Le cinéma veut une « plateforme de suivi de la VOD » et un forum « TV connectée »

Selon nos informations, l’APC – qui par ailleurs passe à l’offensive contre les sites de streaming pirates – espère pouvoir lancer en 2012 une plateforme de suivi en temps réel de la VOD, pour les films, et demande aux pouvoirs publics de créer un forum consacré à la télévision connectée.

Par Charles de Laubier

Dans deux contributions – l’une du 7 octobre pour le « Plan France numérique 2020 » mis en ligne lors de 4e Assises du numérique, l’autre du 28 septembre pour la « mission sur la télévision connectée » que Edition Multimédi@ s’est procurée –, l’Association des producteurs de cinéma (APC) fait des propositions pour que les films soient valorisés et protégés sur les réseaux. Deux d’entre elles concernent respectivement la vidéo à la demande (VOD) et la TV connectée.

« Identifiant commun » pour les films
L’APC, qui regroupe 120 producteurs de films français et assure en outre cette année la présidence du Bloc (1), dévoile ainsi son projet de plateforme de suivi de la VOD que l’APC compte mettre en oeuvre l’an prochain. « Le marché devra s’adapter aux nouveaux usages numériques, en créant de nouveaux outils de mesure. L’APC mène à ce titre une étude de faisabilité en vue de lancer en 2012 une plateforme de suivi des exploitations de [VOD] en temps réel », explique l’association présidée par la productrice Anne-Dominique Toussaint (2). Ce projet de plateforme de « mesure » en temps réel des films sur les services de VOD a pour ambition de « faire circuler les oeuvres et promouvoir l’offre légale ». L’un des enjeux est d’assurer une « intégration sécurisée et non intrusive » dans les différents sites web de VOD existants. A noter que l’APC est membre de l’Alpa, l’association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, présidée par Nicolas Seydoux (3), et demande à la justice que moteurs de recherche et FAI bloquent quatres sites de streaming (Google l’ayant déjà fait pour Allostreaming). La futur plateforme de suivi a déjà été labellisée, il a un an par le RIAM (4), le réseau de recherche et d’innovation en audiovisuel et multimédia créé il y a dix ans par le ministère de l’Industrie et le CNC (5) qui le pilote. Oséo Innovation en assure la gestion, la Ficam (6) le pilotage technique.

Il est prévu que ce projet, subventionné par le CNC/RIAM, aboutisse en février 2012. « Dans le cadre de ce projet, l’APC préconise la création d’une association, destinée à définir les grands axes souhaités pour l’outil de suivi, qui pourrait également favoriser la concertation [avec notamment les sites de VOD et les distributeurs que sont les FAI, ndlr] sur d’autres sujets techniques comme de lui d’un identifiant commun pour la mise à disposition des œuvres en [VOD] », peut-on lire dans les deux contributions. Certains sujets, tels que la préconisation d’un « identifiant commun » pour les films mis en ligne sur Internet, sont également au coeur de la seconde des propositions de l’APC : la création d’un forum consacré à la télévision connectée. « De même qu’a été créé le forum HD, on pourrait envisager la création d’un forum ‘‘TV connectée’’. Pour définir les grands champs d’action, la création d’un tel outil de concertation à travers la constitution d’une association avec plusieurs collèges devrait être envisagée », explique le syndicat professionnel des producteurs de cinéma français, qui appelle ainsi à « une coordination globale des acteurs concernés par les évolutions majeures du numérique ». Les travaux de ce Forum TV connectée porteront sur « des sujets aussi variés que fondamentaux, parmi lesquels figurent l’ergonomie des offres de [VOD] et des EPG/ESG (7), les outils de paiement en ligne, l’identifiant des œuvres cinématographiques et audiovisuelles mises à disposition sur les plateformes numériques, … ». Il s’agit de faire en sorte que non seulement « la transition vers ces nouveaux usages soit réalisée de façon cohérente notamment vis-à-vis du public », tandis que « les acteurs français et européens du numérique pourront ainsi agir d’un bloc face aux nouveaux entrants étrangers ». Ces derniers peuvent être Netflix, Apple TV, Google TV/YouTube ou d’autres acteurs, les Over-The-Top (OTT), comme les fournisseurs de contenus vidéo sur le Web. « Il s’agit, notamment dans le cadre de l’arrivée de la télévision numérique, de favoriser les accords industriels entre les chaînes de télévision, les fournisseurs d’accès, les fabricants de terminaux et les producteurs, avec l’appui des autorités de régulation, CSA et Arcep », poursuit l’APC.

