Arrêt de NRJ 12 décidé par l’Arcom, vente de Chérie 25 à CMA Média : le groupe NRJ éteint sa télévision

La rentrée de septembre du groupe NRJ se fera sans télévision, pour la première fois depuis 20 ans. Après l’arrêt de sa chaîne NRJ 12 en février, sur décision de l’Arcom, et la cession en cours de l’autre chaîne Chérie 25 à CMA Média, son PDG fondateur Jean-Paul Baudecroux se recentre sur la radio – son métier historique.

La vente par le groupe NRJ de sa chaîne Chérie 25 à CMA Média, filiale de l’armateur maritime CMA CGM (déjà propriétaire de BFMTV), s’est accélérée jeudi 24 juillet avec la signature d’un « protocole de cession, sous condition suspensive de l’obtention de l’agrément de l’Arcom ». Et ce, trois jours après l’obtention par la direction de NRJ d’un « avis favorable unanime » des instances représentatives du personnel. Pour la première fois depuis 20 ans – NRJ 12 ayant été la première chaîne du groupe à être lancée (en mars 2005) –, le groupe de Jean-Paul Baudecroux (photo), son PDG fondateur, ne devrait pas allumer la télévision pour la saison 2025-2026, du moins sur la TNT (1).
La chaîne NRJ 12, elle, s’est arrêtée en février. Ce n’est pas la première fois que le groupe créé en 1981, au début de la libéralisation des ondes, cesse la diffusion d’une chaîne sur la TNT : la francilienne NRJ Paris lancée en 2008 avait dû s’arrêter six ans après faute de viabilité financière. Jean-Paul Baudecroux avait bien tenté de proposer de faire évoluer NRJ Paris vers une chaîne musicale, en reprenant les programmes de NRJ Hits, mais le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à l’époque avait refusé en 2014. Quant à cette chaîne NRJ Hits (2), qui, en dix-huit ans d’existence, n’a jamais été diffusée sur la TNT mais uniquement via les « box » par Orange, Bouygues Telecom, Free, SFR et Canal+ (ADSL, fibre, câble, satellite) ou sur le site web nrj.fr (3) et l’application mobile NRJ, elle est aujourd’hui ce qui reste de l’épopée télévisuelle du groupe NRJ.

Il ne restera plus que la chaîne NRJ Hits
NRJ Hits, qui se revendique comme « la chaîne référente sur la musique et sur les hits », atteint tout de même plus de 5 millions de téléspectateurs chaque mois – 5,1 millions en moyenne par mois au cours des six premiers mois de 2025, d’après le dernier « Médiamat Semestriel » (ex-Médiamat’Thématik) publié par Médiamétrie le 8 juillet dernier (4). Ce qui en fait la « 1ère chaîne musicale » sur les box TV. Mais au-delà de cette chaîne survivante, le pôle télévision du groupe NRJ est en berne depuis un an maintenant, depuis que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a informé – le 24 juillet 2024 – Jean-Paul Baudecroux de sa décision de ne pas présélectionner la chaîne NRJ 12 qui était candidate au renouvellement de sa fréquence sur la TNT. Malgré trois recours du groupe de la rue Boileau (où se situe son siège social à Paris) devant le Conseil d’Etat l’an dernier, la « décision infondée et incompréhensible de l’Arcom » (dixit la direction de NRJ) a été confirmée. Le groupe a même indiqué Continuer la lecture

Radio : la Suisse prend de l’avance sur la France dans l’extinction de la FM au profit du DAB+

La Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) arrêtera la diffusion de ses radios en FM d’ici la fin de l’année, soit sept ans après le switch-off de la FM en Norvège, premier pays ayant tout basculé vers le DAB+. La France, elle, vise seulement 2033 pour la fin, ou presque, de la FM.

