Dix mille films en VOD fin 2012 : un enjeu inatteignable

En fait. Le 19 novembre, le CNC a réunit son « Groupe d’experts d’aide à
la numérisation des œuvres cinématographiques de patrimoine ». Objectif :
enrichir notamment l’offre légale de films sur les plateformes de VOD. De quoi atteindre le total 10.000 films en ligne français et/ou européens promis fin 2012 ?

En clair. Selon nos informations, les 10.000 films mis en ligne par les plates-formes
de vidéo à la demande (VOD) en France ne sont pas atteints en fin d’année. Le Bureau
de liaison des organisations du cinéma (Bloc) et le Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic) s’étaient pourtant réjouis il y a huit mois de cet objectif fixé comme une promesse par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et
les éditeurs de VOD. Et ce, à l’occasion du renouvellement le 5 avril 2012 de l’accord interprofessionnel sur la chronologie des médias (1) (*) (**) (***).
Quelque 8.000 films français et, pour un tiers d’entre eux, d’autres pays européens, devraient cependant être dépassés en fin d’année. Le groupe d’experts d’aide à la numérisation des films du patrimoine s’est réuni pour la troisième fois le 19 novembre :
le CNC va aider à numériser cette année 21 longs métrages et 21 courts métrages, ce
qui porte le total à 76 films aidés pour près de 3 millions d’euros. Mais le plus gros reste
à faire : jusqu’à 15.000 films doivent encore être numérisés, rien que pour les œuvres datant du XXe siècle. Total des aides sur 5 ans (subventions ou avances) : 500 millions d’euros. Tandis qu’un seul, Gaumont, bénéficie par ailleurs du Grand emprunt. Les plateformes de VOD se retrouvent ainsi doublement pénalisées : d’une part, elles n’ont pas le droit de proposer des films récents car la chronologie des médias leur impose d’attendre quatre mois pour la VOD à l’acte et trente-six mois pour la VOD par abonnement ; d’autre part, elles ne peuvent proposer de catalogues étoffés d’anciens
films car ces derniers n’ont pas encore été pour la plupart numérisés.
Comment expliquer ce retard : un problème de ressources pour ces aides financières
à la numérisation ? «Même si les 150 millions d’euros ponction – nés sur notre budget vont impacter ce plan de numérisation, nous désirons le poursuivre », a déclaré Eric Garandeau, le président du CNC, lors de la réunion du 19 novembre (2). Le gouvernement a en effet prévu, dans le cadre du projet de loi de Finance 2013 de prélever « exceptionnellement » 150 millions d’euros sur le fonds de roulement du CNC, afin de contribuer à la réduction des déficits publics. A cela s’ajoute le risque d’un rejet par la Commission européenne de la TST, la taxe sur les services TV des FAI, soit 140 millions d’euros de manque à gagner pour le CNC. @

Exaspération culturelle

Cette semaine, les médias bruissent de rumeurs concernant la restitution publique des conclusions d’un rapport consacré aux nouvelles orientations de la politique culturelle du pays. Le gouvernement en a fait la commande avec l’espoir, plus ou moins avoué et peut-être illusoire, d’enfin réconcilier promotion de la création nationale et mutation technologique. Cet énième rapport sera-t-il à son tour refermé à peine ouvert après avoir suscité d’âpres débats et fait monter au créneau les représentants des différentes parties prenantes ? Rejoindrat- il ces prédécesseurs, comme le célèbre rapport Lescure de 2013 qui devait déboucher sur une série d’ajustements limités de nombreux dispositifs en place ? Des réformes ambitieuses étaient pourtant attendues, les moins bien intentionnés parlèrent de « rustines » pour le dispositif Hadopi. Un rapport qui signa, quoi qu’il en soit, le passage à un « acte 2 de l’exception culturelle » à la française.

« Les Européens sont ainsi en train d’enrayer
la malédiction selon laquelle les cultures nationales fécondes et originales ne s’exporteraient pas. »

Les livres indisponibles ne seront en ligne qu’en 2014

En fait. Le 8 novembre, lors des Assises du livre numérique, a été esquissé le calendrier de mise en oeuvre de la gestion collective et de l’exploitation des œuvres indisponibles du XXe siècle. Les premiers ebooks seront disponibles
« au 1er trimestre 2014 » via une société commune à la CDC et au Cercle de la librairie.

