennent une part de marché de plus de 85 %, (…) le marché numérique peut être porteur pour les artistes présentés par la production indépendante », constate André Nicolas. @