Introduction en Bourse du français Alchimie, qui veut devenir le « Netflix » de la SVOD thématique

Depuis son rachat il y a cinq ans par Nicolas d’Hueppe, associé à la holding HDL (Decaux, De Agostini, …), Cellfish – ex-filiale multimédia mobile de Lagardère – a « pivoté » dès 2016 pour devenir Alchimie, une plateforme de SVOD qui ambitionne d’être le « Netflix » thématique. La Bourse s’imposait.

Soutenue financièrement par les fortunés Decaux, De Agostini, Dentressangle, Bébéar ou encore Mustier, via leur holding « familiale » HLD, la société Alchimie (ex- Cellfish) s’introduit en Bourse à Paris sur le marché Euronext Growth pour lever des capitaux dans la zone euro (au moins 20 millions d’euros escomptés), sans pour autant supporter des coûts d’une cotation sur un marché réglementé classique. L’introduction a démarré le 10 novembre.

TVPlayer va remplacer Watch-it
Active sur Internet avec ses marques «Watch it » (watch-it.tv), « TV Player » (tvplayer.com), « Cultivons-nous » (cultivonsnous.tv) ou encore « Humanity » (humanity.tv), Alchimie veut se donner les moyens de devenir le « Netflix » thématique. Ayant pivoté en 2016 d’une société de distribution de jeux, de musiques ou encore de vidéos sur mobile (l’activité de Cellfish au sein de Lagardère) à une plateforme de vidéo et de télévision à la demande par abonnement (SVOD et TVOD), la société que dirige Nicolas d’Hueppe (photo) déploie désormais son activité d’agrégateur audiovisuel en Europe et à l’international. Sa stratégie OTT (1) affichée de diffuseur sur Internet et indépendant des opérateurs de réseaux, n’exclut pas pour autant des accords de distribution avec ces derniers lorsque ce n’est pas avec de grandes plateformes numériques ou des places de marché en ligne.
Ainsi, pour son bouquet TVPlayer (hérité d’une société britannique acquise il y a un an) ou pour les chaînes de télévision thématiques disponibles chacune en SVOD, Alchimie s’appuie sur une soixantaine contrats de distribution : non seulement avec des opérateurs télécoms (Orange, Bouygues Telecom, SFR, T-Mobile, Movistar, EE, Vodafone, …) et des fabricants de smartphones et/ou de tablettes (Huawei, Samsung, Xiaomi, Apple, Amazon Fire, …), de téléviseurs connectés (Samsung, LG, …), voire de « box » (Netgem), mais aussi avec des acteurs du Net (Amazon Channels, Google, …). Alchimie indique que « sur la facturation de l’abonnement mensuel ou hebdomadaire, les plateformes de distribution retiennent entre 10 % et 40 % des revenus, avec une moyenne à 20%». A travers eux, le potentiel d’abonnés à la SVOD et TVOD d’Alchimie se compte par millions à travers le monde (2). « Alchimie distribue à ce jour 55 chaînes thématiques affinitaires coéditées avec des groupes de médias, des personnalités ainsi que des influenceurs. Notre offre innovante a déjà séduit plus de 300.000 abonnés payants en Europe. Ce projet d’introduction en Bourse nous permettra d’accélérer le lancement de nouvelles chaînes originales exclusives et d’accompagner notre déploiement à l’international dans les quatre langues (3) dans lesquelles le groupe opère déjà », a précisé Nicolas d’Hueppe, PDG d’Alchimie, dans le document d’enregistrement approuvé le 23 octobre dernier par l’Autorité des marchés financiers (AMF). TVPlayer, qui a été lancé en France en septembre, va remplacer progressivement Watch-it, et ce dans un souci d’uniformisation des marques. L’entreprise vise pour 2024 un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros avec plus de 3 millions d’abonnés, contre 21 millions d’euros en 2019. Son ambition est aussi d’atteindre le seuil de rentabilité (4) d’ici fin 2022, année qui devrait générer 58 millions d’euros de revenus. Son catalogue est composé d’une multitude de centres d’intérêt : nature, investigation, voyage, histoire, science, automobile, bien-être, armée, environnement, animaux, chasse, astronomie, etc.
La société se fait fort de lancer une nouvelle chaîne thématique par semaine, sachant que pour chacune cela demande d’investir dans en moyenne de 50 heures de contenus. « La consommation de contenus est d’environ 4 heures par mois et par abonné sur l’ensemble des chaînes SVOD lancées », précise-t-elle. Le catalogue totalise à ce jour plus de 60.000 heures, grâce à des accords non exclusifs d’une durée d’un an renouvelables par tacite reconduction et signés avec plus de 300 ayants droits internationaux (dont Arte, Mediawan, France Télévisions, Zed, Reworld Media, Prisma Media, ZDF Entreprises/Allemagne, Zinet Media/Espagne, …, mais aussi des célébrités et influenceurs tels que Jacques Attali, Guillaume Canet, Poisson Fécond, Jérôme Le Banner, Dr Whatson, …), avec partage de revenus mais sans minimum garanti. Au 31 décembre 2019, le montant des droits reversés aux ayants droit s’élevaient à 3,4 millions d’euros.

