Services : Internet dépasserait les télécoms en 2025

En fait. Le 18 avril, l’Idate a indiqué sur son blog que le marché mondial des services Internet et télécoms pourrait doubler d’ici 2025 – par rapport à 2015 – pour atteindre les 3.000 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Dans un des
quatre scénarios, les télécoms seront même dépassées par Internet.

En clair. A l’issue de la décennie 2015-2025, et pour la première fois dans l’histoire,
les services Internet pourraient représenter en valeur un marché supérieur à celui des services télécoms. C’est ce qui ressort de l’étude « Digital Economy 2025 » de l’Idate publiée récemment. En effet, dans l’un des quatre scénarios avancés par cet institut, Internet génèrera en 2025 un chiffre affaires supérieur (51 %) à celui des télécoms
(49 %) sur un total de près de 3.000 milliards d’euros au niveau mondial. Ce serait
une première, comparé à aujourd’hui où les télécoms pèsent encore 75 % des 1.500 milliards d’euros générés en 2015 par les services télécoms et Internet. Ce scénario, baptisé « Open », illustre le mieux l’érosion des services télécoms qui afficheront une croissance annuelle moyenne de seulement 2,4 % par rapport aux services Internet bondissant de 15 % par an. Cette nouvelle économie numérique – basée sur l’intermédiation en ligne (moteurs de recherche, publicité en ligne, commerce électronique, …) ou l’agrégation de contenus (vidéo en partage ou à la demande, boutiques d’applications, médias numériques, …) – prendra le pas sur les télécoms
où l’accès constitue la majeure partie des revenus. Ce scénario plausible, où les services Internet deviendront le premier moteur du monde digital, sera favorable notamment au RTB (Real-Time Bidding), le segment de marché hyperdynamique
de la publicité ciblée, ainsi qu’à l’Internet des objets (IoT) et aux nouveaux services
et modèles économiques. Selon cette hypothèse, « le marché Internet est tiré par l’innovation et la concurrence tandis que les télécoms se recentrent sur la connectivité, la distribution et whole-sale, en proposant des services spécialisés », explique Christoph Pennings, directeur d’études, sur le blog de l’Idate le 18 avril (1). Ce scénario « Ouvert » correspond ainsi à une économie numérique dont l’écosystème serait intéropérable, sans couture et ouvert selon trois grandes orientations open access, open innovation et open data.
Même si les trois autres scénarios de l’Idate maintiennent au contraire les services télécoms en première position, à savoir à 54 % dans l’hypothèse « Mall » (plateforme commerciale), 58 % dans « Automated » (automatisation) et 60 % dans « Trust » (confiance), tous confirment que le transfert de valeur des télécoms vers l’Internet s’accélère (2). @

Jean-Paul Baudecroux vient d’avoir 70 ans et la question de sa succession à la tête du groupe NRJ se pose

Le fondateur et principal actionnaire du groupe NRJ, Jean-Paul Baudecroux,
a eu 70 ans le 11 mars dernier. Trente-cinq ans après avoir lancé sa radio libre,
le PDG du groupe devenu multimédia songe plus que jamais à sa succession. Son mandat d’administrateur s’achève le 19 mai prochain, mais il devrait être renouvelé.

Maryam Salehi va-t-elle succéder à Jean-Paul Baudecroux (photo) à la tête du groupe NRJ ? La question peut paraître abrupte, mais elle se pose plus que jamais maintenant que
le fondateur et président du conseil de surveillance du groupe multimédia vient d’avoir 70 ans. Directrice déléguée
à la direction générale, Maryam Salehi est le bras droit de
ce dernier en tant que vice-présidente du conseil d’administration. D’origine iranienne, cette juriste de formation est le pilier du groupe NRJ qu’elle a contribué à redresser à partir des années 2010. A tel point que le fondateur et principal actionnaire – 69,3 % des actions et 86,8 % des droits de vote – la surnomme depuis « bulldozer » ! La numéro deux semble toute destinée à devenir la numéro un, lorsque Jean-Paul Baudecroux aura décidé de quitter ses fonctions et d’organiser sa succession à la tête du groupe qu’il a fondé il y a maintenant trente-cinq ans. « Monsieur Baudecroux ne souhaite faire aucun commentaire. Sa succession n’est pas à l’ordre du jour », nous a fait-il répondre par son assistante. A 70 ans, depuis le 11 mars dernier, il va terminer le mois prochain son mandat en cours, lequel devrait être renouvelé lors de l’assemblée générale annuel fixée au 19 mai. Comme la limite d’âge avait été reportée il y a six ans à 80 ans, le patron devenu patriarche a encore potentiellement une décennie devant lui – soit jusqu’en mars 2026.

