Publicité et live : Netflix devient plus que jamais un concurrent frontal de la télévision traditionnelle

Publicité, live streaming, mesure d’audience : Netflix marche de plus en plus sur les plates-bandes des chaînes de télévision traditionnelles – au point de menacer leur avenir dans leurs pré-carrés nationaux. Et Nielsen commence à comparer la première plateforme mondiale de SVOD avec les TV hertziennes ou câblées.

« Nous avons lancé notre partenariat de mesure [d’audience] avec Nielsen aux Etats-Unis en octobre. Nous sommes donc très enthousiastes. Nous avons une longue liste d’autres partenaires dans d’autres pays avec lesquels nous devons offrir la même capacité ; alors nous sommes impatients de le faire », a annoncé le 18 octobre Gregory Peters (photo), co-PDG (1) de Netflix, lors d’une conférence téléphonique sur les résultats du troisième trimestre. La première plateforme mondiale de la SVOD est décidée à se mesurer aux chaînes de télévision traditionnelles, au sein même du même agrégat audiovisuel – « The Gauge » – de l’institut américain de mesure d’audience Nielsen. Une révolution dans le « AAL » (2), qui est aux Etats-Unis ce que le « PAF » est à la France. Les premiers résultats de « l’engagement » des téléspectateurs aux Etats-Unis portent sur le mois de septembre et montrent que Netflix s’arroge à lui seul chaque jour 7,8 % en moyenne de la part du temps d’écran TV américain (graphique).

Accord pluriannuel entre Nielsen et Netflix
Non seulement, la plateforme de SVOD cocréée il y a plus de 15 ans par Reed Hastings coiffe au poteau les chaînes de télévision traditionnelles, mais elle se place aussi en seconde position – juste derrière YouTube – des grands streamers aux Etats-Unis. Dans le AAL, le streaming vidéo évolue en tête de l’audience audiovisuelle avec un total de 37,5 % de part du temps d’écran TV américain, bien devant la TV par câble (29,8 %) et la TV hertzienne (23 %). C’est la première fois que Netflix voit ses contenus en streaming (séries, films, directs) mesurés par le géant américain de la mesure d’audience Nielsen aux côtés des mesures d’audience des programmes des chaînes linéaires de télévision. Octobre marque donc le mois de la concrétisation chiffrée aux Etats-Unis de l’accord pluriannuel qui avait été annoncé par Nielsen et Netflix en janvier dernier. « The Gauge » a d’abord été déployé au Mexique et en Pologne, les deux autres pays concernés par cet accord sans précédent et où Continuer la lecture

Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie : « Nous allons mesurer en 2024 les plateformes de SVOD comme Netflix »

Médiamétrie – dont le conseil d’administration est composé de membres actionnaires issus des médias (télés en tête), des annonceurs, des agences, mais pas encore des plateformes – sortira en septembre 2024 les volumes de consommations de Netflix, Amazon Prime Video et autres, « qu’ils le veuillent ou non ».

Médiamétrie, qui fêtera ses 40 ans dans deux ans (en juin 2025), fait monter encore plus la pression sur les grandes plateformes numériques comme Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ ou Apple TV+. Alors que les discussions confidentielles s’éternisent depuis plus d’un an avec certaines d’entre elles, dont Netflix, l’institut français de mesure d’audience réaffirme sa volonté aller de l’avant, avec ou sans leur coopération. « Nous sortirons une quantification totale de consommation des plateformes, puis au niveau des principaux contenus des audiences, avec des définitions ayant du sens, une information auditée, un certain niveau de transparence. A partir de septembre 2024, du moins au troisième trimestre 2024, on sortira des volumes de consommation, par exemple de Netflix. Puis six à neuf mois plus tard [soit à partir de mars 2025 au plus tôt, ndlr], on descendra au niveau des contenus », a indiqué Yannick Carriou (photo), PDG de Médiamétrie, lors d’une rencontre le 12 juillet avec l’Association des journalistes médias (AJM), dont fait partie Edition Multimédi@. Et d’ajouter : « C’est la raison pour laquelle nous avons passé un accord avec Nielsen, qui nous apporte immédiatement des technologies que nous sommes en train de tester et d’adapter à l’Internet français pour faire cette mesure-là ».