OTT thématique face aux généralistes
Alchimie, avec son TVPlayer à 4,99 euros par mois, n’entre pas en concurrence frontale avec les plateformes de SVOD généralistes (Netflix, Amazon Prime Video, Disney+, Salto, …), ni même avec les plateformes dites AVOD (telles que YouTube). Son terrain de jeu est celui des services de catalogues spécialisés comme Gaia, Cinedigm, CuriosityStream ou encore Mubi. @

Charles de Laubier

 

La chaîne publique Franceinfo n’a pas réussi à faire décoller son audience en quatre ans d’existence

Lancée en grande pompe le 1er septembre 2016 par France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina, la chaîne publique d’actualités en continu Franceinfo est-elle un échec ? La question se pose au vu de ses 0,7 % de parts d’audience seulement, quatre ans après son lancement.

Certes, l’audience de la chaîne Franceinfo a légèrement augmenté depuis son lancement sur le canal 27 de la TNT (1) il y a quatre ans, passant de 0,3 % de part d’audience nationale en janvier 2017, avec un peu plus de 18,4 millions de téléspectateurs dans le mois selon Médiamétrie, à 0,7 % en septembre 2020 avec 24,2 millions de téléspectateurs. Autrement dit, la chaîne publique d’information en continu – cornaquée par France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Ina – a gagné en quatre ans d’existence seulement 0,4 point à 5,8 millions de téléspectateurs supplémentaires.

