Les GAFAM se retrouvent aux Etats-Unis dans l’oeil du cyclone antitrust, avec risque de démantèlement

Le vent tourne. A deux mois de la prise de fonction de la juriste Lina Khan au poste de présidente de la FTC, l’autorité de la concurrence américaine, un paquet de six projets de loi « anti-monopole » des Big Tech a été adopté le 24 juin 2021 par la commission des Affaires judiciaires de la Chambre des représentants des Etats-Unis.

La commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, en rêve ; la future présidente de l’autorité de la concurrence américaine, Lina Khan (photo), va peut-être le faire : mettre au pas les GAFAM, si ce n’est les démanteler, pour mettre un terme aux abus de position dominante et aux pratiques monopolistiques de ces Big Tech nées aux Etats-Unis et déployées dans la plupart des régions du monde, au point d’asphyxier toute concurrence sérieuse voire de tuer dans l’oeuf toute innovation provenant de start-up gênantes. « Protéger les consommateurs américains », tel est le leitmotiv de la Federal Trade Commission (FTC) que va présider à partir du mois de septembre l’Américaine Lina Khan, née en Europe (à Londres) de parents pakistanais il y a un peu plus de 32 ans. Cette brillante juriste, que le président américain Joe Biden a nommée à la tête de l’autorité fédérale de la concurrence et de l’anti-monopole, s’est forgée une réputation « anti-GAFAM » très redoutée des Big Tech. Son premier fait d’arme est un article paru en 2017 dans le Yale Law Journal de l’université américaine Yale et intitulé « Paradoxe anti-monopole d’Amazon« . Le ton est donné. La politique concurrentielle américaine a permis à des mastodontes comme la firme de Jeff Bezos d’écraser les prix et la concurrence, sur fond d’emplois précaires et d’optimisation fiscale.

Lina Khan, chairwoman redoutée à la tête de la FTC
Comme il se doit dans le fonctionnement des institutions des Etats- Unis, Lina Khan a été désignée en mars comme commissaire – démocrate – de la FTC par Joe Biden, ce qui fut confirmé le 15 juin par le Sénat américain. Dans la foulée le locataire de la Maison- Blanche l’a nommée présidente de la FTC pour un mandat de trois ans à partir de septembre prochain. Son premier dossier sera celui du rachat des studios de cinéma Metro Goldwyn Mayer (MGM) par le géant Amazon, lequel a demandé le 30 juin dernier à ce que Lina Khan n’instruise pas elle-même cette affaire par souci d’impartialité. La FTC enquête déjà sur la marketplace d’Amazon. En avril dernier, lors de son audition d’intronisation devant le même Sénat américain, la jeune juriste spécialiste des lois antimonopoles – jusqu’à maintenant professeure de droit à l’université de Columbia à New York – avait fait part de son inquiétude sur la position dominante des GAFAM sur les nouveaux marchés. « J’ai eu l’occasion de travailler sur les questions de concurrence par l’entremise des services gouvernementaux, d’abord à la FTC et, plus récemment, en tant qu’avocate au sous-comité du droit antitrust, commercial et administratif, de la commission de la magistrature à la Chambre [des représentants des Etats-Unis, ndlr] », a indiqué Lina Khan.