Vers une plateforme coactionnaire de Médiamétrie ?
Nielsen, le géant américain de la mesure d’audience présent dans le monde, collabore déjà avec Médiamétrie depuis 1999 mais, avec ce nouveau partenariat signé fin 2022, il fournit au français ses technologies – déjà éprouvées aux Etats-Unis – de mesure des flux digitaux à domicile par des routeurs Internet, de gestion informatique des contenus numériques de télévision, ainsi que de reconnaissance de contenus des plateformes de vidéo à la demande (VOD, SVOD, AVOD, FAST, …). « On sait mesurer quand un terminal se connecte à un serveur qui appartient à Netflix, Amazon ou Spotify, et quantifier automatiquement et de manière assez certaine les volumes de consommation. La situation est un peu différente au niveau des contenus : dans l’univers de la SVOD, 90 % à 95 % des contenus sont quasi exclusifs et on les reconnaît par une technique de type Shazam [reconnaissance de contenus, ndlr], alors que sur la télévision les contenus sont watermarqués [par du watermarking ou tatouage numérique, ndlr]. Sur l’audio digital, c’est plus difficile car les contenus sont aussi diffusés par les autres », explique Yannick Carriou. Médiamétrie travaille déjà sur Continuer la lecture

Médiamétrie s’apprête à désigner la personne qui succèdera à son PDG Bruno Chetaille, sur le départ

L’institut de mesure d’audience Médiamétrie aura un nouveau président pour ses
35 ans. Bruno Chetaille avait fait savoir, dès fin 2017 à son conseil d’adminis-tration, qu’il souhaitait partir. La personne qui lui succèdera fin mars 2020 va être désignée
le 25 septembre prochain. C’est un poste hautement stratégique mais exposé.

La troisième personne qui présidera Médiamétrie, après sa fondatrice Jacqueline Aglietta et son successeur Bruno Chetaille (photo), sera connue dans les prochains jours. « La décision sera prise lors du conseil d’administration de septembre. Le process suit son cours », indique à Edition Multimédi@ Raphaël de Andréis (1), président du comité de nomination de Médiamétrie, dont il est membre du conseil d’administration. Selon nos informations, cette réunion d’intronisation est fixée au 25 septembre. Bruno Chetaille avait signifié dès fin 2017 son souhait de partir. Afin de procéder au recrutement dans la plus grande sérénité et d’assurer le tuilage, la décision avait été prise en juin 2018 de prolonger le mandat de l’actuel PDG jusqu’à fin mars 2020.
Les auditions des candidats se sont déroulées durant cet été devant le comité de nomination par délégation du conseil d’administration, au sein duquel siègent aussi Delphine Ernotte (présidente de France Télévisions), Nicolas de Tavernost (président
du directeur du groupe M6), Ara Aprikian (directeur général adjoint de TF1 chargé des contenus), Sibyle Veil (présidente de Radio France), Frank Lanoux (vice-président d’Altice Media) ou encore Jean-Luc Chetrit (directeur général de l’Union des marques).