Laurent Guimier à la rescousse
Ce n’est pas digne du service public de l’audiovisuel financé par la redevance payée par la plupart des 28 millions de foyers français (2). Pas sûr que cette piètre performance, ne serait-ce que par rapport à ses concurrentes BFM TV (2,5 %), CNews (1,5 %) et LCI (1 %), satisfasse Delphine Ernotte (photo de gauche) qui a été reconduite par le CSA à la présidence de France Télévisions pour un mandat de cinq ans (depuis le 22 août). La petite audience de Franceinfo ne devrait pas non plus réjouir Stéphane Dubun, directeur de la chaîne depuis plus de quatre ans maintenant. Ce journaliste francobritannique- écossais fut nommé par la présidente de France Télévisions en même temps que Célia Mériguet qui, elle, a la charge de la diffusion en ligne de Franceinfo.
Tous deux reportaient depuis deux ans à Alexandre Kara, lequel a cédé sa place en juin à Laurent Guimier (photo de droite) venu reprendre en main la chaîne publique d’information en continu et d’en améliorer l’audience. Cet ancien d’Europe 1 vient d’être promu par Delphine Ernotte directeur de l’information de France Télévisions (3). « Les JT de France 2 et France 3, les magazines, le canal 27 [où est diffusée la chaîne Franceinfo sur la TNT, ndlr] et franceinfo.fr sont placés sous ma responsabilité », indiquet- il à Edition Multimédi@. C’est dire que ce jeu de chaises musicales au niveau de l’état-major de l’ex-directrice générale d’Orange France (4) touche de près Franceinfo. « Depuis 2016, nous sommes passés à l’offensive en unissant les forces de l’audiovisuel public pour créer Franceinfo, premier média numérique d’information en France, qui poursuivra un objectif clair : conquérir aussi la première place en linéaire. Franceinfo est un actif puissant sur lequel il nous faut investir et qu’il faut consolider », a fait valoir Delphine Ernotte dans son projet stratégique exposé au CSA en juillet. Mais avec moins de 25 millions de téléspectateurs par mois, qui est d’ailleurs loin d’être l’audience de la seule TNT puisque sont intégrés à cette mesure de Médiamétrie les audiences en différé et en télévision de rattrapage sur Internet, Franceinfo doit encore trouver son public. « Franceinfo s’est imposée en quelques mois seulement comme le premier support d’information numérique des Français et doit continuer à grandir », convient la présidente de France Télévisions. Cela nécessite pour cette chaîne d’infos en continu de plus en plus délinéarisée « un investissement technologique constant (…), en renforçant ses contenus vidéo, en amplifiant son caractère conversationnel et en inventant un nouveau média social ». Sa ligne éditoriale ? Dans une interview à Forbes, Delphine Ernotte lance : « Pas de boucle, pas de clash, pas de buzz, du décryptage, de la pédagogie de l’info. C’est une chaîne calme (…) » (5). Objectif de son deuxième mandat : « Faire de Franceinfo la première offre d’information sur tous les écrans et 100 % accessible ».
Sur Internet (6), Franceinfo revendique plus de 23,7 millions de visiteurs uniques sur le mois de juillet (dernière mesure disponible), dont 80,2 % sur smartphone, 21,9 % sur ordinateur et 16,1 % sur tablette. Ce qui place la chaîne publique d’info en continu à la onzième place du classement Internet en France, loin devant, tout de même, BFM TV (vingt-deuxième place) et LCI (quarante-neuvième). La présidente de France Télévisions compte en outre investir dans « le datajournalisme et l’intelligence artificielle », notamment en consolidant « l’alliance des services publics née autour de Franceinfo » et en initiant « de nouveaux partenariats technologiques avec l’ensemble des médias d’information ».

Franceinfo remplace France Ô, en HD
Malgré la faible audience de Franceinfo au bout de quatre ans, le CSA a quand même entériné – à la demande de la nouvelle ministre de la Culture, Roselyne Bachelot (7) – le retrait au 1er septembre de la chaîne d’outre-mer France Ô de sa fréquence sur la TNT pour y diffuser à place Franceinfo en haute définition en métropole. France Ô est morte à 15 ans, au grand dam de beaucoup, alors qu’elle était allée jusqu’à 0,9 % de part d’audience (en avril et juin 2016) – soit 0,2 point de mieux que Franceinfo, pourtant bien plus mise en avant. @

Charles de Laubier

Téléfoot : le groupe sino-espagnol Mediapro espère signer aussi avec Canal+, Facebook et YouTube

En 2018, le groupe audiovisuel Mediapro remportait plus de 80 % des droits de diffusion 2020-2024 des championnats français de football de Ligue 1, moyennant 800 millions d’euros par an, ainsi que la Ligue 2. Sa chaîne Téléfoot vise 3,5 millions d’abonnés payants pour rentabiliser ses investissements.

Téléfoot, nom de la chaîne que le groupe espagnol à capitaux chinois Mediapro emprunte sous licence à TF1 (1), n’est pas encore diffusée par Canal+. « Les discussions restent au point mort », selon le directeur de la chaîne, Julien Bergeaud, cité le 9 septembre par l’AFP. En revanche, ce jour-là, un accord était annoncé avec Orange qui revendique à fin 2019 plus de 21,7 millions d’abonnés mobile et plus 11,6 abonnés haut débit fixe (2). Les quatre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) français ont donc chacun signé.

