Warner Music Group (Access Industries) en Bourse sert de lièvre pour Universal Music Group (Vivendi)

L’entrée en Bourse réussie le 3 juin de la troisième major mondiale de la musique enregistrée, Warner Music, est de bon augure pour la première major du secteur, Universal Music, dont la maison mère Vivendi prévoit sa cotation « au plus tard début 2023 ». A moins que Vincent Bolloré n’accélère.

Maintenant qu’il n’est plus accaparé par le groupe Lagardère, dont il a fait l’acquisition de 10,6 % du capital, grâce à la vente finalisée le 31 mars dernier de 10 % du capital de sa filiale Universal Music Group (UMG) au chinois Tencent, le groupe Vivendi présidé par Vincent Bolloré (photo de droite) prépare l’introduction en Bourse de sa filiale musicale qu’il prévoit « au plus tard début 2023 ». La cotation boursière réussie au Nasdaq à Wall Street de sa rivale et troisième « maison de disques » mondiale Warner Music Group (WMG) incitera-t-il le milliardaire breton à accélérer la cadence vers la mise en bourse du numéro un mondial de la musique enregistrée ?

Spotify fait gagner beaucoup d’argent aux labels et majors de la musique mais reste encore déficitaire

Fondée par Daniel Ek en 2006 et éditrice de la plateforme de streaming musical ouverte au public en 2008, la société suédoise Spotify reste désespérément déficitaire. Pourtant, grand paradoxe de la filière musicale, elle est la première à contribuer aux revenus de la musique en ligne dans le monde.

De Paris à Washington, les producteurs de musique – les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music en tête – sont unanimes : les plateformes de streaming, au premier rang desquelles Spotify, leur rapporte de plus en plus d’argent. Le streaming musical est même devenu leur première source de revenu, loin devant les ventes physiques et les téléchargements de musiques enregistrées. Pourtant, depuis sa création en avril 2006, la société suédoise dirigée par Daniel Ek (photo) est toujours déficitaire.

Imaginez que Netflix rachète EuropaCorp, la mini-major française de Luc Besson en difficulté

EuropaCorp, la société de production de Luc Besson, baptisée ainsi il y aura 20 ans cette année, va-t-elle survivre ? La procédure de sauvegarde, ouverte l’an dernier par le tribunal de commerce de Bobigny, s’achève le 13 mai. D’ultimes discussions sont en cours pour « une éventuelle prise de participation au capital », voire plus si affinitées.

Il y a deux ans, le 30 janvier 2018, le magazine américain Variety révélait des discussions entre Netflix et EuropaCorp. Le numéro un mondial de la SVOD était non seulement intéressé à ce que Luc Besson (photo) produise des films en exclusivité pour sa plateforme (des « Netflix Originals »), mais aussi par le rachat éventuel de la totalité du catalogue d’EuropaCorp (valorisé à l’époque 150 millions d’euros), voire par une entrée au capital de la minimajor du cinéma français. A l’époque la société de production de Saint-Denis, plombée par les performances décevantes du film à très gros budget « Valérian et la Cité des mille planètes » (sorti en juillet 2017 et ayant coûté 200 millions d’euros), était lourdement endettée de plus de 235 millions d’euros (1). Vingt-quatre mois plus tard, Netflix n’a toujours pas racheté EuropaCorp. Mais l’entreprise de Luc Besson n’a cessé depuis d’être en difficulté financière, malgré une dette nette ramenée à 163,9 millions d’euros au 30 septembre 2019. Au bord de la faillite, elle a obtenu en mai 2019 une procédure de sauvegarde auprès du tribunal de commerce de Bobigny, lequel l’a prolongée à deux reprises – soit jusqu’au 13 mai 2020. EuropaCorp a justifié ce sursis supplémentaire pour lui permettre de « finaliser son plan de sauvegarde » mais aussi « compte tenu de la confiance qu[e le conseil d’administration présidé par Luc Besson] a dans l’issue positive des discussions actuellement en cours, avant l’expiration de la période d’observation ».

Olivier Nusse, président d’Universal Music France : « Il faut démocratiser le streaming par abonnement »

Président d’Universal Music France, filiale du premier producteur mondial
de musique, et depuis neuf mois président du syndicat français représentant notamment les majors (Snep), Olivier Nusse déplore que Spotify, Apple Music ou Deezer ne fassent pas mieux connaître le streaming par abonnement en France.