Trois enfants, une compagne et un « bulldozer »
Mais il n’a pas attendu de devenir septuagénaire pour commencer à se préoccuper de sa succession. Lorsqu’il a eu des problèmes de santé au printemps 2014, l’éloignant plusieurs semaines des affaires, il avait alors pris cette année-là des premières mesures personnelles pour parer à toute éventualité. C’est ainsi qu’il a procédé –
par acte notarié signé le 25 juin 2015 – à une donation partage au profit de ses trois enfants portant sur « la nue-propriété de 8.275.863 actions NRJ Group, soit 2.758.621 actions par enfant », à hauteur de 10,5 % du capital du groupe, dont il ne détient plus que 69,3 %. depuis. Mais ces parts ont été attribuées dans le cadre d’un « concert familial » qui cumule, avec les actions de Jean-Paul Baudecroux, 79,9 % des actions
du groupe et 86,8 % des droits de vote. Les trois enfants doivent trouver une position commune avec leur père qui garde néanmoins en tant qu’usufruitier les droits de vote sur les résolutions concernant le résultat financiers du groupe. Cette donation partage avait été déclarée l’AMF (1) en juillet 2014, puisque le groupe NRJ est coté à la Bourse de Paris pour près de 20 % de son capital.

La radio compense les pertes de la télé
Parallèlement, toujours en 2014, Jean-Paul Baudecroux avait signé six pactes
« Dutreil », à savoir des engagements de conservation des actions, avec : sa compagne et mère de ses trois enfants la Suédoise Vibeke Anna Röstrop pour quatre d’entre eux, et son bras droit Maryam Salehi pour les deux autres. Selon le Code général des impôts (article 787 B), « sont exonérées de droits de mutation à titre
gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société
(…) transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies [conservation d’une durée minimale de deux ans, engagement collectif de conservation sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote, etc, ndlr]». Bref, Jean-Paul Baudecroux a bien commencé à préparer l’« après-Baudecroux » en posant les jalon d’une transmission d’actions, mais force est de constater que depuis deux ans aucune autre disposition n’a été prise dans ce sens.
Quoi qu’il en soit, le PDG fondateur a dû fêter ses 70 ans quelque peu contrarié par les piètres performances du pôle télévision de son groupe. Le 18 mars dernier, il a estimé que la chaîne NRJ 12 avait eu « un accident industriel » en 2015 à cause d’« erreurs éditoriales » (2). Pire : lancée il y a plus de dix ans maintenant, cette chaîne – qui a toujours perdu de l’argent – ne dépasse pas 1,8 % de part d’audience nationale (7,2 millions de téléspectateurs par jour en moyenne) et a même perdu 0,1 point de part d’audience en un an. Et il n’y a pas vraiment à attendre grand chose de son passage
à la HD le 5 avril dernier, comme les autres chaînes de la TNT.
Le résultat opérationnel du pôle Télévision, accusant un déficit de 37,1 millions d’euros (accru de 50 % en un an) pour un chiffre d’affaires de 83 millions d’euros, a été grevé par le coût élevé des grilles des deux chaînes gratuites, NRJ 12 et Chérie 25. Mais Jean-Paul Baudecroux a pu trouver dans les performances de son groupe en 2015 un motif de consolation : le bénéfice net est reparti à la hausse après quatre ans de baisse à 22,6 millions d’euros, soit un bond de plus de 150% (3). C’est le pôle Radio, premier métier et activité historique du groupe, qui apporte au groupe sa rentabilité avec ses quatre réseaux nationaux – NRJ (6,3 millions d’auditeurs chaque jour, ce qui en fait la première radio de France selon Médiamétrie), Nostalgie (3,1 millions), Chérie FM (2,4 millions) et Rire et Chansons (1,5 million).

