Dévalorisé dans les comptes d’Orange, Dailymotion a 10 ans et se retrouve convoité par Fimalac

Fondé en mars 2005, Dailymotion ne vaut plus que 58 millions d’euros dans les comptes 2014 d’Orange, lequel cherche toujours à en céder 49 % du capital (après l’avoir acquis 127 millions d’euros). Mais l’Etat actionnaire (1) souhaite
un partenaire plutôt européen – comme Fimalac – qu’asiatique.

« Un écart d’acquisition de 69 millions d’euros [au lieu de 127 millions, ndlr] a été comptabilisé, après allocation du prix d’acquisition aux actifs acquis (principalement plateforme technique) et passifs assumés ». C’est en ces termes quelque peu abscons qu’Orange a présenté la dépréciation de sa filiale Dailymotion dans ses comptes consolidés sur l’année 2014. La plafeforme française de partage vidéo, dont le PDG est Cédric Tournay (photo) depuis juillet 2009, a ainsi perdu au moins 54 % de sa valeur comptable en quatre ans.

Plus de 200 M€d’injectés dans Dailymotion
Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a indiqué en décembre dernier avoir investi
au total plus de 200 millions d’euros dans Dailymotion. Ce montant comprend les
66 millions pour s’emparer de 49 % du capital de la société cofondée par Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey il y a dix ans, ainsi que les 61 millions d’euros dépensés en janvier 2013 pour acquérir les 51 % restants, auxquels s’ajoutent les apports financiers successifs depuis qu’Orange détient 100 % du capital de Dailymotion. Créée un mois presque jour pour jour après son rival mondial : à peine 20 millions de visiteurs uniques sur le mois de janvier selon Médiamétrie ; un peu plus de 23 millions selon ComScore en février. « L’avenir de Dailymotion n’est pas en France », avait lancé Stéphane Richard, lors du Sommet de l’économie en décembre dernier. L’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique constituent la première audience mensuelle de Dailymotion avec 1,3 milliard de vidéos vues, suivis de près par l’Asie-Pacifique avec 1,2 milliard de vidéos vues, loin devant les Amériques (Etats-Unis, Canada, Amérique du Sud) qui ne dépassent pas, elles, les 500 millions de vidéos vues. Outre-atlantique, lutter contre YouTube relève du pot de terre contre le pot de fer. Où l’on comprend dans ces conditions que la maison mère Orange ait engagé des négociations avec le hongkongais PCCW (2). Fin 2014, des discussions avec le japonais Softbank avaient aussi été évoquées (3). En février 2014, Stéphane Richard avait confirmé des discussions avec Microsoft.
Mais coup de théâtre le 1er avril dernier : deux ans après qu’Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, ait émis son veto au rachat pas Yahoo, Le Monde a révélé que son successeur Emmanuel Macron – à l’Economie, l’Industrie et au Numérique – a bloqué les négociations avec PCCW et demandé à Orange d’aller YouTube, Dailymotion a maintenant dix ans d’existence. Mais l’heure est moins à la fête qu’aux incertitudes sur l’avenir, voire sur la pérennité de la plateforme française de partage vidéo qui aurait réalisé quelque 70 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier (4). Le PDG d’Orange s’était fixé l’objectif d’atteindre les 100 millions d’euros en 2016. Que cela soit avec 128 millions de visiteurs uniques par mois selon ComScore, ou avec plus de 200 millions de visiteurs uniques par mois selon la plateforme DMX (Dailymotion Exchange), la filiale de partage vidéo d’Orange se targue d’être le site français à l’audience la plus forte dans le monde.
Quoi qu’il en soit, si l’on s’en tient au nombre de visiteurs uniques par mois âgé d’au moins 15 ans dans le monde et regardant Dailymotion à partir d’un ordinateur, l’audience stagne depuis un an (voir tableau ci-dessous). La France, elle, ne pèse pas grand-chose dans ce total dans le sens de la « souveraineté numérique européenne ». En novembre dernier, la secrétaire d’Etat au Numérique Axelle Lemaire s’était dite favorable à un investisseur étranger – sans aucune réserve… Du coup, des candidats potentiels sont évoqués : Axel Springer, Bertelsmann (5), Vivendi (6), Fimalac, … Ce dernier ayant indiqué à l’AFP être en train de préparer une offre de participation dans Dailymotion, malgré les dénégations de Véronique Morali (7) quelques jours plus tôt… En fait, Marc Ladreit de Lacharrière, patron de Fimalac, étudie le dossier depuis… 2013 (lire EM@ 84, p. 1 et 2).
En attendant son sauveur industriel, Dailymotion – valorisé 250 millions d’euros – a changé en mars de logo, lancé un nouveau lecteur vidéo sous HLML5 pour mieux s’adapter à tous les écrans – web et mobile – et entrepris de créer (à Palo Alto) une plateforme de streaming vidéo pour mobile. @

