TVR,VOD,TVC : recommandation contre programmation

En fait. Le 14 juin, la commission TV connectée du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste) s’est réunie sous la présidence d’Eric Scherer, directeur de la prospective, de la stratégie et des relations internationales de France Télévisions. Vers la fin de la programmation ?

En clair. La télévision de rattrapage (TVR), la vidéo à la demande (VOD) et la télévision connectée (TVC) sont en train de bousculer les grilles de programmation des chaînes. Les télénautes, de plus ne plus nombreux, prennent le contrôle de « leur » télévision sur
le mode « Atawad » (1) pour une consommation en mobilité. « Il y a de moins en moins de vrais directs. Nous sommes au début d’un point d’inflexion. La VOD devient une chaîne. Le public se moque du tuyau, peu importe que cela soit de la télévision, de l’Internet ou
de la vidéo », constate Eric Scherer. Les fonctions de replay, de time-sharing, de reprise de programme en cours depuis le début (2), la navigation en avance et retour rapide ou
la mise en pause sont autant de ruptures dans l’usage que des utilisateurs se font de la télévision. Et l’on est qu’au début de cette dé-linéarisation qui prendra une autre dimension avec le cloud et l’enregistrement vidéo numérique, ou DVR (Digital Video Recorder).
Alors que l’innovation pour le second écran relègue au second plan le téléviseur, les moteurs et les algorithmes deviennent de vrais programmateurs de chaînes personnalisées. Face à cette fragmentation des programmes et de l’audience, les chaînes sont en train de perdre leur pouvoir de contrôle audiovisuel. C’est là que tout se joue :
la recommandation prend le pas sur la programmation. Netflix n’a-t-il pas plus de 900 développeurs pour améliorer sans cesse la pertinence de ses recommandations et en y consacrant un budget de 350 millions de dollars par an ? Des sociétés se sont spécialisé dans la recommandation « content centric » comme le français Spideo, l’israélien Jinni ou l’américain Fanhattan. Fondée en 2010 et en cours de levée de fonds, la start-up Spideo
a déjà apporté son savoir-faire en moteurs de recommandations à CanalPlus Infinity, le service de SVOD de Canal+. « Avec le “content centric”, nous offrons une pertinence à 100 % des recommandations là où les recommandations par statistiques n’obtiennent
que 90 % », affirme Gabriel Mandelbaum, fondateur de Spideo. Mais son ambition est de s’imposer sur toutes les plates-formes avec sa propre application Spideo, s’appuyant sur les catalogues iTunes et Netflix aux Etats-Unis, seulement iTunes en France et bientôt Lovefilm. Apple l’apprécie beaucoup. Au point de le racheter à terme ? « C’est envisageable ! », répond sans rire Gabriel Mandelbaum. @

Neelie Kroes, Commission européenne : « Avec la convergence, l’audiovisuel n’a plus besoin d’autant de régulation »

La vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda numérique, nous explique la raison d’un nouveau livre vert sur l’audiovisuel
et la télévision connectée, et dit ce qu’elle attend de la consultation publique.
Des décisions seront prises dès 2014 pour prendre en compte la convergence.

Propos recueillis par Charles de Laubier

NKEdition Multimédi@ : La Commission européenne lance
une consultation publique sur la convergence audiovisuelle.
En juillet 2011, elle mettait en route un précédent livre vert sur l’audiovisuel en ligne. En mars 2012, elle initiait une consultation publique sur les aides d’Etat au cinéma à l’heure de la VOD : ces sujets ne sont-ils pas liés et quand prendrez-vous des mesures ?

Neelie Kroes : Le livre vert de 2011 sur la distribution en ligne
d’œuvres audiovisuelles dans l’Union européenne (sous-titré
« Vers un marché unique du numérique : possibilités et obstacles ») portait sur le copyright et les droits de retransmission, dont les résultats devraient être publiés cette année.
En décembre 2012, la Commission européenne a réaffirmé ses engagements pour travailler à un cadre moderne du droit d’auteur dans l’économie du numérique. Il s’agit
de mener deux types d’actions parallèles : instaurer en 2013 un dialogue des parties prenantes et achever des études de marchés, des évaluations d’impact et des travaux d’élaboration juridique, en vue d’une décision en 2014 en fonction des propositions de réforme législative qui seront sur la table.
Le livre vert que nous avons adopté le 24 avril dernier concerne la convergence audiovisuelle mais pas le droit d’auteur ni les aides d’Etat au cinéma. Les travaux
sur ces différents sujets sont donc complémentaires.