Le streaming musical a beau représenter en 2018 – et pour la première – plus de la moitié (50,1 %) du chiffre d’affaires de la musique enregistrée en France, soit 300,9 millions d’euros sur
un marché total de 581,3 millions d’euros, et compter 5,5 millions d’abonnés à ce type d’écoute audio, cela ne satisfait pas Olivier Nusse (photo). Président d’Universal Music France depuis plus
de trois ans et, depuis neuf mois, président du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), il estime que les plateformes de streaming – au premier rang desquelles Spotify, Apple Music et Deezer – ne font pas assez en France la pédagogie du streaming par abonnement. « Atteindre 5,5 millions d’abonnés en France en 2018, c’est encourageant : il y en a 1 million de plus en un an. Mais c’est un vrai challenge car c’est à peine 10 % de taux de pénétration [par rapport à la population française et ses 67 millions d’habitants, ndlr]. Certains autres territoires atteignent 20 % à 25 %. Je pose la question : est-ce que l’on a réussi à suffisamment démocratiser cet usage (du streaming musical par abonnement), le faire comprendre, pour qu’il ait une vraie croissance du nombre d’abonnés en France ? », s’est-il demandé lors de la conférence annuelle du Snep, le 14 mars dernier.

Avant le Midem, Sony et YouTube montent le son

En fait. Du 5 au 8 juin se tiendra à Cannes le 52e Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem). Sony et YouTube n’ont pas attendu ce rendez-vous professionnel B2B pour bousculer – le 22 mai – le monde de la musique, le premier en rachetant EMI et le second en lançant YouTube Music.

En clair. Le streaming n’en finit pas de rebattre les cartes de la musique
en ligne. Coup sur coup, le 22 mai dernier, deux géants mondiaux du divertissement se sont, chacun dans leur domaine respectif, renforcés dans la musique enregistrée. Sony a annoncé la prise de contrôle d’EMI Music Publishing pour 2,3 milliards de dollars, devenant ainsi le premier éditeur de musique au monde devant Universal Music (Vivendi) et Warner Music (Access Industries). Le groupe japonais, qui a un nouveau PDG depuis avril en la personne de Kenichiro Yoshida, porte en effet à 90 % sa participation dans le capital de EMI Music, dont il détenait déjà 30 %, en rachetant la participation de 60 % de Mubadala Investment Company (un fonds souverain d’Abou Dabi). De son côté, la filiale de Google lance une nouvelle offre du service de streaming musical YouTube Music qui remplacera à terme Google Play Music, d’une part, et YouTube Red, d’autre part. Le nouveau YouTube Music, plateforme distincte du YouTube vidéo historique, se décline en deux offres : l’une financée par la publicité (le YouTube Music préexistant mais réinventé), l’autre par abonnement mensuel (YouTube Music Premium à 9,99 dollars par mois).
En ce qui concerne Sony-EMI, il ne s’agit pour l’instant que d’un memorandum of understanding (entre Sony Corporation of America et EMI alias DH Publishing basé dans les Iles Caïmans) qui se concrétisera en transaction financière si les autorités antitrust ne bloquent pas l’opération (1). Le nouveau YouTube Music, lui, est d’abord lancé aux Etats-Unis, au Mexique, en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Corée du Sud. Les autres pays, dont la France, seront concernés prochainement (2). Ces deux annonces ont non seulement la musique comme point commun mais aussi le streaming par abonnement, dont les revenus en forte croissance permettent à cette industrie culturelle de se redresser après l’effondrement des ventes de disques physiques (CD, DVD, vinyle). En tant que détenteur et gestionnaire des droits d’auteur (EMI ayant par exemple Kanye West, Queen, Norah Jones, Sam Smith, Sia ou Pharrell Williams à son catalogue), Sony touche les royalties du streaming grâce à ses accords avec Spotify, Apple Music ou encore… YouTube. YouTube Music, justement, entend aussi surfer sur la vague du streaming musical en remettant un peu d’ordre et de cohérence dans ses offres de musique en ligne jusque-là dispersées. @