Nomination scrutée par les clients et coactionnaires
C’est que tout le monde médiatique et publicitaire que compte la France surveille comme le lait sur le feu le processus de désignation du troisième président de cette entreprise,
dont les mesures d’audience sont aussi déterminantes pour les grilles des programmes
que sensibles pour l’économie publicitaire des chaînes de télévision, des stations de radio, des sites web et même des salles de cinéma.
Chez Médiamétrie, rien ne se fait sans l’aval et le consensus des professionnels des médias, des annonceurs et des agences, dont certains détiennent chacun une participation minoritaire du capital de l’entreprise : côté médias (65 % du capital), Radio France, Europe 1 (Lagardère), SFR Média (Altice), TF1, France Télévisions, l’Ina, Canal+ ou encore M6 ; côté publicité (35 %), l’Union des marques, DDB (Omnicom), Dentsu Aegis, Havas Media, Publicis ou encore FCB. Désigner la personne qui présidera aux destinées d’un Médiamétrie de plus en plus digital, data, global et international nécessite une grande précision, afin de trouver le mouton à cinq pattes capable de relever les défis qui se présenteront à lui. Au moins trois noms ont circulé : Yannick Carriou (PDG de Teknowlogy/ex-CXP, ancien d’Ipsos Connect), Sébastien Danet (président d’IPG Mediabrands France, ancien de Publicis Media) et Denis Delmas (président du Cnam Incubateur, ancien de TNS-Sofres et d’Havas). Convaincants ? Aucun commentaire chez Médiamétrie.

Après les fortes turbulences du « Fungate »
La personne retenue devra avoir les épaules solides pour assumer la lourde responsabilité de ce tiers de confiance médiatique très exposé. Bruno Chetaille, PDG de Médiamétrie depuis décembre 2006, en est à son quatrième mandat. Sur les treize années passées à la tête de cet institut de mesure d’audience, ce fut sans doute le plus difficile. L’affaire dit « Fungate » a été éprouvante. Fun Radio (RTL Group/M6) s’est rendue coupable en 2016 d’avoir gonflé ses mesures d’audience au détriment des ses concurrentes, un animateur ayant conseillé à ses auditeurs de mentir aux enquêteurs de Médiamétrie. NRJ (NRJ, Chérie, Nostalgie, Rire & Chansons), Lagardère (Europe 1, RFM, Virgin Radio), Skyrock, les Indés Radios (131 radios) et NextRadioTV (Altice Média) s’en sont plaints et ont fait faire une enquête au Centre d’étude des supports de publicité (CESP). En décembre 2016, ils ont déposé plainte devant la justice pour « concurrence déloyale ». Cependant, au cours des deux années suivantes, quatre des plaignants – sans que RTL Group ne les désigne dans son dernier rapport annuel où il fait le point sur cette affaire – ont mis un terme à leur action en justice.
Le reste de la procédure est suspendue en attendant le rapport de l’expertise judiciaire demandée par Fun Radio en décembre 2017 et accordée par la Cour d’appel de Versailles. Selon RTL Group, ce rapport d’expertise judiciaire portant sur les corrections effectuées par Médiamétrie sur les audiences de Fun Radio qui les conteste, était attendu pour « le deuxième trimestre 2019 »… pas de nouvelle. Mi-2016, Médiamétrie avait suspendu les résultats d’audience de Fun Radio, avant de les réintégrés mais en les corrigeant à la baisse du premier semestre 2016 au premier semestre 2017. L’institut a justifié ces correctifs sur un an pour prendre en compte « un effet halo ». Contestant la méthode de calcul aboutissant, selon elle, à de « très lourdes corrections » de son audience, la radio « dancefloor » de RTL Group avait alors engagé un bras de fer judiciaire avec l’institut en l’accusant de « traitement discriminatoire depuis plus d’un an ». L’issue de ce « Fungate » dépendra donc des conclusions de l’expert. Par ailleurs, le 5 août dernier, des radios privées comme NRJ, RFM, Skyrock ou encore Virgin Radio ont contesté les sondages de Médiamétrie… en Corse. Ironie de l’histoire, Bruno Chetaille quittera Médiamétrie après cette zone de turbulences, lui qui a pris la succession de Jacqueline Aglietta dans une période également agitée. A l’époque, au printemps 2006, les chaînes de télévision et des agences de publicité avaient vivement reproché à Médiamétrie son retard dans la mesure des nouvelles chaînes de la TNT et dans les nouvelles technologies. Ces critiques auraient précipité le départ de sa fondatrice. Sous l’ère « Chetaille », l’entreprise de mesure d’audience a modernisé ses méthodes de calcul, étendu ses compétences aux nouveaux médias et est passée de 43 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2005 à 102,7 millions en 2018. En janvier 2011, Médiamétrie publie les premières audiences TV intégrant le différé (2) grâce notamment à l’automatisation par watermarking. A partir d’octobre 2014, le fameux « Médiamat » (ex-Audimat) intègre le replay (catch up ou télé de rattrapage). Puis en janvier 2016, les résultats des chaînes cumulent les audiences en live (à l’antenne), en différé et en catch up TV (3). Depuis mars 2017, la durée d’écoute globale à domicile de la télévision comprend la consommation « 4 écrans » (téléviseur, ordinateur, tablette, smartphone), en live, en différé et en replay. La nouvelle génération d’audimètres est au format d’une tablette (appelée TVM3). « En 2020, la consommation hors du domicile sur un écran de TV (bar, gare, aéroport, lieux publics, etc.), mais aussi en vacances, en week-end ou encore dans la résidence secondaire, sera intégrée à la mesure de référence. Puis, elle intègrera aussi l’audience des programmes TV consommés sur les trois écrans Internet (ordinateur, tablette, smartphone) », indique Médiamétrie à Edition Multimédi@. Cette mesure hors domicile et plus individualisée est rendue possible grâce à un petit audimètre portable dont sont équipés 10.000 personnes constituant le panel.
Cependant, dans son audit annuel du Médiamat publié le 26 juillet dernier, le CESP recommande une meilleure prise en compte des plateformes OTT (4) telles que Netflix, et des nouveaux équipements comme les TV connectées, Apple TV ou encore Chromecast. Pour l’heure, Médiamétrie applique progressivement la mesure TV « 4 écrans » à certains OTT : depuis 2017 à Molotov et depuis 2018 à myCanal. Les services de SVOD Netflix et Amazon Prime Video devaient suivre. « Nous travaillons avec d’autres acteurs pour en étendre le périmètre », nous indique Médiamétrie, qui a déjà lancé en juin le « baromètre Netflix » des films et les séries les plus regardés sur ordinateur et mobile. Concernant la plateforme YouTube, elle est la première à intégrer la mesure Internet vidéo « 3 écrans », laquelle remplace depuis janvier la mesure vidéo Internet. La première publication de la mesure YouTube interviendra courant septembre.