Charles de Laubier

eComédie humaine

En ce mois de décembre 2025, la vie semble suivre son cours. Le monde s’agite autour de moi pour préparer les fêtes de fin d’année. Symbole de cette permanence : la place qu’occupe comme tous les trois ans, sur les écrans publicitaires de nos villes, le nouvel épisode de l’inépuisable saga Star Wars. Le numéro X de cette nouvelle trilogie utilise, pour les quelques salles nouvellement équipées, les dernières avancées du cinéma holographique : 24 images par seconde et 64 points de vue différents ! Les spectateurs sont assis tout autour d’un écran central, lequel permet une expérience immersive inégalée pour suivre le retour des héros sur la planète Naboo… Et les acteurs s’adresseront à eux pour choisir en temps réels des scénarios alternatifs. En fonction des sentiments collectifs exprimés par la salle, de nouvelles scènes seront proposées. Avec ce système, Disney estime que les fans pourraient revenir voir le film plus de dix fois en moyenne…
Cette apparente banalité, ballottée entre nos habitudes et nos étonnements, ne masque cependant pas les défis qu’affronte notre époque.

« Ce n’est pas la fin des pure players, mais un nouveau cycle de partage des positions et de la valeur avec le retour en force d’entreprises venues de l’économie traditionnelle. »

Notre société change vite. Ce qui faisait débat il y a seulement dix ans parait aujourd’hui simplement accepté : l’euro, qui fut en son temps autant vanté que décrié,
a été le ciment empêchant l’Europe d’éclater ; les frontières du Vieux Continent s’ouvrent pour accueillir une jeunesse « étrangère » venant épauler une population tellement vieillissante ; les femmes finissent de conquérir les droits qui leur manquaient encore, sur fond de diversification des modèles familiaux ; la sélection dès la conception de certaines caractéristiques des enfants à naître est une pratique presque courante, où l’on ne parle plus d’eugénisme mais d’« enfant choisi ». Le monde numérique, qui semblerait peu de chose face à ces évolutions profondes de nos sociétés éloignées de leurs modèles historiques, participe à l’accélération des processus. Les forces actuelles sont telles que les tensions qu’exerce le flot continu d’innovations tiraillent la société. La massification de l’Internet dans tous les domaines, de la mesure de soi à la mesure du monde, a fait émerger une nouvelle génération de services en passe de générer de nouveaux gains de productivité. Tandis que la destruction des intermédiaires traditionnels et de la valeur associée à ces activités continue son oeuvre. Dans le même temps, l’histoire ne se répétant pas, nous avons assisté au retour en force d’entreprises venues de l’économie traditionnelle – énergie, transports, distribution, santé, finance – qui ont finalement trouvé une place centrale en adoptant les nouvelles avancées digitales. Ce n’est pas la fin des pure players, mais un nouveau cycle de partage des positions et de la valeur. Quant à nous, pour apprivoiser les nouveaux codes de notre humanité numérique, nous nous débattons, le plus souvent avec enthousiasme, pour bénéficier par exemple des derniers apports de la sharing economy. Mais non sans révolte, parfois, lorsqu’il n’est plus possible d’accepter les conséquences poussées à leurs limites du fameux paradox privacy.
Aujourd’hui, on peut presque paraphraser Balzac qui, dans La maison Nucingen, appliquait aux Lois cette maxime que je transpose au Web : « Comme une toile d’araignée à travers laquelle passent les grosses mouches et où restent les petites ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les rares philosophes du siècle dernier, qui avaient réfléchi à la place de l’Homme face à ses créations techniques, viennent de trouver
un public qui les relit enfin pour comprendre, avec un Günther Anders, comment l’Etre humain pourrait être définitivement dépassé par ses innovations à l’heure des algorithmes, des systèmes experts et des robots omniprésents… Mais le temps presse, car la fenêtre temporelle que j’ai utilisée pour vous faire parvenir mes chroniques va se refermer dans quelques heures. Il est n’est pas impossible, cependant, que je puisse un jour en trouver une autre, et même que vous puissiez me répondre… @

