Xandrie suspend Allbrary et se concentre sur Qobuz

En fait. Le 3 avril, le PDG de Xandrie, Denis Thébaud, a indiqué à Edition Multimédi@ qu’il mettait en stand-by sa bibliothèque multiculturelle Allbrary – lancée il y a deux ans – pour concentrer ses efforts au développement de la plateforme de musique en ligne Qobuz dont il a fait l’acquisition fin 2016.

En clair. Selon nos informations, Xandrie suspend sa plateforme multiculturelle Allbrary – lancée en mars 2015 avec l’ambition de proposer en ligne livres, jeux vidéo, logiciels, films ou encore créations – pour reporter tous ses efforts sur le développement en Europe du site web de musique en ligne Qobuz. Contacté, le PDG de Xandrie, Denis Thébaud, nous le confirme : « Allbrary est en pause effectivement ». Cette médiathèque en ligne, dont Edition Multimédi@ avait révélé dès décembre 2012 le projet (1), puis fin mars 2013 la version bêta (2), a demandé à Xandrie un investissement initial de plus de 8 millions d’euros. Mais le guichet unique des loisirs numériques, pourtant inédit en France, n’a pas vraiment trouvé son public. « En 2017 et sans doute en 2018, nous allons concentrer toutes nos ressources et énergie sur la marque Qobuz », confie Denis Thébaud, qui nous indique en outre envisager l’introduction en Bourse de la société Xandrie « en 2019 ou 2020 si nous le faisons ».

Prochaine augmentation de capital pour Qobuz : l’été prochain
Qobuz, créée en 2007 avant d’être réellement opérationnel l’année suivante, était une filiale du groupe LyraMediaGroup fondé par Yves Riesel. En janvier 2014, LyraMediaGroup devint Qobuz Music Group qui a fait faillite deux ans après, avant d’être repris par Xandrie. Cette société est détenue à 84,76 % par la holding de Denis Thébaud, à 8,88 % par ce dernier à titre personnel, et à 1,53 % par Innelec Multimédia (distributeur high-tech fondé par l’homme d’affaires il y a trente trois ans) et autres. « Après une augmentation de capital de 5 millions d’euros en novembre 2016, nous en envisageons une nouvelle durant l’été prochain, qui pourrait être comprise entre 5 et 8 millions d’euros. J’y souscrirai, et sans doute aussi d’autres investisseurs que nous approcherons en mai », précise Denis Thébaud. Dans l’immédiat, Qobuz déménage en avril sur sur le même site immobilier qu’Innelec Multimédia et Xandrie, à Pantin près de Paris. Avec une nouvelle offre de streaming de haute qualité sonore (Hi-Res 24 bit, à la qualité « studio » trois fois meilleure qu’un CD), Qobuz accélère son déploiement européen : déjà présente dans huit pays (Allemagne, Autriche, Suisse, Pays- Bas, Belgique, Luxembourg, Angleterre et Irlande), l’unique plateforme de streaming française le sera d’ici la fin de l’année en Italie, Espagne et Pologne. Denis Thébaud vise la rentabilité dans trois ans ou plus. @

Après Allbrary et Qobuz, Xandrie veut s’enrichir d’autres sites en ligne dans la culture et le divertissement

Déjà opérateur de la bibliothèque digitale Allbrary et nouveau propriétaire de la plateforme de musique en ligne Qobuz, la société Xandrie prévoit d’autres acquisitions « de sites d’information ou de ventes de contenus » pour devenir « le spécialiste international de la culture et du divertissement digital ».

Par Charles de Laubier

Denis Thébaud« Xandrie souhaite adjoindre à son offre d’autres sites dans le domaine de la culture et du divertissement, que ce soit des sites d’information ou de ventes de contenus. Nous prévoyons de nouvelles acquisitions en 2016 et 2017 ; nous avons plusieurs cibles. Notre scope est large, pour autant qu’il serve la stratégie Xandrie de devenir le spécialiste international de la culture et du divertissement », indique Denis Thébaud (photo), PDG de Xandrie, dans un entretien à Edition Multimédi@.
Fondateur de cette société créée en 2012, dont il détient environ 80 % du capital (1), il est aussi PDG du groupe Innelec Multimédia (coté en Bourse) qu’il a créé il y a 32 ans pour la distribution physique de produits tels que jeux vidéo, DVD, logiciels, CD audio, consoles ou encore objets connectés (2). Denis Thébaud a aussi créé il y a 20 ans la société Focus Home Entertainment (aussi cotée en Bourse), le troisième éditeur français de jeux vidéo (3) dont il est actionnaire à plus de 50 %.

