TVA du lieu de résidence de l’internaute : pourquoi attendre janvier 2015, voire 2019 ?

Encore deux ans avant le début de la fin du « dumping fiscal » qui gangrène l’économie numérique européenne. L’eTVA sera alors, à partir de janvier 2015, celle du lieu de résidence du consommateur. Au rythme d’Internet, le principe
du pays d’origine ne devrait-il pas être abandonné plus tôt ?

Par Charles de Laubier

Comment un « compromis » obtenu à l’arrachée par le Luxembourg lors du conseil des ministres des Finances européen, le 4 décembre 2007, a-t-il pu entretenir durant quatre ans encore la polémique sur le « dumping fiscal » que pratiquent certains acteurs du Web – Google, Amazon, Apple, etc. – dans l’Union européenne ? Car c’est pour l’ »optimisation fiscale » que Google Europe est installé à Dublin en Ireland ou que iTunes d’Apple est basé au Luxembourg.

Europe : non au filtrage généralisé, oui à Hadopi

En fait. Le 24 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) publie
un arrêt dans laquelle elle répond que « le droit de l’Union s’oppose à une injonction faite à un [FAI] de mettre en place un système de filtrage de toutes les communications électroniques transitant par ses services ».

En clair. Il a suffit à la Cour de justice européenne de se référer à la fameuse directive « Commerce électronique » de juin 2000 pour interdire tout fournisseur d’accès à Internet (FAI) de généraliser le filtrage sur « son réseau » – via l’analyse systématique de tous les contenus et l’identification des adresses IP. Dans son article 15 intitulé « Absence d’obligation générale en matière de surveillance », cette directive promulguée il y a plus
de dix ans (1) stipule que « les États membres ne doivent pas imposer aux [FAI] une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Chaque pays des Vingt-Sept peut tout juste obliger les FAI « à informer promptement les autorités publiques compétentes d’activités illicites alléguées (…) ou de communiquer aux autorités compétentes, à leur demande, les informations (…) ». C’est ce que pratique l’Hadopi en France, par exemple, avec les données collectées par la société TMG… De plus, la CJUE a estimé qu’ »une telle obligation de surveillance générale serait incompatible » avec une autre directive et non des moindres dans cette affaire Sabam contre Scarlet : à savoir la directive « Propriété intellectuelle » du 29 avril 2004 (2), selon laquelle « les mesures [pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle] ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ». Ce qui n’est pas le cas du filtrage généralisé. Et comme si cela ne suffisait pas, les juges européens en appellent à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne signée le 7 décembre 2000 et devenue « force juridique obligatoire » depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009.
« La protection du droit de propriété intellectuelle est certes consacrée [par] la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (3). Cela étant, il ne ressort nullement (…) qu’un tel droit serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue », estime la CJUE. Les Etats membre sont ainsi appeler à « assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit [d’auteur] et celle des droits fondamentaux de personnes » et sans porter atteinte à la « liberté d’entreprendre » (prévue dans la Charte) des FAI. @

Nicolas Seydoux, président du Forum d’Avignon : « Chacun doit protéger la culture »

Le président des Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias – organisées à Avignon du 17 au 19 novembre – explique à EM@ les enjeux de cet événement. Le patron de Gaumont, président de l’Alpa, en appelle aussi aux FAI pour lutter contre le piratage sur Internet et financer la création.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le Forum d’Avignon, que vous présidez, a pour thème cette année « Investir la culture ». Pourquoi ?
Nicolas Seydoux :
L’ambition du Forum d’Avignon est non seulement d’apporter des messages, des idées ou des opinions au monde de la culture, mais aussi à l’ensemble de la collectivité des décideurs, économiques ou politiques. Le monde est à la recherche de repères. La culture, quelle qu’en soit la définition ou l’absence de définition, représente fondamentalement des valeurs éthiques et esthétiques, qui plongent leurs racines dans le temps. Dans le monde moderne, tout doit être réglé dans l’instant, alors qu’il faut savoir donner du temps au temps, pour reprendre l’expression de François Mitterrand. La crise ne peut se régler qu’en rappelant les éléments fondamentaux de chacune de nos sociétés, à commencer par la culture. Le Forum d’Avignon veut avant tout éviter de recréer un ghetto culturel français. Il est international – 40 nationalités représentées – et trans-sectoriel avec plus de 50 activités différentes, des journalistes aux artistes et personnalités politiques, en passant par des entrepreneurs de groupes de médias ou d’entreprises de la nouvelle économie. Certains, comme Vivendi (France) ou Reliance (Inde), sont présents à la fois dans le contenu et dans le contenant. Ces mondes, qui trop souvent sont coupés les uns des autres, doivent regarder ensemble les problèmes de notre temps. « Investir la culture », c’est s’investir au sens humain (réfléchir) et investir au sens financier.

