Après l’accord Hachette-Amazon, les auteurs réclament

En fait. Le 13 novembre, Hachette et Amazon ont annoncé avoir enterré la hache de guerre après un conflit de plusieurs mois sur le prix des ebooks aux Etats-Unis. Aux termes de leur accord, Hachette gardera le contrôle sur leur prix de vente et Amazon obtient de l’éditeur la baisse possible de leur tarifs.

En clair. « Nous sommes heureux de ce nouvel accord car il inclut des incitations financières spécifiques à l’attention d’Hachette en vue de baisser les prix, ce qui constitue selon nous une grande victoire pour les lecteurs comme pour les auteurs »,
a fait valoir de son côté David Naggar, vice-président d’Amazon en charge de Kindle, dans un communiqué commun avec Hachette. Mais un conflit peut en cacher un autre : les auteurs qui ont apporté aux Etats-Unis leur soutien à Hachette durant ces négociations sur les ventes de livres imprimés et numériques, voudraient être récompensés par leur éditeur. Les auteurs demandent en effet maintenant à Hachette
– numéro quatre de l’édition en ligne aux Etats-Unis – de partager plus d’argent que ce qu’ils perçoivent de lui des ventes de leurs ebooks. Actuellement, environ 30 % du prix de vente d’un titre digital revient à Amazon et 70 % à l’éditeur et l’auteur – ce dernier ne percevant en fin de compte qu’environ 17 %.

Les auteurs affirment que leur rémunération devrait être plus importante, parce qu’il n’y a aucun coût de fabrication et de distribution associé aux livres numériques. « Notre espoir est qu’Hachette, à la lumière de la fidélité que ses auteurs ont montrée tout au long de cette bataille, saisisse l’occasion de revoir son taux standard de redevance des livres électroniques de 25 % des profit nets de l’éditeur », a déclaré le président de la Authors Guild, le jour même de l’accord entre Hachette et Amazon. The Authors Guild, plus que centenaire, est la puissante organisation américaine représentant plus de 9.000 écrivains. Elle s’est notamment distinguée en lançant contre Google en 2005
une class-action pour avoir scanné des millions de livres sans l’autorisation des ayants droits (1).

En juillet dernier, face à Hachette, Amazon a défendu des prix de livre électronique inférieurs – par exemple pas plus de 9,99 dollars – avec 35 % allant à l’auteur, 35 %
à l’éditeur et 30% à la plateforme de e-commerce. Mais la filiale américaine Hachette Book Group (HBG) de Lagardère en exigeait plus – 12,99 à 19,99 dollars – sans augmenter la part des auteurs. Le 9 août dernier, Amazon avait pris l’initiative de lancer Readers United pour rallier les auteurs à sa cause. Le lendemain, Hachette lançait Authors United (2). Pas sûr que le compromis trouvé outre-Atlantique puisse être transposable en France, le pays du prix unique (3) du livre… @

Accord Orange-sociétés d’auteurs étendu aux mobiles

En fait. Le 18 novembre, Orange et les sociétés d’auteurs ADAGP, SACD, Sacem
et Scam ont annoncé un accord sur « la distribution des programmes de télévision et l’exploitation des œuvres des répertoires des sociétés d’auteurs par ADSL, fibre optique, satellite mais également sur mobile ». Et les autres FAI ?

En clair. « Cet accord de renouvellement Orange comprend un accord pour le mobile, d’une part, un autre pour le satellite et l’Internet fixe, d’autre part, selon des règles classiques du droit d’auteur, c’est-à-dire un mécanisme de rémunération proportionnelle
à des recettes et non un forfait », nous a précisé Hervé Rony, directeur général de la Scam. Mais cet accord comportant une clause confidentialité, n’est pas divulgué. Et d’ajouter : « Par ailleurs, nous poursuivons nos négociations avec tous les autres opérateurs ADSL ». Aucun autre renouvellement d’accord n’a donc été signé à ce jour avec SFR, Bouygues Telecom, Numericable ou encore Free. Ce dernier avait été le tout premier fournisseur d’accès à Internet (FAI) à signer – en mars 2005 – un accord avec
la Sacem (musique), la SACD (arts dramatiques), la Scam (multimédia) et l’ADAGP (arts graphiques et plastiques), aux termes duquel il doit reverser un pourcentage des recettes de la Freebox TV aux ayants droits. Les renégociations avec les FAI ne sont pas passées comme une lettre à la poste : il a fallu « de longs mois de discussion » avec Orange, selon Marie- Anne Ferry-Fall, directrice générale de l’ADAGP, pour arriver un cet accord. D’autant que le premier accord signé avec France Télécom jusqu’au 31 décembre 2010 avait dû être âprement rediscuté sur de nouvelles bases, à la suite de la disparition du taux de TVA à 5,5 % sur la part télévision des offres triple play (1) et le passage de l’abonnement en totalité à un taux de 19,6 %.

