Le salon CES a sonné la fin de la domination d’Apple

En fait. Le 13 janvier s’est achevée à Las Vegas la grand-messe internationale de l’électronique grand public, le Consumer Electronics Show (CES). Cette industrie mondiale va dépasser pour la première fois cette année les 1.000 milliards de dollars de chiffre d’affaires, selon l’association CEA organisatrice.

En clair. Un seul être vous manque – Steve Jobs (1) – et tout est dépeuplé ? Pas le moindre du monde. Apple a beau avoir brillé encore une fois par son absence au CES
de Las Vegas (2.700 exposants, 20.000 produits nouveaux, 140.000 visiteurs…), ses concurrents en ont profité pour lancer des nouveautés destinées notamment à mettre
un terme à la domination d’Apple dans les tablettes depuis avril 2010 et voler la vedette
à l’iPhone.
Lors de ce CES 2012, une cinquantaine de nouvelles tablettes ont été lancées. Apple
a déjà vendu plus de 30 millions d’exemplaires de sa tablette multifonction, selon le cabinet eMarketer, et tutoierait encore en 2011 les 80 % de parts de marché. Mais le fabricant californien est concurrencé avec succès par le sud-coréen Samsung et sa Galaxy Tab, mais aussi par Motorola et son Xoom (2), Hewlett-Packard ayant arrêté l’an dernier sa TouchPad. La bataille mondiale des brevets liés aux tablettes, engagée par Apple contre Samsung, en dit long sur la nervosité de la firme californienne. L’iPad est en outre chahuté par le lancement au CES d’ultrabooks ultrafins et ultra-légers, dont près d’une cinquantaine de modèles ont été présentés. A mi-chemin entre l’ordinateur et la tablette dont il sont des alternatives, concurrents du Macbook Air d’Apple, ces terminaux hybrides – appelés aussi laptop – ont notamment été lancés par Hewlett-Packard et Acer.
Sur le front des smartphones, Apple – qui détient à peine 4 % de parts de marché mondial, selon le cabinet Gartner, avec son iPhone lancé en 2007 – a là aussi du souci à se faire. Samsung est devenu sa bête noire avec son Galaxy S. D’autant que le fabricant sud-coréen, entré en 2010 sur le marché des smartphones, caracole désormais à près de 18 % de parts de marché mondial derrière le numéro un (depuis près de 15 ans !) qu’est le finlandais Nokia, relégué néanmoins en dessous des 25 % de parts de marché. LG Electronics, HTC, Sony Ericsson et Motorola Mobility (en cours de rachat par Google) sont eux aussi près à croquer la pomme. Résultat, l’iPhone perd du terrain et son heure de gloire semble derrière lui. Selon le cabinet d’études Kantar,
le smartphone d’Apple résiste encore dans le monde anglo-saxon (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Australie) mais décline en Europe. La France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ne sont plus des « Applemaniaques ». @

Game over… pour l’industrie « off line » du jeu vidéo

En fait. Le 8 décembre, le Game Connection Europe a fermé ses portes après trois jours, à La Défense. C’est la première fois que Paris accueillait cet événement-phare de l’industrie du jeu vidéo qui, selon l’Idate, réalise 52,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial cette année.

