La croissance française de l’e-pub sauvée par la vidéo

En fait. Le 15 janvier, le Syndicat des régies Internet (SRI) – qui réunit 26 membres en France – a publié pour la septième année son Observatoire de la publicité sur Internet, sur la base d’une étude de Capgemini Consulting et de l’Udecam (agences médias) : les mobiles déçoivent, la vidéo enchante.

En clair. Malgré un sérieux ralentissement du marché français de la publicité en ligne en 2012, en raison de la crise économique et les élections présidentielles, la croissance est une nouvelle fois au rendez-vous. Si le chiffre d’affaires global net (1) progresse de 5 % sur un an à 2,7 milliards d’euros, il fait néanmoins pâle figure par rapport aux 11 % enregistrés l’année précédente. Si la publicité sur mobile a déçue, avec seulement 48 millions d’euros de dépenses publicitaires investis l’an dernier (soit à peine 1,8 % du total), la publicité sur vidéo en ligne (2), elle, affiche un dynamisme sans précédent avec un bond de 50 % à 90 millions d’euros de recettes publicitaires (près de deux fois plus que la publicité sur mobile). Le dynamisme de la télévision de rattrapage (catch up TV) y est pour beaucoup, tout comme l’engouement des sites web pour la vidéo. Les démarrages simultanés en 2013 de la 4G – promettant la TV sur mobile – et de la TV connectée promettent encore une belle progression de l’e-pub vidéo. @
Source : Capgemini Consulting/SRI/Udecam

Comment le CSA, l’Arcep, la Cnil et le législateur mettent les médias sociaux sous surveillance

A peine ont-ils émergé dans le nouveau paysage médiatique que les médias
sociaux se retrouvent d’emblée l’objet de toutes les attentions des régulateurs et des parlementaires. La prochaine loi audiovisuelle pourrait constituer un premier pas vers la régulation d’Internet.

« Le régulateur ne doit ni stopper ni brider ces nouveaux médias, mais veiller à ce
qu’ils respectent la protection des données », a voulu temporiser Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Cnil (1). « Il ne s’agit pas d’instaurer un carcan réglementaire mais plutôt un cadre s’appuyant sur la flexibilité du droit. Pas question non plus de contrôler les contenus », a tenu à rassurer Françoise Benhamou, membre du collège de l’Arcep.
« Je ne dis pas qu’il faille transposer stricto sensu dans le monde Internet la régulation des contenus audiovisuels », a tenté de rassurer à son tour Emmanuel Gabla, membre
du CSA.

