Le Monde et la presse française se préparent à un exercice 2014 à haut risque, sur fond de consolidation

Le premier quotidien national fête cette année ses 70 ans. Mais Le Monde, comme l’ensemble de la presse française, est remis en question par les géants de l’Internet et par une chute « violente » de ses recettes publicitaires. Son président, Louis Dreyfus, s’interroge sur son avenir papier-numérique.

Louis Dreyfus-bisL’année 2013 aura été une annus horribilis pour la presse française : recul des ventes de journaux, chute des recettes publicitaires, pertes financières, suppression d’emplois, grèves à répétition, monétisation difficile du numérique, …
Rien que la chute de 7,1 % des ventes de quotidiens nationaux en kiosque sur la majeure partie de l’année 2013 a jeté un froid avant un hiver glacial en diffusion et publicité (1).
« Depuis octobre, on voit sur l’ensemble du marché de la presse une baisse forte, brutale, des recettes publicitaires. Il y a un refroidissement très net de la tendance. C’est une baisse à un chiffre mais importante en moyenne », s’est inquiété mi-décembre Louis Dreyfus (photo), président du directoire du Monde, devant l’Association des journalistes médias (AJM).

Un droit à l’oubli universel applicable à l’Internet mondial semble hors de portée

Il existe plusieurs aspects du droit à l’oubli où les Américains et les Européens pourraient s’entendre, notamment sur l’obligation des plates-formes numériques d’effacer des données personnelles. Mais les différences législatives et culturelles rendent un droit à l’oubli universel illusoire.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Winston MaxwellL’Etat de Californie vient d’adopter une loi sur le droit à l’oubli numérique. La loi californienne, surnommée la loi Eraser Button (ou loi « gomme ») et promulguée par le gouverneur Jerry Brown le 23 septembre dernier, va moins loin que la proposition européenne sur le droit à l’oubli, mais elle démontre qu’un timide rapprochement entre les Etats-Unis et l’Europe est possible sur ce sujet ultra sensible.
La loi californienne vise le cas spécifique des mineurs de moins de 18 ans qui souhaitent effacer les données postées sur Facebook ou sur d’autres plates-formes numériques. La loi « gomme » obligerait les plates-formes du Net à fournir un moyen efficace pour assurer cet effacement.

Musique : les majors veulent taxer la pub en ligne

En fait. Le 18 septembre, le Snep a présenté les chiffres du marché (de gros) de la musique sur le premier semestre 2013 : + 6,1 % sur un an, à 217,7 millions d’euros, dont près de 30 % grâce à la musique en ligne en hausse de 5,5 % (voir p. 10). Mais la filière musicale se dit victime d’un « transfert de valeur ».

En clair. Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) ne se satisfait pas de
la croissance du chiffre d’affaires de la musique en ligne (+ 5,5 % au premier semestre 2013) et milite toujours pour « un mécanisme de financement pour corriger le transfert
de la valeur au détriment des producteurs ». Mais contrairement au rapport Lescure,
qui décidément ne passe pas auprès des majors de la musique qui en sont membres (Universal Music, EMI, Sony, Warner, …), le Snep écarte l’idée d’une taxe sur les terminaux connectés et demande « un nouveau droit à rémunération » en faveur de l’industrie musicale qui serait assis sur les recettes publicitaires des sites Internet proposant de la musique. « Que tous ceux qui diffusent nos contenus soient soumis à
une contribution de financement de la musique », insiste Guillaume Leblanc, DG du Snep. Il y a bien les revenus du streaming financé par la publicité, mais ils ne progressent que de 7 % dans le premier semestre de l’année, lorsque les revenus du streaming par abonnement, eux, progressent de 12,6 % (voir p. 10). Taxer la publicité en ligne de Google/YouTube, Yahoo Music, Dailymotion ou encore tous les sites web et webradios misant sur la gratuité de la musique financée par la publicité est ainsi perçu par le Snep comme le moyen le mieux à même de « compenser le transfert de valeur ».

Webradios : vers l’extension de la licence légale ?

En fait. Le 16 juillet, l’OJD a publié pour la première fois les audiences de webradios, 6 .261 au total pour mai. Avec 5.980 webradios, le réseau Radionomy arrive en tête en terme d’écoutes actives cumulées : 63,9 millions, contre 45,5 millions pour les 174 du groupe NRJ. Après la mesure, les revendications ?

En clair. Même si le webcasting linéaire y est bien moins développé en France qu’aux Etats-Unis ou en Allemagne, la France franchit un cap important dans la reconnaissance des webradios comme nouveau média à part entière.

Pub en ligne : le paradoxe « cartésien » de la France

En fait. Le 9 juillet, le Syndicat des régies Internet (SRI) a publié sa 10e édition
de son Observatoire de l’e-pub en France, sur la base d’une étude réalisée pour
la première fois par PriceWaterhouseCoopers (PwC), avec l’Udecam (agences médias) : 1,398 milliard d’euros au 1er semestre 2013 (+ 4 %).

En clair. Malgré 4 % de croissance pour la publicité digitale sur le premier semestre 2013, dans un marché total des dépenses publicitaires « atone » accusant, lui, une baisse de
4 %, « la France est très en retard dans la e-pub par rapport à d’autres pays ». C’est du moins le constat que dresse Eric Aderdor, président du SRI et par ailleurs directeur général d’Horyzon Media du groupe Solocal (ex-PagesJaunes). En effet, le digital en France ne représente que 20 % des dépenses des annonceurs au premier semestre 2013, contre 24 % pour les Etats-Unis, 30 % pour l’Allemagne et même 35 % pour le Royaume-Uni. « Le paradoxe, c’est que la France est le 2e marché [derrière la Norvège, selon ZenithOptimedia, ndlr] en terme de pénétration des nouveaux devices en 2012,
mais seulement le 16e en termes de poids du numérique dans les investissements publicitaires », explique Eric Aderdor. Selon l’étude de ZenithOptimedia (groupe Publicis) parue en février dernier, le « classement par adoption des nouveaux médias (smartphones, tablettes, TV connectées) » situe ainsi la France avec un taux de pénétration moyen de 35,7 % de la population. Le président du SRI estime qu’il y a encore un effort de pédagogie à faire auprès des annonceurs pour les inciter à plus investir dans la publicité en ligne. Chez PriceWaterhouseCoopers (PwC), on avance une explication à ce paradoxe et ce retard : « Ce décalage entre la publicité digitale et le taux d’équipement est dû aux annonceurs qui sont frileux en France. Nous sommes dans un pays cartésien qui demande à vouloir tout mesurer. Résultat, on teste moins comparé à d’autres pays qui pratique le test-and-learn », avance le directeur de l’étude chez PwC, Matthieu Aubusson de Cavarlay. Selon lui, cet attentisme des marques vis-à-vis de la publicité on line, qui reste « sousinvestie » en France, fait penser à « Docteur Jekyll et de Mr Hyde » !
Et d’ajouter : « Il faudrait un électrochoc chez les annonceurs ».
En attendant de sortir de cette torpeur, le SRI a revu à la baisse sa précision de croissance du digital publicitaire sur l’année 2013 : + 3%, au lieu des + 5 % envisagés en décembre dernier, à moins de 2,8 milliards d’euros. Avec une répartition qui devrait rester stable entre le search (57 %), le display (1) (26 %) et les autres leviers (2) (17 %). Le RTB (3), la vidéo et le mobile (4G en vue) continuent de tirer la croissance. @