NRJ croit aux webradios, pas à la RNT
Quant à l’offre digitale du groupe, elle est forte de 220 webradios qui font de NRJ la numéro un en France des radios sur Internet (selon l’ACPM), 7 applications mobile,
une offre de replay TV sur Internet et sur les téléviseurs connectés, sans parler de 8 sites web. En revanche, NRJ boude la radio numérique terrestre (RNT) à laquelle Jean- Paul Baudecroux ne croit pas du tout (lire ci-dessous). Le groupe NRJ fut pourtant par le passé candidat à la RNT ! Sa filiale de diffusion audiovisuelle Towercast était même partie prenante dès 2007… Mais la première radio de France avait finalement retiré sa candidature en mai 2012 « face aux très importantes incertitudes économiques et techniques entourant le projet ». @

Charles de Laubier

ZOOM

La RNT, dont NRJ est l’une des grandes absentes, va faire l’objet d’un nouvel appel à candidatures en juin
Une centaine de radios indépendantes sont diffusées en RNT, depuis juin 2014, à Paris, Marseille et Nice. Selon nos informations, le prochain appel à candidatures
aura lieu en juin pour Lille, Lyon et Strasbourg, puis d’ici la fin de l’année pour Nantes, Rouen et Toulouse. Mais, préalablement, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
a lancé le 19 avril – jusqu’au 13 mai – une consultation publique sur quatre études d’impact (nationale et régionales) de la RNT. Et des auditions seront menées jusqu’au 25 mai. De nombreux pays européens ont aussi adopté la RNT, souvent avec plus d’enthousiasme que la France… (4). Comme ses homologues de RTL, Europe 1 et BFM/ RMC (5), voire Radio France qui attend la décision de l’Etat, le fondateur de
NRJ n’y croit pas du tout. Son groupe avait même déposé le 19 juin 2013 devant le Conseil d’Etat un recours pour « excès de pouvoir » à l’encontre du CSA, lequel avait finalement délivré le 15 janvier de la même année 107 autorisations d’exploiter un service de RNT. A l’époque, Jean-Paul Baudecroux avait déclaré : « Ces autorisations sont illégales en raison notamment des fortes incertitudes entourant ce projet ». Au-delà des raisons de ce recours devant la Haute cour administrative, le groupe NRJ redoute la RNT comme pouvant « éventuellement modifier les équilibres concurrentiels actuels ». @

Réforme audiovisuelle à l’heure du Net : la France ne peut passer à côté d’un changement de paradigme

La loi « Liberté de la communication » de 1986 – 30 ans ! – est devenue obsolète depuis la mondialisation de l’audiovisuel induite par Internet. Sa réforme reste timorée. La ligne Maginot du PAF (paysage audiovisuel français) peine à laisser place à un cadre ambitieux pour conquérir le PAM (mondial).

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

Près d’un an après que la Commission européenne ait « jeté
les bases de l’avenir numérique de l’Europe » (1) en initiant la création d’un marché numérique européen, les parlementaires français envisagent une réforme du secteur audiovisuel. Cette révision du cadre légal intervient dans un contexte de crise des médias traditionnels : Canal+ affiche une perte de 264 millions d’euros en 2015 contre 21 millions en 2012 ; TF1 semble se diriger sous la barre des 20 % de part d’audience (2) ; M6 a refranchi à la baisse celle des 10%; les bouquets satellitaires ne parviennent que péniblement à remplir leurs canaux en raison de la diffusion des chaînes sur Internet ; les radios subissent aussi une baisse d’audience sans précédent.