« La convergence dans le secteur audiovisuel apporte
des opportunités pour tous les acteurs du marché.
(…) Face à d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles,
la Commission européenne pourra intervenir. »

EM@ : La TV connectée bouscule les paysages audiovisuels historiques nationaux et abolit les frontières entre Internet et la télévision : soumettre les nouveaux acteurs OTT aux mêmes exigences réglementaires (diversité, protection des enfants, publicité, …) que les chaînes nationales ne reviendrait-il pas à réguler Internet, ce qui semble impossible car mondial ?
N. K. : La directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) s’applique aux fournisseurs de services média, dont ceux distribuant des contenus sur Internet. Tant qu’un fournisseur a la responsabilité du choix du contenu et détermine la manière dont il est organisé, il tombe sous la juridiction de la directive SMA et doit respecter les règles audiovisuelles de l’Union européenne. Cette directive traite les services linéaires (les émissions de télévision) et ceux non-linéaires (les services à la demande) de différentes façons.
Le raisonnement est le suivant : puisque les consommateurs ont de plus en plus de choix et un contrôle plus grand sur ce qu’ils voient sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd), il y a un besoin moindre de régulation dans les services à la demande. Cependant, la convergence et la TV connectée brouillent les lignes. Les consommateurs peuvent parfois avoir beaucoup de mal à faire la différence entre le linaire et le non-linéaire. Le livre vert sur « un monde audiovisuel totalement convergeant » cherche à savoir, et en demande la preuve, si le traitement différencié actuel ne provoque pas des distorsions de concurrence sur le marché de l’audiovisuel.

EM@ : Les fabricants de téléviseurs (Samsung, Toshiba, Philips, …) veulent
eux aussi conquérir l’écran de télévision et proposer des bouquets audiovisuels, mais ils sont confrontés aux éditeurs de chaînes de télévision qui veulent garder
– avec l’aide des ISP et de leur box IPTV – le contrôle de l’écran : les chaînes et les box IPTV sont-elles des freins à la concurrence ?
N. K. :
La convergence dans le secteur audiovisuel apporte des opportunités pour
tous les acteurs du marché. Pour les fabricants d’équipement et les développeurs technologiques, c’est l’occasion d’appréhender un marché en croissance avec des terminaux innovants, y compris avec des interfaces conviviales et des solutions d’accessibilité. Les opérateurs de réseau verront une demande accrue de bande passante avec un impact positif sur les investissements dans le très haut débit. Les créateurs de contenus peuvent trouver de nouvelles façons de maximiser leur audience, monétiser leurs œuvres et expériences avec des façons créatives de produire et de proposer les contenus. Les producteurs audiovisuels peuvent trouver plus de plates-formes pour distribuer leurs contenus et améliorer leurs offres interactives. Si certains facteurs gênent les possibilités de profiter de ces opportunités, alors nous espérons
en avoir un feedback durant la consultation publique.
Autrement, face à d’éventuelles pratiques anti-concurrentielles, la Commission européenne pourra intervenir, au besoin, en faisant usage des compétences que le
Traité de l’UE lui confère en matière de politique de la concurrence.

EM@ : Le 14 juin, le Conseil de l’Union européenne doit examiner le projet de mandat de négociation que la Commission européenne a adopté le 12 mars pour
un accord de libre-échange entre l’UE et les Etats-Unis : faut-il vraiment en exclure, comme le demande la France, les services audiovisuels, alors que l’audiovisuel en ligne s’affranchit des frontières ?
N. K. :
La culture n’est pas une marchandise, loin de là. Elle bénéficie d’un statut spécial dans la loi de l’Union européenne. La Commission est garante de ce principe et est même légalement obligée de défendre ce statut, conformément aux Traités européens. L’Europe ne mettra pas son exception culturelle en danger par des négociations commerciales.
Je suis d’accord avec les commentaires récents de mon collègue Karel De Gucht [commissaire européen en charge du Commerce, dans « L’exception culturelle ne sera pas négociée ! », le 22 avril (lire page suivante), ndlr].