« 15 millions d’euros dans Qobuz d’ici 2020 »
En faisant l’acquisition fin décembre de Qobuz, la plateforme de musique en ligne de haute qualité sonore, Xandrie rajoute une corde à son arc – et prévoit d’autres acquisitions. « Notre premier projet est Allbrary qui, comme Qobuz, se veut être une verticale de Xandrie. Qobuz sera donc préservé au sein de notre groupe, avec son identité propre et ses équipes dédiées. Au-delà de la somme de reprise qui est raisonnable, nous allons consentir sur les cinq prochaines années des investissements pour développer cette pépite musicale qui a beaucoup d’avenir : 10 millions d’euros
en marketing et 5 millions en développement technique », nous précise-t-il (4).
Ainsi, d’ici à 2020, la société de Denis Thébaud injectera plus – soit un total de 15 millions d’euros – que les 13 millions d’euros levés par Qobuz auprès des fonds de capital-risque Innovacom et Sigma Gestion depuis sa création par Yves Riesel usqu’ici son PDG (5), et Alexandre Leforestier. Cette reprise de Qobuz par Xandrie fait suite à une décision du Tribunal de commerce de Paris qui, le 29 décembre dernier, a prononcé la reprise des actifs de la plateforme musicale par Xandrie, à l’exception
du passif.

Qobuz : la pépite française donne de la voix
Qobuz avait été placé en redressement judiciaire le 9 novembre, après une période
de plus d’un an d’observation durant laquelle aucun repreneur ne s’était manifesté, après que les actionnaires de la plateforme musicale aient refusé de renflouer la société. Le report de l’entrée en Bourse de Deezer, décidé en octobre, a sans doute rendu sceptiques les investisseurs sur le modèle économique des services d’écoute
en ligne. Denis Thébaud nous a confié qu’il a regardé le dossier durant ces douze derniers mois, sans prendre de contact avant le mois d’octobre, tandis qu’une autre société (Son Vidéo Distribution) présentait une offre de reprise concurrente. « Notre offre était la mieux disante, elle garantissait la reprise de quasiment tous les salariés. C’est un challenge important que nous nous sommes fixés et nous voulons attendre l’équilibre en quatre ans », ajoute Denis Thébaud.
Une quarantaine de personnes travaillent aujourd’hui pour Qobuz, dont les locaux sont basés à Paris dans le 19e arrondissement. Le chiffre d’affaires de la plateforme musicale pour l’année en cours devrait dépasser les 10 millions d’euros, contre 7,5 millions en 2015 (au lieu de 12,5 millions espérés initialement…) et 6,4 millions en 2014. Les derniers chiffres connus sur Qobuz faisaient état d’environ 21.500 abonnés et de plus de 100.000 utilisateurs actifs par mois. « La clientèle que nous visons en Europe, d’abord, apprécie la musique haute qualité car elle a de l’oreille et dispose souvent d’équipements Hifi très performants. C’est une clientèle qui apprécie le streaming, qualité CD [16-Bit/44,1 Khz, ndlr], mais télécharge aussi beaucoup pour posséder sa musique et l’utiliser à sa guise. Notre abonnement “Sublime” à 219,99 euros par an,
qui est “notre offre la plus chère”, est plébiscitée par ces amateurs car elle offre le streaming qualité CD, et aussi des prix préférentiels sur le téléchargement en qualité Hi-Res 24 Bits », explique le PDG de Xandrie. En mai dernier, Qobuz a revendiqué être le premier service de musique en ligne européen à être certifié « Hi-Res Audio », label de haute qualité sonore – Hi-Resolution Audio (HRA) – décerné par la prestigieuse Japan Audio Society, association nippone des fabricants de matériel audio. Au printemps dernier, Qobuz avait d’ailleurs protesté contre l’utilisation trompeuse par le service de musique Deezer du terme « Haute-Résolution » pour qualifier la qualité de son service « Elite ». La plateforme française a en outre noué des partenariats avec des fabricants de matériels Hifi et hightech tels que Sony, LG, HTC, Samsung, Sonos, Devialet, Linn, Lumin, Bluesound ou encore Google (Chromecast). « Au-delà de la musique, nos amateurs apprécient la qualité de la documentation, les livrets, la présentation des artistes et tous les partis pris du site pour faire découvrir en permanence des perles musicales, classique, jazz, rock, etc. », ajoute Denis Thébaud. Qobuz et ses 30 millions de titres musicaux, assortis de métadonnées enrichies, vont migrer sur le cloud d’Amazon (AWS), tandis que l’été prochain sera lancée une offre familiale (Qobuz Family) et une solution « voiture connectée » avec CarPlay d’Apple
et Android Auto de Google.
Au sein de Xandrie, Qobuz et Allbrary seront deux marques complémentaires. Au-delà des synergies possibles entre les deux, il y aura une « mutualisation des moyens et des équipes » dans les fonctions supports : administration, finance, juridique, relations avec les ayants droits, systèmes d’information, … Les deux verticales vont continuer à se développer en Europe (pays anglophones et germanophones) et à l’international (6). Qobuz est déjà ouvert dans neuf pays (7). Quant à la marque « Allbrary The Digital Library », elle a été déposée sur les Etats-Unis, le Canada, la Chine, le Japon, l’Inde
et l’Algérie. Allbrary, que Edition Multimédi@ avait révélé fin 2012 dans le cadre d’une interview exclusive avec Denis Thébaud (8), se veut la première bibliothèque digitale réunissant – dans sa version bêta – six univers différents : ebooks, films et séries, jeux vidéos, logiciels, création digitale et partitions musicales. Viendront ensuite la presse et la musique. Et c’est en toute discrétion qu’Allbrary a ouvert un service de vidéo à la demande (VOD), en version bêta là aussi (allbrary.fr/vod), destiné au marché français et permettant dans un premier temps de louer et de visionner des films et séries. Les vidéos sont en effet proposées en streaming et sous forme de location en ligne (sur
48 heures), le téléchargement définitif étant prévu dès cette année, en attendant l’abonnement SVOD. Selon nos informations, Xandrie a choisi l’agrégateur VOD Factory, lequel édite déjà les services vidéo de SFR, de Tevolution ou encore de
la Fnac.