Entre crise et protectionnisme
Cette crise est intensifiée par l’arrivée de nouveaux acteurs comme Netflix, Molotov.tv ou les GAFA (3) dont les investissements dans la production augmentent. Ces acteurs viennent remettre en question la consommation traditionnelle de la télévision. A cela s’ajoute aujourd’hui la capacité des téléspectateurs de profiter d’acteurs étranger en contournant le geo-blocking par l’utilisation croissante de réseaux privés virtuels (4)
et ainsi s’abonner à des services dits OTT (Over-The-Top), c’est-à-dire en dehors de l’offre du fournisseur d’accès à Internet, normalement inaccessibles en France (Netflix US, Showtime, HBO Now …). Ces bouleversements d’utilisation sont tels qu’ils se reflètent dans la mesure d’audience, Médiamétrie comptabilise désormais dans le Médiamat les audiences réalisées en différé sur les écrans non traditionnels, ordinateurs, tablettes et mobiles (5). Cette révolution des usages, où 19 % des 15-24 ans ont accès aux programmes de télévisions par ces écrans alternatifs, pourrait aboutir à une redéfinition du marché. C’est dans ce contexte que le législateur français s’attelle à une nouvelle révision de la loi « Liberté de la communication » de 1986 (6), dont les concepts originaux d’indépendance, de pluralisme et de diversité applicables aux acteurs établis en France uniquement, sont restés essentiellement inchangés, alors que le secteur audiovisuel est bouleversé par l’entrisme de groupes digitaux de taille mondiale. Il est effectivement temps de mettre en question une réglementation française à la fois foisonnante et protectionniste. Il est apparu surtout urgent de reconsidérer les outils réglementaires utilisés jusqu’à présent : les mécanismes de soutien à la production française, les obligations de quotas de diffusion, et surtout la pression parafiscale pourraient aboutir à l’inverse de l’effet recherché en ne portant
que sur des acteurs français déjà en difficulté. Au lieu d’un simple toilettage en cours de la loi de 1986, c’est peut-être d’un changement de paradigme dont l’audiovisuel français a besoin – même si ce cadre réglementaire protecteur né il y a 30 ans a permis le développement d’une industrie reconnue. La France ne compte pas dans son PAF (7) de groupe audiovisuel de dimension mondiale. Néanmoins, sa réglementation protectrice a permis le maintien d’une production artistique d’oeuvres d’expression originale française dans les trois différents volets traditionnels de l’audiovisuel : le cinéma, la télévision et la radio.
Depuis 1948, le cinéma de toutes les nationalités finance en France le cinéma français grâce à la taxe sur le prix des salles de cinéma (TSA), aujourd’hui d’un montant de 10,7% du prix d’un billet acheté, réinvesti par le CNC (8) dans la création d’oeuvres d’expressions originales françaises (9). En télévision, les dispositions dites anti-concentration dans les médias de la loi de 1986 ont permis de protéger le développement de plusieurs groupes nationaux en empêchant par exemple à une même société de détenir plus de 49 % du capital d’un service national de communication (10) et en interdisant – sauf rares exceptions – à une société étrangère de détenir plus de 20 % du capital d’une société française titulaire d’une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par voie hertzienne terrestre assuré en langue française (11). En radio, des quotas de diffusions de chansons d’expression française sont imposés pour assurer le financement et la diffusion de la création nationale. Les acteurs de ce secteur doivent ainsi a minima mettre sur leurs antennes
« 40 % de chansons d’expression française, dont la moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles éditions » (12).

Projet de loi « Création » décevant
Ces règles et de nombreuses autres auront permis à la France, pendant un temps,
de protéger son industrie et d’asseoir son savoir-faire. Reste que producteurs de
films français, les acteurs télévisuels et les éditeurs de services radiophoniques de l’Hexagone peinent à se dessiner un avenir, tant les composantes de leurs marchés respectifs sont bouleversées par les changements des modes de consommation et l’émergence d’investisseurs d’un type nouveau. D’où la nécessité d’une réforme en profondeur. Le cadre légal doit désormais encourager les éditeurs et producteurs français à la digitalisation de leurs contenus et l’internationalisation de leurs services. Cette réforme doit aussi favoriser le maintien de l’attractivité de la France dans la création et la production d‘œuvres artistiques audiovisuelles et musicales, quel que
soit le support à l’avenir de leur mode de diffusion au public. La réforme de la loi sur l’audiovisuel peut offrir une occasion stratégique de développement de l’ensemble
du secteur pour les années à venir. Elle pourrait s’atteler à réformer en profondeur
au moins trois points qui conditionnent l’émergence de champions français :
1 • Redéfinir le marché. Le constat de la multiplicité des modes de concentration
des œuvres audiovisuelles pourrait utilement entraîner une appréhension globale de l’ensemble des acteurs du marché. Les dispositifs anti-concentration appliqués à des acteurs français mériteraient d’être considérablement allégés en vue de la nouvelle pression compétitive à laquelle ils font face.
2 • Imposer des règles identiques à l’ensemble des acteurs du marché. En finir avec le soi-disant vide juridique et fiscal, dont abuse sans vergogne certains géants
du Net, relève de la responsabilité du législateur. Un principe simple permettrait d’éviter les distorsions constatées : toute obligation, notamment de financement ou de diffusion, qui ne peut être imposée effectivement à l’ensemble des acteurs de l’écosystème, doit être supprimée pour ne peser sur aucun. Il est en effet paradoxal que l’on contraigne davantage ceux que l’on veut dynamiser plutôt que de leur permettre de jouer à armes égales.
3 • Permettre la projection des acteurs français à l’international. Le mythe de la start-up créée dans un garage devenue multinationale ne doit pas éluder le caractère hautement capitalistique de la digitalisation des activités médiatiques. La transformation des acteurs français de l’audiovisuel en groupes mondiaux à l’ère digitale nécessite plus d’investissements à heure où ils en disposent le moins. Si la réforme législative (13) facilite l’ouverture du capital de ces acteurs à de nouveaux types d’investisseurs, français ou étrangers, elle facilitera leur indispensable projection à l’étranger.
A cette aune, le projet de loi relatif à la Liberté de la création, à l’Architecture et au Patrimoine, dit projet de loi « Création », dont Fleur Pellerin était à l’initiative, est décevant à plusieurs égards. Ce texte est actuellement en deuxième lecture devant
le Sénat. La déception vient d’abord du manque de souffle de la réforme présentée.
On aménage, on modifie, on adapte, mais la réforme ne semble pas avoir pris la mesure d’un monde totalement bouleversé. Ainsi, le législateur avait souhaité alléger les obligations pesant sur les chaînes en envisageant de ramener à 60 % l’obligation
de production indépendante pour « permettre d’inciter les éditeur de services à investir davantage dans la production et bénéficier de surcroît de retour sur investissement » (14). Toutefois, devant la levée de bouclier des syndicats de producteurs ainsi que de 18 organisations représentatives d’artistes, d’auteurs, de réalisateurs, de techniciens
et autres professionnels du secteur, les députés ont retiré cet amendement du projet
de loi.
Le statu quo a donc été privilégié, les groupes français ne seront toujours pas propriétaires de la majorité des contenus qu’ils financent et devront conserver ce désavantage concurrentiel. Certains parlementaires souhaitaient que la définition de
la dépendance d’une société de production soit assouplie afin de permettre aux éditeurs de services d’augmenter leur participation dans les sociétés de production. Des groupes français auraient pu se diversifier et faire face à des entités de produ-ctions (majors américaines, Endemol, Shine, …) qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. A nouveau, les députés ont préféré maintenir le statu quo. Enfin, à noter l’élargissement de l’assiette de la rémunération pour copie privée – contrepartie de l’exploitation d’une oeuvre réalisée sans autorisation préalable de l’auteur ou du titulaire des droits – qui devrait être étendue aux services d’enregistrement et de stockage à distance d’un flux de radio ou de télévision (15). Il s’agit ici d’un premier pas visant à rétablir un peu plus d’équilibre entre les acteurs du secteur en prenant en compte l’usage croissant, voire quasi-systématique, du cloud pour conserver des œuvres protégées. Reste qu’un souffle inattendu est soudainement intervenu avec la décision rendue le 30 mars 2016 par le Conseil d’Etat dans l’affaire dite « Numéro 23 » (voir encadré ci-dessous).