Commission antitrust aux avant-postes
C’est justement ce « subcommittee on antitrust » (6), bipartisan (démocrate/républicain) et présidé par le démocrate David Cicilline (photo ci-contre), qui a publié en octobre 2020 un rapport de 451 pages – un véritable pavé dans la mare des Big Tech – intitulé « Investigation of competition in the Digital markets » (7). Il recommande au Congrès américain de légiférer rapidement pour empêcher ces mastodontes planétaires du numérique aux comportements monopolistiques d’évincer la concurrence – quitte à en passer par leur séparation structurelle ou spin-off (8). Et ce, après avoir entendu en juillet 2020 Sundar Pichai (Google), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook) et Tim Cook (Apple), convoqués à la fin de l’enquête parlementaire. Si Satya Nadella (Microsoft) n’était pas de la partie, il a tout de même été question aussi de la firme cofondée par Bill Gates.
Démantèlement en vue ou pas, l’intégration verticale des géants du Net pose problèmes à la concurrence, à l’emploi et à l’innovation. Joseph Simons, qui fut président de la FTC jusqu’en janvier dernier, avait d’ailleurs reconnu qu’autoriser par exemple les rachats d’Instagram (en 2012) et de WhatsApp (en 2014) par Facebook fut deux graves erreurs de ce gendarme fédéral de la concurrence (9). Pour l’heure, un juge de Washington a estimé le 28 juin dernier que la FTC n’apportait pas « suffisamment de preuves » d’un abus de position dominante de la firme de Mark Zuckerberg.
Cette fois, toujours sous l’impulsion de David Cicilline, la commission de la magistrature de la Chambre des représentants des Etats-Unis (la fameuse House Judiciary Committee) vient de repartir à la charge contre les GAFAM en approuvant les 23 et 24 juin derniers six projets de loi (10) : un texte rétablit la concurrence en ligne et veille à ce que les marchés numériques soient équitables et ouverts en empêchant les plateformes en ligne dominantes d’utiliser leur pouvoir de marché pour choisir les gagnants et les perdants, favoriser leurs propres produits ou bien encore fausser le marché par des comportements abusifs en ligne (11) ; un texte visant à limiter les retards et les coûts pour les procureurs généraux des Etats lorsqu’ils portent des affaires antitrust devant la cour fédérale, en raison du transfert de ces affaires à un autre endroit (12) ; un texte interdisant aux plus grandes plateformes en ligne de se livrer à des fusions qui élimineraient des concurrents, ou des concurrents potentiels, ou qui serviraient à accroître ou à renforcer leur pouvoir monopolistique (13) ; un texte autorisant la FTC et le département de la Justice américaine (DoJ) à prendre des mesures – comme le démantèlement ? – pour empêcher les plateformes en ligne en position dominante de tirer parti de leur pouvoir monopolistique pour fausser ou détruire la concurrence sur les marchés qui dépendent de cette plateforme (14) ; un texte donnant à la FTC de nouveaux pouvoirs et outils d’application afin d’établir des règles favorables à la concurrence pour l’interopérabilité et la portabilité des données en ligne (15) ; un texte augmentant les frais imposés aux parties lors du dépôt d’un gros projet de fusion et acquisition, afin de donner plus de moyen financier au DoJ et à la FTC (16).
Avec cet arsenal antitrust tel qu’il est proposé, les GAFAM ont du souci à se faire. « Après 29 heures et les meilleurs efforts des Big Tech, la commission judiciaire de la Chambre a adopté les six projets de loi de notre programme pour construire #AStrongerOnlineEconomy ! Grande victoire pour les consommateurs, les travailleurs et les petites entreprises ! », a twitté David Cicilline le 24 juin à l’issu de l’approbation de cette demi-douzaine de projets de loi qui sont sans précédent dans l’histoire encore récente de l’Internet. Côté Républicains, il y a aussi un accueil favorable à ces mesures sans concession : l’un d’eux, Kenneth Buck, estime que cette réforme antitrust se fait « au scalpel, pas à la tronçonneuse » ! S’il n’est pas question à ce stade de démantèlement, il n’y a qu’un pas judiciaire pour imposer des spin-off. La démocrate Pramila Jayapal, elle, a été à l’origine du projet de loi obligeant les plateformes incriminées à se dessaisir entièrement de certains secteurs d’activité en cas d’abus de position dominante.La balle est maintenant dans le camp du Congrès des Etats-Unis pour que ce paquet législatif soit voté, mais aussi entre les mains de Lina Khan, la future présidente de la FTC, pour que ces nouvelles règles – si elles devaient être finalement promulguées – soient mises en œuvre.

