Deezer va-t-il réussir là où Dailymotion a échoué ?

En fait. Le 19 juillet, la plateforme française de musique en ligne Deezer a annoncé son lancement directement aux Etats-Unis, en plus de ses accords commerciaux avec Sonos, Bose et Cricket. Pendant ce tempslà, Dailymotion outre-Atlantique tourne au fiasco, avec le départ de son numéro deux Martin Rogard.

En clair. Pas facile pour une plateforme française de streaming (musique et/ou vidéo) de se lancer à l’assaut des Etats- Unis. Cela relève du pot de terre contre le pot de fer. Dailymotion, devenue il y a un an filiale de Vivendi après l’avoir été d’Orange, essuie les plâtre depuis 2012 face à un YouTube pas très partageur. Les quelques dizaines
de millions de visiteurs américains et de vidéos vues pour le français font pâle figure
au regard des centaines de millions de visiteurs et des milliards de vidéos vues pour l’américain. A cela s’ajoute une crise d’identité de Dailymotion depuis son passage sous la houlette de Maxime Saada, aussi directeur général de Canal+, lequel a en outre confié les rênes de la plateforme de partage vidéo à Virginie Courtieu (1), l’ancienne directrice des partenariats en France de… YouTube (passée entre les deux par la
« case » Webedia).
Bon nombre de salariés de Dailymotion auraient préféré tomber sous la coupe de Yahoo, lequel s’était heurté au printemps 2013 au gouvernement français opposé à son projet de rachat de la plateforme française, plutôt que de celle de Bolloré, patron de Vivendi, via Michel Sibony. Résultat : une centaine d’entre eux ont quitté Dailymotion, toujours déficitaire, et son numéro deux Martin Rogard – basé à New York depuis novembre 2012 – est aussi donné partant.
Chez Deezer, la musique adoucie les mœurs… pour l’instant. Le frenchy pionnier du streaming musical va devoir affronter une hydre à au moins six têtes : Spotify, Apple Music, YouTube, Tidal, SoundCloud et Rhapsody – en attendant que la marque à la pomme avale Tidal (2). Depuis 2014, Deezer a un bureau à New York que le cofondateur Daniel Marhely a renforcé l’année suivante. C’est aussi il y a deux ans
que Deezer a acquis Stitcher, une start-up américaine de flux radio et de podcast, de quoi rivaliser avec les radios en ligne d’Apple (Beat 1) et de Spotify (AM/PM et Secret Genius). Mais la plateforme musicale française a encore beaucoup à faire pour faire décoller son audience aux Etats-Unis, alors qu’elle revendique « 6 millions d’abonnés payants dans 180 pays ». Si elle avait maintenu son introduction en Bourse en octobre 2015, ce à quoi elle avait renoncé, sa notoriété internationale s’en se serait trouvée renforcée – surtout outre-Atlantique. Il faudra donc faire sans. @

Göran Marby devra amener l’Icann, dont il est PDG depuis mai, à s’émanciper des Etats-Unis

En mai, le Suédois Göran Marby a succédé à l’Egypto-libano-américain Fadi Chehadé au poste de PDG de l’Icann, l’organisation chargée de l’attribution des noms de domaine sur Internet. Le 9 juin, Washington a approuvé le plan de sortie – d’ici le 30 septembre prochain – de la tutelle des Etats-Unis.

Il a quitté Stockholm en Suède, où il était directeur général de l’Arcep suédoise, pour s’installer avec sa famille à Los Angeles aux Etats- Unis, où il est depuis mai dernier PDG de l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers). Göran Marby (photo) succède ainsi à Fadi Chehadé, lequel avait commencé à engager le processus d’émancipation de la tutelle américaine pour cette autorité de régulation de l’Internet chargée historiquement de superviser l’attribution les noms de domaine dans le monde. Née en 1998, cette société de droit californien, sans but lucratif et reconnue d’utilité publique doit en effet couper le cordon ombilical avec les Etats-Unis pour devenir à partir du 30 septembre prochain une organisation indépendante et à gouvernance multilatérale – comprenez mondiale. Sous la pression internationale, Washington a accepté en 2014 la perspective de passer le flambeau. Göran Marby
a désormais la lourde tâche de mettre en oeuvre ce transfert de fonctions assurées jusqu’alors sous la tutelle du gouvernement fédéral américain, dont l’allocation et le maintien des codes et systèmes de numérotation uniques de l’Internet tels que les adresses IP – fonctions historiques qu’assurait l’Iana (1), alias l’administration américaine.

Les « Cnil » européennes tirent exagérément sur le nouveau bouclier « Privacy Shield »

Le groupe « G29 » critique trop sévèrement le nouveau « bouclier vie privée » (Privacy Shield) entre l’Europe et les Etats-Unis. Il trouve ses mécanismes de
co-régulation insuffisants. Pourtant, l’idéal européen en matière de protection
de droits individuels n’existe pas non plus.

