Europe : les multinationales du Net commencent à se faire à l’idée de rendre des comptes localement

Google, Apple, Facebook Amazon et Microsoft symbolisent ces « GAFAM »
que la Commission européenne souhaiterait faire entrer dans le rang d’une
future régulation numérique. Il s’agit de les rendre responsables juridiquement
et fiscalement sur le pays de consommation de leurs services.

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

Depuis quinze ans, les gouvernements nationaux ont assisté – à la fois fascinés et inquiets – à l’émergence,
la croissance puis la suprématie des grands groupes mondiaux de l’Internet, à commencer par les « GAFAM » : Google, Apple, Facebook Amazon et Microsoft, rejoints
par Twitter, Alibaba, … Après des périodes successives marquées par la stupéfaction, l’émerveillement puis la déploration d’un pseudo « vide juridique » sensé justifier l’inertie des autorités nationales, il semblerait que l’année 2015 voit – en France et en Europe notamment – le bon sens et le droit commun finir par avoir raison des comportements « extralégaux » de certains de ces géants du Net qui, entre-temps, auront profondément déstabilisé des marchés aussi structurants que ceux de l’édition musicale, de la distribution, de l’édition, du logiciel et de la publicité.

Retour au droit national
Que celui qui a lu en détail et compris les conditions générales d’utilisation (CGU) d’un de ces GAFAM jette la première pierre. De fait, ces documents dont l’approbation est indispensable sont rédigés dans des caractères et dans un style tels qu’on ne peut raisonnablement considérer que le consommateur moyen dispose d’une quelconque capacité d’appréciation, encore moins de négociation s’agissant de conventions d’adhésion. Après des années d’hésitation, il semble que la jurisprudence convienne enfin que, par ce simple procédé, on ne saurait forcer tout titulaire d’un compte Internet – souhaitant par exemple contester les conditions de sa fermeture – devoir faire appel au tribunal californien. C’est en tout cas ce que la Cour d’appel de Pau (1) a retenu le 23 mars 2012 : le titulaire français d’un compte Facebook avait vu celui-ci désactivé sans avertissement préalable.
Ayant saisi le juge de première instance, il s’était vu opposer l’incompétence du premier juge en application de la clause des CGU qui prévoyait que seules les juridictions de l’Etat de Californie étaient compétentes. La Cour d’appel de Pau a, au contraire, affirmé que la juridiction française est compétente pour connaître du litige (2). Considérant le caractère peu lisible de la clause qui est « noyée dans de très nombreuses dispositions dont aucune n’est numérotée », elle a considéré que cette clause était inopposable au titulaire du compte, celui-ci n’ayant pu l’accepter en pleine connaissance de cause.
Plus récemment, par une ordonnance en date du 5 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris (3) a également déclaré abusive la clause attributive de juridiction
aux tribunaux californiens, cette foisci en se plaçant sur le terrain du droit à la consommation. Le demandeur qui contestait également la désactivation de son compte Facebook, a considéré que la clause attributive de juridiction aux tribunaux californiens devait être considérée comme abusive (4). Le tribunal a reconnu que les CGU doivent être considérées comme un contrat soumis au droit de la consommation intervenant entre Facebook, agissant en qualité de professionnel, et un utilisateur consommateur.
Il reconnaît le caractère abusif de la clause en considérant qu’elle entrave l’accès à la justice par les consommateurs et se déclare compétent pour juger l’affaire sur le fond.
Il faut rappeler à ce titre que les dispositions relatives aux clauses abusives sont d’ordre public en France, les parties ne sauraient donc y déroger y compris par voie contractuelle.
Les géants de l’Internet ont depuis longtemps déployé à l’extrême la stratégie du
« corporate veil (5) », en multipliant les entités juridiques établies dans des juridictions diverses qui peuvent chacune se renvoyer la responsabilité tout en maintenant le flou sur l’attribution exacte des compétences intra-groupes. La jurisprudence est fertile de ces décisions qui ne parviennent pas à identifier clairement laquelle des entités d’un GAFAM est la responsable du traitement informatique, ou la titulaire de données personnelles, ou encore l’entité ayant véritablement conclu le contrat avec le consommateur. Cette stratégie poussée à l’extrême a fini par exaspérer les tribunaux, notamment en France.

