Gros cafouillage sur le marché des télécoms d’entreprises, toujours dominé par Orange et SFR

L’Arcep a demandé in extremis à Orange de retarder la présentation – prévue initialement le 22 juin – de son offre de gros de fibre activée à destination des opérateurs télécoms alternatifs sur le marché des entreprises. Car il y aurait un risque concurrentiel. La Lettre A l’a révélé le 7 juillet.

Ce qui s’est passé en coulisse entre l’Arcep et Orange, en dit long sur la division qui règne entre les opérateurs télécoms concurrents sur le marché français des entreprises. D’un côté, il y a les opérateurs de services télécoms et demandeurs d’une offre de gros de fibre activée d’Orange (prête à l’emploi), qui leur permettrait de proposer à leur tour à leurs clients du « FTTH pro » à prix compétitif (1). De l’autre, il y a les opérateurs de réseau déployant leur propre infrastructure, qui voient d’un mauvais oeil cette offre de gros d’Orange risquant de les court-circuiter.

Concurrence : sauver le soldat Kosc Telecom
Autant dire qu’il n’y a pas unanimité et encore moins consensus entre les associations d’opérateurs concurrents d’Orange que sont l’Association des opérateurs télécoms alternatifs (Aota), dont la plupart des membres mais pas tous sont hostiles à cette offre de gros de fibre activée d’Orange, et le regroupement Alternative Télécom, dont les opérateurs orientés services (Coriolis, Paritel, Prixtel, Vitis/Netgem, …), sont quant à eux favorables à une telle offre très haut débit dite « bitstream ».
C’est sur ce fond de division des forces alternatives en présence que la veille du 22 juin, date à laquelle Orange avait prévu de présenter cette offre de gros « FTTH pro » active, le régulateur des télécoms présidé par Laure de La Raudière (photo de gauche) a demandé à l’opérateur historique, dirigé par Stéphane Richard (photo de droite), de retarder le lancement de cette offre dite « bitstream » sur le marché des télécoms d’entreprise. Selon La Lettre A du 7 juillet dernier, l’Arcep aurait in extremis obtenu d’Orange l’annulation de cette présentation. « Nous ne ferons pas de commentaire sur le sujet », a répondu l’Arcep à Edition Multimédi@. En substance, cette offre de gros de fibre active d’Orange pourrait compromettre les efforts des opérateurs de réseau de fibre optique concurrents de l’ancien monopole public. A savoir, ceux déployant leur propre infrastructure de fibre optique d’entreprises, tels que – outre SFR et Bouygues Telecom aux reins plutôt solides – le groupe Altitude Infrastructure, dont Kosc Telecom devenu sa filiale en juin 2020, ou encore le belgo-néerlandais Eurofiber, lequel a racheté fin 2019 en France Eurafibre. Il y avait bien auparavant comme opérateur d’infrastructure indépendants Covage, mais cet opérateur d’infrastructure a été racheté l’an dernier par SFR, tandis qu’Axione est contrôlé par Bouygues Telecom (2). Autant dire que l’avenir de la concurrence sur le marché des infrastructures de fibre optique à destination des entreprises est essentiellement entre les mains d’Altitude Infrastructure/Kosc Telecom, seul alternatif indépendant de taille à même de rivaliser avec Orange, SFR, Bouygues Telecom et le tout nouvel arrivant Free depuis quatre mois. Or, s’inquiétait déjà l’an dernier l’Arcep, « la concurrence a bien émergé sur le marché de gros activé mais qu’elle reste fragile : le niveau de concurrence sur ce marché doit encore s’améliorer pour garantir une évolution positive de la concurrence sur les marchés de détail entreprises ».
Avec la nouvelle offre de gros de fibre activée, Kosc Telecom et d’autres « infra » pourraient subir des dommages collatéraux. La filiale d’Altitude s’est positionnée depuis quatre ans sur le marché de gros activé, « notamment en négociant auprès d’Orange une offre d’accès lui permettant de fournir à ses propres clients opérateurs de détail pur entreprises une offre de gros activée de type “FTTH pro” » (3). Bouygues Telecom et SFR commercialisent aussi de leur côté des offres activées sur le marché de gros et il en va de même pour des réseaux d’initiative publique (RIP). L’Arcep se préoccupe surtout de la pérennité de Kosc Telecom face à la position dominante d’Orange et SFR, sur le marché des entreprises. En décembre dernier, soit avant que Laure de La Raudière ne remplace Sébastien Sorianio, l’Arcep avait encore alerté – dans sa décision d’analyse des marchés pour la période 2021-2023 – sur la fragilité de la concurrence concernant le marché de gros activé (4).

Alternative Télécom exige une étude à l’Arcep
Le report de l’offre de gros « FTTH pro » activée d’Orange n’a pas dû plaire à l’association Alternative Télécom, présidée par Pierre Bontemps, fondateur de l’opérateur Coriolis Télécom, laquelle déplore « l’absence d’accès des opérateurs alternatifs à des offres de gros FTTH activées sur l’ensemble des prises fibre du territoire déployées par les opérateurs d’infrastructure, et notamment Orange ». Fin mai, cette association d‘opérateurs de services télécoms a réitéré sa demande qu’« une étude rapide et spécifique sur les offres de gros d’accès activé sur la fibre soit menée d’ici la rentrée par l’Arcep » (5) pour changer les règles de concurrence « avant la fin de l’année ». @

Charles de Laubier