Lors du dernier WorldDAB Summit 2024, qui s’est tenu le 14 novembre à Zagreb en Croatie, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SRG SSR (1)) a confirmé que l’extinction de la diffusion de la FM (analogique) pour ses radios aura bien lieu d’ici la fin de l’année au profit du DAB+ (numérique). La décision de fixer cette échéance à fin 2024 avait été prise au début de l’été par le conseil d’administration du groupe audiovisuel public suisse. Dans la capitale croate, Adriano Pitteri (photo de gauche), directeur de la diffusion broadcast de la SSR, a détaillé les modalités de ce basculement.

La Norvège, elle, a 7 ans d’avance
« Pourquoi la SSR éteint-elle sa FM d’ici fin 2024 ? Car, après plus de 15 ans de diffusion parallèle [FM et BAB+, ndlr], il est temps pour le remplacement. Les nouveaux investissements dans la technologie FM sont disproportionnés. Et l’utilisation de la radio numérique est bien avancée en Suisse (80 %) ; moins de 10 % en FM uniquement », a justifié Adriano Pitteri lors de sa présentation. Le groupe public helvétique, « la plus grande entreprise média de Suisse », ne sera d’ailleurs pas le seul à basculer dans le tout-DAB+ (Digital Audio Broadcasting). Des radios privées telles que Radio 24, Radio Pilatus ou encore Radio Energy éteindront elles aussi leur FM d’ici fin décembre.
De toute façon, l’Office fédéral de la communication (Ofcom) – qui avait décidé il y a 10 ans d’opérer ce switch-off de 2020 à 2024, avant de reporter cette date butoir à fin 2026 – ne délivrera plus de licences FM dans deux ans maintenant. Et sans attendre cette deadline, l’Office fédéral des routes (Ofrou) désactivera lui aussi d’ici la fin de l’année les installations FM des tunnels autoroutiers au profit du DAB+. « L’entretien et le renouvellement des installations de diffusion FM sont coûteux et désormais disproportionnés. Au vu de la situation financière tendue (suite)

Dans un monde de plateformes de streaming et de podcasts, la radio voit son avenir s’éclater

Les 6 et 7 juin a eu lieu la quatrième édition de la Fête de la radio. Mais le cœur y est-il vraiment ? L’Arcom dévoilera son livre blanc sur l’avenir de la radio, lors des Assises qui lui sont consacrées le 18 juin. Le média plus que centenaire est en pleine réflexion existentielle face aux GAFAM.

Quatre mois après la Journée mondiale de la radio initiée par l’Unesco (ce fut le 13 février cette année), la quatrième édition de la Fête de la radio a eu lieu en France les 6 et 7 juin, événement lancé en 2021 à l’initiative de l’Arcom – via une association conventionnée (1) – avec le parrainage du ministère de la Culture. Ces deux journées permettent de mieux faire connaître le média radio et ses mutations, de la FM au DAB+, en passant par le streaming et les podcasts. Plus de 100 ans après sa naissance et près de 40 ans après la libéralisation de la communication audiovisuelle, la radio est toujours aussi populaire auprès d’un très large public.