Nouveau médias : qui contrôle quoi ?
Même la sénatrice Catherine Morin-Desailly, présidente du groupe Médias et Nouvelles technologies du Sénat et auteur du rapport « Gouvernance européenne du numérique » attendu pour fin février, a voulu minimiser la portée des réflexions en cours : « Les médias sociaux sont encore un phénomène trop récent pour savoir quelle forme il prendra et quelle devra être l’évolution de la régulation et du droit existant ». Les trois régulateurs et le législateur, qui s’exprimaient le 20 décembre dernier lors des sixièmes Assises de la Convergence des médias (2), ont ainsi tenté de ne pas inquiéter leur auditoire sur leurs intentions vis à vis des médias sociaux. Le thème de leur table-ronde était, elle, sans ambiguïté : « Quelle régulation pour les médias sociaux ? ».
Un lapsus d’Emmanuel Gabla, vite rectifié, en dit long sur le regard que leur porte le CSA : « L’intrusion… L’implication des médias sociaux permet à l’utilisateur de passer de l’autre côté du miroir. Il faut que les médias classiques ne perdent pas les rames et que les chaînes gardent la maîtrise de l’antenne, dans le respect de la déontologie (3). La course à l’info et aux scoops induite par ces réseaux sociaux peut poser un problème », a-t-il mis en garde. Avec la TV connectée, le régulateur de l’audiovisuel voit l’avènement de la Social TV où vont cohabiter les contenus du public et ceux des professionnels. « Notre régulation que l’on considère comme un jardin à la française existe. Mais avec les nouveaux acteurs du Net et les magasins d’applications, il y a (comme) un trou dans la raquette (de la régulation) », a estimé Emmanuel Gabla.
La Cnil, elle, se demande si la régulation actuelle est encore pertinente à l’heure du «marketing de soi », dans la mesure où le droit à la vie publique est une nouveauté par rapport au droit à la vie privée. « Faut-il ajuster la législation ? Oui, dans certains cas »,
a clairement répondu Isabelle Falque-Pierrotin. Après la recommandation du 12 juin 2009 émise par le Groupe 29 des régulateurs européens chargés de la protection des données personnelles, la Cnil publie en janvier un avis sur l’« éducation numérique ». Et après la pédagogie, la régulation ? « La mobilisation des régulateurs vis à vis des réseaux sociaux – comme Google qui a vu ses nouvelles règles de vie privée contestées, comme Facebook qui a reculé sur la reconnaissance faciale, ou comme Instagram qui a fait marche arrière sur la propriété des photos des utilisateurs – les pousse à se mettre en conformité et à mieux informer leurs utilisateurs pour qu’ils puissent faire un choix éveillé et averti », s’est félicité Isabelle Falque-Pierrotin.
Le projet de règlement européen sur la protection des données – présenté il y a tout
juste un an par la commissaire européenne Viviane Reding (4) – veut aller plus loin
en soumettant les acteurs du Net extra-européens à la législation communautaire renforcée (5), dès lors qu’un internaute européen est concerné. Parmi les 14 propositions présentées le 5 décembre dernier par la commission de suivi des usages de la télévision connectée du CSA (6), l’une d’elle consiste à « élaborer des recommandations générales et bonnes pratiques en matière de données à caractère personnel », en y associant la Cnil.

Neutralité du Net et libertés fondamentales
Quant à l’Arcep, elle se défend de tout contrôle sur les médias sociaux et veut s’en tenir
à la neutralité de l’Internet. Françoise Benhamou a d’ailleurs fait à ce propos l’analogie avec le droit de la presse qui cherche « un équilibre entre les libertés fondamentales et
la sauvegarde de l’ordre public » (loi de 1986 sur la liberté de communication) et prévoit une neutralité dans la distribution des journaux (loi de 1947 dite « Bichet »). L’Arcep n’exclut cependant pas des points de convergence pour de « nouvelles régulations »
qui supposent « une évolution du droit ». Les médias sociaux sont donc d’ores et déjà prévenus et n’ont qu’à bien se tenir… @

Charles de Laubier

L’avenir de la TV connectée est entre les mains de la Commission européenne

Une commission peut en cacher une autre : la Commission de suivi des usages
de la télévision connectée du CSA, initiative sans précédent en Europe, est suivie de très près par la Commission européenne, laquelle va lancer début 2013 une consultation publique assortie d’un Livre vert.

Par Charles de Laubier

NKAprès les directives européennes Télévision sans frontières (TVSF) de 1989 et Services de médias audiovisuels (SMA) de 2007, la Commission européenne en prépare une troisième encore plus décisive pour la libre circulation des contenus audiovisuels : la directive TV connectée. « La directive SMA est efficace, mais du fait des changements dus à Internet, comme la télévision connectée, nous ne pouvons nous permettre de dormir sur nos lauriers », a prévenu Neelie Kroes (photo), vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda numérique, le 7 mai 2012.

La directive SMA ne suffit plus
Autrement dit, 23 ans après le début de la libéralisation du marché audiovisuel au sein
de l’Union européenne, tout reste à faire ! L’extension des obligations audiovisuelles aux services non linéaires, tels que la VOD ou la catch up TV, n’était qu’un avant-goût de ce qui attend le paysage audiovisuel européen.
Si la télévision traditionnelle relève encore essentiellement de marchés nationaux (de par l’audience des chaînes et la réglementation locale applicable), la TV connectée, elle, est résolument ouverte sur Internet avec les OTT (Over-The-Top) et va rapidement abolir les frontières audiovisuelles.