Lever le voile des nébuleuses
La décision que vient de rendre la Cour d’appel de Paris le 12 mai 2015 montre avec un certain éclat que l’impunité des filiales françaises des GAFAM trouve ses limites. Une personnalité en vue réclamait le retrait de contenus litigieux (6) publiés sur un compte Facebook. Les titulaires de compte étant dissimulés derrière un pseudo, seul le groupe Facebook connaît l’identité du titulaire.
Sans doute pour échapper au mieux à toute contrainte, Facebook indique que l’entité du groupe qui détient les identifiants des titulaires de compte dépend… du lieu de résidence du titulaire du compte – précisément inconnu du public puisque l’on n’a jamais vu personne utiliser un pseudo en affichant son adresse. Face à cette nébuleuse, le plaignant avait engagé la responsabilité de la filiale française.

Le cas de Facebook France
Si en public et dans la presse la filiale française du numéro un des réseaux sociaux
se fait le héraut de la protection du droit des personnes et de la vigilance contre les contenus attentatoires, devant les tribunaux Facebook France excipe de sa totale irresponsabilité en considérant qu’elle n’est ni hébergeur ni le représentant légal de
la firme de Mark Zuckerberg.
C’était oublier que Facebook France est une personne morale de droit français, qui,
au terme de ses statuts, a un objet qui porte notamment sur le conseil juridique du groupe Facebook, et qui, par ailleurs, est engagé par ses propres déclarations au public. Facebook France s’est ainsi vu ordonner, sous astreinte, de « faire toute démarche utile » en vue de clôturer le compte litigieux. Le temps où Facebook France pouvait limiter sa responsabilité à celle de la vente d’espaces publicitaires en ligne semble donc révolu.
Au-delà de la compétence juridictionnelle et de la responsabilité des filiales locales,
se pose en outre la question de la fiscalité applicable. Dans la Grèce antique, on connaissait les atèles qui, contrairement aux citoyens et aux métèques, étaient exempts de l’impôt. Les GAFAM leur ont succédé et sont parvenues à organiser leur optimisation fiscale via notamment leurs filiales au Luxembourg, en Irlande ou aux Bermudes (7). Cette discrimination fiscale considérable a gravement perturbé l’économie de la distribution, de la publicité ou de l’édition littéraire notamment.
Elle a abouti à une évasion fiscale significative, à tel point que le renouvellement de
le Commission européenne fin 2014 a été – selon les mots du ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, et de son homologue allemand Sigmar Gabriel – marqué par la volonté de « réguler les plateformes Internet » (8).
L’une des ambitions principales de l’agenda digital de l’Union européenne est en effet d’uniformiser les réglementations européennes afin d’instaurer une concurrence, de favoriser l’entrée sur le marché du numérique de nouveaux acteurs européens, de permettre aux utilisateurs d’avoir accès au contenu de leur choix et d’imposer la transparence aux plateformes notamment en matière budgétaire et fiscale.
La Commission européenne a déjà lancé plusieurs actions en ce sens et on ne peut que saluer la décision d’Amazon, révélée le 26 mai dernier, de s’engager à déclarer ses revenus dans au moins quatre pays européens, alors que ceux-ci étaient exclusivement localisés au Luxembourg.
Cette décision fait suite également à la mise en place en Grande-Bretagne d’une nouvelle taxe sur les multinationales, la bien dénommée « Google Tax », afin de taxer
à 25 % les bénéfices générés par les multinationales sur leurs activités réalisées sur le territoire du Royaume-Uni.
Après deux années de riches en débats, notamment sur la neutralité de l’Internet, le point d’équilibre entre acteurs OTT (9) et opérateurs de télécommunications ou des médias, est de nouveau au coeur de l’actualité. A la suite du conflit qui a opposé début 2013 Free et Google (10), ce fut au tour d’Orange d’être en conflit à l’encontre de Cogent. Depuis 2011, ce dernier accusait Orange de ne pas acheminer correctement
le trafic des internautes souhaitant se connecter aux services Google, Facebook, Megaupload par exemple. A l’inverse Orange estimait que l’augmentation de capacité mise à disposition de Cogent devait faire l’objet d’un accord contractuel et financier permettant l’augmentation de la bande passante dédiée (11).
Le nouveau président de l’Arcep, Sébastien Soriano, a d’ailleurs placé le sujet au cœur de son mandat : il rappelait encore récemment (12) sa volonté d’encadrer les GAFAM en plaidant pour une harmonisation européenne passant par « une nouvelle structure de régulation ».
L’enjeu à terme est de ne pas voir les investissements des opérateurs de télécommunications dans les infrastructures européennes mis à mal par une consommation non rémunérée de bande passante par les GAFAM dans des conditions déséquilibrées.