Jean-Dominique Séval*
* Directeur général adjoint de l’IDATE, auteur du livre
« Vous êtes déjà en 2025 » (http://lc.cx/Broché2025).

« Internet pose la question du choix de société » (Treppoz)

En fait. Le 3 décembre, les 1ères Assises Médias/Entreprises étaient organisées par l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Un des intervenants, Stéphane Treppoz, ex-PDG d’AOL France et aujourd’hui PDG de Sarenza dans le e-commerce, a fait part de ses doutes à propos d’Internet.

En clair. Au risque d’apparaître comme schizophrène, ce pionnier français de l’économie numérique qu’est Stéphane Treppoz a émis de sérieux doutes sur la finalité de l’Internet. « Toutes les questions que l’on se pose au sujet d’Internet reviennent à une seule : quel choix de société voulons-nous ? ». Si tout le monde s’accorde à dire qu’Internet est « génial » et permet d’acheter moins cher, des questions de fond se posent néanmoins, selon le PDG de la société de e-commerce Sarenza.com (1).
« Internet est un choix entre le consommateur et l’emploi. Structurellement, les e-commerçants n’ont pas à payer de loyer, ni de vendeurs, et ils peuvent vendre tous les jours moins chers que dans les boutiques [physiques]. Cela veut dire que lorsque vous êtes dans une petite ville de province, vous allez voir des rideaux de fer fermés à vie… On a donc là un vrai problème de fond, un vrai choix de société : est-ce qu’il faut laisser les e-commerçants casser les prix ou est-ce qu’il faut réguler cela ? », a expliqué Stéphane Treppoz.

C’est la première fois qu’un acteur du Net en appelle à une régulation, au regard de la destruction d’emplois que provoquent l’Internet et le e-commerce. « Attention, je ne suis pas en train de dire que je suis contre cette évolution de fond mais je pense que les choses doivent être organisées », a précisé le PDG qui est en outre cofondateur de ISAI, fonds d’investissement dans des start-up du Net (2).
Autre question que soulève Internet : « Rentabilité versus emplois ». Pour Stéphane Treppoz, elle est illustrée par la société Foxconn, fabricant chinois des iPhone d’Apple, qui va passer dans ses usines de 500.000 emplois à… 20.000, en généralisant l’automatisation et les robots. « Le vrai enjeu est de savoir où l’on met le curseur entre la rentabilité des entreprises et le remplacement des employés », met-il en garde.
Autre problème induit par Internet : la fin des frontières et la concurrence entre les pays, notamment de la part de « ceux comme le Luxembourg et l’Irlande qui subventionnent la fiscalité ». A ces risques socio-économiques s’ajoute le problème de la vie privée numérique : « 100 % de ce que vous faites sur un terminal est enregistré à vie ; il faut le savoir… La vie privée n’existe plus ! ». En d’autres termes, conclut Stéphane Treppoz, « le choix de société que l’on veut déterminera l’avenir de notre civilisation ». @

Mash-up manifesto

Cette semaine, l’événement est la première grande rétrospective consacrée au Mash-up qui vient de
s’ouvrir au Grand Palais. Une manière de reconnaître
que les artistes à l’origine de ces œuvres, dites
« transformatives », sont des créateurs à part entière. Etonnantes, surprenantes, dérangeantes, amusantes,
ces œuvres sont bien issues d’un courant artistique majeur né de façon désorganisée. Apparues spontanément en l’an 2000, elles ont fleuri sur Internet grâce à la disponibilité d’une infinité de contenus et d’outils, très simples d’utilisation, permettant de réaliser ces fameux copier-coller, comme autant de possibilités de reproduire, découper, modifier des musiques, des photos ou des vidéos, voire des textes. Le Mash-up est
une composition originale réalisée à partir d’éléments hétérogènes, un assemblage numérique de morceaux visuels, sonores ou textuels provenant de sources très diverses. Le phénomène a d’abord démarré à l’initiative d’internautes s’amusant à détourner des fichiers musicaux, à créer des photos ou des animations, puis très
vite des vidéos réalisées à partir de clips vidéo ou de bandes annonces – donnant naissance à une nouvelle oeuvre souvent drôle et décalée.