Vers un standard commun de la data média
Côté radios, la mesure s’est faite jusque-là sur l’écoute directe sur poste de radio, autoradio, ordinateur, smartphone, baladeur ou encore tablette. Depuis cette année, le « Global audio » analyse désormais l’écoute de la radio, des web radios, des podcasts natifs, des plateformes de streaming musical ou encore des livres audios (5). Data, géolocalisation et programmatique se sont installés au coeur de la stratégie de Médiamétrie, qui, avec ses data scientists, a l’ambition de créer un standard commun de la data média en France. Une nouvelle ère s’ouvre. @

Charles de Laubier

Basculement historique : Le Monde aura vendu en 2018 plus de journaux numériques que d’exemplaires papier

Le centre de gravité du Monde bascule dans le digital : les ventes en France des versions numériques du quotidien deviennent majoritaires au cours de ce second semestre 2018. Les marges étant supérieures à celles du papier, le patron Louis Dreyfus se dit satisfait et veut plus d’abonnements numériques.

Les ventes du quotidien Le Monde sont en train de basculer dans le numérique. L’année 2018 marquera une étape importante,
où les versions numériques payées seront désormais plus nombreuses en France que celles de l’édition papier – toutes diffusions payées en France (abonnements, ventes au numéro
ou par tiers). Selon les estimations de Edition Multimédi@, en prenant en compte le déclin du « print » (journal imprimé) et la croissance du digital (le même journal au format de type PDF), c’est au cours de ce second semestre 2018 que plus de 50 % des ventes du Monde
en France se feront en versions numériques.
Ce taux atteignait déjà 44,5 % en moyenne sur un an à la fin du premier semestre 2018, d’après les chiffres certifiés de l’ACPM (ex-OJD), soit 126.171 journaux digitaux vendus par jour (incluant 789 vendus indirectement) sur une diffusion payée totale en France de 283.678 exemplaires payés (imprimés et numériques). Rien qu’en août, ce taux est passé à 49,1 %, avec 139.608 versions numériques (1). Ce ratio a surtout nettement progressé en six mois en faveur de la dématérialisation du titre, par rapport
à la moyenne quotidienne de 40,1 % constatée sur 2017 (114.171 versions numériques sur un total payé de 284.738 exemplaires).