La radio devenu un contenu comme un autre
Si son audience cumulée peut encore battre des records, le média radio n’en est pas moins en pleine fragmentation de cet auditoire qui se disperse en fonction des modes de diffusion : en analogique (FM), en numérique (DAB+) ou sur Internet (live streaming, replay, podcast, …). Cet éclatement radiophonique induit une multitude d’appareils de réception utilisés et des situations d’écoute désormais très différentes : chaque jour en France, au premier trimestre, la radio a totalisé 38,7 millions auditeurs en moyenne chaque jour, à raison de 2h26 quotidiennes par auditeur (toujours en moyenne), dont 77,3 % sur des supports dédiés à la radio tels que l’autoradio d’un véhicule, la chaîne hi-fi ou le poste de radio, et 22,7 % sur des supports numériques tels que les smartphones (5,9 millions d’auditeurs quotidiens), les enceintes connectées (1,5 million), les ordinateurs (1,4 million), téléviseurs (959.000) et les tablettes (539.000). D’après Médiamétrie sur la période de janvier à mars 2024, ce basculement de l’écoute de la radio sur ces supports numériques a engendré sur la même période un nouveau record, à 9,7 millions de personnes écoutant chaque jour la radio sur de ces appareils non dédiés à la radio (voir graphiques). Les Français sont davantage équipés en supports multimédias (97 %) qu’en supports dédiés à la radio (90 %), sachant que 99 % des foyers disposent d’au moins un support pour écouter la radio (qu’il soit dédié ou pas). Cette décorrélation progressive de ses récepteurs dédiés historiques (postes de radio, autoradios, radio-réveil, tuner de chaîne hi-fi) fait entrer le média radio dans le flux numérique des contenus en ligne. En se délinéarisant (en live, en différé ou en podcast), la radio perd un peu de sa spécificité. La radio devient un contenu comme un autre à l’ère de la plateformisation numérique. Les éditeurs de stations radio doivent investir dans plusieurs support (FM, DAB+, applications, sites web, podcasts) pour aller cherche l’auditeur là où se trouve. Si les grandes radios ont les reins solides pour faire face à ces coûts de multidiffusion, il n’en va pas de même pour les radios indépendantes et plus encore pour les radios associatives. Ces dernières sont pour 75 % d’entre elles présentes en DAB+ et ont été les premières à soutenir depuis 2014 cette technologie numérique, lancée d’abord à Paris, Marseille et Nice et couvrant à ce jour plus de 60 % de la population métropolitaine.

Radio numérique terrestre : le DAB+ reste méconnu du public faute d’une réelle volonté politique

zolpidem Alors, que la radio voit son audience baisser et ses auditeurs vieillir, la radio numérique terrestre pourrait lui redonner un second souffle auprès des jeunes. Hélas, la politique de soutien envers elle – pour faire connaître le DAB+ – laisse à désirer. Alors pourquoi attendre un « livre blanc » ? Un « livre blanc » pour préparer le basculement à terme de la FM au DAB+ ? « Les radios indépendantes souhaitent s’associer à la rédaction d’un livre blanc sur le DAB+ proposée par le président de l’Arcom pour (…) accélérer le développement attendu du DAB+ », a déclaré le Sirti, le syndicat des radios indépendantes (170 membres, 9 millions d’auditeurs) présidé par Christophe Schalk (photo de gauche), le 25 janvier. Ce jour-là, lors d’une table-ronde au Sénat sur « L’avenir de la radio à l’heure du DAB+ », Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom (1), a proposé de travailler sur un « livre blanc » sur la radio (2).