Les sénateurs feront-ils mieux ?
Alors que le Sénat s’apprête à procéder à sa deuxième lecture du texte, il faut espérer qu’un esprit plus largement réformateur inspire les législateurs, et qu’en attente du
« marché unique numérique » appelé de ses vœux par la Commission européenne, émerge rapidement le cadre approprié au renforcement des champions français de l’audiovisuel. @

ZOOM

Numéro 23 : ce que dit le Conseil d’Etat
Au-delà des aspects juridiques qui mériteront des commentaires plus approfondis,
le Conseil d’Etat adresse un signal politique fort en rappelant vigoureusement – dans
sa décision rendue le 30 mars 2016 dans l’affaire dite « Numéro 23 » – qu’il n’est pas illégal de réaliser une plus-value en cédant une société dont la valorisation prend en considération l’existence d’une autorisation du CSA d’exploiter une chaîne de la TNT. Qu’il soit nécessaire de rappeler ce type d’évidence avec autant de formalisme en dit long sur l’urgence d’adapter règles et mentalités de l’audiovisuel français aux exigences du monde digital. @

Les Européens sont encore plutôt réservés vis à vis de la VOD, contrairement au reste du monde

L’attrait grandissant des services de télévision et de vidéo sur Internet
– vidéo en ligne, VOD, SVOD – augmente la pression sur les fournisseurs
de TV traditionnels par câble, satellite ou ligne téléphonique. Mais l’Europe
est la région du monde la plus frileuse vis à vis de ces nouveaux services.

Selon une étude de Nielsen menée au niveau mondial et publiée en mars dernier, plus d’un quart des 30.000 personnes interrogées en ligne dans une soixantaine de pays, soit 26 % d’entre elles, déclarent regarder la télévision ou de la vidéo à la demande (VOD) en étant abonnées à des services en ligne tels que Hulu, Netflix ou encore Amazon.