EM@ : Le retard pris dans la révision de la directive IPRED sur les droits de propriété intellectuelle n’est-il pas un frein au développement de l’audiovisuel
en ligne sur le « marché unique numérique » que vous souhaitez rapidement ? Comment la chronologie des médias, qui accorde une exclusivité de plusieurs
mois à la salle au détriment de la VOD, doit-elle être réformée ?
N. K. :
La Commission européenne avait pris la décision d’ouvrir la procédure de la consultation publique pendant quatre mois, afin de permettre aux différents acteurs de donner leurs avis dans ce domaine qui est très sensible d’un point de vue politique. La décision sur l’éventuelle révision de la directive IPRED requiert une réflexion approfondie de la part du législateur européen. Quant à la question des fenêtres de diffusion dans
la chronologie des médias, elle est toujours en réflexion en interne à la Commission européenne et n’est donc pas explicitement reprise dans le livre vert. Cependant, nous sommes conscients qu’il y a différentes voix dans l’industrie. Par exemple, à la table ronde « Financement et distribution de films européens sur le marché numérique
européen : distribution transfrontalière et chronologie des médias » qui s’est tenue à Cannes le 9 octobre 2012 [à l’occasion du Mipcom, ndlr], plusieurs participants ont mentionné que le maintien rigide de l’actuel système de « fenêtrage » met l’innovation
en danger, et ils ont apporté leur soutien à des expérimentations de sorties simultanées
ou quasisimultanées de films – en salle de cinéma et en vidéo à la demande (VOD) –
qui ont lieu dans quelques pays. Avec ma collègue Androulla Vassiliou [commissaire européenne en charge Education et Culture, ndlr], nous avons pris ce jour-là une position communication. @

 

Joseph Haddad, président de Netgem et de Videofutur : « La box des FAI ne doit plus être un bundle forcé Internet-TV »

Président fondateur de Netgem, Joseph Haddad nous explique pourquoi son entreprise a lancé sur Videofutur – dont il est aussi président du conseil d’administration – une OPA qui s’est achevée le 23 avril. En outre, pour lui,
l’offre liée Internet-TV des box n’est plus tenable à l’heure de la TV connectée.

Propos recueillis par charles de laubier

JH

Edition Multimédi@ : Vous avez créé il y a 17 ans Netgem pour « ouvrir la télévision à la puissance de l’Internet »,
en fabricant des box et décodeurs pour les FAI et leurs services gérés IPTV. Aujourd’hui, les OTT et la TV connectée remettent en cause ces walled gardens : Netgem est-il un fabricant de mondes fermés ou d’écosystèmes ouverts ? Joseph Haddad :
Netgem est un « facilitateur » de la nouvelle télévision, un « enabler », c’est-à-dire une entreprise innovante dont le métier est d’inventer les solutions technologiques et les services permettant
d’offrir aux consommateurs de nouvelles formes d’usage de la télé et de la vidéo. Ce qui contribue à offrir aux ayants droits de nouveaux outils de monétisation de leurs œuvres. On assiste aujourd’hui à une nouvelle étape de la révolution de la télévision avec l’Over-The-Top (OTT) et la télévision connectée. Nous nous inscrivons et nous reconnaissons entièrement dans ce nouveau modèle qui ouvre de nouvelles opportunités pour le groupe.

« La marque Videofutur sera maintenue, mais l’activité de Videofutur sera totalement intégrée au sein de l’activité France de Netgem. (…) Et nous comptons lancer dès cette année une nouvelle offre innovante de télé connectée »

EM@ : En devenant la maison mère de Videofutur (après l’avoir été de 2008 jusqu’en 2010), Netgem va intégrer le cloud développé par Videofutur dans
son offre internationale : Videofutur aura-t-il les reins assez solides, notamment
sur l’acquisition de droits de diffusion, pour concurrencer dans le monde Netflix, Amazon ou Hulu ?
J. H. :
Nos objectifs en France sont raisonnables et en fonction de nos moyens, et
nous avons un contrôle complet de notre destinée (technologie, contenus, distribution, financement). Au-delà, Netgem est et reste plus que jamais une entreprise internationale : l’expertise technologique et les produits que nous développons en France ont toujours
été la base de ce que nous avons exporté dans le monde entier : 100 % de nos ventes à l’exportation aujourd’hui sont la directe conséquence de notre expérience acquise lorsque nous avons accompagné le marché français du temps de la période Neufbox. Tandis qu’une part importante de ce que nous vendrons dans les prochaines années dans le monde sera directement issue de notre déploiement Videofutur qui commencera à être intégré dans nos offres internationales dès 2014.