Les opérateurs de triple play ont tenté de faire baisser les prélèvements. Finalement,
un accord avait été trouvé mi-2011. C’est cet accord d’il y a deux ans qui vient d’être renouvelé. « C’est un renouvellement des accords concernant la partie audiovisuel du triple play fixe. La nouveauté, c’est qu’il inclut aussi les usages en portabilité », nous a aussi expliqué Pascal Rogard, directeur général de la SACD. « Il définit les conditions de la rémunération des auteurs au titre de la distribution des programmes de télévision mais également parce qu’il étend pour la première fois cette rémunération aux accès sur mobile (tablettes, téléphones) appelés à se développer ». Mais les FAI ne sont pas les seuls concernés : YouTube, Dailymotion, Videofutur ou encore CanalPlay Infinity ont également signé des accords similaires avec des sociétés d’auteurs. @

Cinéma : les malentendus demeurent avec Bruxelles

En fait. Le 24 octobre, ont débuté à Dijon les 23e Rencontres cinématographiques de l’ARP (association des Auteurs, réalisateurs et producteurs) qui avait invité
le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Ce dernier a décliné.

En clair. Le Conseil de l’Union européenne consacré au numérique des 24 et 25 octobre à Bruxelles se tient en même tant que les Rencontres cinématographiques à Dijon. C’est la raison pour laquelle José Manuel Barroso a décliné l’invitation de l’ARP
à participer au débat « Le cinéma est-il euro compatible ? ». L’ARP avait motivé son invitation au président de la Commission européenne « pour, une bonne fois pour toutes, dissiper tout malentendu entre nous ». Le monde du cinéma français aurait voulu « lever certaines ambiguïtés ». Et ce, non seulement à la veille de la présentation par Bruxelles de la nouvelle communication « Cinéma », laquelle pourrait limiter les aides d’Etat au cinéma et les conditionner à la meilleure circulation des œuvres sur
les plateformes numériques (1), mais aussi avant les deux prochains rounds de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis en vue d’un accord de libre-échange transatlantique (2).

Depuis le compromis trouvé par le Conseil européen du 14 juin dernier, consistant à
« discuter plus tard » (3) des services audiovisuels dans le cadre de ces négociations, l’inquiétude demeure chez les professionnels du cinéma et de la culture arc-boutés sur
l’« exception culturelle française ». Il faut dire que la polémique déclenchée avant l’été par la France avait amené José Manuel Barroso à fustiger dans l’International Herald Tribune du 17 juin la « vision anti-mondialisation réactionnaire » de ceux qui veulent exclure les services audiovisuels des négociations – provoquant l’ire de la France. Quatre mois et un premier round de négociation US-UE (8- 12 juillet à Washington) plus tard, les services audiovisuels à l’heure de la VOD et de la catch up TV planent toujours sur les négociations qui vont se poursuivre lors des deux prochains rounds prévus d’ici la fin de l’année. En sera-t-il question dans le rapport que le CNNum doit remettre d’ici fin mars 2014 à ministre Nicole Bricq sur les enjeux du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) pour le secteur du numérique ? Le second round, qui était prévu du 7 au 11 octobre à Bruxelles, a dû être annulé en raison du shutdown de l’administration américaine. Quoi qu’il en soit, le président de la Commission européenne assure l’ARP de son « attachement personnel à la culture (…) et, en particulier, à la défense de la diversité culturelle ». @

Salon du livre de Francfort : l’édition sans éditeurs ?

En fait. Le 9 octobre, la 65e édition du salon du livre de Francfort – le Frankfurt Book Fair, organisé par l’association allemande des éditeurs et des libraires – a ouvert ses portes et… ses livres. Pour la première fois, un espace « Self-Publishing Area » met en avant les plates-formes d’auto-édition.