Les opérateurs télécoms prônent la TV sur fibre

En fait. Le 3 octobre, lors du colloque organisé par l’association des opérateurs télécoms historiques (Etno) et le Financial Times, la commissaire européenne Neelie Kroes a lancé l’idée de réduire les revenus des réseaux de cuivre d’un opérateur historique s’il n’investit pas dans la fibre optique.

 En clair. Les opérateurs historiques n’apprécient guère la menace de Neelie Kroes.
Par la voix de leur association de lobbying basés à Bruxelles, Etno (1), ils estiment
que baisser les prix de leur boucle locale freinerait leur investissement dans la fibre.
Les France Télécom, Deutsche Telekom et autres Telecom Italia en appellent plutôt à
la Commission européenne pour « encourager la demande » pour les réseaux très haut débit et notamment pour « encourager la migration de la télévision de plateformes [de diffusion] terrestres vers les réseaux haut débit dont la fibre, ou vers les réseaux mobile/satellites lorsque la fibre n’est pas disponible ».
Pour le président de l’Etno, Luigi Gambardella, « la TV-over-fiber sera la killer application pour encourager la demande pour les réseaux de fibre ». Basculer la télévision sur fibre permettrait en plus, selon les opérateurs historiques, de libérer des fréquences pour les réseaux mobile ou sans fil. Le problème est que la demande en fibre reste poussive :
4,1 millions d’abonnés dans les Vingt-sept, sur les 23,4 millions de raccordement déployés, selon une étude de l’Idate pour le FTTH Council Europe (EM@43, p. 5).

Neelie Kroes : « Il faut faire progresser la distribution de l’audiovisuel dans l’Union européenne »

A six mois de l’échéance du 25 mai 2011, date à laquelle le Paquet télécom doit être transposé, la commissaire européenne en charge de l’Agenda numérique explique à Edition Multimédi@ ce qu’elle attend des Etats membres en faveur
des réseaux ouverts et des contenus accessibles.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Est-ce que l’Europe sera prête à temps pour mettre en oeuvre les nouvelles directives du Paquet télécom pour enfin prendre en compte la convergence ? Neelie Kroes (photo) : L’interaction des secteurs audiovisuels
et des télécommunications est un sujet qui occupe la Commission européenne depuis longtemps, mais les défis évoluent rapidement. C’est pour cette raison que le Paquet télécom a
été réformé en 2009, pour prendre en compte cette convergence et différencier les objectifs en matière de réglementation des contenus de ceux de la réglementation des réseaux. D’une part, nous cherchons à faciliter la libre circulation des contenus à l’intérieur de l’Union européenne et, de l’autre, à ouvrir les réseaux, encourager la concurrence pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur. Nous tenons à ce que tous les acteurs aient accès aux réseaux et que l’accent soit mis sur le principe de neutralité technologique. Dans cette optique, les nouvelles règles d’accès permettent aux fournisseurs de contenus de diffusion de profiter des équipements des opérateurs de réseaux. Quant aux dispositions sur l’accès conditionnel (1), elles réitèrent l’importance des objectifs d’interopérabilité et de libéralisation, mais aussi de protection du consommateur. Ces mesures doivent être transposées à temps. Une transposition en ordre dispersé fragmenterait le marché intérieur et causerait des dommages énormes.