Plus de la moitié des ventes du Monde se font désormais avec l’édition digitale
Ce déplacement du point de gravité du « quotidien de référence » fondé par Hubert Beuve-Méry en décembre 1944 est historique et illustre le profond changement de paradigme que vit la presse.
D’autres quotidiens ont déjà franchi ce cap, comme le New York Times dès fin 2015,
au moment où il dépassait plus de 1 million d’abonnés digitaux. Aujourd’hui, à fin juin,
le quotidien de référence new-yorkais comptait 2,89 millions d’abonnés uniquement numériques sur un total de 3,8 millions – soit un ratio de… 76 % en faveur du digital ! Louis Dreyfus (photo), le président du directoire du groupe Le Monde et directeur de la publication, n’a pas évoqué explicitement ce basculement historique du Monde dans le digital devant l’Association des journalistes médias (AJM), dont il était l’invité le 19 septembre. Mais c’était tout comme, tant les abonnements numériques sont désormais au cœur de la stratégie du groupe appartenant au duo Pigasse-Niel.

165.000 abonnés numériques au Monde
Pour le quotidien en particulier, le dirigeant du Monde a fait état de 165.000 abonnés numériques, soit un chiffre bien au-dessus de la diffusion payante digitale certifiée par l’ACPM (3). « L’abonnement au Monde à 1 euro est notre offre numérique de départ
sur un mois, sur six mois pour les étudiants. Comme le prix est bas, ces abonnements à 1 euro ne sont pas “OJDifiés” [comprenez, comptabilisés dans la diffusion payante certifiée par l’ACPM, ndlr]. Cela explique la différence entre les 165.000 abonnés numériques payants que nous atteignons et les 136.000 de l’OJD », a expliqué Louis Dreyfus. Alors que le nombre d’abonnés numériques augmente de 13,8% sur un an en France, la croissance atteint 20 % si l’on y ajoute cette porte d’entrée à 1 euro. Et selon le directeur de la publication, « le taux de conversion est assez fort ». Lorsque Louis Dreyfus est arrivé à la tête du Monde il y a huit ans, le portefeuille était de 25.000 abonnés numériques avec un panier moyen de l’ordre de 6 euros ; il est aujourd’hui
de 165.000 abonnés avec un panier moyen « très largement supérieur ». « On ne fait pas du dumping [tarifaire] car nous n’avons pas intérêt à vendre un maximum d’abonnements à 1 euro ; il en va de mes revenus. On me dit que nous cassons les prix, mais en réalité ce n’est pas le cas », s’est-il défendu.
Globalement, la progression du portefeuille du Monde – hors promotions et net du churn (attrition) – se situe autour de 200 abonnés par jour. En revanche, le journal papier continue de décliner. Sur un an, à fin juillet, les ventes « print » en France ont reculé de 5,8 %. Mais le patron du Monde se veut confiant pour l’avenir malgré cette dématérialisation accélérée. « Comme je ne suis plus propriétaire de mon imprimerie,
la question (de la proportion entre print et digital) n’est pas mon sujet. L’abonnement papier résiste ; l’été a été bon ; l’entretien-événement en mai avec Daniel Cordier [97 ans, Résistant et ancien secrétaire de Jean Moulin, ndlr] a fait un très bon score de ventes ; la diffusion du « M » est en bonne position : le papier garde sa fonction », assure-t-il. Si le quotidien imprimé perd de l’argent, la marque Le Monde – constituée du quotidien, de son site web et du magazine M – est, elle, rentable. Les derniers résultats, présentés au conseil de surveillance présidé depuis un an par Jean- Louis Beffa (ex-président de Saint Gobain), ont confirmé le redressement du groupe – sans plus. « On ne sera pas en hausse cette année car 2017 avait été une année exceptionnelle avec les élections (4), mais on reste avec une progression forte de nos abonnés digitaux. Et la diffusion payée du Monde devrait être en croissance, comme