Consultation publique début 2013
Pour préparer le terrain à sa révision législative, la Commission va lancer début 2013
– et non d’ici la fin de l’année comme elle l’avait initialement prévu – une consultation publique sur la télévision connectée, accompagnée d’un Livre vert. Bruxelles a-t-il retardé son calendrier pour attendre les premières propositions de Paris sur la
question ? Toujours est-il que la France est pionnière dans la réflexion sur la TV connectée. « Il fallait convaincre la Commission européenne de lancer la réflexion. Nous avons ainsi été parmi les premiers à s’intéresser à ce sujet avec un colloque
en avril 2011 et en installant en février 2012 cette commission de suivi des usages
de la télévision connectée, aux réunions de laquelle est présent un représentant
de la Commission », a indiqué Emmanuel Gabla, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), lors de la présentation le 5 décembre dernier des 14 premières propositions. A noter que la première d’entre elles a une portée communautaire justement : « Mettre en place au niveau européen les conditions techniques et les normes assurant que services et terminaux connectés puissent opérer ensemble ». Mais les enjeux de la TV connectée en Europe vont bien au-delà de la seule problématique de l’interopérabilité. Bien d’autres problèmes se posent et nécessitent une réponse collective : chronologie des médias, financement de la création, fiscalité numérique et TVA, aides au cinéma, seuils de concentration, circulation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, diversité culturelle, propriété intellectuelle, pratiques publicitaires, données personnelles ou encore protection des jeunes publics
C’est pour éviter un patchwork à 27 et favoriser un marché unique numérique que Bruxelles suit de près les travaux de Paris. « A l’exception de la réunion plénière intermédiaire du 4 juillet, qui visait à faire un point d’avancement sur les chantiers en cours, Gaëlle Garnier était présente à l’occasion de l’installation de la commission [de suivi des usages de la télévision connectée] le 16 février dernier, et Elisabeth Markot à
la plus récente du 5 décembre », nous a précisé Christophe Cousin, adjoint au directeur des études et de la prospective du CSA. Ces deux représentantes de la Commission travaillent à la DG Connect (1) de Neelie Kroes (2), la première en tant qu’économiste audiovisuel et média, la seconde comme spécialiste d’Internet et de la TV connectée.
Etant pionnière de la réflexion sur la TV connectée avec notamment le Royaume-Uni
et l’Allemagne (3), la France participe d’autant plus aux travaux de la Commission : Emmanuel Gabla représente le CSA au Forum de l’Union européenne sur l’avenir des médias que Neelie Kroes a mis en place le 7 décembre 2011 (4) ; il participe également une à deux fois par an à Bruxelles au Groupe des régulateurs audiovisuels européens.
Le CSA et la DGMIC (5) coopèrent en outre avec les autres régulateurs audiovisuels et
la Commission européenne au suivi de la directive SMA.

Vers l’exception culturelle européenne Entre Paris qui veut défendre une exception culturelle française et Bruxelles qui veut libéraliser l’audiovisuel et le cinéma, l’adoption d’une directive TV connectée n’est pas pour demain. « La révision législative ira au-delà de 2014, au-delà du mandat de la Commission européenne [de José Manuel Barroso,
qui se termine en octobre 2014, ndlr] », a précisé Emmanuel Gabla. Pour les Google TV, YouTube, Apple et autres Netflix, c’est maintenant ! @

Corinne Denis, présidente du Geste : « Google Actualités s’est construit avec nos contenus »

Présidente du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), lequel a
25 ans cette année, Corinne Denis – par ailleurs DGA du groupe Express Roularta
– parle des grands défis de son mandat : mesure d’audience, Google Actualités, publicité en ligne, fiscalité numérique, multi-écran, …