« Vers une économie nouvelle de la combinaison
et de la réutilisation, naviguant entre les notions
de Creative Commons et de copyright revisités. »

Cet art ne s’inscrit-il pas dans la continuité de collages pratiqués par de nombreux artistes célèbres, cubistes de Braque et Picasso, surréalistes de Max Ernst ou poétiques de Prévert ? Sans parler des siècles de pratiques de l’emprunt ou de
la citation par les plus grands maîtres florentins jusqu’aux œuvres de Manet, Goya
ou Delacroix. Comme le Ready Made, un siècle plus tôt, marqua l’entrée dans une nouvelle ère, le Mash-up a ouvert un nouveau terrain de jeu pour les nouvelles générations d’artistes. Certains photographes ne s’y sont pas trompés, qui, dès 2011, par la voix d’un collectif comptant dans ses rangs le grand Martin Parr, signèrent un manifeste : désormais les choses seraient différentes car, à l’âge du numérique, les ressources sont illimitées et les possibilités infinies. Dès lors, les actes artistiques se sont multipliés, comme ce film Mash-up réalisé en 2013, « Globodrome » de Gwenola Wagon, proposant de refaire le Tour du Monde en 80 jours de Jules Verne à travers
des lieux visités par Phileas Fogg sur Google Earth grâce à des centaines de photos
et de vidéos prises par autant de photographes ou de caméras. Bien sûr, la loi a dû s’adapter pour définir un cadre réglementaire prenant en compte le droit des auteurs des contenus réutilisés dans certaines œuvres qui voyaient leurs cotes s’envoler. Des artistes se trouvaient dans la situation paradoxale de ne pouvoir présenter leur travail, car en but à ce que d’aucuns dénonçaient comme une véritable prohibition. C’est le Canada qui fut le premier pays au monde, dès 2012, à se doter d’une « exception Mash-up », permettant de faire prévaloir la notion d’oeuvre innovante sur le traditionnel copyright. L’usage « transformatif » fut mieux accepté aux Etats-Unis grâce à la tradition du fair use. Tandis que la France se prévalait d’une vision très restrictive, rejetant les œuvres dans les limbes de la contrefaçon.

Péniblement, l’Europe s’est également dotée d’un cadre légal basé sur l’élargissement
de l’exception de courte citation. Le Mash-up a également débordé le domaine de l’art et représente un potentiel d’innovation important par la fusion de multiples services Internet. Avec les quantités de données de l’Open Data, le Mash-up d’applications
offre la possibilité de livrer des applications Web rapidement, à faible coût avec des composants réutilisables. Ce gisement de création a pris des formes très diverses, allant de la création de services comme Pinstagram (combinaison de Pinterest et d’Instagram), au succès de très nombreuses start-up chinoises (Shan Zhai) qui utilisent autant la simple copie de sites Internet occidentaux à succès que le Mash-up pour créer de nouveaux services. Une économie nouvelle de la combinaison et de la réutilisation, naviguant entre les notions de Creative Commons et de copyright revisités, est bien
en train de se tailler une place au soleil. La preuve est désormais faite que la réutilisation peut être synonyme d’innovation. Ce que nous avait dit Max Ernst,
il y a bien longtemps : « Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la
colle qui fait le collage. » @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Les régulateurs
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 »
(http://lc.cx/en2025).

Décret SMAd : le CSA pourrait proposer des modifications à partir de juin 2012

Le CSA a environ un an pour élaborer son rapport sur l’application du décret
SMAd (VOD, TV de rattrapage, SVOD, …), entré en vigueur il y a maintenant huit mois, et le transmettre au gouvernement. Avec, à la clé, d’éventuelles modifications.