Par Julie Brill et Winston Maxwell, avocats associés, Hogan Lovells

Comme le tout nouveau règlement européen sur le traitement des données à caractère personnel et la libre circulation de ces données (1), la directive de 1995 sur la protection des données à caractère personne (2) interdit tout transfert de données vers un pays non-européen, sauf si le transfert tombe dans l’une des exceptions prévues par la directive. Depuis 2000, le système d’auto-certification dénommé « Safe Harbor » était considéré par la Commission européenne comme fournissant un niveau de protection adéquat, et a permis le transfert de données vers les entreprises américaines détenant ce label.

Maurice Lévy, président de Publicis : « La fraude publicitaire, c’est quelque chose de très grave »

Le président du directoire du groupe Publicis, Maurice Lévy, se dit préoccupé par la fraude publicitaire qui sévit dans le monde numérique avec des robots virtuels (botnets) qui cliquent automatiquement les publicités en ligne pour détourner de l’argent. Mais il se dit moins inquiet au sujet des adblockers, « pour l’instant ».

« C’est quelque chose de très grave. Hélas, ce sont des centaines de millions, peut-être des milliards de dollars qui s’évadent. Et c’est très grave parce que cela jette l’opprobre sur l’ensemble d’une profession et crée des risques très importants sur les médias qui font leur boulot honnêtement et qui attendent ces recettes », a estimé Maurice Lévy (photo), président du directoire du groupe Publicis depuis 1987, devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef) dont il était l’invité le 4 février dernier. Le recours à des robots virtuels, chargés de cliquer automatiquement sur les e-pubs, l’inquiète. Selon l’association américaine des annonceurs, l’ANA (Association of National Advertising), ces derniers devraient perdre cette année 7,2 milliards de dollars au niveau mondial au profit des robots virtuelles qui organisent la fraude publicitaire massive. Une étude du cabinet EY réalisée pour le compte de l’IAB (Interactive Advertising Bureau) et rendue publique en décembre avance une perte plus importante : 8,2 milliards de dollars par an rien qu’aux Etats-Unis. Comment cela fonction-t-il ?

Viacom: fin de règne pour le Français Philippe Dauman ?

En fait. Le 22 janvier, le groupe Viacom (Paramount, MTV, Nickelodeon, …) a déclaré avoir versé 17 millions de dollars en plus à Philippe Dauman – son PDG depuis dix ans. Ce qui porte à 54,2 millions de dollars sa rémunération (+22,3 %). C’est le Français le mieux payé aux Etats-Unis. Et après ?

En clair. Philippe Dauman reste le Français le plus riche des Etats-Unis et d’Hollywood, après avoir touché au titre de l’année fiscale 2015 la coquette somme de 54,2 millions de dollars en salaire, bonus et rémunération en actions. Cela fera dix ans en septembre prochain qu’il est PDG du groupe américain de médias et de cinéma Viacom (Video & Audio Communications), lequel possède les chaînes de télévision MTV, Nickelodeon
ou encore Comedy Central, ainsi que les studios de cinéma hollywoodiens Paramount. Philippe Dauman est Franco-américain, né en 1954 à New-York où ses parents s’étaient alors installés après avoir vécu en France. Il parle français à la maison et
va au Lycée Français new-yorkais, l’une des écoles bilingues les plus réputées en Amérique du Nord. Son père, le Français Henri Dauman né en 1933 à Paris, est devenu célèbre photographe de Life Magazine (1), et ce après avoir échappé à la
rafle du Vél’d’Hiv en juillet 1942 puis caché (2). Le petit Philippe est devenu Philippe
P. Dauman et son français s’est peu à peu teinté d’accent américain. Une fois diplômé en Droit à l’université de Columbia en 1978, il viendra travailler deux ans à Paris pour
le cabinet d’avocats Shearman & Sterling avant de rejoindre le bureau à New York. Parmi les clients : Sumner Redstone, magnat américain des médias devenu milliardaire et ayant aujourd’hui le contrôle à la fois Viacom et CBS (3), que Philippe Dauman conseilla en 1986 lors de l’OPA hostile lancée sur Viacom. Et c’est ainsi que le « meilleur ami pour toujours » de Sumner Redstone est devenu PDG de Viacom en septembre 2006.
Le Français s’est notamment distingué dès 2007 en réclamant 1 milliard de dollars à YouTube pour piratage : Google s’en est sorti indemne en 2013. Aujourd’hui, n’étant pas apparu depuis des mois, le patriarche Redstone (92 ans) fait, lui, l’objet de spéculations sur son état de santé. Son dauphin Philippe Dauman sera-t-il l’héritiez
de cet empire Viacom-CBS ? Pour l’heure, le fonds d’investissement américain SpringOwl a déploré le 19 janvier dernier : le «manque de transparence » sur la succession de Sumner Redstone, la « sous-performance chronique » de Viacom,
et les « rémunérations trop élevées » de ses dirigeants – et demande de tous les remplacer ! Pour ses résultats annuels clos fin septembre 2015, le bénéfice net de Viacom a reculé de 20 % à 1,9 milliard de dollars et son chiffre d’affaires de 4 % à
13,3 milliards. @