Vers une nouvelle régulation
Le premier semestre de l’année 2015 n’est pas encore achevé que déjà une nouvelle phase de la régulation des communications électroniques semble lancée.
Il était temps car le rayonnement des OTT et l’avènement de l’Internet des objets place le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) à l’aube d’une nouvelle révolution majeure. @

Comment Apple se jette dans la bataille du streaming, en lançant un défi à Spotify et Deezer

Beats fut il y a un an la plus grosse acquisition d’Apple (3 milliards de dollars) ; Apple Music sera son plus grand défi depuis le lancement d’iTunes Music Store en 2003. La marque à la pomme, qui devrait annoncer le 8 juin son entrée sur le marché mondial du streaming, bouscule les pionniers.

C’est lors de la grand-messe de ses développeurs, la Worldwide Developers Conference (WWDC), que Tim Cook (photo), directeur général d’Apple, devrait lancer son service de streaming baptisé « Apple Music ». Jusqu’alors numéro un mondial du téléchargement de musique sur Internet, iTunes proposera désormais du streaming par abonnement – soit plus de dix ans après le lancement d’iTunes Music Store et du téléchargement
de musiques.

Après Ping et iTunes Radio
Cette offensive mondiale d’Apple dans le streaming est la troisième après le lancement il y a deux ans – également lors de la WWDC – d’iTunes Radio qui permet d’écouter des radio en streaming sur le modèle de Pandora, et après l’échec du réseau de partage musical Ping lancé en 2010 puis arrêté deux ans plus tard. Mais cette fois, il s’agit de s’attaquer au marché mondial du flux musical et vidéo où Google/YouTube, Spotify ou encore Deezer règnent en maître depuis des années. Apple jour gros dans cette diversification vers le streaming musical par abonnement, qui a vocation à devenir rapidement un relais de croissance pour le groupe cofondé par Steve Jobs, alors que
le téléchargement est en perte de vitesse. Selon l’IFPI, le streaming par abonnement tire la croissance des revenus provenant du numérique (+ 39 % sur un an), alors que
le téléchargement recule (- 8 %). Et le nombre d’abonnés à des services de streaming payant progresse de 46,4 % pour atteindre 41 millions d’utilisateurs dans le monde.

En France, pour la première fois, les revenus du streaming en 2014 (72,5 millions d’euros) ont dépassé ceux du téléchargement (53,8 millions d’euros). Le téléchargement disparaît même de certaines plateformes : après la fermeture en toute discrétion du service de téléchargement chez Spotify début 2013, ce fut au tour d’Orange d’y mettre un terme – entraînant dans la foulée la fin du téléchargement chez le français Deezer. D’autres services ont aussi arrêté le téléchargement de musiques : Rhapsody, Nokia, Rdio ou encore Mog. Lorsque ce ne fut pas la fermeture du service lui-même : We7, VirginMega ou encore Beatport.
La contre-attaque d’Apple sur le marché du streaming musical devenu hyper-concurrentiel intervient tardivement et fait suite à l’acquisition au prix fort – 3 milliards de dollars – de Beats Electronics, avec le recrutement de ses deux cofondateurs Jimmy Iovine et le rapper Dr. Dre (1). Apple n’a pas su voir dans l’écoute sans téléchargement une nouvelle pratique de consommation de la musique en ligne, s’endormant sur ses lauriers du téléchargement dépassé et sa rente de situation. Aujourd’hui, ce manque de vision coûte très cher à la firme de Cuppertino. Le service de streaming iTunes Radio fut lancé trop tardivement (2). En croquant Beats Music, lancé pas plus tard que janvier 2014 par le fabricant des casques « b » du Dr. Dre, la marque à la pomme espère rattraper son retard grâce à sa force de frappe dans la musique en ligne (iTunes, iPhone, iPod, iPad, …). Le catalogue de millions de titres sera accessible en streaming via Apple Music, avec possibilité de constituer des playlists personnalisées, de sauvegarde pour écouter la musique hors connexion, ou encore de partager ses musiques et ses artistes préférés sur les réseaux sociaux. Issu de la fusion entre iTunes Music Store et de Beats Music, Apple Music misera – à l’instar de Netflix dans la VOD par abonnement – sur la recommandation algorithmique.