Taxe Cosip pour fabricants de terminaux
Les producteurs du cinéma français demandent notamment aux pouvoirs publics « d’instaurer une contribution à l’investissement dans la création cinématographique
et audiovisuelle de la part des fabricants de terminaux de réception de contenus audiovisuels [téléviseurs connectés, tablettes multimédias, smartphones, voire ordinateurs, ndlr] ». Cette exigence, portée par le Bloc depuis sa contribution au rapport « Création & Internet » alias « Zelnik » (8), a déjà reçu un écho favorable dans le rapport « Audiovisuel 2015 » de Dominique Richard (voir EM@34). Et le plan France numérique 2020, dévoilé le 30 novembre, mentionne les fabricants de terminaux parmi les contributeurs à la création. @

Apple, Amazon, Google, … Les industries culturelles veulent taxer le « cloud computing »

Selon nos informations, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) demande à Apple, Amazon ou encore Google de les auditionner sur leur « nuage informatique », dans le but de savoir comment les faire contribuer à la création et rémunérer la copie privée.

Par Charles de Laubier

Après une réunion sur le cloud computing qui s’est tenue le 6 octobre dernier au ministère de la Culture et de la Communication, le prochain rendez-vous du CSPLA – prévu en séance plénière le 3 novembre prochain – sera déterminante. Cette instance parapublique – qui est la seule à réunir ayants droits, producteurs, éditeurs, radiodiffuseurs, télé-diffuseurs, plateformes web, fournisseurs d’accès à Internet (FAI), opérateurs télécoms et consommateurs – s’est remise au travail en juin, après trois ans de mise en veille.

Amazon et Apple bientôt auditionnés
Parmi les nouveaux chevaux de bataille du CSPLA, présidé depuis un an par Sylvie Hubac (1) : le cloud computing, qui fait l’objet d’une «mission exploratoire » pour l’aider dans ses réflexions sur « la territorialité » du droit d’auteur, « l’avenir » de la copie privée ou encore « le blanchiment » des fichiers piratés. Selon les informations de Edition Multimédi@, des ayants droits de la musique (Sacem/SDRM, Snep/SCPP, SPPF, Spedidam, Adami, …), du cinéma (SACD, Procirep, …), des livres (SNE, SGDL), des oeuvres multimédias (Scam) et des arts graphiques (ADAGP) veulent mettre à contribution les fournisseurs de service de cloud computing pour financer la création et rémunérer la copie privée (2). Pour cela, ils veulent d’abord auditionner courant novembre Amazon et Apple à propos de leur nuage informatique respectif : Kindle Cloud/WhisperSync et iCloud/iTunes Match. C’est justement en novembre que la marque à la pomme devrait lancer en France son service en ligne iTunes Match. Déjà disponible depuis août en version bêta aux Etats-Unis, il permet de mettre sa propre discothèque musicale – de titres achetés sur iTunes Store ou téléchargés légalement ou pas ailleurs – dans l’iCloud (moyennant 24,99 dollars par an). Lors de la réunion du 6 octobre, les ayants droits ont déjà pu entendre la directrice juridique de Google France à propos notamment du « nuage » Google Music qui est, lui aussi, en version bêta depuis son lancement en mai dernier. Mais aux dires de personnes présentes au CSPLA, elle serait restée « plutôt évasive » sur ce nouveau service musical non encore disponible en Europe.