VOD et TV sont complémentaires
Si l’on compare les cinq grandes régions du monde sur cette question, le nombre de ceux qui paient pour voir de la vidéo en ligne est plus important en Amérique du Nord
et en Asie-Pacifique avec 35 % des personnes interrogées. Ils sont ensuite 21 % dans ce cas en Amérique Latine et autant au Moyen Orient/Afrique. Mais si l’on s’attarde sur l’Europe, le taux tombe à… 11 % seulement (voir graphique ci-dessous). Au cœur du Vieux Continent, la France ne compte que 4 % des personnes interrogées abonnées
à des services de VOD et se situe au niveau de l’Italie (4 %) et de l’Espagne (3 %). Ce qui est très éloigné des pays du Nord de l’Europe où il y a une plus grand appétence à s’abonner à de la VOD : le Danemark (34 %), la Norvège (33 %) ou encore la Finlande (30 %). Selon Médiamétrie, 35,1 millions d’internautes en France ont regardé au moins une vidéo sur Internet depuis un ordinateur, soit 73,2 % d’entre eux. Tandis que 3 millions de Français seulement regardent la télévision sur les écrans Internet – dont près de la moitié sur mobile ou tablette.
A la question cette fois de savoir si les personnes interrogées seraient prêtes à résilier leur service de télévision par câble, satellite ou ligne téléphonique pour basculer sur un service de vidéo en streaming sur Internet, près d’un tiers d’entre elles dans le monde – soit 32 % – se disent quand même prêtes à le faire. Ce taux est loin d’être anecdotique ni négligeable, d’autant que la jeune génération dit « Z » (née après 1995), encore plus Internet Natives que la génération précédente dite « Y » (née après 1980, appelée aussi « Génération millénaire »), est la plus disposée à couper le cordon de la télévision de « papa » (40 %). Là encore, l’Europe est la moins disante avec seulement 17 % des personnes interrogées et arrive loin derrière l’Asie-Pacifique (44 %), l’Amérique Latine (24 %) et même l’Amérique du Nord (22 %) où le phénomène du cord-cutting fait le plus débat actuellement (1). Si de nombreux Américains abonnés à de coûteux bundle câble-TV déclarent qu’ils seraient prêts à résilier leurs abonnements aux chaînes câblées traditionnelles pour se reporter sur des offres vidéo moins coûteuses sur Internet (VOD, SVOD, Catch up TV, …), finalement peu passent à l’acte pour le moment.

Anytime et binge-watching
Mais il y a des signes qui ne trompent pas : une autre enquête récente, réalisée cette fois par la société américaine de services de paiements Vindicia auprès de 1.000 Américains souscrivant déjà à au moins un service de SVOD, 45 % considèrent les sites de vidéo en streaming HBO Now, Netflix et Hulu comme plus importants pour eux. Et si l’on focalise sur les 20-39 ans, c’est plus de la moitié.
Car si 72 % des personnes interrogées par Nielsen dans le monde affirment qu’elles paient pour regarder la télévision traditionnelle par câble, par satellite ou par ligne téléphonique, elles sont quand même 65 % a regarder toutes formes de vidéo sur Internet de formats longs ou courts. « La popularité croissante des services vidéo uniquement en ligne va continuer à faire pression sur les fournisseurs de télévision par câble, satellite ou réseau téléphonique, mais un remplacement significatif de l’un par l’autre est peu probable. Tandis que quelques consommateurs réduisent leurs services de télévision traditionnels, beaucoup ne coupent pas le cordon complètement. Pour la plupart des téléspectateurs, services en ligne et traditionnels ne sont pas mutuellement exclusifs, mais complémentaires », analyse Megan Clarken (photo), vice-présidente exécutive chez Nielsen. Il n’en demeure pas moins, selon elle, qu’« à court terme, le cord-cutting s’avère la plus grande menace pour les acteurs traditionnels de l’audiovisuel au moment où les consommateurs évaluent les avantages des services premium ou des réseaux et considèrent des packages plus réduits qui leur offrent un meilleur rapport contenus-prix ».