Couper l’herbe sous pied de l’Europe
Les Facebook, Amazon et autres Apple n’auront qu’à bien se tenir. « Briser les monopoles et améliorer nos lois antitrust », a résumé le démocrate Jerrold Nadler qui préside, lui, la commission de la magistrature : « En freinant les abus anticoncurrentiels, notre loi fait en sorte qu’il y ait de la place pour les opportunités et l’innovation pour prospérer en ligne ». Même Margrethe Vestager à Bruxelles n’aurait pas mieux dit si elle avait eu son mot à dire à Washington. Finalement, comme le laisse entendre David Cicilline (17), les Etats- Unis entendent ne pas – en voulant légiférer contre ses propre GAFAM – se faire dicter des lois anti-monopoles numériques par l’Union européenne, laquelle examine actuellement le paquet DSA/DMA (Digital Services Act/Digital Markets Act). Mais le Vieux Continent a une longueur d’avance législative sur le Nouveau Monde. @

Charles de Laubier

Joe Biden (78 ans), 46e président des Etats-Unis, pourrait être celui qui mettra au pas les GAFA

Donald Trump est mort, vive Joe Biden ! A 78 ans, l’ancien vice-président de Barack Obama (2009-2017) et ancien sénateur du Delaware (1973-2009) a été investi 46e président des Etats-Unis le 20 janvier. Membre du Parti démocrate depuis 1969, Joseph Robinette Biden Junior est attendu au tournant par les Big Tech et la Silicon Valley.

Joe Biden (photo) et Kamala Harris ont donc prêté serment le 20 janvier 2021 en tant que respectivement président et vice-présidente des Etats-Unis. Battu de justesse et ayant eu du mal à admettre sa défaite, Donald Trump a boudé la cérémonie. Maintenant, la fête est finie et le 46e président des Etats-Unis se retrouve avec une pile de dossiers à traiter dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, sa résidence officielle jusqu’en janvier 2025 – son mandat étant de quatre ans, sauf décès ou destitution, renouvelable une fois. Située plutôt en haut de la pile des urgences se trouve la régulation de l’Internet, tant les problèmes se sont accumulés sous l’administration Trump : les enquêtes antitrust lancées à l’encontre des GAFA menacés de démantèlement pour en finir avec les abus de positions dominantes dans l’économie numérique et le e-commerce ; la protection des données personnelles en ligne et de la vie privée numérique, notamment mises à mal par les réseaux sociaux ; l’explosion des contenus controversés voire illicites sur Internet tels que publicités politiques, cyberhaine, cyberviolence ou encore désinformation ; la liste noire d’une dizaine d’entreprises technologiques chinoises devenues indésirables aux yeux de son prédécesseur sur le sol américain ; l’augmentation envisagée des droits de douanes sur des produits provenant des pays, dont la France, instaurant des taxes « GAFA ».

Biden et Trump, bonnet blanc et blanc bonnet ?
Ainsi, Joe Biden hérite d’au moins une demi-douzaine de problématiques digitales qui marqueront son mandat présidentiel. Ce à quoi s’ajoutent d’autres préoccupations des Big Tech depuis l’administration Trump : les décrets limitant les visas américains pour les salariés étrangers diplômés qui souhaiteraient travailler aux Etats-Unis, Silicon Valley comprise ; la neutralité de l’Internet annulée en 2018 par la FCC (1), laquelle décision fut confortée par un jugement mais laissant le dernier mot aux Etats fédérés (2) (*) (**). Plus globalement, le président démocrate est réputé plus favorable au renforcement du pouvoir fédéral, voire à un renforcement des lois antitrust que l’ancien président républicain. Ce dernier aspirait à moins de réglementation. Biden rime avec « plus de concurrence ». Alors que Trump rimait plus avec « positions dominantes ». Mais que l’on ne s’y trompe pas : Biden pourrait faire vis-à-vis des Big Tech dans le « Je t’aime… moi non plus » (3), et même nommer un « Monsieur antitrust » à la Maison-Blanche (4). De nombreuses Big Tech ont d’emblée misé sur le nouveau président en cofinançant ses cérémonies d’investiture, la plupart virtualisée en raison des risques de pandémie et d’émeutes. Le comité d’organisation mentionne comme donateurs : Google (Alphabet), Amazon, Microsoft, Verizon, Comcast (maison mère de NBC Universal), Qualcomm, Uber ou encore Yelp, ainsi que parmi les quelque 5.000 supporteurs Boeing. Mais qui trop embrasse mal étreint…