EM@ : La société Videofutur Entertainment Group restera-t-elle une filiale de Netgem ? En outre, comptez-vous lancer une nouvelle offre Videofutur en France ? J. H. : La marque Videofutur sera maintenue, mais l’activité de Videofutur sera totalement intégrée au sein de l’activité France de Netgem. Le patron de Videofutur (Mathias Hautefort, directeur général, ndlr) devenant le patron de Netgem France. Et nous comptons lancer dès cette année une nouvelle offre innovante de télé connectée,
qui marie l’expertise de Netgem et les services de Videofutur.

EM@ : Ayant transformé son modèle économique, en passant de l’activité de location de DVD à la SVOD pour la TV connectée, Videofutur est devenu un
OTT avec son offre passant outre les « box IPTV » des FAI. En vous emparant du
« Netflix » français, n’allez-vous pas vous-mêmes contourner les box et set-top-box que Netgem fournit à ces mêmes FAI ?
J. H. :
Comme vous le savez, Netgem n’est plus aujourd’hui un fournisseur actif sur le marché français (l’entreprise y a réalisé 28,1 millions de chiffre d’affaires en 2012, soit 34,6 % du total, et seulement 25,7 % au 1er trimestre 2013, ndlr). Il n’y a donc aucune
« concurrence » entre cette démarche et les opérateurs. De plus, le marché visé par
nos nouvelles offres vise très précisément les clients qui ne sont pas accessibles par
les offres des FAI, soit environ 35 % à 40 % des foyers en France ne sont pas éligibles par ces FAI. Ils sont beaucoup plus nombreux si l’on calcule en éligibilité HD et en éligibilité multi-écrans HD. La technologie de TV connectée, à la base des nouvelles
offres du groupe, permet d’étendre considérablement l’éligibilité audelà de la TV ADSL. C’est bien cela l’innovation !

EM@ : En France, Netgem fut, jusqu’en 2010, principal fournisseur de SFR – dont vous avez perdu le contrat en 2011 pour la Neufbox Evolution – et depuis juin 2011 de Virgin Mobile pour sa box, laquelle offre le Club Vidéo de SFR pour la VOD : comment va évoluer votre contrat avec Omea Telecom ? Allez-vous proposer d’intégrer Videofutur dans la Virgin box ?
J. H. :
Il est vrai que les opérateurs français ont fait le choix – unique au niveau mondial – de développer en interne leur box, alors que partout ailleurs dans le monde les FAI préfèrent mutualiser les investissements en ayant recours à des acteurs technologiques externes comme nous. Ce qui nous permet de multiplier par près de dix nos ventes internationales ces trois dernières années (à 53,1 millions d’euros de chiffre d’affaires
en 2012, soit 65,3 % du total, ndlr). Pour ce qui concerne les MVNO (opérateurs mobile virtuels), nous pensons qu’ils peuvent être les premiers bénéficiaires de nos nouvelles offres OTT, puisque ces offres leur permettent d’adresser des foyers qui ne sont pas complètement desservis par les opérateurs de réseau. Et nous pouvons leur apporter, grâce à notre rapprochement avec Videofutur, un service opéré de bout en bout, ne réclamant aucun investissement particulier de leur part.

EM@ : Videofutur n’a réalisé que 7,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, avec 50.000 abonnés, plus de 10 ans (novembre 2002) après sa création sous le nom de Glowria Entertainment Group : êtesvous déçu et quels revenus visez-vous ? Quels freins à la SVOD souhaiteriez-vous voir levés en terme de réglementation : faut-il un « must offer » de la VOD ?
J. H. :
Durant ces 17 ans chez Netgem, j’ai souvent pensé que beaucoup de choses iraient plus vite, mais la force de l’entreprise est d’avoir su mûrir et se renforcer, sans perdre sa capacité d’innovation. Le débat qui m’intéresse aujourd’hui va un peu au-delà
du « must-offer ». Il est plutôt celui du « bundle forcé », c’est-à-dire de la « vente liée », pour ne pas dire « forcée » : pourquoi est-il impossible en France d’acheter un accès Internet sans se voir imposer une box TV ? Si Free a révolutionné le marché du mobile
en dissociant le forfait et le téléphone, qui osera offrir un accès Internet sans imposer sa box ? Ce découplage des offres ferait beaucoup plus pour les éditeurs de contenus que de tenter de réglementer une nouvelle fois les conditions d’un éventuel « must offer ». Offrir vraiment le choix au consommateur est au cœur de la promesse de la nouvelle télévision connectée ! EM@ : La chronologie des médias, qui relègue en France la SVOD à 36 mois après la salle, doit-elle être réformée ? Est-ce un frein pour Videofutur ? J. H. : Nous n’avons aucune prétention à demander à changer les règles du jeu. Nous souhaitons seulement qu’elles restent les mêmes pour tous. @