en août où elle a été de 2,7 %. Nous avons des fondamentaux qui restent solides », s’est félicité Louis Dreyfus. Même si les abonnements numériques tirent les revenus
à la baisse, la marge, elle, augmente : « L’abonnement digital du Mondea une valeur faciale qui est la moitié de l’abonnement print. Sa rentabilité est à peu près 5 % à 10 % supérieure. Donc, si mon chiffre d’affaire baisse parce que 100 % de mes abonnés
print deviennent 100 % de mes abonnés numériques, ma rentabilité aura augmenté ». Toutes proportions gardées, la croissance numérique du Monde est, d’après Louis Dreyfus, à peu près en ligne avec celle du New York Times. « Nous avons le premier portefeuille numérique en France, a-t-il déclaré. La vraie question est de savoir si l’on va heurter un plafond ou pas. Pour l’instant, le nombre des abonnés numériques est
en croissance. Cela ne se fait pas sans investissements, dont beaucoup dans la rédaction ». En 2010, il y avait 310 journalistes au Monde (quotidien, site web et magazine). Aujourd’hui, ils sont 440. L’enjeu est maintenant de développer l’abonnement numérique à l’échelle du groupe, lequel inclut Télérama, Courrier International, La Vie, L’Obs ou encore Le HuffPost – mais sans aller sur « les kiosques numériques [LeKiosk, ePresse, SFR Presse, …, ndlr] qui détruisent de la valeur » (dixit Louis Dreyfus). Sa préoccupation est notamment de savoir « comment et pourquoi [s]es enfants, qui ont neuf et douze ans, paieront pour un titre du groupe dans quinze ans ». Le lecteur du Monde, print ou digital, a 44 ans en moyenne et l’éditeur estime qu’il n’a pas à baisser cette moyenne d’âge. « En revanche, la génération qui vient est bien moins exposée au papier. C’est pourquoi nous avons lancé il y a deux ans une édition sur Snapchat Discover que 1 million d’adolescents français regardent tous les jours.
Si j’en garde d’ici cinq ans ne serait-ce que 10 %, ce sera le jackpot ! », a expliqué le patron du Monde. L’équipe dédiée « Snapchat » est actuellement de sept ou huit personnes, soit moins de 2 % de la rédaction. La monétisation se fait par le partage des recettes publicitaires, majoritairement pour l’éditeur. « Ce n’est pas un investissement démesuré par rapport à l’une de nos priorités qui est d’amener cette génération qui vient à payer pour nos contenus dans dix ans ».

L’Obs et Le Huffpost testent des podcasts
Par ailleurs, sont menés des tests de podcasts natifs : L’Obs a fait une série audio cet été (« Au coeur du crime »), diffusée sur iTunes et SoundCloud, et Le HuffPost deux programmes depuis juin (« Quoi de neuf Le Huff ? » et « Coach à domicile ») accessibles de l’enceinte connectée Amazon Echo. Quant au site Lemonde.fr (77,3 millions de visites en août), il va être refondu pour fin octobre. @

Charles de Laubier

Fiducial Médias de Christian Latouche (Sud Radio, Lyon Capitale, TV, …) se développe au niveau national

En plus des groupes médias TF1, M6/RTL, Canal+, Lagardère/Europe 1, NRJ,
Le Monde/L’Obs, Le Figaro, Le Parisien-Les Echos ou encore Altice (BFM, Libération/L’Express), souvent aux mains de milliardaires, il faut désormais compter avec Fiducial Médias de Christian Latouche – nouveau milliardaire
et magnat potentiel aux ambitions nationales.