Chronologie ou day and date ?
Quelles que soient les régions du monde, les films de cinéma arrivent en tête des contenus VOD regardés pour 80 % des personnes sondées par Nielsen, suivis par
les programmes de télévision à la demande de type replay pour 50 %. Viennent ensuite les programmes de genres et de comédies pour 38 %, les séries originales pour 32 %, ainsi que les sports et les documentaires (31 % chacun). Tandis que 22 % disent regarder des vidéos courtes de 15 minutes ou moins. Côté confort, les trois-quarts des personnes questionnées dans le monde mettent en premier la possibilité de voir de la VOD à n’importe quel moment. Les deux-tiers apprécient en outre des contenus de vidéo en ligne de pouvoir être visionnés par les différents membres du foyer sur plusieurs terminaux en même temps. Plus des deux-tiers – voire plus pour les générations Y et Z – sont également motivés par la VOD car ils peuvent regarder plusieurs épisodes d’une série dans une même soirée, selon la pratique du binge-watching.
Autre point positif de la vidéo sur Internet, et non des moindres : le coût est perçu comme moins élevé que les services programmés du câble et du satellite. C’est particulière vrai en Amérique du Nord où les forfaits dépassent souvent les 50 dollars par mois, soit près de 45 euros par mois, ce qui est bien supérieur à nos 30 euros habituels en France par exemple. D’où une certaine attirance pour la vidéo sur Internet gratuite et financée par la publicité. Ainsi, toujours selon l’enquête mondiale de Nielsen, 59 % des personnes interrogées dans le monde disent que la publicité ne les gêne pas « si le service de VOD est gratuit ». En Europe, elles sont 53 %. Et si l’on zoome sur la France, elles sont même 56 % à être favorables à de la publicité si la gratuité de la vidéo est au rendez-vous. Cependant, la VOD a des défauts : beaucoup (72 %) regrettent qu’il n’y ait pas plus de choix de programmation disponibles, et qu’il y ait des contenus sélectionnés limités, tandis que les deux-tiers (67 %) des répondants reconnaissent que regarder de la vidéo en ligne sur des écrans mobiles (smartphones ou tablettes) est moins confortable que sur grand écran. Quoi qu’il en soit, l’Europe – dont la France (2) – est en retard dans l’utilisation de services de vidéo en streaming payants sur Internet. Une des explications est sans doute à aller chercher du côté de la rigidité de la chronologie des médias qui régit la sortie des nouveaux films, en salles de cinéma (exclusivité de quatre mois en France par exemple), en VOD (seulement
au cinquième mois après la salle), puis à la télévision (chaînes payantes suivies des chaînes gratuites), voire la SVOD (à seulement trente-deux mois). Comme beaucoup de pays européens, la France interdit la simultanéité salles-VOD, mais la pratique du
e-cinéma qui consiste à sortir un nouveau film uniquement sur Internet – en faisant l’impasse sur la salle – commence à apparaître, notamment sous l’impulsion du distributeur-producteur Wild Bunch (3).
Aux Etats-Unis, la pression du streaming vidéo est plus forte. A Hollywood, les groupes de médias et de cinéma comme Time Warner, Viacom/Paramount ou encore AMC Networks s’inquiètent de la montée en puissance des Netflix, Hulu et autres Amazon Prime Video. Surtout que ces plateformes numériques produisent aussi leurs propres séries telles que « House of Cards » et « Orange is the New Black » pour Netflix,
« Transparent » et « Mozart in the Jungle » pour Amazon, en attendant « The Path » chez Hulu, certaines de ces oeuvres cinématographiques remportant en plus des trophées aux Emmy Awards ou aux Golden Globes.
Concernant la chronologie des médias, qui n’existe pas d’un point de vue réglementaire outre-Atlantique, elle relève plutôt de la négociation et n’exclut pas la simultanéité salles-VOD. Netflix et Amazon sont de plus en plus moteurs dans ce day and date (D&D). Avec la nouvelle offre « Screening Room » lancée par Sean Parker, qui fut cofondateur de Napster et est un des célèbres actionnaires de Facebook, les Etats-Unis s’apprêtent à pousser plus loin la logique du cinéma à la maison avec des films en première exclusivité et un partage des recettes avec les… exploitants de salles de cinéma ! Sean Parker a même les encouragements d’icônes d’Hollywood comme Martin Scorsese et Steven Spielberg… Il suffit alors de se procurer de la « box » de Screening Room pour 150 dollars et d’acheter des films à 50 dollars l’unité, puis d’amortir le tout en famille et dans le Home Cinema de son salon, ce qui reviendra moins cher que de multiplier les tickets de salle de cinéma. Malgré les résistances de la part de la National Association of Theatre Owners – l’équivalent de la FNCF en France – et de la Art House Convergence (salles d’arts et d’essai), la demande est forte. Mais cela reste encore embryonnaire comme marché face au box-office nord-américain qui génère plus de 10 milliards de dollars par an.