Tous azimuts : FAI et OTT
En quelques semaines, le groupe catalan fondé par Jaume Roures (photo) a su trouver un terrain d’entente avec Orange (accord annoncé le 9 septembre), SFR (le 27 juillet), Bouygues Telecom (le 14 août) et Free (le 26 août). Téléfoot, chaîne éditée par la société Mediapro Sport France, basée à Boulogne-Billancourt, sera aussi distribuée par Netflix qui a aussi signé (le 30 juillet). Mediapro négocie en outre – même si « cela n’aboutira peut-être pas tout de suite » – avec le réseau social Facebook, avec lequel devaient être résolus « des problèmes techniques », et avec la plateforme vidéo YouTube. Jaume Roures (70 ans, francophone) doit encore convaincre Canal+. La chaîne cryptée française, filiale du groupe Vivendi (lui-même détenu par Bolloré), rechignant à payer trop cher pour diffuser ce nouvel entrant qui lui a « subtilisé » les droits de la Ligue 1 sur 2020-2024 pour 800 millions d’euros par an (sur un total de 1,15 milliard d’euros par an tous diffuseurs confondus), le tout payé à la Ligue de football professionnel (LFP), détentrice de tous ces droits (3). Alors que les deux diffuseurs historiques du foot étaient Canal+ et le qatari BeIn Sports. Et alors même que le groupe sino-espagnol ne possédait pas de chaîne de télévision en France !
Outre la Ligue 1 (80 % des matchs, dont les dix plus grandes affiches du Championnat de France de football et le match du dimanche soir), Mediapro détient aussi des droits sur la Ligue 2 (huit rencontres par journée), ainsi que certaines rencontres de la prochaine Ligue des Champions (saison 2020-2021, codiffusée avec SFR) et de la Ligue Europa. Il s’agit maintenant pour la chaîne Téléfoot de rentabiliser ces droits records. Le second diffuseur est BeIn Sports. Tandis que le groupe Iliad, maison mère de Free, avait, lui, obtenu un lot correspondant aux droits de diffusion d’extraits de la Ligue 1 en quasi-direct sur tous les matches et les droits magazines en VOD pour près de 50 millions d’euros par saison (4). Pour monétiser cette nouvelle chaîne du foot auprès d’abonnés, à raison de 25,90 euros par mois avec engagement de 12 mois ou 29,90 euros sans engagement (voire 14,90 euros par mois sans engagement sur mobile seulement), Mediapro se doit de diffuser ses programmes footballistiques le plus largement possible – non seulement auprès des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) mais aussi auprès des Over-the-Top (OTT). Pas d’exclusivité. La nouvelle chaîne du foot est par ailleurs accessible sur Internet via le site web telefootlachaine.fr, sur les smartphones via App Store pour iOS ou Google Play pour Android, sur les téléviseurs connectés Samsung (versions 2018 et postérieures) et sur les boîtiers Apple TV.
Mediapro avait annoncé le 18 août un accord avec la marque à la pomme, et promis qu’il en irait de même avec Android – l’écosystème de Google. Téléfoot est en outre accessible sur le site web rmcsport.tv, voire sur d’autres équipements audiovisuels offrant les applications Téléfoot ou RMC Sport, notamment sur smartphone ou tablette. « L’accès aux chaînes Téléfoot via l’application RMC Sport est disponible sur beaucoup plus de supports que n’en propose Téléfoot : ordinateurs, smartphones, tablettes, Smart TV Samsung mais aussi Philips, Sony, LG, HiSense, box Android (Nvidia Shield, Mi box), consoles XBox One et PS4 », fait remarquer le courtier en télécoms Ariase.
Créée ex nihilo, la chaîne Téléfoot a pu ainsi se lancer dès le 17 août avec un minimum de visibilité, soit quatre jours avant le redémarrage du Championnat de France de football – avec le match Bordeaux-Nantes. Elle doit cependant faire oublier l’écran noir apparu le 30 août en plein matches de Ligue 1 à cause d’une panne mondiale chez l’opérateur de réseaux américain CenturyLink…