Fin de la piètre qualité MP3
En prenant le train de flux musical en marche, la marque à la pomme proposera d’emblée de la qualité sonore haute définition qu’offrent déjà bon nombre de plateformes musicales comme le français Qobuz. Sur ce point, Apple Music devrait sonner le glas du format MP3 dont la qualité audio laissait à désirer. Comme pour le téléchargement en qualité HD, le streaming HD devrait entraîner une hausse sensible des tarifs musicaux, y compris bien entendu sur iTunes. Contrairement à Spotify, Deezer ou encore Radio, Apple Music ne devrait pas proposer de musiques gratuites. L’abonnement sera proposé à 9,99 dollars par mois – après trois mois d’essai gratuit. Les montants en dollars devraient être les mêmes en euros, selon la pratique habituelle de la marque à la pomme.
Les majors de la musique – Universal Music en tête – auraient fait pression sur le groupe californien pour qu’il ne propose pas d’accès gratuit ni un abonnement à 4,99 dollars par mois comme il l’aurait envisagé. Début mai, Rdio, un concurrent créé en 2010 par les cofondateurs de Skype (Niklas Zennström et Janus Friis), a annoncé un abonnement à 4 dollars par mois (sans publicité), afin de se démarquer des 9,99 dollars de Spotify. La Commission européenne surveille Pour tenter de ne pas être trop concurrencé, Apple demanderait aux producteurs de musique indépendants de ne pas proposer leurs titres sur les autres plateformes musicales gratuites et financées par la publicité. Selon le Financial Times du 2 avril dernier, la Commission européenne demande aux labels musicaux de lui fournir des informations sur leurs accords passés avec Apple pour voir s’il n’y pas abus de position dominante (comme « inciter les labels musicaux à abandonner des concurrents comme Spotify »).
Les utilisateurs ayant déjà un compte iTunes n’auront pas à en recréer un et pourront accéder directement au nouveau service. C’est là l’atout principal de la firme de Cupertino : plus de 800 millions de détenteurs de produits Apple (smartphone, ordinateur, tablette, …) ont déjà un compte iTunes ! Parmi eux, ils seraient 500 millions de par le monde à consommer de la musique en ligne. De quoi donner des sueurs froides au suédois Spotify qui, à ce jour, compte « seulement » 60 millions d’utilisateurs dans moins d’une soixantaine de pays, dont un quart d’entre eux sont des abonnés payants. Qui plus est, il n’a encore jamais dégagé de bénéfice net depuis sa création en 2008 (lire ci-dessous). Quant au français Deezer, dont Orange est actionnaire minoritaire (11 %), il affichait l’an dernier 6 millions d’abonnés payants sur 16 millions d’utilisateurs uniques par mois.
Signe que le groupe dirigé par Tim Cook souhaite s’imposer rapidement dans le streaming : Apple Music sera compatible non seulement avec les systèmes d’exploitation maison (iOS, OS X), mais aussi avec Android de Google. Selon le
cabinet d’études Strategy Analytics, Android détient près de 70 % de part de marché des systèmes d’exploitation sur mobile dans le monde, loin devant l’iOS et ses près
de 25 %, suivis de Windows avec 6,6 %.
Selon plusieurs médias, dont Business Insider, James Foley a été débauché du français Deezer (où il était responsable éditorial) pour rejoindre Apple Music. Et quatre producteurs de la station Radio 1 du groupe britannique BBC ont aussi rejoints l’équipe à Los Angeles. Suffisant ? Selon des rumeurs, Apple serait tenté de racheter Spotify… @