Les représentants des industries culturelles ont également eu droit à une présentation d’un ingénieur des Mines du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, David Philipona, pour tenter de trouver une définition au cloud computing. Mais, là aussi, les ayants droits n’ont pas vraiment obtenir les clarifications souhaitées. Il s’agit notamment pour eux de savoir si la taxe « copie privée » peut-être étendue au nuage, quitte à ce que la Commission chargée de la rémunération pour copie privée (présidée par Raphaël Hadas-Lebel) reprenne à son tour le flambeau. Mais, toujours selon nos informations, le CSPLA se demande s’il ne faut pas également réviser les licences d’exploitation et de diffusion des oeuvres sur Internet. « Y a-t-il nécessité d’acquérir des licences avec les éditeurs de contenu audio et vidéo pour permettre aux utilisateurs de consulter leurs propres bibliothèques musicales ou vidéothèques en streaming ? Y a-t-il nécessité de telles licences lorsque ces fichiers peuvent être partagés avec d’autres utilisateurs ? Quelle incidence pour les licences en cours ? », lit-on sur l’ordre du jour de la séance. Le nuage permet en effet aux internautes ou mobinautes de stocker à distance, d’écouter et de partager – à partir de n’importe quels terminaux – leur propre discothèque, vidéothèque, voire « multi-médiathèque ». Mais cela pose le problème de la territorialité du droit d’auteur et de la législation applicable en matière de financement de la création, lorsque le contenu est mis à disposition et stocké ailleurs qu’en France (3). Faut-il en outre que les nuages des Amazon, Apple et autres Google contribuent au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) que gère le CNC (4) ? Doivent-il être taxés par le futur Centre national de la musique (CNM).

Piratage : l’hébergeur responsable ?
Autre préoccupation du CSPLA : le piratage. La musique, le cinéma ou encore l’édition se demandent ce qu’il advient lorsque des fichiers piratés sont hébergés dans le nuage : « Quelle responsabilité de l’hébergeur ? Y-a-t-il un risque de “blanchiment“ des fichiers piratés par le fournisseur qui les valide ? ». Sur la sécurité des données et la protection des identités d’accès au nuage, le CSPLA rejoint là les préoccupation de la Cnil qui a lancé – du 17 octobre jusqu’au 17 novembre – une consultation auprès des professionnels. Mais la démarche de la Cnil ne concerne pas des offres de cloud computing proposées aux particuliers. @

Apple, Amazon, Google, … Les industries culturelles veulent taxer le « cloud computing »

Selon nos informations, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) demande à Apple, Amazon ou encore Google de les auditionner sur leur
« nuage informatique », dans le but de savoir comment les faire contribuer à la création et rémunérer la copie privée.

Après une réunion sur le cloud computing qui s’est tenue le 6 octobre dernier au ministère de la Culture et de la Communication, le prochain rendez-vous du CSPLA – prévu en séance plénière le 3 novembre prochain – sera déterminante. Cette instance parapublique – qui est la seule à réunir ayants droits, producteurs, éditeurs, radiodiffuseurs, télé-diffuseurs, plateformes web, fournisseurs d’accès à Internet (FAI), opérateurs télécoms et consommateurs – s’est remise au travail en juin, après trois ans de mise en veille.

Amazon et Apple bientôt auditionnés
Parmi les nouveaux chevaux de bataille du CSPLA, présidé depuis un an par Sylvie Hubac (1) : le cloud computing, qui fait l’objet d’une «mission exploratoire » pour l’aider dans ses réflexions sur « la territorialité » du droit d’auteur, « l’avenir » de la copie privée ou encore « le blanchiment » des fichiers piratés. Selon les informations de Edition Multimédi@, des ayants droits de la musique (Sacem/SDRM, Snep/SCPP, SPPF, Spedidam, Adami, …), du cinéma (SACD, Procirep, …), des livres (SNE, SGDL),
des œuvres multimédias (Scam) et des arts graphiques (ADAGP) veulent mettre à contribution les fournisseurs de service de cloud computing pour financer la création
et rémunérer la copie privée (2). Pour cela, ils veulent d’abord auditionner courant novembre Amazon et Apple à propos de leur nuage informatique respectif : Kindle Cloud/WhisperSync et iCloud/iTunes Match. C’est justement en novembre que la marque à la pomme devrait lancer en France son service en ligne iTunes Match. Déjà disponible depuis août en version bêta aux Etats-Unis, il permet de mettre sa propre discothèque musicale – de titres achetés sur iTunes Store ou téléchargés légalement ou pas ailleurs – dans l’iCloud (moyennant 24,99 dollars par an). Lors de la réunion
du 6 octobre, les ayants droits ont déjà pu entendre la directrice juridique de Google France à propos notamment du « nuage » Google Music qui est, lui aussi, en version bêta depuis son lancement en mai dernier. Mais aux dires de personnes présentes au CSPLA, elle serait restée « plutôt évasive » sur ce nouveau service musical non encore disponible en Europe. Les représentants des industries culturelles ont également eu droit à une présentation d’un ingénieur des Mines du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, David Philipona, pour tenter de trouver une définition au cloud computing. Mais, là aussi, les ayants droits n’ont pas vraiment obtenir les clarifications souhaitées.
Il s’agit notamment pour eux de savoir si la taxe « copie privée » peut-être étendue au nuage, quitte à ce que la Commission chargée de la rémunération pour copie privée (présidée par Raphaël Hadas-Lebel) reprenne à son tour le flambeau.
Mais, toujours selon nos informations, le CSPLA se demande s’il ne faut pas également réviser les licences d’exploitation et de diffusion des oeuvres sur Internet. « Y a-t-il nécessité d’acquérir des licences avec les éditeurs de contenu audio et vidéo pour permettre aux utilisateurs de consulter leurs propres bibliothèques musicales ou vidéothèques en streaming ? Y a-t-il nécessité de telles licences lorsque ces fichiers peuvent être partagés avec d’autres utilisateurs ? Quelle incidence pour les licences
en cours ? », lit-on sur l’ordre du jour de la séance. Le nuage permet en effet aux internautes ou mobinautes de stocker à distance, d’écouter et de partager – à partir
de n’importe quels terminaux – leur propre discothèque, vidéothèque, voire « multi-médiathèque ». Mais cela pose le problème de la territorialité du droit d’auteur et de
la législation applicable en matière de financement de la création, lorsque le contenu est mis à disposition et stocké ailleurs qu’en France (3). Faut-il en outre que les nuages des Amazon, Apple et autres Google contribuent au Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) que gère le CNC (4) ? Doivent-il être taxés par le futur Centre national de la musique (CNM).