Allbrary sortira de sa bêta mi-2016
La bibliothèque digitale sera accessible sur tous les écrans. « Allbrary est disponible sur Windows, Android et sera disponible sur iOS en mai prochain. Dans un mois environ [en février], nous aurons une nouvelle version bêta plus évoluée, et c’est vers mi-2016 que nous commencerons réellement notre développement commercial », nous a-t-il confié. Allbrary, qui dépasse les 80.000 références d’œuvres culturelles est accessible soit par le site web Allbrary.fr, soit par des applications pour smartphones et tablettes, et bientôt directement sur des terminaux et des téléviseurs connectés. @

Charles de Laubier

La société Xandrie lance Allbrary, plateforme numérique culturelle aux ambitions internationales

En gestation depuis cinq ans, la bibliothèque digitale culturelle Allbrary – ebooks, jeux vidéo, logiciels, créations et bientôt films, musiques et presse – devient accessible (site web et application Android). Edition Multimédi@ a rencontré son PDG, Denis Thébaud.

Denis ThébaudC’est sans précédent en France, voire en Europe : pour la première fois, une plateforme numérique unique propose une offre culturelle diversifiée. Son nom : Allbrary. La société française Xandrie qui l’a conçue a l’ambition de proposer une bibliothèque digitale « tout en un » que chacun peu personnaliser à sa guise en fonction de ses goûts et loisirs culturels, plutôt que d’aller courir différents sites Internet d’offres de livres numériques, de jeux vidéo, de logiciels, de films ou encore de musique.

Bibliothèque digitale personnalisable
« C’est un projet de long terme que nous mettons au point depuis 2010 et qui a nécessité plus de 8 millions d’euros d’investissement initial, auxquels s’ajoutent 3 à
4 millions d’euros sur le prochain exercice pour son fonctionnement et son évolution », nous explique Denis Thébaud (photo), PDG de la société Xandrie (1).
Ce projet de bibliothèque numérique multiculturelle, que Edition Multimédi@ avait révélé fin 2012, entre enfin dans sa phase opérationnelle et mobilise aujourd’hui une vingtaine de salariés et divers équipes de développement externes. Pour le lancement de sa version bêta publique, Allbrary était présent au Salon du livre de Paris avec un catalogue en ligne atteignant à ce jour 80.000 références d’oeuvres culturelles. Les accès se font soit par le site web Allbrary.fr, soit par l’application pour smartphones
et tablettes sous Android, en attendant d’autres environnements.