En clair. L’industrie du jeu vidéo entre dans le « cloud gaming ». Les consoles de jeux connectées, les boutiques d’applications, les réseaux sociaux, les téléviseurs connectés, ainsi que les jeux dits massivement multi-joueurs (MMO) et les jeux virtuels sur de la réalité augmentée, sont en train de faire disparaître les jeux numériques sur supports physiques, tels que les CD ou les DVD. Le « cloud computing », qui permet aux utilisateurs de jouer à partir de n’importe quel terminal – ordinateur, smartphone, tablette, téléviseur, etc. – sans que le jeu n’ait à être enregistré préalablement sur leur propre disque dur ou sur un support de stockage local, pourrait leur donner le coup de grâce. L’un des pionniers du « cloud gaming » s’appelle OnLive, société américaine qui a lancé en juin 2010 son service de jeux à la demande – ce que l’on pourrait désigner par le GOD, comme il y a la VOD pour la vidéo à la demande. Seul un petit boîtier est nécessaire pour jouer sur le poste de télévision. Pas de disque optique, pas de téléchargement : rien que du streaming audiovisuel. Par exemple, l’utilisateur achète
un jeu à partir de son smartphone et obtient un unique compte utilisateur, qui lui donne le droit de joueur à ce jeu sur plusieurs de ses terminaux. C’est ce que Laurent Michaud, chef de projet et responsable du pôle « Loisirs numériques et électronique grand public » de l’Idate, appelle – notamment dans son rapport « Digital Home & Connectable Devices » de l’Idate (1) que Edition Multimédi@ s’est procuré – les « jeux vidéo ubiquitaires » (ou Ubiquitous Games).
En France, par exemple, la console de jeux connectée pourrait disputer à la box IPTV
des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – détenant plus de 90 % de parts de marché
de l’accès au haut débit et du triple play – sa position de leader dans le salon connecté.
« Les consoles continuent par ailleurs d’abriter d’autres contenus (musique, vidéo, navigation Web, TV), plus enclins à intéresser le reste de la famille. (…) Celles de Sony
et de Microsoft assument leurs ambitions dans le foyer numérique et participent à sa conquête à côté des set-top-box, des boxes IPTV, des disques durs multimédias, des lecteurs-enregistreurs vidéo et des téléviseurs connectés », explique Laurent Michaud (2). Reste le risque de piratage que l’Hadopi considère comme moins élevé comparé à
la musique ou aux films. @

Vers un marché européen du contenu multimédia

En fait. Le 7 décembre, se sont réunies les vingt personnalités qui composent
un « forum de l’UE sur l’avenir des médias » que Neelie Kroes – vice-présidente de la Commission européenne, en charge du numérique – a mis en place pour examiner la « révolution numérique » des médias et lancer un débat en 2012.

En clair. « La révolution numérique est en train de bouleverser les médias : comment pouvons-nous utiliser le marché unique numérique ainsi que d’autres outils pour saisir le potentiel de cette dynamique nouvelle ? », a expliqué Neelie Kroes pour justifier la création de ce forum de l’Union européenne sur l’avenir des médias. Parmi ses vingt membres, l’on retrouve les Français Emmanuel Gabla, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), Julien Codorniou, directeur des partenariats chez Facebook ou encore David Ripet, vice-président en charge des contenus chez Dailymotion. Sous la présidence de Christian van Thillo, PDG du groupe de médias belge De Persgroep (1), ils travailleront avec d’autres représentants du monde de l’édition, de la diffusion, de la publicité, des télécoms, des fabricants d’équipements, des médias sociaux et des industries en ligne. Objectifs : favoriser « la création d’un marché [unique] du contenu multimédia numérique en Europe » et « encourager le pluralisme des médias et promouvoir un journalisme de qualité ». Il s’agit aussi pour Neelie Kroes que « les industries européennes des médias [puissent] améliorer leur compétitivité à l’échelle mondiale ». La commissaire européenne en charge de l’Agenda numérique, qui « veu[t] une réflexion qui sorte des sentiers battus », attend des vingt personnalités : des débats « tout au long de 2012 » et des réflexions sur « les modèles économiques, la concurrence ou la création de contenus en Europe ».
La Commission européenne n’en est pas à sa première quête d’un « marché unique »
des contenus, dans le cadre de sa « stratégie Europe 2020 ». Le 18 novembre dernier, elle a achevé une consultation publique sur son livre vert intitulé : « La distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles dans l’Union européenne. Vers un marché unique du numérique : possibilités et obstacles » (EM@40, p. 5). Entre 2009 et 2010, après l’avoir fait une première fois en 2006 (EM@1, p. 4), elle a consulté sur son projet de « cadre juridique » favorable à un « marché unique numérique » des offres légales de
« contenus créatifs en ligne » (musique, films, jeux vidéos, livres…). Comme pour les autres contenus, le « cloisonnement des marchés numériques », la «mosaïque de marchés en ligne nationaux », le « manque d’interopérabilité », voire les droits d’auteur, devraient faire débat. @

Nicolas Seydoux, président du Forum d’Avignon : « Chacun doit protéger la culture »