Charles de Laubier

ZOOM

Streaming : la concurrence fait rage
Créé en 2008, le suédois Spotify – pionnier du streaming musical – n’est toujours
pas rentable : il accuse une perte de 162,3 millions d’euros en 2014, pour un chiffre d’affaires qui dépasse le milliard d’euros – 1,082 milliard précisément. Pourtant,
son catalogue est fourni : plus de 30 millions de titres musicaux. Et ses clients sont nombreux dans le monde (58 pays) : 60 millions d’utilisateurs à la fin de l’an dernier, dont un quart sont des abonnés.
Le plus dur est à venir pour Spotify qui s’est résolu à se diversifier dans la vidéo et
les podcasts (3) pour essayer mieux tendre vers la rentabilité. Le lancement d’Apple Music va donner à Spotify du fil à retordre sur le marché du streaming musical déjà
bien encombré. D’autant que plus de la moitié des utilisateurs de Spotify sont avec
des terminaux sous iOS (iPhone, iPad, iPod) : selon un sondage réalisé par Midia Research, 62 % des abonnés américains actuellement abonnés à une plateforme musicale disent qu’ils changerait pour Apple Music une fois lancé. Inquiétant pour le pionnier. Préoccupant aussi pour les challengers tels que le rappeur Jay-Z qui a lancé récemment sa plateforme de streaming Tidal Hifi après voir racheté en février dernier un autre suédois, Aspiro, pour 56 millions de dollars. Tidal se présente comme la plateforme des artistes pour les artistes, avec la volonté d’être une alternative aux
offres musicales – de type Spotify ou Deezer – contrôlées par les majors du « disque ». Spotify, qui reverse quand même 70 % de son chiffre d’affaires aux ayants droit (soit plus de 2 milliards de dollars depuis sa création il y a sept ans), a déjà été critiqué – voire boycotté – par des artistes tels que Thom Yorke (Radiohead) et Taylor Swift (star de la pop américaine) qui lui ont reproché de ne pas assez les rémunérer.

Apple va devoir aussi s’attaquer à la citadelle musicale de YouTube qui est en cheville avec Vevo, plateforme musicale et vidéo créée en 2009 dans le cadre d’une alliance entre deux majors du disque – Universal Music et Sony Music – avec Google. Le géant du Net a lancé en novembre dernier « YouTube Music Key », service de streaming musical par abonnement, incluant 30 millions de titres de Google Play Music. Google, qui avait tenté en 2013 de racheter Spotify avant de jeter l’éponge (en raison du prix
de 10 milliards de dollars demandé, selon la source du Wall Street Journal), a en outre acquis en juin 2014 la start-up Songza. Cette dernière propose des morceaux de musique en fonction de l’humeur ou l’activité de l’utilisateur, de la date ou encore de la météo du moment. Autres acteurs du streaming musical, audio et vidéo : Microsoft avec Xbox Music, Amazon au sein de son service Prime, et bien d’autres encore. Par exemple, SoundCloud vient de signer avec Merlin (20.000 producteurs de musique) pour se lancer dans le payant. Tout le monde ne se sortira pas indemne de cette bataille du flux musical. @

TDF (40 ans) : les télécoms vont dépasser l’audiovisuel

En fait. Le 2 juin, Olivier Huart, président de TDF, est intervenu en introduction
du XXIe colloque NPALe Figaro consacré aux « piliers de la transformation numérique ». Il a placé TDF au coeur de « l’économie connectée », malgré
une perte de chiffre d’affaires induite par la fin de la diffusion analogique.

En clair. « En l’espace de deux ans, nous avons perdu d’un coup d’un seul entre 40 % et 50 % de notre chiffre d’affaires ! Et ce, avec la transformation de l’analogique vers le numérique. Nous avons dû faire partir la moitié de nos effectifs et revoir les processus en interne. On a complètement changé de métier », a expliqué Olivier Huart, président de TDF. D’ancien monopole public de radiotélédiffusion (1), l’ex-Télédiffusion de France (2) – qui fête ses 40 ans cette année – a en effet muté de diffuseur audiovisuel analogique vers le métier d’infrastructure de réseau numérique au service non seulement de la télévision et la radio, mais aussi des opérateurs télécoms (mobile, objets connectés, …). Le groupe a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros, dont 45 % provenant des télécoms, contre 29 % de la télévision et 21 % de
la radio. Les télécoms sont sur le point de dépasser l’audiovisuel, et le transfert de la bande des 700 Mhz à partir d’avril 2016 devrait accélérer cette tendance. Au-delà de
35 chaînes de la TNT et de 900 radios FM, le groupe assure aussi le déploiement des réseaux des quatre opérateurs mobile (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile). TDF diffuse en outre de la TNT connectée (norme HbbTV), de la vidéo à la demande (VOD), de la télé de rattrapage, des médias audiovisuels en ligne ou encore des réseaux d’objets connectés. « Les infrastructures vont demeurer le centre névralgique incontournable de l’économie connectée. Lors de la ruée vers l’or, ceux qui ont gagné beaucoup d’argent ne sont pas uniquement ceux qui ont trouvé de l’or mais également les vendeurs de pelles et de pioches ! », a ironisé Olivier Huart.