A l’avenir, Allbrary sera une application proposée directement sur des terminaux (Lenovo, Asus, …), voire des Smart TV. « Allbrary est là pour apporter de la simplicité
à ceux qui ne sont pas encore rompus avec le numérique et qui sont perdus face à la complexité des offres existantes. Nous proposons actuellement des livres numériques, des jeux vidéo, des logiciels et des créations digitales. Et à partir de l’été prochain, le catalogue s’enrichira de vidéos et de partitions musicales. Viendra par la suite la musique elle-même, puis, à l’avenir, la presse », poursuit Denis Thébaud. Selon une logique cross-media, l’utilisateur aura la possibilité de passer d’un écran à un autre
en reprenant le cours de son oeuvre à partir de là où il l’avait laissée avant de s’interrompre. Chaque catégorie de loisirs numériques est en outre enrichie par
une équipe dédiée afin que les métadonnées servent à faire des recommandations personnalisées sur la base des préférences de chaque utilisateur. Pour l’offre de VOD, Xandrie vient de signer avec un partenaire qu’il ne dévoilera que l’été prochain. La vidéo sera d’abord proposée en streaming et sous forme de location en ligne (sur 48 heures), puis dans un deuxième temps l’offre sera élargie au téléchargement. « Afin
de faire face au minimum garanti [MG désignant l’avance ferme et définitive sur les recettes à venir, ndlr], il fallait trouver une solution de mutualisation pour la VOD », indique Denis Thébaud. Pour la musique en ligne, plus difficile à mettre en oeuvre
car « moins rémunérateur », Allbrary proposera d’abord le téléchargement, puis le streaming.

Xandrie fait en sorte de signer des accords de licences de portée mondiale, afin de faire d’Allbrary une plateforme internationale qui sera déclinée en anglais dans les prochains mois (1). Pour le livre, les partenaires sont Gallimard, Nathan, Albin Michel, ainsi que Penguin ou encore Random House. Pour les jeux vidéo, le catalogue compte Ubisoft, Focus Home Interactive, Nordic Games, Bethesda Softworks et d’autres. Côtés logiciels, on trouve Adobe, Microsoft, Symantec, Génération 5 ou encore Bitwig et Magix. Sans oublier les créations issues de Cyclone, Biwig Studio, ViaCad, etc. Il faut dire que la société Xandrie est rompue aux accords de distribution, dans la mesure
où elle a été à l’origine une émanation du groupe Innelec Multimédia – distributeur physique de produits tels que jeux vidéo, DVD, logiciels, CD audio, consoles, objets connectés, etc – que Denis Thébaud a créé il y a 32 ans maintenant. Si Innelec Multimédia est une société cotée, il n’en va pas de même pour l’ex-filiale Xandrie (2)
qui est devenue indépendant fin 2012. Formule d’abonnement en 2016 Ce guichet unique des loisirs numériques, inédit en France, propose des contenus qui seront gratuits ou payants. Les achats se font à l’acte, en attendant qu’une offre d’abonnement multiculturelle soit lancée en 2016. Les partages des revenus avec les fournisseurs se font selon la clé de répartition 70/30 (70 % pour l’éditeur et 30 % pour le distributeur), lorsque ce n’est pas 60/40. L’architecture technique et les développements sont progressivement rapatriés en interne (3), après avoir été en partie sous-traités, afin d’accélérer le déploiement. @

Charles de Laubier

Media Participations, 4e éditeur français, croit aux ebooks par abonnement illimité en streaming

En attendant l’arrivée en France de Kindle Unlimited, Youboox veut convaincre les trois premiers éditeurs français – Hachette, Editis et Gallimard/Flammarion – d’intégrer sa bibliothèque d’ebooks en streaming illimité (gratuite ou par abonnement). Media Participations leur montre la voie.