Propos recueillies par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous avez été élue il y a quatre mois à la présidence du Geste. Quelles sont vos priorités ? La diversité de vos membres et l’absence
de définition du métier d’éditeur de service en ligne
ne sont-elles pas des handicaps pour trouver des consensus ?
Corinne Denis :
Les priorités du Geste n’ont pas changé avec ma nomination. Notre organisation regroupe toujours ses membres autour du business, de l’innovation et du partage d’expertises sur les nouveaux modèles économiques. Avec, pour principal objectif, la construction d’un écosystème pérenne et équitable pour les éditeurs. Ainsi, nous prenons position sur des sujets qui touchent le cœur de notre activité, suivons de près les usages et les besoins, et sommes exigeants sur la qualité des mesures de certification. La diversité des membres n’a jamais été un obstacle et a toujours participé de la pertinence des prises de positions du Geste. C’est le seul endroit en France où se côtoie l’ensemble des professionnels éditeurs en ligne, tous horizons confondus (médias, vidéo, musique, jeux, ou encore des petites annonces et enchères). Certains sujets ne font pas l’unanimité, comme dans toute association, mais les sujets qui intéressent tout
le monde sont légion: réseaux sociaux, télévision connectée, monétisation des contenus, jeux en ligne, protection des données utilisateurs, neutralité du Net… Le Geste élit chaque année un conseil d’administration qui représente les différents secteurs de l’édition en ligne. Il permet d’orienter la stratégie de l’association, son positionnement, son organisation en commissions et ses prises de parole.

« La mesure d’audience hybride sera positive pour
les sites web à forte proportion de jeunes, mais plus
mitigée pour certains sites féminin ou plus seniors ».

EM@ : Après les 11 onze ans de Philippe Jannet, homme de presse (Parisien Libéré, Les Echos, Le Monde), vous, femme de presse (L’Express, Express Roularta), lui succédez, alors que certains au Geste auraient préféré avoir une présidence issue d’un groupe multi-écran et audiovisuel pour mieux appréhender les nouveaux enjeux du PAF ? Que leur dites-vous ?
C. D. :
Je pense que c’est Philippe, avec l’excellente équipe des permanents du Geste, qui a réussi à fédérer plus de 120 sociétés, avec les télévisions, les radios et bon nombre d’éditeurs de services en ligne, et permis à l’association d’exister aujourd’hui avec cette dynamique et cette reconnaissance publique. Face à cette réussite incontestée, son media d’origine me semble de peu d’importance. Il est vrai qu’il y a dix ans, les enjeux des éditeurs en ligne concernaient surtout les entreprises de presse, alors que les TV ne sont concernées par les défis du numérique que depuis trois ou quatre ans… Quant à moi, je me définis plus comme une femme de médias que de presse, dans un groupe qui fait
déjà du multi-écran, même si la chaîne de TV de Roularta n’émet qu’en Belgique. Ce n’est surtout pas moi seule qui incarne le Geste, mais son conseil d’administration et son bureau, qui regroupe des hommes et des femmes entrepreneurs du Net et reconnus par la profession. Nous avons eu, cette année, quinze candidats pour neuf postes, et cette belle diversité a donné naissance à un conseil où, entre autre, les acteurs du PAF sont représentés.