Cet ancien de France Télécom et de SFR dans les années 1990, puis de Cegetel (SFR) et de BT France dans les années 2000, est l’artisan de la diversification de TDF dans les télécoms. « En accueillant par exemple sur nos pylônes des opérateurs tels que Sigfox ou Ondeo, TDF leur permet de couvrir la totalité du territoire très rapidement. TDF peut faire valoir des économies d’échelle en mutualisant les réseaux des opérateurs », a poursuivi Olivier Huart. Ses 9.500 tours et antennes en France, dont le « point haut » de la Tour Eiffel, place TDF en position dominante par rapport à ses concurrents FPS, Itas Tim ou Towercast. Sa faiblesse reste sa dette : 1,4 milliard d’euros, près avoir culminé à 4 milliards d’euros. @

Le mobile génère autant de revenus que le fixe en 2014

En fait. Le 28 mai, l’Arcep a publié les chiffres des services télécoms en France sur 2014. Les revenus des opérateurs a moins reculé que l’an dernier (- 3,4 % à 36,8 milliards d’euros, contre – 7,3 % en 2013), en raison du ralentissement de la baisse des prix. Les données mobile explosent, mais pas leurs revenus.

En clair. C’est le paradoxe du mobile : la consommation explose, avec un doublement du trafic de données sur les réseaux mobile, mais le chiffre d’affaires des services mobile baisse depuis des années. Au point que les revenus des services mobile est
en passe de se retrouver en dessous de celui des services fixe (1) : ce qui, selon les estimations de EM@, devrait se vérifier pour la première fois au cours du premier trimestre 2015 (chiffres attendus d’ici cet été). Pour l’heure, sur l’année 2014, les services mobile se retrouvent – et c’est sans précédent – au même niveau que les services fixe : autour de 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires chacun. Alors qu’en 2010, le mobile devançait encore le fixe de plus de 3milliards d’euros ! Les revenus
des services mobile ont continué à s’éroder depuis, y compris durant l’année 2014,
de – 7 % (à 14,008 milliards d’euros précisément), tandis que les revenus des services fixe limitaient leur baisse, – 1,4 % (à 14,807 milliards d’euros). Ainsi, mobile et fixe se retrouvent donc dans un mouchoir de poche. Historique.

La bataille tarifaire déclenchée par le lancement de Free Mobile en février 2012 n’explique pas tout, même si l’année 2013 accuse à elle seule une chute de -14 %
des revenus mobile. La multiplication des offres dites d’« abondance », avec des forfaits mobile intégrant des appels téléphoniques illimités, des SMS et MMS illimités, ou encore plus de mégaoctets sur l’Internet mobile, fait que les mobinautes en ont
plus pour leur argent. A cela s’ajoutent le repli du revenu des cartes prépayées
(- 14,3 % en 2014) et de celui des forfaits (-6,2 %) qui représentent 91 % des revenus des opérateurs mobile.
Mais le grand paradoxe de cette « dévalorisation » des services mobile (au point de
se retrouver au même niveau que les services fixe) est que dans le même temps la consommation sur mobile explose : + 6,9% de volume de communications en plus sur un an pour les forfaits et + 8,1% pour les cartes prépayées ; +2,6 % de messages interpersonnels SMS et MMS, pour un total dépassant pour la première fois les 200 milliards de ces messages envoyés durant 2014. Quant à l’Internet mobile, il explose les compteurs sur l’an dernier – non pas en termes de revenus mais en consommation de données : plus de 300.000 téraoctets transmis, soit le double en un an. @