Le covid menace le business plan
Mediapro a indiqué mi-août avoir déjà versé près de 175 millions d’euros à la LFP. Mais Téléfoot se lance au plus mauvais moment, dans un contexte de restrictions liées au covid-19 et en l’absence de public pour les matches joués à huis clos, lorsque les stades ne sont pas limités à une jauge limitée à 5.000 téléspectateurs. La chaîne compense l’absence totale ou partielle des supporteurs par des préenregistrées sonores d’ambiances de stades. @

Charles de Laubier

Vivendi et Mediaset sont condamnés à s’entendre en Europe face à Netflix, Amazon Video ou Disney+

Silvio Berlusconi et Vincent Bolloré se chamaillent depuis quatre ans maintenant, ferraillant devant la justice. Les propriétaires de respectivement Mediaset et de Vivendi sont brouillés depuis l’été 2016. Mais ils sont prêts à enterrer la hache de guerre pour faire front aux grandes plateformes vidéo.

La longue querelle entre l’italien Mediaset et le français Vivendi est sur la voie de l’apaisement. Du moins, si l’on en croit le communiqué émis par le premier le 12 août dernier, les deux parties sont disposées à mettre un terme à leur différend judiciaire « dans l’intérêt de tous les actionnaires de Mediaset », dont fait partie Vivendi à hauteur de 29 %. Mais l’italien, précisant avoir répondu à un courrier reçu de Vivendi le 10 août, a prévenu le français qu’il était prêt à faire la paix mais « sans toutefois renoncer à des demandes de dommages et intérêts » (1).

Vers la fin des hostilités ?
C’est que le groupe de télévision de Silvio Berlusconi (photo de droite) n’a jamais digéré la volte-face opérée durant l’été 2016 par le groupe de Vincent Bolloré (photo de gauche) sur un « contrat de partenariat stratégique » pourtant signé entre les deux groupes le 8 avril de la même année. Selon les termes de cet accord avorté, le groupe français – maison mère de Canal+ – devait acquérir 3,5 % du capital du groupe italien et 100 % de sa filiale de chaînes payantes Mediaset Premium, cédant en échange 3,5 % de son propre capital. Les relations se sont encore plus envenimées lorsque le groupe Vivendi a décidé de façon unilatérale de lancer en décembre 2016 une campagne d’acquisition hostile d’actions de Mediaset, dont il était déjà actionnaire minoritaire, devenant très rapidement le deuxième actionnaire à 28,8 % du capital.
Sur ce premier différend est venu se greffer un second. Il porte cette fois sur le projet de holding européenne MediaForEurope (MFE) porté par Mediaset, qui veut fédérer des groupes audiovisuels européens pour répliquer à Netflix. Il s’agit avant tout de développer une plateforme vidéo OTT (2), de type SVOD, qui fut surnommée un temps par les médias le « Netflix latin » ou bien « Euroflix ». Mais face à la montée en charge d’autres plateformes vidéo américaines telles qu’Amazon Prime Video, Disney+, Apple TV+ ou bientôt HBO Max (3), sans oublier Google/YouTube, le projet devait être plus ambitieux encore. La holding MFE, qui devait être basée à Amsterdam et cotée en Bourse en Italie et en Espagne, prévoyait de chapeauter les activités italiennes et espagnoles de Mediaset, tout en détenant la participation de 15,1 % héritée de Mediaset dans le groupe audiovisuel allemand ProSiebenSat.1 Media. D’autres partenaires européens étaient pressentis pour rejoindre l’alliance MFE, comme le français TF1 que le fils de Silvio Berlusconi – Pier Silvio, administrateur délégué de Mediaset – avait cité le 3 juillet 2019 « même si aucune négociation formelle n’a encore été engagée » (4). Ce projet avait été validé il y a un an – le 4 septembre 2019 – lors d’une assemblée générale de Mediaset. Craignant le renforcement du contrôle de Silvio Berlusconi – détenteur de Mediaset via sa holding Fininvest – sur ce nouveau montage d’envergure européenne, Vivendi s’est vivement opposé à ce projet, décidé à mettre des battons dans les roues de MFE à coup de plaintes devant les tribunaux des Pays-Bas et d’Italie. Vivendi, pourtant deuxième actionnaire du groupe italien, estimait qu’il n’avait pas eu son mot à dire quant à la fusion entre Mediaset et Mediaset España. En face, Mediaset avait déposé plainte contre Vivendi devant l’AGCom, le régulateur italien des communications, accusant le français – contrôlant déjà Telecom Italia (TIM) – d’enfreindre la réglementation italienne qui interdit à une même société de franchir certains seuils de chiffre d’affaires dans le pays (seuil de 20 % ou pour Vivendi avec TIM 10 %) « au nom de la sauvegarde du pluralisme de l’information » (5).
Le tribunal de commerce de Madrid, dans un jugement rendu le 30 juillet dernier, a rejeté le recours présenté par Mediaset España qui demandait la levée de la suspension du plan de fusion avec Mediaset en Italie dans le cadre du projet MFE. C’est en octobre 2019 que Vivendi avait obtenu en première instance la suspension provisoire du projet de création de la holding européenne. « La décision de la cour de Madrid est le seul résultat de l’opposition instrumentale et prédéterminée de Vivendi agissant dans son propre intérêt, également en tant que concurrent de Mediaset », a réagi le groupe italien le 5 août, tout en renonçant à son calendrier de fusion de ses filiales italienne et espagnole – délai fixé au 2 octobre 2020 par la justice néerlandaise.