Vincent MontagneDirigé par Vincent Montagne (photo), qui préside en outre le Syndicat national de l’édition (SNE), le quatrième groupe d’édition français, Media Participations, participe depuis plus d’un an maintenant à l’enrichissement de la bibliothèque numérique française Youboox.
Mais il reste encore à convaincre les trois premiers de l’intérêt d’une telle offre illimité de livres dématérialisés par abonnement. « Il est vrai qu’aujourd’hui nous n’avons pas encore signé avec les trois plus grands éditeurs français. (…) On va finir par intégrer leurs catalogues », a assuré Hélène Mérillon, cofondatrice et présidente de Youboox, le 21 octobre dernier, au colloque de NPA Conseil.

Convaincre les membres du SNE
La cofondatrice de Youboox entend parvenir à des accords avec Hachette Livres (filiale de Lagardère), Editis (ex-partie de l’ancien Vivendi Universal Publishing), et Madrigall qui est la holging familiale regroupant Gallimard et de Flammarion. « Nos relations avec les éditeurs sont très bonnes : nous avons 180 éditeurs français qui sont partenaires
de la plateforme Youboox, parmi lesquels le quatrième éditeur français qui est Media Participations et bien d’autres références », s’est-elle félicitée, comme pour convaincre les trois plus grandes maisons d’édition de franchir le pas à leur tour. Youboox se présente à eux comme le « Spotify » ou le « CanalPlay » du livre, avec une offre de livres numériques en streaming illimité par abonnement (7,99 à 9,99 euros par mois), lorsque ce n’est pas de la lecture gratuite financée par de la publicité (située en bas
des pages des ebooks).
Grâce à Média Participations, Youboox compte dans son catalogue numérique plus de 100.000 titres, la plupart du fond éditorial des éditions de bandes dessinées Dargaud, Dupuis et Le Lombard, ainsi que des mangas de l’éditeur Kana, sans oublier les livres pratiques de Fleurus, la maison d’éditions de sensibilité catholique, là aussi filiale de Media Participations. D’autres éditeurs ont aussi fait confiance à Youboox, sa bibliothèque s’étant enrichit de guides de voyages avec Le Petit Futé (1), des livres de science-fiction avec les éditions Bragelonne (2), ou encore les éditions professionnelles et techniques Eyrolles, dont le dirigeant Serges Eyrolles fut président du SNE de 1991 à 2010. Décidément, Youboox a finalement réussi à convaincre deux présidents du SNE – l’actuel et un ancien – de lui confier leurs catalogues numériques, respectivement pour Media Participations et pour Eyrolles. Ce qui devrait faciliter la tâche pour parvenir à signer avec le très littéraire Antoine Gallimard (Gallimard et Flammarion) qui fut lui aussi président du SNE de 2010 à 2012. Est-ce à dire que
le SNE (3) est aux avant-postes de ce nouvel écosystème d’offre illimitée de livres numériques ? Rien n’est moins sûr. « Le numérique, plus que les abonnements d’ailleurs, est quelque chose qui n’est pas facile à gérer pour les éditeurs, lesquels
font encore plus de 90 % de leur chiffre d’affaires sur le livre papier. Forcément, le numérique les inquiète car ils doivent gérer une transition qui aura un impact important sur leur modèle économique. Et dans le numérique, des innovations de type abonnement leur prendra du temps pour s’y mettre », a reconnu la présidente cofondatrice de Youboox. Au-delà de la crainte de cannibalisation de leurs catalogues papier, pas facile pour les maisons d’édition traditionnelles de faire siennes le nouveau modèle de rémunération qui consiste à partager – entre l’éditeur et la bibliothèque en ligne – les revenus publicitaires en proportion du nombre de pages lues. Youboox s’appuie en effet sur un modèle de « vente à l’usage », une licence de location de livre plus proche du prêt de bibliothèque que de la vente de livres. Curieusement, les 13e Assises du livre numérique, organisées le 12 novembre dernier par le SNE justement, ont fait l’impasse sur ce nouveau paradigme du streaming pour l’édition. Il faut dire que les éditeurs et les libraires français redoutent l’arrivée prochaine en France d’Amazon avec son abonnement illimité « Kindle Unlimited » qui, fort de ses 600.000 titres disponibles, est déjà commercialisé aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne.