EM@ : La mesure d’audience hybride (panel et site centric) est un enjeu global majeur pour les éditeurs online cette année : quels enseignements peut-on tirer
des premiers résultats depuis le printemps ? Le CESP a-t-il retenu la même méthodologie que celle de Médiamétrie ? Certains sites web risque de voir le nombre de VU/mois chuter jusqu’à 20 % : pourquoi ?
C. D. :
La première mesure d’audience hybride n’est pas encore publiée parce que Médiamétrie [NDRL : qui nous indique une publication « fin octobre »] attend les conclusions définitives du Centre d’étude des supports de publicité (CESP) sur trois
mois consécutifs de mesure. Cette nouvelle mesure, très attendue par l’ensemble des acteurs, en plus de rapprocher les visites issues du site centric et celles du users centric, est impactée par un important redressement du panel – enfin ! – pour une meilleure représentation des jeunes, une sous-pondération des seniors et des femmes jeunes et consommatrices. La mesure qui sortira ne sera donc pas comparable aux résultats du panel de l’« ancienne méthode », puisque son périmètre n’est pas le même. Ce sera
donc effectivement un gros enjeu pour le marché et les éditeurs. C’est une mesure positive pour les sites web à forte proportion de jeunes, dont on savait qu’ils étaient sous-estimés à cause de la représentativité de cette classe d’âge, mais un bilan plus mitigé pour certains sites féminin ou plus seniors. Nous espérons que Nielsen [qui est associé à Médiamétrie pour créer la mesure d’audience « Médiamétrie-Netratings », ndlr] saura efficacement communiquer pour que le marché ne tire pas de conclusions hâtives sur
ces résultats qui ne reflètent pas seulement l’« hybridation » de la mesure, mais aussi
un important redressement du panel.

EM@ : Le 28 septembre, le Geste a considéré comme « piste de réflexion intéressante » la proposition de loi de l’IPG (SPQN, SEPM et SPQR) pour que Google rémunère la presse sur Google Actualités. Entre la taxe Google 2.0
(Geste opposé) et la Lex Google (Geste favorable) des éditeurs allemands et français, Google ne risque-t-il pas de devenir une vache à lait ?
C. D. :
Franchement, avant que Google ne devienne une vache à lait pour les éditeurs français il y a de la marge ! On estime qu’aujourd’hui en France, le chiffre d’affaires de la presse en ligne serait de l’ordre de 300 millions, d’euros pour 1,3 à 1,5 milliard de dollars pour les moteurs de recherche. Or Google ne déclarent que 40 millions d’euros de recettes sur notre territoire… Ils participent peu à la création d’emplois (entre 300 et 350 personnes chez Google France). Google Actualités s’est construit avec nos contenus. D’ailleurs, depuis des années, nous échangeons avec eux sur ce sujet. Et s’ils ont tenu leur promesse de ne jamais vendre de publicité sur Google Actualités, en incluant les news dans le moteur, ils ont habilement contourné l’obstacle. Seule exception notable :
le bras de fer avec l’AFP les a obligés à rémunérer la reprise des dépêches. Preuve que, parfois, la négociation aboutit…

EM@ : Le marché de la publicité en ligne est confronté à un recul de ses recettes (ralentissement de la croissance en 2012). Ne craignez-vous pas que les nouvelles règles de consentement préalable obligatoire, de protection des données personnelles et de fiscalité numérique ne donnent un coût de frein aux investissements des annonceurs ?
C. D. :
Nous sommes effectivement préoccupés quant à l’impact de cet encadrement sur le comportement des annonceurs et la stabilité des modèles économiques mis en oeuvre par les éditeurs. Mais en réalité, ceux qui ont le plus à perdre sont ceux dont l’activité est à 100 % dépendante de la collecte de données (data) et le « reciblage » (retargeting) publicitaire. Donc, in fine, ce sont les mécanismes d’achat d’espaces, d’enchères, et de RTB (real time bidding ou enchères en temps réel d’espaces publicitaires en ligne, ndlr) qui sont à risques. Or ces derniers monétisent globalement la masse d’inventaire invendue du point de vue des éditeurs ou à faible valeur ajoutée hors zone premium. @

Vincent Dureau fut le grand absent du lancement en France de la Google TV, dont il est le « père »

Intervenu le 18 septembre à Paris lors de la première grande démonstration de la Google TV, dont il est le directeur des partenariats pour l’Europe, Christian Witt a donné le 27 septembre le coup d’envoi en France de la « box Internet » de Sony qui va déchaîner la télévision et le PAF.