Par Christophe Clarenc (photo), associé, et Elsa Pinon, collaboratrice, August & Debouzy

Depuis l’entrée en vigueur, au 1er janvier dernier, du décret daté du 12 novembre relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), il revient au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de contrôler l’application
de cette réglementation et de veiller au développement économique de ces nouveaux services.

 

La viabilité économique des SMAd en question
Ce décret impose aux services de médias audiovisuels à la demande des obligations
en matière d’exposition des œuvres européennes et françaises, ainsi que de soutien au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. A ce titre, et en vue d’une consultation publique qu’il a lancée jusqu’au 31 octobre, le CSA a commandé à l’Idate (1) une étude sur les modèles économiques des SMAd actifs sur le marché français. A savoir : vidéo à la demande à l’acte ou par abonnement et télévision de rattrapage, ces deux types de services pouvant être exploités sur Internet ou sur un téléviseur en réseau « managé » de type ADSL/IPTV, câble ou fibre optique (2). Sur la base des contributions écrites reçues, le CSA pourra rendre – entre juin et décembre 2012 – au gouvernement un rapport sur l’application des dispositions du décret SMAd.
Et ce, afin de « proposer, le cas échéant, les modifications destinées à les adapter à l’évolution des SMAd et aux relations entre les éditeurs de ces services, les producteurs et les auteurs » (3).
Le CSA estime que la réalisation des objectifs de promotion de la diversité culturelle contenus dans le décret (4) dépend pour une large part de l’équilibre économique de ces services. Or, dans son avis rendu il y a un an sur le projet de décret relatif aux SMAd (5), le CSA avait exprimé des craintes quant à la compétitivité des SMAd français au vu des charges que cette réglementation envisagée leur imposait. La loi applicable aux SMAd étant celle de leur pays d’origine, le CSA s’inquiétait en particulier du niveau élevé et de l’absence de progressivité de la contribution au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d’expression originale française.
Le CSA jugeait ces obligations « excessives » et de nature à entraver le développement des SMAd en France, à les pénaliser face à la concurrence de services étrangers et à encourager la délocalisation hors de France.
Si le décret SMAd a tenu compte de certaines de ses préoccupations, notamment quant à la progressivité des contributions financières (6), les disparités entre les différentes réglementations européennes laissaient subsister un doute sur la viabilité des SMAd « à la française ». L’étude menée par l’Idate vient ainsi préciser leur fonctionnement économique.

Panorama des différents services audiovisuels :
• Les services de vidéo à la demande (VOD) permettent de visionner des programmes, quatre mois après leur diffusion en salle pour la VOD à l’acte, « au moment choisi par l’utilisateur et sur demande individuelle sur la base d’un catalogue de programmes sélectionnés par le fournisseur de services » (7). Le marché français de la VOD est un marché naissant en forte croissance, occupé par trois principaux acteurs (24/24 Vidéo d’Orange, Club Vidéo de SFR, CanalPlay), bien que d’autres acteurs soient également présents (TF1 Vision, Free Home Vidéo et iTunes).

Contrainte de la chronologie des médias
Ces services payants se développent majoritairement via le téléviseur, bien qu’ils aient une forte présence sur l’Internet ouvert, et sont proposés selon trois types de modèles tarifaires : la location à l’acte qui permet de visionner un programme plusieurs fois pendant un temps limité (entre 24 et 48 h), la location sur abonnement mensuel (ou SVOD (8)) qui donne accès à un catalogue de programmes, et l’achat à l’acte qui permet de télécharger un programme de façon définitive. Cependant, les transactions sont essentiellement centralisées autour de la location à l’acte en raison du peu d’offres de téléchargement définitif ou d’abonnement dans ce domaine. En France, la contrainte réglementaire que représente la chronologie des médias empêche en effet d’offrir à l’abonnement un service de vidéo à la demande moins de 36 mois après la sortie du film en salle (9).
• La télévision de rattrapage (ou catch up TV) permet pour sa part de revoir un programme pendant sept jours (10) à compter de sa diffusion à la télévision. Proposé gratuitement par la plupart des chaînes, ce service a été particulièrement bien adopté par les jeunes de 15-24 ans qui privilégient la consommation de séries américaines. Ainsi, la télévision de rattrapage vient en complément des usages de télévision classique, sans y porter atteinte, car ce service est essentiellement disponible sur ordinateur via Internet, même s’il commence à se développer de plus en plus sur les réseaux « managés ».