En clair. La vente directe, de l’auteur au lecteur ! Telle est la nouvelle tendance de l’industrie du livre. L’auto-édition, qui permet aux auteurs de se publier eux-mêmes sans passer par une maison d’édition et de percevoir jusqu’à 70 % du prix de leurs œuvres vendues directement au public (1), est à l’honneur du salon du livre de Francfort. « Nous avons environ 300 self-publishers », nous indiquent les organisateurs. Cela va du géant Amazon avec KDP (Kindle Direct Publishing) à de nombreuses start-up venant des quatre coins du monde, telles que Books on Demand (BoD), Epubli, Redshelf, Widbook (2) ou encore Xlibris.
Selon une étude de New Publisher House, le marché de l’autoédition pèserait déjà 52 milliards de dollars de chiffre d’affaires aux Etats-Unis. Ailleurs, les chiffres manquent.
En France, la BnF estime à 12 % la part du dépôt légal français concernant des livres auto-édités (imprimés et numériques). Le Syndicat national de l’édition (SNE) nous
indique n’interroger ses adhérents que sur leur activité, d’autant qu’il nous précise que
ses membres « doivent être éditeurs à compte d’éditeur » s’ils veulent adhérer. Les plates-formes d’auto-édition, qui font peur à bon nombre de maisons d’éditions (3), ne
sont pas les bienvenues au SNE. « Nous observons simplement que dès lors qu’un auteur auto-édité remporte un certain succès, il se tourne vers un éditeur professionnel », souligne le syndicat. Tout juste sait-on que l’édition numérique a généré en France 81,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, soit 3 % des revenus totaux des éditeurs.

Une chose est sûre : une écrasante majorité de Français (74 %) « ne croit plus à l’édition traditionnelle » (40 % « pas trop », 34 % « pas du tout »). C’est ce qui ressort d’un sondage réalisé en ligne par un acteur français de l’auto-édition, Edilivre. Ce désamour profite à l’auto-édition qui serait préféré par une majorité (53 %) de sondés s’ils devaient proposer un manuscrit, contre seulement 6 % qui iraient le confier à des éditeurs traditionnels. Les auto-édités sont convaincus du principe : 38 % refuseraient de passer de l’autoédition à un éditeur traditionnel s’ils en avaient la possibilité pour des questions de liberté et de rémunération). Et ils sont même 35 % à parier que l’auto-édition remplacera l’édition traditionnelle dans 100 ans ! @

Lescure : les producteurs contre la gestion collective

En fait. Le 12 juin, Pierre Lescure, président de la mission « Acte II de l’exception culturelle », et Jean- Baptiste Gourdin, rapporteur général, ont été auditionnés par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Ils ont à nouveau insisté sur la gestion collective à l’ère du numérique.

En clair. « La gestion collective, loin d’être un archaïsme, est LE mode de gestion adapté à l’exploitation numérique des oeuvres, laquelle se caractérise par des nano paiements
et une multitude de micro transactions. La gestion collective est le système, même en termes économiques, le plus adapté à cette exploitation. (…) C’est ce système que nous voulons généraliser », a insisté Jean-Baptiste Gourdin, rapporteur général de la mission
« Acte II de l’exception culturelle » (1). Ce plaidoyer pour la gestion collective agace les producteurs, aussi bien de musiques que de films, très attachés à la gestion individuelle des auteurs. « Cette collectivisation à marche forcée, nous y sommes opposés. (…) La gestion collective est portée auprès du ministère de la Culture par l’Adami (2) », a fustigé Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) le 31 mai dernier. Il compte bien « rectifier et corriger » les propositions du rapport Lescure dès ce mois de juin lors des réunions de travail avec le ministère de la Culture et de la Communication. « En quoi un système de gestion collective crée de la valeur et en quoi il est meilleur que le système actuel ? (…) Nous ne voulons pas de gestion collective obligatoire [en cas de refus de négocier, ndlr] », a ajouté Stéphane Le Tavernier, président du Snep, en indiquant avoir confié avec l’UPFI (3) au cabinet Ernst & Young la réalisation pour « fin juin – début juillet » d’un audit pour comparer les modèles économiques. Quant aux producteurs de cinéma, ils défendent aussi leurs droits exclusifs sur les films.
Mais la mission Lescure n’en démord pas devant les députés : il faut des négociations interprofessionnelles entre les syndicats des industries culturelles et, pour la mise en oeuvre, les sociétés de gestion collective afin de garantir la rémunération des auteurs et des artistes à l’heure d’Internet. « Ce n’est pas une solution irréaliste car elle fonctionne déjà dans certains secteurs : par exemple, dans le domaine de la VOD, les auteurs sont rémunérés par la SACD (4) qui collecte directement les rémunérations auprès des plates-formes vidéo de type iTunes [mais aussi Dailymotion, YouTube, CanalPlay Infinity, Filmo TV et depuis juin Videofutur, ndlr]. Et ce, en vertu d’un accord avec les producteurs ».
Ces derniers n’ont en tout cas pas dit leur dernier mot… @