Kindle Unlimited bientôt en France
« L’arrivée prochaine de Kindle Unlimited en France est une bonne nouvelle. Cela peut faire peur, cela peut inquiéter, c’est Amazon ; ils ont beaucoup de moyens », reconnaît Hélène Mérillon. Mais pour Youboox, qui revendique à ce jour 550.000 lecteurs et 80 millions de pages lues, il est temps maintenant que les trois plus grandes maisons d’édition français signent à leur tour. Car la demande est là. Sans le déploiement suffisant de ces offres légales d’ebooks, le piratage risque d’y pallier. @

Denis Thébaud, Innelec Multimédia : « La bibliothèque en ligne multiculturelle Allbrary sera lancée début 2013 »

Pour la première fois, le PDG fondateur du groupe de distribution Innelec Multimédia, Denis Thébaud, dévoile – en exclusivité pour EM@ – son projet de plate-forme numérique multiculturelle Allbrary, qui est entrée en phase bêta avant son ouverture mondiale fin mars 2013.

propos recueillis par charles de laubier

Edition Multimédi@ : Innelec Multimédia, distributeur physique de produits multimédia (jeux vidéo, DVD, logiciels, CD, consoles, …) que vous avez créé il
y a 30 ans (1983-2013), va ouvrir une plate-forme de distribution dématérialisée. Pouvez-vous nous dévoiler ce projet et son calendrier de lancement ?

Denis Thébaud : En réalité, Allbrary – c’est son nom – s’appuie sur une notion que nous connaissons tous, celle
de la bibliothèque, et la plate-forme numérique aura comme signature « The Digital Library ». Le processus de recherche
et développement de la première version de la plate-forme Allbrary est achevé.
Nous sommes dans la première phase bêta depuis novembre avec des premières facturations et, à ce stade, nous espérons une ouverture globale de la plate-forme Allbrary fin mars 2013 dans sa première version. Notre ambition est de fournir à nos clients, dans le monde entier, tous les contenus numériques : jeux, logiciels, livres,
presse et magazines, vidéo, musique, études de marché, formation, art digital, …

« Un projet ambitieux, sans précédent en France« 

C’est un projet très ambitieux et très ouvert qui montera en puissance sur une dizaine d’années. Nous allons permettre à tous les fournisseurs de contenus (producteurs, éditeurs, studios, etc.) de conquérir des clients dans tous les pays, avec une segmentation très large. Par exemple, un éditeur de livres pourra avoir accès à des lecteurs qui sont par ailleurs principalement intéressés par les jeux ou les logiciels.
C’est en 2008 que j’ai décidé qu’il était temps de lancer ce projet et nous avons réellement débuté en février 2010 avec l’intégration de toute la technologie nécessaire à une distribution digitale sécurisée.

EM@ : Allez-vous concurrencer les plates-formes légales de musique en ligne,
de vidéo à la demande (VOD) et de livres numériques ? Et combien d’éditeurs et
de références seront au catalogue d’Allbrary ?
D. T. :
Le marché est immense, avec déjà plus de 2 milliards d’internautes et plus de
1 milliard de mobinautes dans le monde. Nous serons en effet face à tous les autres acteurs globaux (Apple, Google, Amazon, Microsoft, etc…) ou locaux du marché.
Nous ciblons les internautes qui veulent gérer simplement avec un seul accès tous
leurs contenus numériques de la bibliothèque Allbrary, que ce soit sur leurs propres terminaux ou dans le cloud. La plate-forme numérique fonctionnera dès son lancement
sur ordinateurs Windows, puis sur d’autres systèmes d’exploitation (Android, Mac OS, Linux) et d’autres écrans (smartphones, tablettes, TV connectées, consoles de jeux, …). Nous avons comme priorité la qualité plutôt que la quantité et notre plate-forme aura une forte dimension Social Media, en donnant résolument la parole aux utilisateurs. Nous souhaitons avoir rapidement 1.000 à 10.000 références par univers, et non pas des centaines de milliers, car nous avons d’abord comme objectif la qualité. Nous débuterons par les jeux, les logiciels, l’art digital pour ensuite intégrer les livres, la presse, les magazines, la vidéo, les études de marché et la formation. La musique, univers très concurrentiel, viendra sans doute dans une étape ultérieure, une fois que nous aurons trouvé un axe différenciant par rapport aux acteurs historiques déjà en place comme iTunes, Spotify ou Deezer.