Des modèles économiques et des coûts
Les revenus des services de VOD sont constitués par les tarifs de location, d’achat ou d’abonnement des vidéos proposées. Les deux plus gros postes de dépense de ces services sont : la commission versée à l’opérateur de réseau, qui couvre la diffusion de l’offre, les coûts techniques et la mise à disposition par l’opérateur de son portefeuille de clients et de son système de facturation ; les achats de droits, qui combinent un partage des recettes avec les ayants droits du contenu assorti d’un minima garanti.
Les services de VOD doivent s’acquitter de diverses taxes et prélèvements tels que : la taxe sur la vidéo à la demande au titre du soutien au cinéma et à l’audiovisuel (TSV) ; les reversements aux sociétés de gestion des droits d’auteur.
L’accès aux services de télévision de rattrapage sur Internet étant gratuit (11), l’essentiel des revenus de ces services provient de l’exploitation de la publicité diffusée sur les sites concernés. Les services de télévision de rattrapage sur réseau « managé » perçoivent en outre une rémunération annuelle de la part des opérateurs de réseau pour la reprise de leurs offres. Ils font face à de nombreux coûts techniques (bande passante, stockage, transcodage), ainsi qu’à des coûts d’acquisition de contenus sous forme d’achats de droits. Ils supportent en outre diverses taxes comme la taxe sur les éditeurs et distributeurs des services de télévision, la taxe sur la publicité et les reversements aux sociétés de gestion des droits d’auteurs.
L’étude constate que les taux de marge brute des différents SMAd sont très hétérogènes, en raison de leurs structures de coûts différentes. Elle tire de ce constat diverses observations et suggestions sur l’avenir des SMAd. Le développement du téléviseur connecté serait ainsi susceptible de mettre en péril l’avenir des services de VOD sur réseau « managé ». Ces derniers doivent en effet verser à l’opérateur de réseau une commission qui représente une part du chiffre d’affaires bien plus importante (29 %) que les coûts techniques engendrés par la distribution sur l’Internet ouvert (8 %). De plus, le montant des reversements aux ayants droits est calculé sur le prix de vente public avant déduction de la commission. La solution Internet apparaît ainsi plus attractive pour les éditeurs. Et ce, même si les coûts techniques devaient augmenter significativement pour la diffusion sur téléviseur connecté.
La question de la viabilité des services de VOD par abonnement est également soulevée. Leur attractivité dépend notamment pour les éditeurs du système de rémunération des ayants droits (12) et pour le consommateur de la fraîcheur du contenu. Or, dans le système français de chronologie des médias, la fenêtre de la VOD par abonnement ne s’ouvre que 36 mois après la sortie en salle. Avancer cette fenêtre de diffusion à 24 mois apparaît dès lors plus opportun souligne l’étude, au risque de bouleverser le système de chronologie des médias en place.
Concernant la télévision de rattrapage, l’étude propose une plate-forme commune qui agrégerait les offres des principales chaînes de télévision sur l’Internet ouvert et permettrait ainsi de réaliser des économies d’échelle non négligeables tout en facilitant l’accès des consommateurs à une offre centralisée.

Réduire la TVA, augmenter les marges
Enfin, certains pays d’Europe appliquent un taux réduit de TVA aux SMAd (13). Cela peut causer un déséquilibre concurrentiel au détriment des SMAd français qui restent soumis au taux normal de TVA à 19,6 %. L’étude suggère donc de baisser la TVA des services de VOD sur Internet, ce qui permettrait de proposer les programmes à un prix réduit ou d’augmenter la marge, tout en profitant aux ayants droits qui bénéficieraient alors d’une rémunération supérieure (14). Il ressort également de l’étude que, contrairement aux craintes initialement énoncées par le CSA, la TSV ne crée pas de distorsion significative de concurrence vis-à-vis de services extra-nationaux, dans la mesure où elle inclut les reversements aux ayants droits. @