Edition Multimédi@ : Videofutur n’a réalisé que 7,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, avec 50.000 abonnés, plus de 10 ans après sa création : êtes-vous déçu et quels revenus visez-vous ? Faut-il un « must offer » de la VOD ?
Joseph Haddad :
Durant ces 17 ans chez Netgem, j’ai souvent pensé que beaucoup de choses iraient plus vite, mais la force de l’entreprise est d’avoir su mûrir et se renforcer, sans perdre sa capacité d’innovation. Le débat qui m’intéresse aujourd’hui va un peu audelà du « must-offer ». Il est plutôt celui du « bundle forcé », c’est-à-dire de la « vente liée », pour ne pas dire « forcée » : pourquoi est-il impossible en France d’acheter un accès Internet sans se voir imposer une box TV ?
Si Free a révolutionné le marché du mobile en dissociant le forfait et le téléphone, qui osera offrir un accès Internet sans imposer sa box ? Ce découplage des offres ferait beaucoup plus pour les éditeurs de contenus que de tenter de réglementer une nouvelle fois les conditions d’un éventuel « must offer ». Offrir vraiment le choix au consommateur est au coeur de la promesse de la nouvelle télévision connectée !

Videofutur voit l’avenir de la SVOD en TV connectée

En fait. Le 28 mars, s’est achevée l’offre publique d’achat de Videofutur par
Netgem qui avait été ouverte le 22 février. Le résultat de cette OPA sera connu
le 8 avril. La famille Haddad, qui contrôle Videofutur, s’est engagée à apporter
ses titres : Netgem est assuré de détenir 77,5 % de Videofutur.

En clair. Le Netflix français va pourvoir conquérir le monde grâce à sa future maison-mère et partenaire de longue date. C’est en effet « dès 2014 » que la plateforme de services cloud développée par Videofutur pour la distribution multi-écrans de SVOD (1) sera intégrée dans l’offre internationale de Netgem. L’objectif est donc non seulement d’accélérer le déploiement commercial des services de télévision connectée en France, mais aussi, « dans un second temps », à l’international où se développe Netgem depuis 2010.
Le groupe fondé et présidé Joseph Haddad est en effet présent aujourd’hui dans une quinzaine de pays avec plus de 4 millions de foyers actifs dans le monde utilisant les box ou décodeurs TV qu’il a fabriqués pour des opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En France, par exemple, Netgem fut jusqu’en 2010 le principal fournisseur de la Neufbox de SFR et l’est depuis 2011 pour la box de Virgin Mobile.
En jetant son dévolu sur Videofutur, Netgem montre qu’il veut se diversifier au-delà
des seules box pour conquérir le marché prometteur de la TV connectée qui préfigure
« l’explosion du modèle de la ‘’box IPTV’’ » (2). En juillet 2011, Netgem a justement lancé N-Cloud pour « passer de la TV connectée à la maison connectée et au multi-écrans ». Ayant opéré une transformation radicale de son modèle économique, passant de l’activité DVD aux services pour la TV connectée, Videofutur est devenu en réalité un OTT (Over-The-Top), son offre passant outre les « box » des FAI et de leurs platesformes IPTV. Le Pass Duo de l’opérateur français de SVOD à 6,99 euros par mois, combinant VOD, Blu-ray ou DVD et donnant accès à plus de 20 000 films de façon illimitée (3), est proposé soit directement sur ordinateurs à partir de son site Internet, soit sur TV connectée, soit sur des terminaux mobiles, via son cloud. Déjà présent sur les tablettes et téléviseurs Samsung, Videofutur l’est également sur la Smart TV Philips depuis janvier.
Mais pour l’heure, Videofutur est essentiellement cantonné au marché français,
où il a réalisé en 2012 un chiffre d’affaires proche de 7,4 millions d’euros pour
50.000 abonnés. Ce qui, d’après Harris Interactive pour le CNC, le place ce dernier
en neuvième position sur le marché de la VOD en France, derrière VOD Orange, CanalPlay ou encore Club Vidéo (SFR). @