Canal+ distribue Netflix et Disney+
Mais Mediaset n’abandonne pas pour autant son projet MFE. « Confirmant la validité industrielle du plan MediaForEurope, le conseil d’administration a immédiatement lancé une étude pour la création d’un plan alternatif pour atteindre les mêmes objectifs » (6). Une chose est sûre : Vivendi reconnaît « le mérite industriel du projet MFE » et a fait part à Mediaset de « sa volonté de soutenir les plans de développement international de Mediaset ». Sachant que Canal+, filiale de télévision payante de Vivendi, est en France distributeur de Netflix et de Disney+. @

Charles de Laubier

Matilda Baudecroux Röstorp entre au conseil d’administration du groupe NRJ fondé par son père

En avril 2018, EM@ titrait : « Paul Baudecroux Röstorp entre au conseil d’administration du groupe NRJ fondé par son père ». Paul en est toujours administrateur mais a quitté ses fonctions dans l’entreprise. C’est au tour de sa sœur de faire son entrée, mais dans un contexte difficile.

Paul Baudecroux Röstorp – fils de Jean- Paul Baudecroux, PDG fondateur du groupe NRJ – a quitté en novembre dernier l’entreprise où il était depuis avril 2017 chargé de mission de développement numérique et, à ce titre, de la division investissements de NRJ Digital Venture (1). D’après le document d’enregistrement universel publié le 27 avril dernier, Paul (25 ans) a rejoint LetsBuilding en qualité de développeur (son métier est fullstack developer).