Le président des Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias – organisées à Avignon du 17 au 19 novembre – explique à EM@ les enjeux de cet événement. Le patron de Gaumont, président de l’Alpa, en appelle aussi aux FAI pour lutter contre le piratage sur Internet et financer la création.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le Forum d’Avignon, que vous présidez, a pour thème cette année « Investir la culture ». Pourquoi ? Nicolas Seydoux : L’ambition du Forum d’Avignon est non seulement d’apporter des messages, des idées ou des opinions au monde de la culture, mais aussi à l’ensemble de la collectivité des décideurs, économiques ou politiques. Le monde est à la recherche de repères. La culture, quelle qu’en soit la définition ou l’absence
de définition, représente fondamentalement des valeurs éthiques
et esthétiques, qui plongent leurs racines dans le temps. Dans le monde moderne, tout doit être réglé dans l’instant, alors qu’il faut savoir donner du temps au temps, pour reprendre l’expression de François Mitterrand. La crise ne peut se régler qu’en rappelant les éléments fondamentaux de chacune de nos sociétés, à commencer par la culture. Le Forum d’Avignon veut avant tout éviter de recréer un ghetto culturel culturel français. Il est international – 40 nationalités représentées – et trans-sectoriel avec plus de 50 activités différentes, des journalistes aux artistes et personnalités politiques, en passant par des entrepreneurs de groupes de médias ou d’entreprises de la nouvelle économie. Certains, comme Vivendi (France) ou Reliance (Inde), sont présents à la fois dans le contenu et dans le contenant. Ces mondes, qui trop souvent sont coupés les uns des autres, doivent regarder ensemble les problèmes de notre temps. « Investir la culture », c’est s’investir au sens humain (réfléchir) et investir
au sens financier.

Foire du livre de Francfort : comment le livre s’ouvre

En fait. Le 14 octobre, la 63e édition du Salon du livre de Francfort – le Frankfurt Book Fair, organisé par l’association allemande des éditeurs et des libraires –
a fermé ses portes après quatre jours d’effervescence : le livre est pris d’assaut
par le numérique et se décline en produits dérivés.

En clair. De plus en plus, un livre ne se conçoit plus sans « produits dérivés » : ebook multimédia, musique, films, jeux vidéos, … Autrement dit, le livre sort de sa bulle. « A l’âge du numérique, les chaînes de valeur linéaire traditionnelles d’entremêlent pour former des espaces de valeur multi dimentionnels », explique Juergen Boos, directeur de la Foire du livre de Francfort depuis 2005. Lancés pour la première fois l’an dernier (1), des espaces thématiques baptisés « Sparks » ont établi des passerelles entre différentes industries qui ne dialoguaient pas vraiment jusqu’à maintenant : édition, média, télévision, cinéma, web, musique, mobile, etc. Avec comme leitmotiv : StoryDrive, l’histoire à raconter qui est le fil conducteur de la création de contenus
cross media (livre, musique, jeu, film, …). Pour la première fois cette année, le salon international a entièrement consacré un hall central à la vente et à l’achat de droits dérivés baptisé StoryDrive Business Centre. Les industries de l’édition, du cinéma et des jeux s’y sont retrouvés. Exemple : « The Fantastic Flying Books of Mr Morris Lessmore », qui est issu d’un film court du même nom créé par les studios Moonbot.
En outre, s’est tenue la 25e Réunion internationale des directeurs de droits (RDM) :
elle s’est penché cette année sur le développement des nouvelles applications mobiles. Alors que le taux de 25 % des recettes nettes est devenu de facto
la norme pour le reversement des royalties aux ayants droits pour les livres numériques, les taux de licence pour les autres médias – tels que les applications mobiles ou les projets trans médias – restent encore à établir. Une des solutions a été d’établir des contrats globaux avec certains clauses, comme la garantie d’utiliser des DRM (2) ou d’établir un prix minimum en dessous duquel on ne peut descendre (par exemple 50 % de l’édition imprimée). « Le numérique est une fantastique opportunité pour augmenter les revenus des auteurs », a expliqué Caroline Dawnay, de l’agence littéraire britannique Agents Unis. Le 12 octobre, Arnaud Nourry, le PDG d’Hachette Livre a participé à un débat sur « les nouveaux horizons de l’édition globale », qui a montré la mondialisation des maisons d’éditions sous l’effet de la numérisation et face aux géants du Net comme Google et Amazon. @