Eviter que la radio IP ne tue le DAB+ « Nous souhaitons aboutir avant la fin de l’année. Plus tôt dans la mesure du possible », indique à Edition Multimédi@ Hervé Godechot, membre de l’Arcom et président du groupe de travail « radios et audio numérique ». S’agit-il d’un énième rapport sur la radio, alors qu’il y aurait plutôt urgence à accompagner dès maintenant les radios indépendantes dans le DAB+ ? Surtout que la « RNT », qui est à la radio ce que la TNT est à la télévision, s’est lancée en France il y a près de neuf ans (3). Les grandes radios privées (RTL, NRJ, Europe 1 et RMC/BFM) avaient tout fait pour mettre des bâtons dans les roues de la RNT, avant de finalement l’adopter (4). Les radios indépendantes, elles, y ont toujours cru et ont été les pionnières à émettre en DAB+. « Les radios indépendantes sont massivement impliquées dans le déploiement du DAB+ en France ; 75 % d’entre elles sont aujourd’hui diffusées via cette norme de diffusion radio [qui] couvre à présent 50 % du territoire. (…) Pourtant, il faut franchir un pas supplémentaire très vite. Le média radio a besoin d’être accompagné dans la transition numérique de sa diffusion hertzienne », a insisté le Sirti à l’occasion de la table-ronde au Sénat. Même son de cloche pour le Syndicat national des radios libres (SNRL), présidé par Emmanuel Boutterin (photo de droite), qui représente des radios associatives – au nombre de 700 sur tout le territoire (1,4 million d’auditeurs). « Certains poussent, notamment les GAFA, vers le tout-IP. C’est donc pour nous tous un défi industriel. Il faut réussir le passage au DAB+. Nous avons un défi considérable de l’équipement des ménages et des véhicules. (…) Et pour relever ce défi, il faut accompagner les éditeurs, simplifier leurs démarches et les soutenir financièrement, notamment les radios locales associatives en partie subventionnées depuis la loi de 1986 et son article 29 », a plaidé le président du SNRL. Les éditeurs de radios – qu’ils soient publics ou privés, locaux ou nationaux – promeuvent tous désormais la radio numérique terrestre à travers l’association « Ensemble pour le DAB+ », créée il y un peu plus de six mois (en juillet 2022), domiciliée au siège du Sirti et présidée par Charles-Emmanuel Bon (directeur de la distribution et des projets stratégiques de Radio France). Problème : le budget alloué à cette association nationale de promotion du DAB+ est cinq fois inférieur à ce qui était attendu au départ : 200.000 euros versus 1 million d’euros prévus initialement. Alors, comment faire connaître auprès du grand public les avantages de la « RNT » si les moyens de communication, de publicité et de marketing ne suivent pas ? Les Français méconnaissent encore les atouts de la radio en DAB+ : gratuite, universelle, fiable, mobilité, qualité, peu énergivore, … « Elle offre également pour l’auditeur une diversification de son offre radiophonique, tout en préservant la souveraineté et une diffusion régulée », ajoute le Sirti. Encore faut-il inciter les auditeurs à l’adopter. C’est là que le bât blesse : « Il faut arrêter de vendre dans les magasins de la camelote chinoise, où des postes DAB+ commencent à 19 ou 29 euros et qui dégoûte l’auditeur du DAB+, s’est insurgé Emmanuel Boutterin devant les sénateurs. Il faut donc réguler cette distribution et adopter des normes de qualité sur les récepteurs, et, par la massification, faire baisser leur prix pour que l’ensemble des ménages puissent s’équiper à domicile ». Concernant les véhicules, que les constructeurs ont l’obligation depuis le 1er janvier 2021 de « primo-équiper » en DAB+, entre 2 millions et 3 millions le sont à ce jour en France.

Appel au soutien de la puissance publique Les acteurs de la radio numérique terrestre appellent aussi à l’aide l’Etat pour la double diffusion (FM et DAB+) qui engendre des coûts difficiles à supporter – surtout pour les indépendants. « Faut-il mettre de l’argent sur la table comme l’avait fait Jacques Chirac pour la TNT ? », demande aux sénateurs le président du SNRL. Le Sirti, lui, demande « un crédit d’impôt pour la double diffusion, ou un dispositif d’aides directes à l’image (…) du fonds de soutien à l’expression radiophonique ». Les radios espèrent qu’elles seront… écoutées. Le législateur attendra sûrement le livre blanc avant de les aider. @

Charles de Laubier

Toujours en position dominante dans la diffusion audiovisuelle en France, TDF va encore changer de main