Vincent Dureau

Le paysage audiovisuel français (PAF) s’en remettra-t-il ? Le coup d’envoi de la commercialisation de la Google TV a été donné le 27 septembre par le japonais Sony. La France est ainsi le deuxième pays en Europe – avec l’Allemagne et les Pays-Bas – à commercialiser la box audiovisuelle intégrant le système d’exploitation Android, l’accès optimisé à YouTube, le navigateur Chrome et la boutique Google Play. Et ce, après la Grande-Bretagne et l’Australie en juillet, et avant le Brésil et le Mexique en octobre. Le sud-coréen Samsung vise lui aussi l’Europe. « La Smart TV avec Google TV sera lancée d’ici la fin de l’année, avec les contenus premium de Samsung Apps », nous a indiqué Christian Witt, directeur des partenariats Google TV pour la région EMEA (1).
Ailleurs, d’autres fabricants se partagent les rôles. Aux Etats-Unis, le sud-coréen LG commercialise depuis juin et l’américano-taïwanais Vizio depuis juillet. Au Canada, Mexique et Brésil, c’est pour bientôt. Quant au chinois Hisense, il se lancera en Amérique du Nord cet automne et en Asie ensuite.

Sony ne donne pas d’objectifs de ventes…
Ironie de l’histoire, le « père » de la Google TV est un Français ! Il s’agit du très discret Vincent Dureau (notre photo) qui est à l’origine du projet depuis qu’il a rejoint la firme de Mountain View dans la baie de San Francisco. Ex-ingénieur ENST (2) chez Thomson durant dix ans, c’est lui qui avait ensuite co-fondé en 1994 OpenTV – pionnier franco-américain des décodeurs TV interactifs. Mais il a brillé par son absence en France pour le lancement… Après l’échec de la première version de la Google TV lancée aux Etats-Unis il y a deux ans, où Sony, Intel et Logitech ont essuyé les plâtres, Vincent Dureau espère enfin être récompensé de sept ans d’efforts.
En Europe, la petite box Internet de Sony – la NSZ-GS7 de 20 cm sur 15 – est commercialisée avec ou sans lecteur Blu-Ray, 199 euros, accompagnée d’une télécommande recto-verso (clavier d’un côté) et gyroscopique (pour en faire une manette de jeux). « Nous ne divulguons pas nos objectifs de ventes », a nous répondu Philippe Citroën, DG de Sony France, en marge de la présentation du 27 septembre (lire aussi ci-contre). C’est sans doute pour ne pas gêner le lancement européen de la box TV de Sony que, le 31 juillet, le géant du Net a reporté à une date indéterminée de sa sphère Nexus Q, laquelle, connectée à un téléviseur, permet d’y diffuser des contenus multimédias (films, séries, musiques, télévisions, …).

Convaincre publicitaires et partenaires
Edition Multimédi@ a par ailleurs demandé à Christian Witt si Google envisageait de lancer sa propre « Nexus TV », comme cela est fait depuis cet été avec la tablette Nexus
7 ou après la tentative avortée du smartphone Nexus One il y a deux. « Non, ce n’est pas prévu. Nous nous appuyons sur nos différents partenaires industriels qui intègrent Android et Google TV », nous a-t-il répondu en marge de la première grande démonstration en France de la Google TV, le 18 septembre devant un parterre de
150 professionnels de la publicité (annonceurs et agences) réunis sur le thème de la convergence.
« La télévision va rester le premier écran grâce à l’intégration d’Android et de Google Play, et à la facilité d’usage offerte. Le téléspectateur pourra interagir avec son téléviseur à partir de son smartphone ou sa tablette (3), laquelle devient le second écran TV », leur a expliqué Christian Witt. Google TV joue l’ouverture avec sa nouvelle plateforme Android TV proposée gratuitement aux fabricants – comme il le fait pour les smartphones auprès des fabricants de mobiles – et des développeurs d’applications. Google Play prélève 30 % de commission sur les ventes.
En France, les premiers partenariats avec des fournisseurs de contenus ont été conclus avec non seulement France Télévision, France 24 et Euronews, mais aussi une multitude d’éditeurs tels que AuFeminin (Axel Springer), Universal Music (Vivendi), Télé 7 Jours (Lagardère), Dailymotion (France Télécom), MySkreen (Frédéric Sitterlé), 20 Minutes (Schibsted), ou encore QooQ (Unowhy). Mais derrière la Google TV, il y a la puissance de feu de YouTube qui ambitionne de concurrencer les chaînes de télévision en lançant ses propres chaînes thématiques et des programmes exclusifs.
C’est l’effet « GooTube » (4) ! Le bouquet TV du géant du Net doit être lancé en France « avant fin 2012 », comme l’a indiqué le DG de Google France, Jean-Marc Tassetto. AuFeminin en ferait partie, tout comme le producteur Endemol, l’agence Capa, Kabo Productions ou encore 3e OEil Productions.