Antitrust, ePrivacy, data, fake news, …
La nouvelle administration « Biden » a maintenant les coudées franches pour légiférer autour d’Internet et du e-commerce dans la mesure où les démocrates américains ont la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat.
Sur le front « antitrust », les GAFA ne s’attendent à aucun revirement politique à leur égard. Les enquêtes lancées l’an dernier par le pouvoir fédéral américain – notamment du ministère de la Justice, ou DoJ (5) – vont se poursuivre sous la houlette de son nouveau ministre, Merrick Garland, dans le but d’essayer de mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles des géants du numérique surnommés les « winner-take-all ». Google (Alphabet) répond déjà devant la justice américaine depuis octobre dernier à propos de son moteur de recherche monopolistique (6). Le DoJ pourrait demander aussi des comptes à Apple, contesté pour ses pratiques sur son écosystème App Store, ainsi qu’à Facebook. Le réseau social de Mark Zuckerberg est déjà dans le collimateur du gendarme américain de la concurrence, la FTC (7), laquelle se mord les doigts d’avoir laissé Facebook racheter en 2012 Instagram et en 2014 WhatsApp (8) Les auteurs parlementaires du rapport du groupe spécial antitrust de la commission des Affaires judiciaires de la Chambre des représentants des Etats-Unis, publié le 6 octobre dernier (9), a appelé le Congrès américain à légiférer rapidement, sans attendre des années de procès. Depuis ce pavé dans la mare des GAFA, des Etats américains se sont coalisés pour poursuivre en justice Google et Facebook (10).
Sur le front « ePrivacy », les Etats-Unis ont pris conscience de l’importance de la protection des données personnelles en ligne et de la vie privée numérique, notamment mises à mal par Facebook avec l’affaire retentissante « Cambridge Analytica » qui a valu à la firme de « Zuck » 5milliards de dollars d’amende infligés en juillet 2019 par la FTC. Ce scandale avait porté sur l’utilisation illégale de 50 millions de comptes de Facebook aux Etats-Unis pour influencer en 2016 l’élection présidentielle américaine (11). Joe Biden pourrait s’inspirer du règlement européen sur la protection des données (RGPD), en vigueur depuis mai 2018, pour pousser une loi fédérale de même portée, alors que le « California Consumer Privacy Act » l’est depuis juin de la même année. La vice-présidente des Etats- Unis, Kamala Harris (première femme et première noire à occuper ce poste), pourrait accélérer dans cette voie, elle qui fut sénatrice et procureure de Californie, la Mecque des Big Tech et des start-up. Elle est même proche familialement du directeur juridique d’Uber. Mais Washington et Silicon Valley ne font pas bon ménage sur cette question.
Sur le front « fake news », la question de la régulation de l’Internet se pose d’autant plus que la cyberhaine déversée lors de la dernière campagne présidentielle, suivie des émeutes mortelles des partisans de Donald Trump le 6 janvier au Capitole, a laissé des traces profondes dans l’opinion américaine et internationale.
Les publicités politiques financées, puis interdites, sur les réseaux sociaux et la guerre de la désinformation (fake news) ont porté atteinte aux valeurs démocratiques. Joe Biden a déjà fait savoir qu’il allait réviser la section 230 du « Communications Decency Act » de 1996, lequel accorde une « immunité » judiciaire aux plateformes numériques quant aux contenus mis en ligne par leurs utilisateurs. Mais ce bouclier (12) est aujourd’hui contesté car les médias sociaux ne sont plus seulement hébergeurs. Facebook, Twitter et autres Google ont joué tant bien que mal les « modérateurs », supprimant des contenus qui n’auraient pas dû l’être, ou inversement avec la cyberviolence ou des contenus d’extrême droite ou complotistes.