Piratage : l’hébergeur responsable ?
Autre préoccupation du CSPLA : le piratage. La musique, le cinéma ou encore l’édition
se demandent ce qu’il advient lorsque des fichiers piratés sont hébergés dans le nuage: « Quelle responsabilité de l’hébergeur ? Y-a-t-il un risque de “blanchiment“ des fichiers piratés par le fournisseur qui les valide ? ». Sur la sécurité des données et la protection des identités d’accès au nuage, le CSPLA rejoint là les préoccupation de la Cnil qui a lancé – du 17 octobre jusqu’au 17 novembre – une consultation auprès des professionnels. Mais la démarche de la Cnil ne concerne pas des offres de cloud computing proposées aux particuliers. @

Charles de Laubier

BitTorrent lance dès janvier 2012 un protocole de streaming sur réseau peer-to-peer

La société américaine BitTorrent, dont le célèbre protocole peer-to-peer a été créé
il y a maintenant dix ans pour s’affranchir de tout serveur au profit des ordinateurs interconnectés des internautes, va lancer au CES 2012 un streaming fonctionnant en peer-to-peer !

Les industries culturelles se sont méfiées de BitTorrent, soupçonné de favoriser le piratage sur les réseaux peer-to-peer (P2P). Elles vont peut-être être terrifiées à l’idée
que cette société américaine va lancer, lors du prochain Consumer Electronics Show (CES) de janvier 2012 à Las Vegas, un nouveau protocole sur Internet baptisé P2P Live Streaming Protocol. Il permettra aux internautes de s’échanger entre eux des contenus (films, programmes, vidéos, …) comme ils le font actuellement en téléchargement sur réseau peer-to- peer, mais cette fois en streaming.

