L’avenir de la TV connectée est entre les mains de la Commission européenne

Une commission peut en cacher une autre : la Commission de suivi des usages
de la télévision connectée du CSA, initiative sans précédent en Europe, est suivie de très près par la Commission européenne, laquelle va lancer début 2013 une consultation publique assortie d’un Livre vert.

Par Charles de Laubier

NKAprès les directives européennes Télévision sans frontières (TVSF) de 1989 et Services de médias audiovisuels (SMA) de 2007, la Commission européenne en prépare une troisième encore plus décisive pour la libre circulation des contenus audiovisuels : la directive TV connectée. « La directive SMA est efficace, mais du fait des changements dus à Internet, comme la télévision connectée, nous ne pouvons nous permettre de dormir sur nos lauriers », a prévenu Neelie Kroes (photo), vice-présidente de la Commission européenne, en charge de l’Agenda numérique, le 7 mai 2012.

La directive SMA ne suffit plus
Autrement dit, 23 ans après le début de la libéralisation du marché audiovisuel au sein
de l’Union européenne, tout reste à faire ! L’extension des obligations audiovisuelles aux services non linéaires, tels que la VOD ou la catch up TV, n’était qu’un avant-goût de ce qui attend le paysage audiovisuel européen.
Si la télévision traditionnelle relève encore essentiellement de marchés nationaux (de par l’audience des chaînes et la réglementation locale applicable), la TV connectée, elle, est résolument ouverte sur Internet avec les OTT (Over-The-Top) et va rapidement abolir les frontières audiovisuelles.

Consultation publique début 2013
Pour préparer le terrain à sa révision législative, la Commission va lancer début 2013
– et non d’ici la fin de l’année comme elle l’avait initialement prévu – une consultation publique sur la télévision connectée, accompagnée d’un Livre vert. Bruxelles a-t-il retardé son calendrier pour attendre les premières propositions de Paris sur la
question ? Toujours est-il que la France est pionnière dans la réflexion sur la TV connectée. « Il fallait convaincre la Commission européenne de lancer la réflexion. Nous avons ainsi été parmi les premiers à s’intéresser à ce sujet avec un colloque
en avril 2011 et en installant en février 2012 cette commission de suivi des usages
de la télévision connectée, aux réunions de laquelle est présent un représentant
de la Commission », a indiqué Emmanuel Gabla, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), lors de la présentation le 5 décembre dernier des 14 premières propositions. A noter que la première d’entre elles a une portée communautaire justement : « Mettre en place au niveau européen les conditions techniques et les normes assurant que services et terminaux connectés puissent opérer ensemble ». Mais les enjeux de la TV connectée en Europe vont bien au-delà de la seule problématique de l’interopérabilité. Bien d’autres problèmes se posent et nécessitent une réponse collective : chronologie des médias, financement de la création, fiscalité numérique et TVA, aides au cinéma, seuils de concentration, circulation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, diversité culturelle, propriété intellectuelle, pratiques publicitaires, données personnelles ou encore protection des jeunes publics
C’est pour éviter un patchwork à 27 et favoriser un marché unique numérique que Bruxelles suit de près les travaux de Paris. « A l’exception de la réunion plénière intermédiaire du 4 juillet, qui visait à faire un point d’avancement sur les chantiers en cours, Gaëlle Garnier était présente à l’occasion de l’installation de la commission [de suivi des usages de la télévision connectée] le 16 février dernier, et Elisabeth Markot à
la plus récente du 5 décembre », nous a précisé Christophe Cousin, adjoint au directeur des études et de la prospective du CSA. Ces deux représentantes de la Commission travaillent à la DG Connect (1) de Neelie Kroes (2), la première en tant qu’économiste audiovisuel et média, la seconde comme spécialiste d’Internet et de la TV connectée.
Etant pionnière de la réflexion sur la TV connectée avec notamment le Royaume-Uni
et l’Allemagne (3), la France participe d’autant plus aux travaux de la Commission : Emmanuel Gabla représente le CSA au Forum de l’Union européenne sur l’avenir des médias que Neelie Kroes a mis en place le 7 décembre 2011 (4) ; il participe également une à deux fois par an à Bruxelles au Groupe des régulateurs audiovisuels européens.
Le CSA et la DGMIC (5) coopèrent en outre avec les autres régulateurs audiovisuels et
la Commission européenne au suivi de la directive SMA.

Vers l’exception culturelle européenne Entre Paris qui veut défendre une exception culturelle française et Bruxelles qui veut libéraliser l’audiovisuel et le cinéma, l’adoption d’une directive TV connectée n’est pas pour demain. « La révision législative ira au-delà de 2014, au-delà du mandat de la Commission européenne [de José Manuel Barroso,
qui se termine en octobre 2014, ndlr] », a précisé Emmanuel Gabla. Pour les Google TV, YouTube, Apple et autres Netflix, c’est maintenant ! @