… Huawei, TikTok, Xiaomi, taxes GAFA
Sur le front « Chine », une dizaine d’entreprises technologiques chinoises – à commencer par Huwei, le numéro un mondial des réseaux 5G, mais aussi ZTE – ont été placées sur une liste noire, accusées sans preuve de cyberespionnage et d’atteinte à la sécurité nationale du pays, le tout sur fond de bras de fer commercial sinoétatsunien. L’été dernier, Donald Trump avait signé des « Executive Order » pour interdire TikTok et WeChat aux Etats-Unis, sauf à être cédées par leur maison mère respectives, ByteDance et Tencent. A six jours de la fin du mandat, l’ancien président Trump a rajouté Xiaomi, devenu troisième fabricant mondial de smartphones devant Apple, à sa liste des chinois indésirables. Joe Biden, lui, enterra-t-il la hache de guerre pour fumer le calumet de la paix avec la Chine ?
Sur le front « taxe GAFA », la taxe que Paris a appliquée en 2019 aux grandes plateformes numériques – d’où son surnom de « taxe GAFA » – avait amené les Etats-Unis à envisager des représailles via une hausse des droits de douanes sur certains produits français. Or le 8 janvier dernier, le gouvernement fédéral américain a suspendu ce projet, le temps d’examiner les taxes GAFA similaires dans une dizaine d’autres pays (Grande-Bretagne, Italie, Inde, …). La future secrétaire au Trésor américain, Janet Yellen, s’est dite le 19 janvier plutôt favorable à une telle taxe pour « percevoir une juste part » des géants du Net. Avec Joe Biden, les Etats-Unis changent de pied. @

Charles de Laubier

L’Allemagne légifère contre les abus des GAFAM

En fait. Le 2 septembre, l’Autorité de la concurrence allemande a publié son rapport annuel dans lequel son président Andreas Mundt et le ministre allemand de l’Economie Peter Altmaier se félicitent des projets d’amendements qui seront débattus au Parlement afin de mieux « combattre les abus » des Big Tech.

En clair. Ce sont des amendements allemands destinés à modifier le « German Competition Act » (GWB) qui pourraient avoir des répercussions sur toute l’Europe. Car l’Allemagne est non seulement un des piliers de l’Union européenne (UE), mais en plus pour six mois (de juillet à décembre 2020) le pays qui préside le Conseil des ministres de l’UE justement. D’autant que la Commission européenne prépare un Digital Services Act (DSA) responsabilisant plus les plateformes du Net (1). Ces amendements « antitrust numérique », approuvés par la chancelière Angela Merkel le 9 septembre, vont renforcer les pouvoirs de l’Office anti-cartel fédéral allemand (le Bundeskartellamt), vis-à-vis des GAFAM. Ces amendements vont maintenant devoir être votés par le Parlement.