Gilles Brégant, DG de l’ANFR : « La bande 700 Mhz sera utilisable dès avril 2016 en Ile-de-France »

Le directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), Gilles Brégant, explique le calendrier prévu pour le transfert de la bande des 700 Mhz
de la TNT vers les mobiles. La télévision aura un tiers de fréquences en moins mais profitera de nouvelles normes pour la haute définition et l’ultra-HD.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le président de l’Arcep a confirmé
en mai que la vente aux enchères de la bande des 700 Mhz aura bien lieu début juillet, et l’attribution aux opérateurs fin 2015 : mais quand aura lieu le transfert de l’audiovisuel vers les mobiles ? Comment se situe la France par rapport à la
« date limite » de 2020 européenne ?
Gilles Brégant :
En Ile-de-France, la bande 700 Mhz sera utilisable par les opérateurs mobile dès le mois d’avril 2016, donc un peu plus de quatre mois après que les fréquences leur auront été attribuées par le régulateur. Les autres régions leur seront accessibles entre octobre 2017 et juin 2019, selon un calendrier qui leur sera communiqué dès l’appel aux candidatures. Le délai pour la mise à disposition de l’Ile-de-France provient du fait qu’il est nécessaire, au préalable, de mettre fin au codage Mpeg-2 pour la diffusion de la TNT (1) : cet arrêt doit intervenir pour toute la métropole le 5 avril 2016. Les autres régions deviendront disponibles lorsque les canaux de la TNT auront été déplacés hors de la bande 700 Mhz (2). Il n’existe pas encore de véritable « date limite » pour les pays de l’Union européenne : l’année 2020 a été recommandée aux instances européennes par le RSPG (3). L’attribution sera effective en France dès fin 2015, avec une mise en oeuvre effective sur le terrain de 2016 à 2019. La France sera le deux-ième pays européen à conduire des enchères pour la bande 700 Mhz, juste après l’Allemagne, dont la procédure s’exécute en ce moment même (4). En Europe de l’Ouest, les coordinations internationales encouragent les différents Etats à se synchroniser pour la libération de ces fréquences.

EM@ : Pourquoi ces fréquences dans la bande des 700 Mhz sont-elles considérées comme « en or » en termes de caractéristiques techniques et
de qualité de propagation ? Quelles capacités peuvent espérer les opérateurs mobile ? Seront-elles plus puissantes que dans les 800 Mhz ?
G. B. :
Ces fréquences, comme toutes celles qui se trouvent entre 0,5 et 1 Ghz, présentent un double avantage : d’une part, leur longueur d’onde n’est pas trop élevée, ce qui permet de concevoir des antennes qui restent à l’intérieur d’un terminal de
poche ; d’autre part, par rapport aux fréquences situées au-dessus de 1 Ghz, elles présentent une meilleure portée, et sont moins atténuées par les bâtiments. A couverture égale, elles nécessitent donc beaucoup moins de relais et, par conséquent, moins d’investissement. La bande des 700 Mhz va ouvrir aux opérateurs mobile deux blocs de 30 Mhz (l’un spécialisé pour l’uplink, l’autre pour le downlink), soit exactement la même quantité de spectre que la bande des 800 Mhz. La capacité qu’un opérateur peut espérer dans cette bande dépendra du nombre de mégahertz dont il disposera au terme des enchères. Aujourd’hui, dans la bande des 800 Mhz, trois opérateurs [Orange, SFR et Bouygues Telecom, ndlr] disposent chacun de deux fois 10 Mhz, qui leur permettent d’offrir des services 4G. La bande des 700 Mhz offre des possibilités comparables aux 800 Mhz, avec une portée légèrement plus favorable dans les zones moins denses.