« Notre ambition est de fournir aux clients de notre bibliothèque en ligne dans le monde entier tous les
contenus numériques : jeux, logiciels, livres, presse
et magazines, vidéo, musique, études de marché,
formation, art digital, … »

EM@ : Quelle sera la proportion entre gratuit et payant ? Les contenus gratuits seront-ils financés par la publicité ? La vente se fera-t-elle à l’acte, à l’abonnement, en téléchargement, en streaming, ou en location ? Qu’allezvous reverser aux éditeurs ?
D. T.
: Nous allons proposer sur Allbrary deux tiers de contenus gratuits et un tiers de contenus payants, mais nous pensons que les contenus gratuits génèreront plus de 80 % du trafic. Les consommateurs de produits gratuits sont nos amis et nous ferons en sorte de ne pas avoir de publicité pour ne pas « polluer » leur expérience.
Les contenus payants, eux, seront dans un premier temps vendus à l’acte en téléchargement définitif ou en location. Nous offrirons aussi la possibilité de gérer des périodes d’essai – sur le mode TBYB (Try Before You Buy) – ou de mise à disposition pour une courte période, d’une semaine par exemple, à des conditions préférentielles.
Les reversements aux éditeurs dépendront des pratiques du marché sur chaque
univers, car les structures de coût peuvent être différentes : certains sont à 70/30
(70 % des ventes reversées aux éditeurs et fournisseurs, ndlr), d’autres à 50/50.
Nous nous adapterons.
Nous travaillerons soit avec des contrats d’achat, soit avec des contrats de revenue sharing.
Dans un souci de totale transparence et d’efficacité, tous les reportings des éditeurs seront en ligne dans le « Activity Report » qui détaillera les ventes par référence, par territoire et par période.

EM@ : Existe-t-il des plates-formes numériques « multiculturelles » de ce type
en France ou ailleurs ? Serez-vous limités dans la e-distribution mondiale par les droits fragmentés de propriété intellectuelle ? Espérez-vous des « licences multi-territoriales » ? Redoutez-vous en outre le piratage en ligne ?
D. T. :
Ce genre de plate-forme numérique multiculturelle n’existe pas en France. La concurrence est internationale avec les acteurs globaux du Net. Avec Allbrary, nous prônerons l’ouverture avec des contenus de tous les pays car personne ne peut prétendre avoir le monopole culturel et commercial des identités, des modes de vie ou
des modes de pensée. Sans attendre une éventuelle législation sur des licences multi-territoires, nous négocierons directement avec les ayants droits où qu’ils soient afin d’obtenir partout des droits mondiaux. Et nous privilégierions clairement les éditeurs
qui seront capables de le faire car « World Wide » est notre première promesse au marché.Nous ne redoutons pas le piratage en ligne car notre technologie de distribution
de contenus est éprouvée et brevetée. Cette technologie est un de nos points forts pour garantir aux éditeurs un accès légitime à leurs contenus payants.

EM@ : Quel investissement financier nécessite la plateforme Allbrary et à quelle échéance prévoyez-vous de le rentabiliser ?
D. T. :
Nous prévoyons d’investir les 7 à 10 millions d’euros dans cette plate-forme. Notre engagement s’inscrit sur le long terme et sur un marché mondial de plus de 150 milliards d’euros par an, en hausse constante. Nous visons l’équilibre en 2015/2016 et, pour la rentabilité, notre business plan prévoit les premiers profits sur l’exercice suivant. Mais ce ne sera qu’une étape car de forts investissements seront nécessaires. La récente levée de fonds par Deezer – de 100 millions d’euros – dans le seul univers de la musique en ligne est un signal des besoins à venir.

EM@ : Lors d’une AG reportée au 14 décembre, les actionnaires d’Innelec Multimédia (coté en Bourse) doivent voter la séparation des activités de distribution physique et, via votre filiale Xandrie, de distribution digitale. Cette dernière sera-t-elle à l’avenir introduite en Bourse ?
D. T. :
Nous avons en effet décidé de repousser l’assemblée générale extraordinaire,
du 28 novembre au 14 décembre, afin de mieux finaliser l’opération. En tant qu’actionnaire majoritaire d’Innelec Multimédia, je suis favorable à la séparation de nos activités physique et digitale car ce sera créateur de valeur pour l’une et l’autre des activités. La filiale Xandrie devrait être rebaptisée Allbrary. Au final, les actionnaires se prononceront le
14 décembre. Ils décideront à l’avenir et en temps utile si l’activité digitale doit être cotée ou non. @