Par Charles de Laubier

Fiducial Médias tente de concrétiser ses ambitions nationales, à commencer dans la radio avec la station Sud Radio que le groupe a rachetée il y a quatre ans et qui vient de fermer ses studios à Labège (près de Toulouse) après avoir emménagé dans de nouveaux à Paris. Filiale du groupe d’expertise-comptable Fiducial diversifié dans les services de gestion aux entreprises, Fiducial Médias a pour PDG Didier Maïsto (photo de droite) depuis fin 2013.
Cet ancien journaliste du Figaro (1988-1993) devenu ensuite attaché parlementaire (1993-1998) de quatre députés successifs (1), puis lobbyiste, développe depuis quatre ans une stratégie plurimédia et multimédia bien au-delà de Lyon d’où s’est lancé dans la presse la maison mère il y a près de dix ans. C’est en fait Christian Latouche (photo de gauche), le très discret fondateur du groupe de gestion spécialisé dans les TPE/PME, Fiducial (ex-Sofinarex), qui s’est épris de médias : ce Bordelais a jeté son dévolu sur Lyon Capitale en le rachetant en 2008.

Lyon Capitale, pionnier sur le Web. Sud Radio, pionnière de la RNT
Cet hebdomadaire devenu mensuel fut, avec son site web Lyoncapitale.fr dès 1995, l’un des pionniers de la presse française sur Internet avec Libération et Les Dernières Nouvelles d’Alsace. Puis, Christian Latouche s’est emparé en 2010 de la télévision locale privée Lyon TV qu’il a rebaptisée dans la foulée Lyon Capitale TV. La station Sud Radio est enfin tombée dans son escarcelle en 2013, après avoir déboursé 7 millions d’euros – selon La Correspondance de la Presse à l’époque.
Contrairement aux grandes radios privées (NRJ, RTL, Europe 1, BFM/RMC), il mise sur la radio numérique terrestre. « Nous avons une ambition nationale en RNT, dont nous avons été les pionniers », indique Didier Maïsto à Edition Multimédi@. A 77 ans, son patron Christian Latouche, actuel président de Fiducial (entreprise qu’il a fondée en tant qu’expertcomptable et commissaire aux comptes en 1970), vient de voir cette année sa fortune personnelle dépasser 1 milliard d’euros – ce qui le place en 76e position des personnes les plus riches de France, selon Challenges (2). Il faut dire que son groupe lyonnais, dont le siège social se situe dans le quartier d’affaires Vaise de la Part-Dieu, est florissant : 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2016 dans le monde avec un effectif de plus de 17.000 personnes, dont 60 % en Europe (11.000 collaborateurs).