« GooTube » affole le PAF
YouTube achète chaque programme original jusqu’à 1 million d’euros, puis partage les recettes publicitaires (5). Pour mesurer l’audience « multi-écran », Google s’est associé à Médiamétrie pour lancer un panel en avril 2013. Les fameux Original Programming lancés aux Etats-Unis sur YouTube Channels drainent déjà plusieurs millions de téléspectateurs, parfois plus que des chaînes traditionnelles américaines. En mai 2011, Google avait annoncé qu’il consacrerait 100 millions de dollars dans des contenus audiovisuels exclusifs.
L’investissement de Google dans la production audiovisuelle est un tournant historique pour le PAF. D’autant qu’en France, plus que partout ailleurs dans le monde, les groupes privés de télévision craignent l’arrivée de ce nouvel entrant Over-The-Top (OTT). Contrairement à France Télévisions, les TF1, M6 et Canal+ – ainsi que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) avec lesquels elles veulent préserver leur écosystème fermé IPTV (6) – ne cessent de dénoncer un « Internet non régulé » et la « concurrence déloyale » que représentent ces acteurs du Net « venus de l’étranger » et non soumis aux mêmes règles en termes de financement de la création et de fiscalité numérique. Ils en appellent aux pouvoirs publics pour imposer aux nouveaux venus de la TV connectée et de la VOD implantés en dehors de l’Hexagone les mêmes obligations et taxes qui pèsent sur eux (7). Et concernant la « taxe Google 2.0 » (sur les régies publicitaires du Net), Jean-Marc Tassetto nous a répondu en marge de la conférence du 18 septembre que « taxer la publicité en ligne va pénaliser les PME qui créent des emplois en France » et « que [ses] équipes [des Affaires publiques] discutent actuellement » avec son auteur Philippe Marini, le président de la commission des Finances du Sénat…

TV connectée : livre vert européen fin 2012
Par ailleurs, Google participe – contrairement à Apple – aux réunions confidentielles de la Commission de suivi des usages de la TV connectée mise en place par le CSA (8), lequel doit – selon nos informations – dresser un premier bilan des travaux « à l’automne » à l’issue de la prochaine plénière prévue « vers la Toussaint ». Tandis que la Commission européenne publiera un livre vert sur la TV connectée « avant la fin de l’année ». Quant à la Cnil (9), elle compte publier à l’automne un guide des bonnes pratiques de la TV connectée… @

Philippe Citroën, DG de Sony France :
« Les discussions se poursuivent avec TF1 et M6 »

Interrogé par EM@ sur l’absence dans le bouquet Google TV de TF1 et M6, pourtant présentes sur respectivement Google Play et les téléviseurs connectés Bravia de Sony, le patron de Sony a répondu que « les discussions se poursuivent avec elles ». Depuis la charte « TV connectée » signée par les seules chaînes le 19 octobre 2010, « un désaccord persiste sur l’utilisation de la surface de l’écran » (pas de surimpression sur leurs programmes). Par ailleurs, selon nos informations, TF1 – qui a perdu le 29 mai dernier contre YouTube – va faire appel. @