Eric Walter, Hadopi : « On ne peut plus légiférer en 2014 contre le piratage comme on l’a fait en 2009 »

La Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) aura 5 ans le 12 juin. « Si c’était à refaire aujourd’hui, le texte serait sans doute différent » nous dit son secrétaire général, qui dresse un bilan
« largement positif » avec le piratage « stabilisé ». Le nombre de 100 dossiers transmis à la justice est atteint.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Eric WalterEdition Multimédi@ : La loi Hadopi du 12 juin 2009, instaurant
la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, a 5 ans dans quelques jours. Quel bilan faites-vous de ce texte de loi très controversé ? Si c’était à refaire, faudrait-il l’adopter en l’état ?
Eric Walter :
Je n’ai pas à faire le bilan du texte. C’est une responsabilité qui appartient au législateur.
En revanche, nous pouvons dresser un bilan de la mise en oeuvre.
Il est largement positif, au delà des controverses qui, pour beaucoup, se nourrissent d’approximations voire souvent d’erreurs.
Le téléchargement illicite est désormais stabilisé. Nous ne nous en attribuons pas tout
le mérite, mais que l’existence même d’Hadopi et les débats qui l’ont entourée y aient contribué me semble une évidence difficile à contredire.

L’annulation de la directive « Conservation des données » crée un vide juridique inquiétant

Par son arrêt du 8 avril, la Cour de Justice européenne vient d’invalider la directive « Conservation de certaines données » qu’elle juge nécessaire mais trop intrusive. Des révisions nationales sont à prévoir. C’est aussi une brèche ouverte à une multitude de recours individuels ou collectifs.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Saisis par deux questions préjudicielles, les juges européens ont invalidé entièrement la directive sur la conservation des données par les services de communications électroniques
(1) en caractérisant une « ingérence vaste et particulièrement grave » dans les droits garantis aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2) – lesquels garantissent respectivement le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel.

My Justice

Si la justice est souvent considérée comme un monde à part, que les citoyens espèrent croiser le moins possible, elle n’avait cependant aucune raison d’être tenue à l’écart de la révolution numérique. Longtemps en retrait, la planète Justice est finalement entrée dans une phase active de modernisation
au point qu’un juge des années 2000 y perdrait son latin. Même si certains symboles pourraient faire croire le contraire : les perruques anglo-saxonnes et les robes latines sont toujours bien là pour témoigner de l’immanence et de la permanence de la justice. Pour le reste, changement dans tous les prétoires ! La justice est aujourd’hui entièrement numérique. Les montagnes de papiers, qui ont de tout temps symbolisées les bureaux du personnel judiciaire, ont pratiquement disparu sous la force de la vague digitale : comptes rendus, minutes, jugements et autres arrêts ont cédé leur place à des banques de données. Outre l’avantage de soulager les greffes, il s’agissait d’augmenter la fiabilité des documents : fini, ou presque, les pertes ou les erreurs de classement dans le traitement d’un dossier pénal. En France, c’est véritablement le lancement des projets « télérecours » en 2012 et « e-barreau » dès 2004, vaste réseau informatique virtuel privé des avocats et des greffiers des tribunaux, qui ont signé l’entrée de la justice dans l’ère numérique : données mises à jour en temps réel, élimination des temps morts et circulation des dossiers imposants et ventrus réduits à une poignée de données. Ce qui a sans doute fasciné au début les plus anciens formés à l’ombre des bibliothèques, c’est la puissance de la recherche automatique permettant de retrouver en un clic un arrêt ou un mot précis. Les scènes mythiques d’avocats penchés sur leurs grimoires ou perchés sur des échelles, à la recherche de l’article qui leur permettra de porter l’estocade au camp adverse, sont révolues.

« Une justice directe a émergé : des particuliers
se rendent entre eux – via des plateformes en ligne –
des services juridiques »

Accords entre cinéma et TV payantes : l’Europe enquête sur la protection territoriale absolue

A l’heure du satellite et du Net sans frontières, la Commission européenne vérifie
si les accords de licence entre les studios de cinéma et les chaînes de télévision payantes comportent des clauses dites de « protection territoriale absolue » de nature à restreindre indûment la concurrence.

Par Christophe Clarenc (photo) et Martin Drago, Cabinet Dunaud, Clarenc Combles & Associés

La Commission européenne a annoncé, le 13 janvier dernier, l’ouverture d’une enquête de concurrence portant sur « les restrictions qui pèsent sur la fourniture transfrontalière de services de télévision payante » (1) dans les accords de licence entre les grands studios de production américains – Twentieth Century Fox, Warner Bros., Sony Pictures, NBCUniversal et Paramount Pictures – et les principaux télédiffuseurs payants en Europe – Canal Plus en France, BSkyB au Royaume-Uni, Sky Italia en Italie, Sky Deutschland en Allemagne et DTS en Espagne.

La nouvelle loi « militaire » relance le débat entre sécurité renforcée et liberté sur Internet

La loi de programmation militaire, promulguée le 19 décembre 2013 sans avis
de la Cnil, élargit considérablement – voire trop – le périmètre d’accès aux données numériques. Mais les interceptions des communications sur les réseaux, par les autorités publiques et judiciaires, ne datent pas d’hier.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

L’article 20 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire (LPM (1)) intitulé « Accès administratif aux données de connexion » a, à lui seul, suscité une polémique largement relayée par les médias et les réseaux. Selon eux, cet article – qui prendra effet à compter du 1er janvier 2015, en élargissant le régime et les modalités d’accès des services de renseignement de l’Etat aux informations ou documents ainsi qu’aux données de connexion et de géolocalisation – instituerait un contrôle des pouvoirs publics sans précédent, augmentant ainsi les risques d’atteintes aux libertés individuelles.