La télévidéo

Comme le Livre nous fut donné par la voix descendue du Ciel d’un Dieu tout puissant, nos programmes de télévision nous sont longtemps parvenus par la bonne volonté de mystérieux directeurs des programmes, nouveaux grands prêtres de cette véritable religion cathodique, restés dans l’ombre des vedettes du petit écran. La vidéo, comme le
livre en son temps, aborda la dimension horizontale en se démocratisant par la conquête de tous les réseaux et tous les terminaux. Après des décennies de télévision linéaire associée à une consommation réputée passive, voici qu’une nouvelle forme d’accès
actif aux programmes s’impose. Par la force de la numérisation et de l’« internétisation » des médias et des contenus, nous avons désormais accès à une vidéothèque planétaire. Comme dans une bibliothèque en ligne personnelle extraordinaire, nous pouvons désormais piocher à loisir des vidéos aussi facilement que nos ancêtres choisissaient leurs livres bien rangés sur des rayonnages, au gré de leurs envies.

« Les plates-formes de SVOD non seulement
concurrencent les offres de VOD traditionnelles,
mais aussi rivalisent avec la télévision à péage. »

Le passage d’un système audiovisuel à l’autre – véritable révolution copernicienne nous faisant passer d’un monde centré autour de la télé du salon à un univers sans limite aux multiples étoiles – s’est fait dans une effervescence coutumière des changements de paradigme concurrentiel. Une multitude d’offres et d’acteurs d’horizons très divers se lancèrent à l’assaut de ce nouveau marché, alors même que les chaînes, en position défensive, ne furent pas les premières à se positionner : les opérateurs télécoms (Comcast, Orange), les géants de l’Internet (Amazon, Google), les industriels (Apple, Microsoft), les commerçants (La Fnac, Virgin), les distributeurs de DVD (Netflix, Videofutur), les agrégateurs (CinemaNow, Vodeo) et même les professionnels du
cinéma (Dorcel, UniversCiné). Sans oublier bien sûr la nébuleuse de plates-formes, illégales ou pas, bien installée avec leurs catalogues gratuits et très complets.
Rien qu’en 2010, on comptait plus de 600 services de VOD légaux pour la seule Europe. Cette ébullition bien réelle, n’aura été finalement qu’une phase de transition, longue et essentielle à la recomposition des modes de distribution et de consommation des contenus audiovisuels. Si le paiement à l’acte a pu se développer en raison de sa souplesse, il est clairement en perte de vitesse depuis que se généralisent les offres
de VOD par abonnement (SVOD). Marginal il y a dix ans par rapport à un marché de la VOD de plus de 5 milliards d’euros en 2012, le chiffre d’affaires de la SVOD représente aujourd’hui près de la moitié d’un marché total en forte augmentation, à près de 20 milliards (VOD et SVOD cumulées).
Avec le succès initial rencontré par des services comme Netflix ou Hulu aux Etats-Unis, les plates-formes de SVOD non seulement concurrencent les offres de VOD traditionnelles, mais aussi rivalisent avec la télévision à péage, pourtant première source de revenus du marché de l’audiovisuel. Les opérateurs de la télévision à péage eux-mêmes se sont eux aussi fortement impliqués dans le développement d’offres à la demande pour élargir la gamme des services offerts à leurs abonnés et toucher un
public nouveau. Ces services présentaient l’avantage de proposer un important catalogue et d’être plus facilement accessibles.
Cependant, malgré leur notoriété et la remise en question profonde qu’ils provoquèrent chez les acteurs historiques de la Pay-TV, les services de SVOD ne pèsent encore que faiblement sur le marché total, avec largement moins de 10 % du chiffre d’affaires cumulé Pay-TV et SVOD. Si les prix jouent en leur faveur, leur positionnement dans la chronologie des médias, les modalités d’accès aux contenus et leur capacité à détenir des droits ont longtemps fragilisé ces services à la demande face à la télévision linéaire. Véritable poil à gratter du paysage audiovisuel français, la VOD est moins une menace directe de l’industrie audiovisuelle que le symptôme de la remise en cause profonde d’un secteur déjà bousculé par les nouvelles chaînes de la TNT, sans compter les nouvelles forces que représentent la TV connectée, la Mobile TV ou la Social TV. Ensemble, ils tendent à détrôner les positions dominantes et à rebattre les cartes. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Terminaux OTT
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut vient de publier son étude
« Pay-TV contre SVoD : Entre complémentarité et
concurrence », par Florence Le Borgne et Alexandre Jolin