Le géo-blocage présente un risque
Autre frein possible : la blocage géographique de la VOD. Cette pratique du geo-blocking est plus importante en Europe, car héritée de la distribution nationale historique des films en K7 puis DVD dans un souci purement commercial de « territorialité des droits » (4), qu’aux Etats- Unis. La Commission européenne s’est d’ailleurs interrogée le 18 mars dernier (5) sur le risque anti-concurrentiel du géo-blocage dans le e-commerce. @

Charles de Laubier

Le cuivre fait de la résistance face à la fibre : le succès du VDSL2 freine les abonnements au FTTH

Il y a en France autant de « logements éligibles » – raccordables mais pas forcément abonnés – au très haut débit sur ligne téléphonique (VDSL2) qu’il n’y en a pour la fibre optique jusqu’à domicile (FTTH) : plus de 5 millions chacun. Mais la première technologie compte bien plus d’abonnés que la seconde !

La technologie VDSL2 permettant du très haut débit sur ligne téléphonique de cuivre progresse en France. Selon l’Arcep, il y a aujourd’hui plus de 5,3 millions de lignes éligibles au VDSL2, soit une hausse d’environ 78.000 lignes lors du dernier trimestre comptabilisé en date (+1,5 %). Mieux : si l’on regarde sur un an l’évolution de cette technologie capable de remplacer l’ADSL par endroits, la hausse est alors de 450.000 lignes éligibles supplémentaires, soit un bond de près de 10 % en un an.

Free : 1,5 million d’abonnés VDSL2
Ainsi, au 31 décembre 2015, environ 11.500 noeuds de raccordement d’abonnés (NRA) – où sont situés les répartiteurs assurant les connexions – sont équipés en VDSL2 par au moins un opérateur télécoms, ce qui représente un taux de couverture d’environ 94,8 % des lignes du territoire (1). Autant constater que le VDSL2 fait autant, sinon mieux, que le FTTH en termes d’éligibilité sur l’Hexagone ! A preuve : jusqu’à récemment, il y avait plus de logements éligibles au très haut débit VDSL2 qu’il n’y avait de logements éligibles au très haut débit FTTH. Ce n’est en effet qu’au dernier trimestre 2015 que la fibre dépasse sur ce critère-là le cuivre (voir tableau ci-contre). Alors que la fibre optique a, depuis l’élection présidentielle de 2012, les faveurs du gouvernement pour amener le très haut débit auprès de la totalité de la population française d’ici à 2022, voici que la paire de cuivre téléphonique se dope discrètement de son côté pour proposer elle aussi jusqu’à 100 Mbits/s (2). A condition néanmoins que le foyer ne soit pas trop loin du répartiteur de l’opérateur télécoms, à savoir environ à 1.500 mètres maximum. La boucle locale de cuivre n’a pas fini de monter en puissance puisque Orange, l’opérateur historique chargé d’assurer la modernisation
du réseau téléphonique, crée régulièrement de nouveaux NRA encore plus proches des abonnés, c’est-à-dire avec une longueur des paires de cuivre réduite, afin d’augmenter le nombre de lignes éligibles à la montée en débit – via notamment le VDSL2 et à l’avenir le G.Fast. En effet, cette nouvelle norme ultra haut débit sur le dernier kilomètre de ligne téléphonique sera capable de multiplier les débits VDSL2 par 10 – soit à 1 Gbit/s en réception !
Pour l’heure, les concurrents d’Orange profitent de plus en plus du VDSL2. Par exemple, Free a annoncé en mars dernier lors de la présentation de ses résultats
2015 que tous ses NRA étaient maintenant équipés en VDSL2 et que 24 % de sa
base d’abonnés a désormais accès au très haut débit grâce à cette technologie. Près d’un quart d’un peu plus de 6,1 millions d’abonnés fixe Free au 31 décembre 2015,
cela fait presque 1,5 million d’entre eux qui bénéficient déjà du VDSL2 – contre seulement à peine plus de… 200.000 de ses abonnés en FTTH. Deux modèles de Freebox sont compatibles avec le VDSL2 : la « Revolution » et « Mini 4K ».
Résultat, sur la France : à nombre de logements éligibles équivalent pour le VDSL2
et pour le FTTH, force est d’en conclure que le nombre d’abonnés très haut débit sur cuivre est bien supérieur à celui des abonnés très haut débit sur fibre – ces derniers étant, selon l’Arcep (3), 1,4 millions à fin 2015. Free comptabilise ainsi autant d’abonnés VDSL2 que la France ne compte d’abonnés FTTH (4) ! Le réseau de cuivre fait de la résistance face aux prétentions de la fibre optique (5). Le cuivre ne rouille pas non plus… @

Charles de Laubier