Comme Paul, Matilda entre par le digital
« Paul Baudecroux a démissionné de ses fonctions salariées pour des raisons personnelles qui l’ont conduit à s’installer à l’étranger. Il reste toutefois administrateur de la société », a indiqué le groupe NRJ lors de son assemblée générale des actionnaires qui s’est tenue à huis clos le 26 juin, pour cause de covid-19. Cette fois, plus de deux ans après l’arrivée de Paul dans le groupe familial de radios (NRJ, Nostalgie, Chérie FM, Rire & Chansons) et de télévisions (NRJ 12, Chérie 25, NRJ Hits), c’est au tour de sa sœur Matilda Baudecroux Röstorp d’y entrer. A l’instar de Paul (25 ans), Matilda (22 ans) a la double nationalité, Française et Suédoise (2). La fille de Jean-Paul Baudecroux a rejoint en octobre 2019 le groupe NRJ, où elle est chargée de contenu au sein de e-NRJ, filiale dédiée à l’activité digitale. Comme Paul, Matilda entre par la porte du numérique dont la monétisation affiche la plus forte hausse (17 % sur un an) des revenus du groupe (3).
Sa formation dans la production audiovisuelle et le digital s’est déroulée à Boston et en Californie, au Emerson College (4). A l’instar de son frère, elle entre aussi au conseil d’administration (composé de huit membres), remplaçant Muriel Sztajman (nièce de Jean-Paul Baudecroux). Matilda est déjà actionnaire de l’entreprise familiale, depuis cinq ans, à hauteur de 2.758.621 actions qu’elle possède en nue propriété. C’est le 25 juin 2015 qu’avait été signée une donation-partage effectuée par acte notarié. En prévision de la succession de Jean-Paul Baudecroux (74 ans), lequel avait dû se retirer en 2014 pour se soigner, chacun de ses trois enfants avait reçu le même nombre d’actions. Sa progéniture détient un total de 10,60 % du capital du groupe NRJ et ces parts ont été attribuées dans le cadre d’un « concert familial » qui cumule – avec les 69,63 % détenus directement par le patriarche fondateur – plus de 80,2 % du capital de l’entreprise. Et encore, si l’on y ajoute Micheline Guilbert, soeur de Jean-Paul Baudecroux et ancienne vice-présidente du conseil d’administration, qui détient 4,02 % du capital, la famille « Baudecroux » – bien que la sœur du PDG « ne fait pas partie du groupe familial » – possède pas moins de 84,25 % du groupe. Et un actionnaire d’interpeller la direction sur le conseil d’administration : « Au total six personnes sur huit [membres] sont donc liées à M. Baudecroux et les deux indépendants [Antoine Giscard d’Estaing et Jérôme Gallot, ndlr] sont des “fidèles”. (…) Pensez-vous que cela soit la meilleure structure pour diriger un groupe qui aspire à valoir plus de 1 milliard d’euros [actuellement sous les 500 millions d’euros en Bourse, ndlr] dans un secteur en évolution permanente et alors que la rente historique commence à s’essouffler ? ». Réponse de la direction : « En 2019, le groupe a dégagé 21,7 millions d’euros de résultat net et 34,9 millions d’euros de free cash-flow, ce qui démontre que sa structure de gouvernance est adaptée ».
Pour autant, le chiffre d’affaires 2019 a fléchi de 1,6 % en 2019, à 386,2 millions d’euros, et le bénéfice net de 0,5 %. Mais surtout, les résultats se sont dégradés à partir du premier trimestre 2020 (effondrement de 13 % des revenus), en raison de la crise sanitaire et de la chute des recettes publicité, dont NRJ dépend à 76 %. Lors de l’AG, la direction a alerté sur les résultats du premier semestre qui seront dévoilés le 29 juillet : « La réalité a été malheureusement conforme [aux prévisions] puisque la baisse du chiffre d’affaires publicitaire sur le cumul d’avril et de mai 2020 a été de 60%». Juin a aussi été en baisse. Et pour le reste de 2020, « pas de visibilité ». Le 10 juillet, Capital a révélé que Jean-Paul Baudecroux a mandaté la banque Lazard pour vendre les chaînes NRJ 12 et Chérie 25.

Un premier semestre 2020 horribilis
Autant dire que Matilda Baudecroux Röstorp arrive dans le groupe de son père au pire moment de son histoire presque quarantenaire (5). Depuis mi-mars, un « programme de réduction de charges et de report de certains investissements » est en place pour tenter d’amortir le choc de ce semestre horribilis. Cette crise compromet-elle toute velléité de racheter Virgin Radio et/ou RFM à Lagardère ? La direction a répondu en AG qu’elle « examine avec intérêt toutes les opportunités de croissance qui peuvent se présenter dans ses métiers naturels » (6). A suivre. @

Charles de Laubier