En clair. A l’heure où une année Internet compte double, voire triple, la filière du livre français a décidé de prendre son temps en se donnant 10 ans pour numériser la totalité des 500.000 œuvres indisponibles du XXe siècle (publiées avant le 1er janvier 2001) – à raison de 50.000 numérisations par an effectuées par la Bibliothèque nationale de France (BnF). De quoi laisser le champ libre aux Google, Apple et Amazon dans la vente de livres numériques en France. D’autant que le premier a déjà signé en juin 2011 avec le Syndicat national de l’édition (SNE) un accord qui porte aussi sur les œuvres épuisés et non réédités (1).
La maîtrise d’ouvrage de la plate-forme numériques des livres indisponibles du XXe siècle – tels que prévus par la loi du 1er mars 2012 – et la publication de la base de données des titres (gérée par la BnF) seront confiées à une société d’exploitation qui devrait être créée « avant le 1er mars 2013 ». Et c’est la Caisse des dépôts et consignations (CDC), bras armé financier de l’Etat, et le Cercle de la librairie, syndicat historique des éditeurs et des libraires (2), qui en seront co-actionnaires. Cette future plate-forme de ebooks rémunérera les ayants droits – à 50/50 entre auteurs et éditeurs – via une société de gestion collective, pour laquelle la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia)
est candidate (gérant déjà les licences légales des bibliothèques et de la copie privée).
Ce projet sera financé par le Grand emprunt à hauteur de plusieurs millions d’euros. « Un budget de l’ordre de 50.000 euros est prévu pour la protection de ces livres numériques contre le piratage en ligne, avec par exemple le watermarking des fichiers », nous a indiqué Régis Habert, en charge du projet au Cercle de la librairie. Mais cette société d’exploitation commune n’aura pas vocation à vendre directement au grand public les ebooks, mais à les proposer aux plateformes de téléchargement ou de streaming de livres numériques comme Numilog (Hachette), Electre (Cercle de la librairie) ou le futur MO3T du consortium d’éditeurs du SNE avec Orange et SFR. Si la disponibilité des premiers fichiers (formats PDF ou EPUB) n’est pas prévue avant dix-huit mois, le programme va en revanche s’accélérer pour les maisons d’éditions et leurs auteurs qui disposeront de six mois pour s’opposer à la gestion collective de leurs œuvres indisponibles. @

Christine Albanel, Orange : « Les géants du Net doivent contribuer au financement de la culture et des réseaux »

Nommée il y a plus de deux ans directrice exécutive de France Télécom, aujourd’hui en charge des événements, des partenariats et de la solidarité d’Orange, l’ancienne ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, répond à nos questions.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Gestion collective : projet de directive en vue

En fait. Le 16 mai, le groupe des socio-démocrates au Parlement européen a indiqué à EM@ qu’il organise le 6 juin une audition sur le thème de la gestion collective des droits d’auteurs – soit quelques jours avant que le commissaire européen Michel Barnier ne présente une proposition de directive en la matière.

En clair. C’est imminent. C’est « avant l’été » (d’ici le 21 juin) que la Commission européenne transmettra sa proposition de directive sur la gestion collective des droits
– adaptée au numérique – au Parlement européen. Une procédure accélérée pourrait être retenue pour que le texte puisse être adopté par le Parlement et le Conseil d’ici la fin de l’année. Pour mettre un terme à la fragmentation actuelle de ce qui devrait être, selon elle, un « marché unique numérique », la Commission européenne va notamment instaurer
des licences multi-territoriales en faveur des services en ligne transfrontaliers. Objectif : faciliter l’octroi d’autorisations paneuropéennes nécessaires à l’exploitation en ligne des œuvres culturelles, y compris pour les petites plateformes d’offres légales sur Internet confrontées aux coûts importants d’acquisition des droits. « De nombreux Européens s’insurgent de ne toujours pas pouvoir accéder sur Internet à des offres légales de qualité et simples d’accès, notamment au-delà des frontières », a d’ailleurs déploré Michel Barnier le 10 mai dernier à Bruxelles (1). Le projet prévoit qu’une société de gestion collective devra gérer non seulement les droits de ses propres membres mais aussi ceux des membres de sociétés de gestion étrangères. Les licences paneuropéennes à mettre
en place devront ainsi favoriser le regroupement ou la mutualisation des répertoires,
afin de réduire le nombre de licences nécessaires.
Il s’agit aussi de renforcer la gouvernance et la transparence de la centaine de sociétés de gestion collective en Europe, lesquelles perçoivent quelque 4,6 milliards d’euros par an. « Certaines sociétés de gestion collective ne reversent pas autant d’argent qu’elles pourraient le faire aux ayants droits, ou dans un délai parfois déraisonnable. (…) [Il faut] clarifier l’application du droit d’auteur en trouvant un point d’équilibre entre mise à disposition la plus large possible des œuvres sur Internet et juste rémunération de la création », a expliqué Michel Barnier. La Commission européenne veut créer les conditions d’un « pacte numérique entre les citoyens et les créateurs », selon les propres termes du commissaire européen qui veut ménager la chèvre (l’internaute voulant une offre plus riche en ligne) et le chou (les créateurs voulant être mieux rémunérés lors de
la mise en ligne de leurs œuvres). @