Fiducial Médias crie aux scandales
Ce nouveau milliardaire – un de plus dans les médias français (3) (*) (**) – ne publie pas les comptes de son « entreprise globale » de gestion. Fidèle à sa légendaire discrétion, il évite de prendre la parole publiquement et dans les médias. Lorsque les journalistes en parlent, c’est par exemple lorsqu’il rachète l’île bretonne de Boëdic pour 4 millions d’euros (en 2015 dans Le Télégramme) ou pour évoquer ses accointances avec l’extrême droite (notamment en 2013 sur le site web Rue89, contre lequel il a été débouté de son action judiciaire pour diffamation), voire quand il est question de son supposé lobbying parlementaire lors du projet de loi Macron (en 2015 dans Acteurs
de l’économie-La Tribune où il a obtenu un droit de réponse).
Alors pour Christian Latouche, les médias, c’est du « Je t’aime, moi non plus ». Mais alors, pourquoi ce chef d’entreprise de l’ombre s’est-il entiché de médias justement,
au point de les racheter ? Sans doute pour gagner en influence à l’instar, entre autres milliardaires, de Patrick Drahi, le patron d’Altice propriétaire du deuxième opérateur télécoms français SFR, de Libération et de L’Express, ou comme Bernard Arnault, première fortune de France et propriétaire des quotidiens Le Parisien et Les Echos, ainsi que de Radio Classique. « Pendant une trentaine d’années, nous nous sommes intéressés aux très petites entreprises qui créent de l’emploi et qui participent pour un tiers du PIB français. Mais elles sont mal connues des pouvoirs publics et n’ont guère accès aux médias. Les petits patrons sont aussi des citoyens et leurs votes sont similaires à ceux des Français. C’est pourquoi nous avons créé un groupe média », avait justifié Didier Maïsto au Figaro (4). Le « M. Médias » de Fiducial, qui se fait un peu moins discret que son patron, s’était illustré en 2012 avec son livre « TNT, un scandale d’Etat » paru aux éditions « Les enquêtes de Lyon Capital ». Didier Maïsto y dénonce de façon virulente l’attribution cette année-là par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de six fréquences de la TNT pour des chaînes en HD (5), le groupe de Christian Latouche ayant été un candidat malheureux dont le projet de chaîne de documentaires D-Facto n’a pas été retenu. Pour lui, l’échec est d’autant plus cuisant que Didier Maïsto avait à l’époque l’oreille d’un certain… Patrick Buisson, le sulfureux ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Il y a un peu plus d’un an encore, Didier Maïsto a ré-exprimé sa colère – envers le CSA, Alain Weill et Patrick Drahi (6) – sur le site web « TV Libertés » proche de l’extrême droite, tout comme l’est aussi un certain « Observatoire des journalistes et de l’information médiatique (Ojim) » ayant fait état de cet entretien vidéo (7). Cinq ans après, rebelote ! Didier Maïsto relance une autre polémique dont il a le secret. Cette fois, il s’en est pris à la méthodologie de mesure d’audience radio de Médiamétrie dont il a demandé « une expertise judiciaire » car Fiducial Médias n’accepte pas la baisse des résultats d’audience de Sud Radio qui ne dépasse pas 1 %. « Je les accuse d’une méthodologie bidon tout à fait sujette à caution. (…) Les audiences sont exponentielles sur Internet : +58 %, +50 % sur le digital (8).
Et – miracle absolu ! – ça ne bouge pas [pour la radio FM] sur Médiamétrie ! », avait-il pesté sur CNews le 5 novembre. Et ce n’est pas faute d’avoir attiré à l’antenne des chroniqueurs en vue tels que Henri Guaino (l’ex-député et conseiller de Nicolas Sarkozy), Natacha Polony, Liane Foly ou encore André Bercoff. Le patron de Sud Radio affirmait même alors : « J’ai été appelé par le président fondateur de NRJ, Jean-Paul Baudecroux, qui a réuni toutes les radios et les télés chez lui, à son siège. Personne
ne m’a dit que j’étais dans le faux. En aparté, les gens me disent même que j’ai raison, mais que je vais déstabiliser le marché ». Sud Radio réclamait 23 millions d’euros de dommages et intérêts à Médiamétrie, soit près de 13 fois son chiffre d’affaires de 2016. Dix jours plus tard, par une ordonnance de référé datée du 15 novembre, le tribunal
de commerce de Nanterre a débouté Fiducial Médias. Sans préjuger de la suite, l’institut accuse à son tour « Sud Radio [qui] n’a eu de cesse de dénigrer la mesure d’audience » et menace d’engager « toutes les actions judiciaires à sa disposition
pour faire valoir ses droits » (9). Didier Maïsto nous a précisé que « l’appel [contre la décision de justice] est en cours ».

Radio, TV, Web : l’affaire est globalement rentable
En 2013, lors du rachat de Sud Média, le PDG de Fiducial Médias s’était fixé l’objectif d’atteindre l’équilibre financier d’ici cinq ans. Or les comptes annuels affichent déjà un bénéfice net ces deux dernières années. Le groupe de Christian Latouche a aussi une activité de production audiovisuelle via Urbavista Productions, qui gère notamment la programmation de Lyon Capitale TV, ainsi qu’une agence web Y-Proximité au service des TPE/PME désireuses d’aller sur Internet et/ou dans le e-commerce. A suivre. @

Charles de Laubier