Livre numérique : l’avenir se joue à Bruxelles

En fait. Le 18 mars, ouvrira durant quatre jours le 31e Salon du livre de Paris qui consacre pour la 4e année consécutive un espace dédié à l’édition numérique et
à la lecture sur liseuses (e-books), smartphones et tablettes. Mais les conditions réglementaires de ce marché naissant dépendent de Bruxelles.

En clair. Selon nos informations, la Commission européenne ne dispose pas de plaintes formelles sur une éventuelle entente sur le prix du livre numérique en France, mais seulement des « lettres de citoyens et de parlementaires » qui confortent ses soupçons. Mais ces lettres sont sous le sceau de la confidentialité. Contacté par Edition Multimédi@, la filiale française d’Amazon – que d’aucuns disent être à l’origine des informations fournies à Bruxelles – répond qu’elle « ne fait aucun commentaire ».
Sur O1net, Francis Esménard, le président d’Albin Michel – visité la veille par des inspecteurs de la direction antitrust de Bruxelles (comme chez Hachette, Flammarion
et Gallimard) – a affirmé le 2 mars que « cette opération est téléguidée par Amazon ». Aux Etats-Unis, par exemple, le numéro un mondial du e-commerce et fabricant de la liseuse Kindle n’a pas à se soumettre à un prix unique du livre (tarif vertical fixé par l’éditeur à toute la chaîne), que le Parlement vient d’étendre au numérique (1), ni à
des ententes entre maisons d’édition pour fixer le prix des e-books (tarif horizontal sur lequel s’alignent les éditeurs). Basé au Luxembourg, Amazon aurait donc tout à gagner à la libéralisation du prix du livre en Europe. Ce qui lui permettrait, comme aux autres librairies en ligne, de vendre des livres en dépassant la limite légale française des 5 % de remise sur le prix exigé des éditeurs. La Commission européenne, qui a confirmé le 2 mars ses inspections « au seins d’entreprises d’édition opérant dans le secteur des e-books (livres électroniques ou numériques), et ce dans plusieurs Etats membres », n’a pas de contrainte de calendrier pour mener à bien son enquête. La France n’est pas la seule visée (la Grande-Bretagne l’est aussi) mais, à quelques jours du Salon du livre de Paris, cela fait désordre. Cela risque en plus de compromettre le souhait du Syndicat national de l’édition (SNE), qui a créé cet événement il y a maintenant trente ans, d’obtenir dès cette année l’application de la TVA réduite à 5,5 % pour le livre numérique – et non pas le 1er janvier 2012 comme le prévoit la loi de Finances 2011. Car il faudrait aussi convaincre fiscalement l’Union européenne, via la mission de Jacques Toubon (2), qu’il y a « discrimination » et « frein aux offres légales » (et donc risque de piratage). Reste à savoir si la loi Lang d’il y a trente ans (3), qui a instauré le principe du prix unique, est devenue obsolète face à la mondialisation du e-commerce via Internet. @

Pourquoi Eric Besson ne peut pas décevoir NKM

En fait. Le 8 décembre, est paru au J.O. le décret sur les attributions du « ministre auprès de la ministre de l’Economie, des Finances et de l’industrie, chargé de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique », Eric Besson. Le ministre succède à la secrétaire d’Etat.

En clair. Eric Besson « élabore et met en oeuvre la politique de développement de l’économie numérique, qui comprend notamment les réseaux, les équipements, les usages et les contenus numériques. En particulier, il propose les mesures permettant
de favoriser le développement des services de l’Internet, en ce qui concerne notamment l’accès à ces services, leur usage et les contenus », précise ce décret du
7 décembre.
Le cabinet du ministre en charge de l’Economie numérique est maintenant en ordre de marche, sous la houlette du « dir cab » Frank Supplisson (1), celui-là même que Nicolas Sarkozy avait choisi en 2007 à l’Elysée comme conseiller chargé des nouvelles technologies. Il l’avait d’ailleurs déjà été en 2004 auprès de Patrick Devedjian, alors ministre délégué à l’Industrie. En 2008, il devient conseiller spécial puis « dir cab » du cabinet d’Eric Besson, lorsque ce dernier était encore secrétaire d’Etat en charge de l’Economie numérique (2). Le nouveau cabinet compte en outre deux conseillers techniques en charge de l’Economie numérique : Lucile Badaire (3) et Akilles Loudiere (4). La première a notamment passé cinq ans à l’Arcep, où elle fut chef de bureau Marché mobile. Elle était dernièrement conseillère en technologies de l’information et de la communication (TIC) au ministère de l’Industrie. Le second est un ingénieur des télécoms (X-Mines) depuis 2006 et avait rejoint l’Arcep en juillet 2009 comme adjoint
au chef de l’unité Marchés aval haut débit, très haut débit et audiovisuel. Entre temps,
il avait été notamment chargé des questions de réglementation européenne dans le secteur des TIC au ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi. Fort de ses deux conseillers « Economie numérique » et de son « dir cab », Eric Besson succède ainsi non seulement à Nathalie Kosciusko-Morizet, ex-secrétaire d’Etat à l’Economie numérique (auprès du Premier ministre, de janvier 2009 à novembre 2010) qui a réussit à obtenir du grand emprunt 2,5 milliards pour les contenus et usages numérique et 2 milliards pour le très haut débit. Il ne peut décevoir NKM dans l’allocation de ces investissements d’avenir. Pour l’heure, la fibre optique peine à trouver son public et les usages numériques restent à inventer. Eric Besson ne peut se décevoir lui-même, lui qui fut secrétaire d’Etat à l’Economie numérique et auteur – en 2008 – du rapport
« France numérique 2012 » et du livre « La République numérique » chez Grasset. @