C’est la plus grosse opération financière attendue en France dans les télécoms cette année. Le canadien Brookfield – premier actionnaire de TDF depuis 2015 – vient de lancer le processus de vente de ses 45 % du capital de l’opérateur d’infrastructures dirigé depuis 2010 par Olivier Huart. Orange est parmi les intéressés. La « tour-mania » qui agite les investisseurs depuis quelques années devrait permettre au premier actionnaire de TDF, le canadien Brookfield Asset Management, de sortir par le haut. Après avoir formé en 2014 un consortium avec des partenaires institutionnels pour s’emparer en mars 2015 des 100 % de l’ancien monopole public français de radiotélédiffusion, dont 45 % détenus depuis par sa filiale Brookfield Infrastructure Partners dirigée par Sam Pollock (photo), le fonds de Toronto veut maintenant céder sa participation. Cette sortie à forte plus-value au bout de sept ans pourrait même s’accompagner de la cession du contrôle de l’ex-Télédiffusion de France, en convergence avec d’autres membres du consortium comme le fonds de pension canadien PSP Investments (1) qui détient 22,5 %. Même si les deux canadiens n’ont toujours rien officialisé sur leurs intentions de vendre leur actif devenu « poule aux œufs d’or », leur décision est prise depuis au moins 2018. Des discussions avec un repreneur potentiel – l’opérateur Axione et son actionnaire Mirova (filiale de Natixis) – n’avaient pas abouti l’année suivante (2). Une nouvelle tentative avait été lancée à l’automne 2021 par les deux canadiens, mais sans lendemain. L’année 2022, après deux ans de crise « covid-19 », se présente sous de meilleurs auspices malgré les conséquences de la guerre en Ukraine. Valses des fonds autour des « towerco » Cette fois, les fuites sur de nouvelles négociations des fonds actionnaires se font plus insistantes et la valorisation évoquée de l’ensemble de TDF pourrait atteindre des sommets : jusqu’à 10 milliards d’euros, dont près de 4,5 milliards pour les 45 % de Brookfield. Ce serait une véritable « culbute » pour les investisseurs actuels qui ont acquis fin 2014 l’opérateur historique français de la diffusion audiovisuelle – diversifié dans les télécoms – pour la « modique » somme de 3,6 milliards d’euros (dont 1,4 milliard de dette). Cet engouement pour les 19.200 sites physiques du premier opérateur français d’infrastructure de diffusion audiovisuelle et de téléphonie mobile – les fameux « points hauts » (pylônes, toitsterrasses, châteaux d’eaux, gares, voire clochers d’églises) – s’inscrit dans la valse des fusions et acquisitions autour des « towerco ». Ces opérateurs d’infrastructures réseaux sont portés partout dans le monde par les mobiles (dont la 5G), la télévision (avec la TNT) ou encore la radio (numérisée en DAB+). Même des opérateurs télécoms se séparent de leurs tours pour se désendetter, plombés par de lourds investissements dans la fibre et la 5G (3). TDF, toujours dominant et convoité En obtenant une forte valorisation de TDF, qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 731,7 millions d’euros (+ 6,4% sur un an) pour un résultat brut d’exploitation de 416,2 millions d’euros (+ 5,8 %), le meneur canadien Brookfield pourrait entraîner non seulement son compatriote PSP mais aussi tous les autres membres du consortium : le néerlandais APG Asset Management, le britannique Arcus Infrastructure Partners et, pourquoi pas, « l’investisseur français de référence » ayant rejoint le consortium : la filiale Predica du français Crédit Agricole Assurances qui détient 10 % du capital de TDF. Les vendeurs en 2014 étaient déjà des fonds d’investisseurs qui avaient dégagé une plus-value malgré le surendettement de l’entreprises : TPG Capital détenait 42 %, Bpifrance 24 %, Ardian à 18 % et Charterhouse 14 %. Ils avaient racheté TDF à France Télécom entre 2002 et 2004 pour à peine 2 milliards de d’euros. Cette « privatisation » de cette filiale s’était faite en même temps que celle, partielle, de la maison mère, futur Orange. Aujourd’hui, Orange est cité parmi les repreneurs potentiels face à de nombreux