L’Allemagne préside le Conseil de l’Union européenne jusqu’en décembre 2020
« L’Allemagne assur[e] la présidence du Conseil de l’UE (…). Nous aimerions profiter de cette occasion pour développer davantage le droit européen de la concurrence, en particulier en ce qui concerne la numérisation et l’économie des plateformes (…). Les modifications apportées à la loi allemande sur la concurrence (GWB) renforcent en particulier le rôle-clé du Bundeskartellamt dans la lutte contre l’abus de position dominante par les plateformes numériques et constituent ainsi un signal pour l’UE également », a prévenu le ministre allemand de l’Economie (2), Peter Altmaier (photo), dans un son « message de salutation » introduisant le rapport 2019 de l’autorité antitrust. C’est lui qui a confirmé en conférence de presse le 9 septembre l’approbation de ces amendements « anti-abus de position dominante numérique ». Dans l’avant-propos du rapport, le président du Bundeskartellamt, Andreas Mundt, enfonce le clou : « Pour l’avenir, il sera vital pour nous de garder les marchés en ligne ouverts, afin de donner aussi une chance aux nouveaux arrivants, et pour empêcher les grandes entreprises d’abuser de leur pouvoir de marché au détriment des consommateurs. Nous espérons que […] la loi allemande sur la concurrence, auquel nous sommes très étroitement associés, renforcera entre autres le contrôle des abus sur les grandes entreprises numériques ». Par exemple, le Bundeskartellamtes contrôlera voire sanctionnera la manière dont sont exploitées les données des e-marchands par les places de marché – « Gatekeeper » – comme Amazon, ou les règles abusives imposées aux développeurs par les boutiques d’applications comme Apple Store ou Google Play. @

Vers le démantèlement des GAFA ? L’étau se resserre

En fait. Le 27 juillet, quatre patrons des GAFA – Sundar Pichai (Google), Jeff Bezos (Amazon), Mark Zuckerberg (Facebook) et Tim Cook (Apple) – seront auditionnés par la commission judiciaire de la Chambre des représentants des Etats-Unis pour répondre aux soupçons de pratiques anti-concurrentielles.

En clair. Les quatre PDG des GAFA seront auditionnés le lundi 27 juillet par la House Judiciary Committee à la Chambre des représentants du Congrès américain, en visioconférence s’ils le souhaitent. La sous-commission aux affaires antitrust interrogera Sundar Pichai, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg et Tim Cook, les PDG de respectivement Google, Amazon, Facebook et Apple. Cette audition exceptionnelle est organisée à Washington dans le cadre de l’enquête, ouverte depuis juin 2019, sur les pratiques concurrentielles des Big Four du Net.
La House Judiciary Committee s’interroge sur « la domination d’un petit nombre de plateformes numériques et sur le caractère adéquat des lois antitrust et de leur application ». Les députés de cette instance judicaire bipartisane (démocrates et républicains) justifient la convocation des quatre patrons : « Etant donné le rôle central que ces sociétés jouent dans la vie du peuple américain, il est essentiel que leurs PDG soient présents. Leur témoignage est essentiel pour que nous terminions cette enquête », écrivent-ils dans leur communiqué du 6 juillet (1). Le président de la commission judiciaire, Jerrold Nadler (démocrate), et le président de la sous-commission antitrust, David Cicilline (démocrate aussi), avaient cosigné avec deux autres membres (républicains) quatre lettres adressées le 13 septembre 2019 à chacun des quatre patrons pour obtenir des informations sur leurs activités et filiales.
Edition Multimédi@ met en ligne ici ces courriers d’une quinzaine de pages chacune concernant respectivement Google (2), Amazon (3), Facebook (4) et Apple (5). « Les documents demandés doivent permettre à la commission de mieux comprendre dans quelle mesure ces intermédiaires jouissent d’un pouvoir de marché, et s’ils l’utilisent de manière préjudiciable aux consommateurs et à la concurrence, et de voir comment le Congrès devrait réagir », a prévenu Jerrold Nadler. Il s’agit de déterminer s’il y a abus de position dominante dans la gestion des magasins d’applications, des places de marché de e-commerce, des données personnelles, de la publicité ciblées ou encore des règles d’utilisation. L’étau de resserre sur les GAFA : mènent aussi leurs enquêtes l’autorité de la concurrence américaine (FTC), notamment sur les acquisitions passées (6), et le département de la Justice (DoJ). Le verdict pourrait aboutir au démantèlement de ces mastodontes du Net. @