S’allier à des fournisseurs de contenus
Comme pour le téléchargement, le flux audio ou vidéo sera véhiculé entre les terminaux des utilisateurs via le réseau peer-to-peer, sans avoir à passer par les fourches Caudines d’un serveur centralisé ni d’un site web. Après avoir dépassé cette année les 100 millions d’internautes actifs chaque mois, BitTorrent génèrerait aujourd’hui à lui seul entre un quart et la moitié du trafic Internet mondial selon les régions. Dix ans après avoir créé ce protocole « pair-à-pair », Bram Cohen, le cofondateur de BitTorrent Inc. – aujourd’hui
« scientifique en chef » (1) – a lui-même mis au point ce P2P Live Streaming. Une démonstration en avait été faite en janvier dernier. Actuellement en fin de « phase Alpha », ce nouveau protocole est prêt à révolutionner la gestion de trafic et l’optimisation de la bande passante sur Internet. Son secret de fabrication : un temps de latence optimisé grâce à des algorithmes de « contrôle des congestions ».
Edition Multimédi@ a tenté en vain de joindre Eric Klinker, le directeur général de BitTorrent, Inc. Dans un entretien réalisé par le groupe britannique Informa, organisateur du Broadband World Forum 2011 fin septembre à Paris, ce dernier laisse entendre que le streaming live sur réseau peer-to-peer sera lancé lors du prochain CES. Et d’expliquer :
« Nous travaillons depuis environ un an sur ce protocole live qui la plupart des mêmes avantages que BitTorrent aujourd’hui. C’est réellement basé sur du peer. Aucun serveur n’est nécessaire ». Pour illustrer la puissance du P2P Live Streaming Protocol, il donne une indication : « Un simple téléphone portable peut desservir une audience de millions [d’utilisateurs], sans infrastructure et en moins de 5 secondes de [temps de] latence ». Avec le streaming pair-à-pair, le patron de BitTorrent entend séduire les opérateurs télécoms, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), les médias et les industries culturelles – cinéma et télévision en tête. « C’est un protocole que nous sommes en train d’implanter pour les télévisions linéaires et les événements en direct », précise Eric Klinker. Il vante aussi les mérites d’une « technologie fondamentale qui est parfaite pour les lourds fichiers des films ». Car BitTorrent veut convaincre les fournisseurs de contenus de s’allier avec lui comme c’est le cas de la société américaine Pioneer One qui produit une web-série diffusée gratuitement avec BitTorrent. En mai dernier, le film The Tunnel a aussi été diffusé sur le réseau peer-to-peer avant sa projection en salles et sa vente en DVD par le géant d’Hollywood Paramount Pictures. Cette quête de reconnaissance mondiale passe aussi par un programme de certification de terminaux (téléviseurs connectés, lecteurs DVD/Blue-ray, box, set-top-boxes, serveurs NAS ou disques durs multimedia, etc).
Lors de l’IFA de septembre, la foire internationale de l’électronique à Berlin, BitTorrent
a présenté avec le fabricant turc Vestel un premier téléviseur connecté estampillé
« BitTorrent Certified ».
Mais Eric Klinker reconnaît que le plus grand challenge est moins technologique que marketing. Le plus dur sera de faire comprendre que BitTorrent n’est pas un protocole pour pirater sur Internet mais « une méthode fantastique de distribution de contenus légaux ». « Le défi, c’est le comportement des utilisateurs. Tenir pour responsables les FAI pour les infractions à la propriété intellectuelle (…), ce n’est pas là que le problème
se trouve. Ce sont plutôt les gens qui l’édite [notre logiciel BitTorrent], qui le rendent disponible et donc le consomment », estime Eric Klinker.

Convaincre opérateurs télécoms et FAI
BitTorrent veut convaincre les FAI d’adopter le nouveau protocole comme l’a fait le britannique Virgin Media devenu Partner. Encore faut-il que les opérateurs de réseaux
et les FAI ne bloquent pas le protocole d’échange, comme l’a fait le câblo-opérateur Comcast aux Etats-Unis avant d’être condamné en 2007 par la FCC (2). En France,
Free fait polémique depuis que les ayants droit viennent de découvrir BitTorrent dans
la Freebox (3) … @

Charles de Laubier

La neutralité d’Internet : « Oui à la discrimination efficace et transparente ! »

Nicolas Curien et Winston Maxwell publient le 10 février prochain aux éditions
de La Découverte « La neutralité d’Internet », dont Edition Multimédi@ dévoile
les bonnes feuilles. Ils se prononcent pour la « discrimination » des contenus
en ligne si elle est « efficace » et « transparente ».

L’un est membre du collège de l’Arcep et diplômé de l’Ecole Polytechnique et de Télécom Paris ; l’autre est avocat associé au cabinet Hogan Lovells et un des six du
« groupe d’experts sur la neutralité de l’Internet » désignés il y a un an par l’ancienne secrétaire d’Etat à l’Economie numérique (1). Nicolas Curien et Winston Maxwell sont coauteurs de « La neutralité d’Internet », un ouvrage de 128 pages.