fonds d’infrastructures. L’ancien monopole public de diffusion audiovisuelle, dirigé depuis douze ans par Olivier Huart, est ainsi un bon parti pour les fonds d’investissement depuis vingt ans maintenant. Sa position dominante fait leurs affaires et explique pourquoi ces fonds tournoient autour des antennes de cet opérateur d’infrastructure incontournable. Aujourd’hui, avec ses 1.800 salariés, TDF a diversifié ses sources de revenus : 56 % proviennent des télécoms en 2021, 23 % de la diffusion de télévision, 15 % de la radio, 5 % de la fibre et 1 % de l’informatique. L’ex-Télédiffusion de France reste d’autant plus un « opérateur dominant » face à ses concurrents qu’il exerce « une influence significative » sur le marché français de la diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre. Selon la Commission européenne, « une part de marché supérieure à 50 %, détenue par une entreprise, constitue en soi la preuve de l’existence d’une position dominante ». Aussi, l’Arcep a dû encore constater dans une décision du 10 mai dernier que « les parts de marché de TDF sont largement supérieures à ce seuil ». En conséquence, elle poursuit la régulation du marché de gros des services de diffusion audiovisuelle hertzienne terrestre « en rendant opposables les engagements » pris par TDF le 25 mars 2022. Et ce, pour une durée de cinq ans (2022-2026), tout en maintenant « une pression tarifaire suffisante » sur cet opérateur dominant (4). Si l’on considère les services de diffusion des chaînes de la TNT, seuls deux acteurs sont présents sur le marché français : l’historique TDF, lequel a racheté en octobre 2016 son concurrent Itas Tim (absorbé en février 2021), et l’alternatif TowerCast (filiale du groupe NRJ). Auparavant, en 2014, Itas Tim avait absorbé OneCast, alors filiale de TF1. Mais il y a un an, un nouvel entrant est venu bousculer ce duopole : la société Valocast, filiale de Valocîme (alias Omoyo, sa holding). Cornaquée financièrement par le fonds d’investissement américain KKR, le français Valocîme est déjà présent en tant que « towerco » avec aujourd’hui plus de 1.600 sites (terrains, terrasses) proposés en location aux opérateurs télécoms. Et depuis un accord annoncé le 1er juin dernier avec TowerCast, celui-ci a accès à ses sites pour la diffusion de télévisions et de radios (TNT, DAB+ et FM). Inversement, TowerCast « héberge » Valocîme sur ses 600 sites pour les clients opérateurs mobiles de ce dernier. « Nous sommes un caillou dans la chaussure de TDF, en rémunérant mieux le propriétaire foncier qui loue son terrain occupé par une antenne, et l’opérateur télécoms qui l’exploite. Avec nous, ce n’est plus le towerco qui capte la plus grosse part de la valeur créée », explique à Edition Multimédi@, Frédéric Zimer, président de Valocîme. TowerCast, lui, est un habitué des bras de fer avec TDF, même si Jean-Paul Beaudecroux, le patron fondateur de NRJ, a songé par trois fois (2008, 2014 et 2017) à vendre cette activité. Alors que l’Arcep avait prévu la « dérégulation » de TDF en 2019, voire « l’arrêt de la TNT » (5), TowerCast a tout fait à l’époque pour faire changer d’avis le régulateur (6) – y compris en le faisant condamner fin 2020 par le Conseil d’Etat pour « excès de pouvoir » (7). En prenant la décision le 10 mai dernier de maintenir une régulation ex ante sur TDF, son rival s’en est encore félicité. Plus de 70 sites physiques non-réplicables Pour autant, a déploré TowerCast dans sa réponse à l’Arcep en décembre 2021, « seules 241 zones font l’objet d’une concurrence totale par les infrastructures, soit 15,4 % des sites réputées réplicables ». Et de dénoncer « une rente [de TDF] sur les sites non-réplicables » – au nombre de plus de 70, dont la Tour Eiffel, l’Aiguille-du-Midi, le Picdu- Midi ou encore Fourvière à Lyon. Résultat : « Le marché est ainsi toujours fortement déséquilibré et à l’avantage de l’opérateur historique, ce qui traduit de forts dysfonctionnements ». Mais tant que TDF reste fort et dominateur, les fonds d’investissement s’en mettent plein les poches. @

Charles de Laubier