EM@ : Quel spectre perd la télévision et que va-t-elle gagner avec la diffusion DVB-T/Mpeg-4, puis DVBT2/ HEVC ? Combien de chaînes HD, UHD, voire 4K, pourront être proposées en France ?
G. B. :
La TNT est aujourd’hui diffusée entre 470 et 790 Mhz, correspondant à quarante canaux de 8 Mhz (numérotés de 21 à 60). La bande 700 Mhz va, elle, de 694 à 790 Mhz, soit 96 Mhz ou douze canaux de télévision (de 49 à 60). Après la libération de
la bande 700 Mhz, la télévision réduira donc sa consommation de spectre d’un tiers. Cette réduction sera plus que compensée par deux effets : la généralisation du Mpeg-4, norme introduite en France pour les chaînes payantes dès le lancement de la TNT en 2005, et, à qualité équivalente, consommant près de deux fois moins de spectre que le Mpeg-2 ; la fin des doubles diffusions de certaines chaînes (TF1, France 2, M6 et Arte), qui sont aujourd’hui proposées à la fois en Mpeg-2 (SD) et en Mpeg-4 (HD). De ce fait, en mettant fin à la diffusion du Mpeg-2, non seulement les chaînes actuelles resteront diffusées sur la TNT, mais la plupart d’entre elles pourront accéder à la diffusion en haute définition (HD). Quant au passage envisagé à terme en DVBT2/ HEVC, il permettrait, sans toucher aux fréquences, de démultiplier la capacité disponible. A qualité d’image équivalente, le DVB-T2 procure 30 % de gain par rapport au DVB-T,
et le HEVC est deux fois plus efficace que le Mpeg-4. La combinaison DVB-T2/HEVC permettrait, selon le choix des chaînes, de diffuser une partie du bouquet TNT en ultra-HD (5).

EM@ : Combien de foyers français sont concernés par l’évolution de la TNT, sachant que la réception de la télévision par ADSL est majoritaire en France ?
G. B. :
La TNT concerne plus de la moitié des foyers français. Seulement 6 % d’entre eux n’ont que des équipements Mpeg-2 à domicile pour la recevoir : ils devront donc impérativement s’équiper d’un adaptateur Mpeg-4 avant avril 2016 pour continuer à recevoir la télévision. Environ 58 % des foyers français reçoivent la TNT sur au moins un poste. Le chiffre réel est sans doute un peu plus important, car une box ADSL peut aussi cacher un tuner TNT, et capter certaines chaînes à partir de la diffusion hertzienne.

EM@ : Comment l’ANFR va aider à ce basculement ? Faudra-t-il changer de téléviseur ?
G. B. :
L’ANFR assure depuis 2012 le support aux téléspectateurs grâce à son centre d’appel (6) et à son site web www.recevoirlatnt.fr. Ces deux outils d’information vont être adaptés aux problématiques d’évolution de la norme de la TNT et joueront un rôle essentiel d’accompagnement des téléspectateurs. A partir de fin 2015, l’ANFR lancera une campagne nationale de communication pour informer les téléspectateurs de la nécessité de vérifier l’adéquation de leur téléviseur avant avril 2016. Des aides sont envisagées par le gouvernement pour aider les foyers les plus modestes et les plus fragiles à prendre les mesures nécessaires. Il pourra s’agir d’aides financières sous conditions de ressources, pour rembourser l’achat d’adaptateurs compatibles HD, et d’aides de proximité, pour une intervention à domicile chez les personnes âgées ou handicapées.
Par ailleurs, l’ANFR sensibilise d’ores et déjà les professionnels au changement de norme de la TNT, et notamment les distributeurs et revendeurs télé, hifi, vidéo, afin qu’ils s’assurent d’un approvisionnement suffisant en équipements compatibles HD dans les points de vente. Des brochures d’information seront éditées à destination
des principaux acteurs concernés.
Cette évolution n’implique toutefois pas de changer de téléviseur. Il suffit d’y brancher, par la prise Péritel ou HDMI, un adaptateur compatible HD , disponible aujourd’hui à partir de 25 euros.

EM@ : Quand devrait se poser en France la question du maintien de la diffusion audiovisuelle dans les fréquences 470-694 MHz jusqu’en 2030 ?
G. B. :
Deux rapports successifs remis à la Commission européenne, celui de Pascal Lamy en septembre 2014, puis celui du RSPG en novembre 2014, ont proposé qu’il n’y ait plus de changement d’usage des bandes de fréquences dévolues à la diffusion de la TNT avant 2030. Cette préconisation, reprise dans une proposition de loi qui vient d’être soumise à l’Assemblée nationale (7), pourrait être adoptée par le législateur @