Pour un « concept de quasi-neutralité »
Le sujet est sensible au moment où l’Assemblée nationale commence à travailler
sur le projet de loi Paquet télécom (2) d’ici au mois de mai, alors que la Commission européenne prépare une communication pour mars prochain. A paraître en février,
cet ouvrage donne le ton : « Non à la discrimination anticoncurrentielle, oui à la discrimination efficace et transparente ! », lancent les deux experts. « Interdire toute forme de discrimination, au nom de la neutralité, serait à la fois irréaliste et nuisible au bon fonctionnement d’Internet. A l’inverse, autoriser toute discrimination serait pareillement indésirable », expliquent- ils. Autrement dit : « En matière de gestion du trafic sur les réseaux des opérateurs, la discrimination est légitime si elle sert un objectif d’efficacité et illégitime si elle vise un objectif anticoncurrentiel ». Parmi les mesures de discrimination efficace, les deux auteurs placent en tête celles de la gestion du trafic –
« qui, par essence, sont non neutres » – pour faire face aux risques de « congestion » ou d’« attaque » sur Internet. En raison de ces « impératifs » et « contraintes », « un réseau ne peut rester parfaitement neutre ». Ils parlent alors du « concept de quasi-neutralité ».
La discrimination efficace consiste aussi pour les opérateurs de réseaux à proposer aux internautes ou aux éditeurs des « qualités différenciées, assortis de barèmes tarifaires étagés : plus haute est la qualité de transport, plus le prix est élevé ». Ils justifient aussi cette discrimination efficace par diverses raisons : financement des réseaux, partage des coûts, lutte contre les contenus illicites et l’insécurité. Au-delà de la question économique de savoir si les fournisseurs de contenus doivent rémunérer les FAI (3)
« à travers la facturation de canaux premium ou l’instauration d’une terminaison d’appels data », les coauteurs insistent plus sur les « effets externes négatifs » de l’explosion du trafic de données. A savoir : la montée de « l’insécurité en ligne » et
« la prolifération des contenus illicites ». Reste à savoir « comment lutter contre ces phénomènes, tout en préservant la neutralité des réseaux ? ». Ils expliquent que le principe fondateur de « best effort » de l’Internet admet déjà des exceptions. « Pour combattre les attaques et le spaming, des équipements spécifiques, utilisant par exemple la technologie DPI (Deep Packet Inspection), opèrent sur les couches hautes [du réseau]. (…) Le protocole TCP/IP natif et ses évolutions permettent d’offrir un traitement prioritaire, ou “priorisation” », précisent-ils. Sur les contenus illicites, Nicolas Curien et Winston Maxwell citent les Etats-Unis où « l’énoncé du principe de neutralité circonscrit le droit de libre-accès à l’information au périmètre des seuls contenus
légaux ». Et les FAI américains peuvent prendre « des “mesures raisonnables de gestion du réseau” (4), dont les actions visant à empêcher l’accès aux contenus
illicites ». Si la restriction au principe de Net Neutrality pour lutter contre le piratage
sur Internet n’a pas suscité de forte réaction outre- Atlantique, ils soulignent qu’« en Europe, et singulièrement en France, le sujet s’est en revanche révélé extrêmement sensible ». Et que « l’intervention des FAI dans la lutte contre le téléchargement illégal [loi Hadopi, ndlr], ou contre la mise en ligne de contenus illicites comme la pédo-pornographie [loi Loppsi, ndlr], est extrêmement controversée ». Par exemple, la crainte du filtrage des contenus sur le Web y est plus exprimée qu’ailleurs. « Mettre en place un processus de filtrage, c’est indéniablement ouvrir la boîte de Pandore », conviennent Nicolas Curien et Winston Maxwell.

Puissance insoupçonnée des “citoyens”
Les auteurs citent non seulement des organisations de « citoyens », comme la Quadrature du Net, qui militent pour les libertés fondamentales, mais aussi des
« citoyens ultra » qui revendiquent « le droit de télécharger librement des œuvres protégées ». Rappelant qu’un amendement Bono (5) avait retardé d’un an le Paquet télécom, l’avocat et le X-Télécom constatent que « la puissance insoupçonnée des “citoyens” (…) ne pourra plus désormais être ignorée ». La « transparence » vis-à-vis des internautes, le « consentement express de l’abonné », voire les « mesures contractuelles » entre le FAI et son client sont autant de pistes explorées par cet ouvrage qui tente de calmer le jeu. @

Charles de Laubier